Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/AIMANTER

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 189-190).

AIMANTER. v. a. Faire toucher une aiguille ou autre chose à de l’aimant, la frotter d’aimant, la faire passer sur une pierre d’aimant Magnete perfricare. Le fer & l’acier ne s’aimantent pas seulement en les faisant toucher à une pierre d’aimant ; les fameuses croix des clochers d’Aix & de Chartres ont assez appris qu’exposé à l’air pendant une longue suite d’années, le fer semble se convertir en un véritable aimant. Une barre de fer posée verticalement a bientôt deux pôles comme l’aimant. On peut en faire l’expérience avec des pincettes de cheminée, pourvu qu’on ait l’attention de ne les pas renverser. M. Rohaut rapporte qu’ayant fait rougir un morceau d’acier long & délié, & l’ayant ensuite trempé en le tenant perpendiculaire à l’horizon, il a trouvé à chacun de ses bouts la vertu d’un des pôles de l’aimant, jointe à celle d’attirer assez bien la limaille de fer. Il y a une façon dont le fer & l’acier s’aimantent, beaucoup plus sure & plus commune que la précédente, & cependant plus connue des ouvriers en fer que des Physiciens. Dans les boutiques de Serruriers, des Couteliers, de Taillandiers, on ne voit qu’outils aimantés. Presque tous ceux dont ces ouvriers se servent pour couper ou percer le fer à froid, comme ciseaux, forêts, poinçons, se chargent de limaille de fer dès qu’on les en approche ; il y en a même qui enlèvent aussi-bien de petits cloux, qu’ils le feroient, si on les avoit fait toucher par un aimant médiocre. Les limes mêmes se trouvent souvent aimantées : en un mot, cela est propre à tous les outils qui entament le fer. Les expériences montrent que ce n’est point la trempe qui leur donne cette propriété. Les outils qui viennent d’être trempés ne l’ont nullement ; mais il ne faut qu’un instant pour la leur donner. Qu’on prenne un ciseau, ou un poinçon au sortir de la trempe ; qu’on pose le taillant de l’un ou la pointe de l’autre sur un morceau de fer, n’importe sous quelle inclinaison, & qu’on donne ensuite un coup de marteau sur l’autre bout de l’outil, en voilà assez, on a aimanté sa pointe ou son taillant. Il a suffi à l’outil de couper le fer, pour prendre la vertu de l’attirer. Après le premier coup de marteau, cette vertu est encore foible ; on l’augmente si l’on recommence à appliquer & à frapper de même cet outil. Et cette opération simple, répétée un nombre de fois, ajoutera toujours à la nouvelle force attractive : mais il y a un terme par-delà lequel on répéteroit inutilement l’opération. La vertu de l’outil n’y gagneroit plus rien. Un morceau de fenton de fer de Berry, c’est-à-dire, de fer très-doux, serré dans un étau, à quatre ou cinq pouces d’un de ses bouts, plié & replié plusieurs fois dans le même endroit, se casse. Aussitôt on présente la cassure de chaque bout à de la limaille de fer, elle s’en couvre entièrement ; elle en attireroit moins, si elle n’eût touché qu’un aimant foible. Toutes choses d’ailleurs égales, plus le fer qu’on a cassé est doux, plus il est fibreux, plus il s’est laissé tourmenter avant que de se casser, plus vigoureusement se trouve-t-il aimanté dans ses cassures. Le fer à lames, le fer cassant s’aimante plus foiblement ; mais l’acier trempé s’aimante encore moins. Pour l’acier non trempé, l’acier recuit, il s’aimante plus ou moins, selon qu’il est plus ou moins doux. En général on ne trouve point de fer dont la cassure n’attire au moins quelques grains de limaille, si on l’essaie dans l’instant qu’elle vient d’être faite. Voyez M. De Reaumur. Acad. des S. 1724. Mém. p. 181 & suiv.

AIMANTÉ, ÉE. part. L’aiguille aimantée est l’aiguille de la boussole. Magnete perfrictus.