Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/AGNEAU

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 161-162).

AGNEAU. s. m. Jeune animal engendré d’une brebis & d’un belier. Le petit du belier & de la brebis. Agnus. Agneau de lait. Lactens. Après six mois il devient belier, ou brebis, si c’est une femelle : mouton, s’il est châtré. La plûpart des Parisiens prononcent anneau. Mais il faut nécessairement dire agneau, en conservant au gn, le son qu’il a dans ignorant, & on ne doit prononcer anneau, qu’en parlant d’une bague. Restaut. Le P. Buffier, p. 138 de sa Gr. F. in-12. 1714, dit que l’usage semble partagé ; que les gens de lettres prononcent plus souvent agneau, & les personnes de la Cour plus souvent anneau. Il faut croire que M. Restaut, qui avoit lû cette remarque, a eu de bonnes raisons de n’y pas souscrire, & que son sentiment conforme à celui de tant d’autres doit prévaloir. Quoi qu’il en soit, il faut faire sentir le g en parlant de l’Agneau Paschal que les Juifs mangeoient en mémoire de la délivrance que Dieu avoit procurée à leurs peres, & qui devoit être immolé vers la fin du quatorzième jour du mois de Nisan. Ils le mangeoient solennellement avec des pains sans levain, & des laitues sauvages, à l’entrée de la nuit. Anciennement le clergé de la cathédrale de Marseille observoit la coutume toutes les années, de manger un agneau rôti le jour de Pâque, en mémoire de la solennité de la fête de la résurrection de N. S. J. C. Cette cérémonie se pratiquoit après avoir chanté Tierce ; & pendant le repas, le lecteur lisoit le premier Livre des Morales, & le dernier de la Cité de Dieu de S. Augustin, qui traitent de la résurrection de nos corps. Il m’a été impossible de savoir en quel temps cette coutume fut supprimée. Les Arméniens en pratiquoient encore une presque semblable l’an 1560 ; car le jour de Pâque ils pendoient au milieu de leur église un agneau rôti, dont l’Evêque revêtu de ses habits pontificaux, le clergé & le peuple, mangeoient chacun un morceau ; mais peu-à-près elle fut abolie par un de leurs Evêques, qui avoit été religieux dans l’ordre de S. Dominique. De Ruffi. Hist. de Mars. Autrefois on bénissoit le jour de Pâque pendant la Messe l’Agneau Pascal que l’on devoit manger, comme il paroît par la vie de S. Uldric, Evêque d’Ausbourg. On ne fait plus cette cérémonie pendant la Messe dans les communautés anciennes où elle se pratique encore, comme dans l’Abbaye de S. Victor à Paris, où on le bénit dans le réfectoire, & on le mange à dîner.

La diminution du nombre des bêtes à laine a souvent obligé de défendre l’usage de la chair des agneaux. Charles IX le défendit en 1563, & Henri III en 1577. De la Mar. Le Roi le défendit aussi en 1714. Ce mot vient de anniculus, car il perd son nom, dès qu’il a passé l’année ; ou d’ἀρνός en Grec, qui signifie la même chose.

Varron dit que les agneaux sevrés sont sujets à mourir de chagrin. Cùm depulsi sunt agni à matribus, adhibenda est cura ne desiderio senescant. C’est pour cela qu’à un homme qui se consumoit à la Cour sans avancer, on donna pour devise un agneau, avec ce mot, Desiderio senescit

Agneau, se dit figurément de l’homme d’une humeur très-douce, même des animaux apprivoisés. Jésus-Christ s’est laissé conduire à la mort comme un agneau. Ce cheval, depuis qu’il est dompté, est un agneau ; il est doux comme un agneau.

Agneau, en termes de Blason, est l’hiéroglyphe de l’homme paisible, simple & débonnaire, qui a le cœur ouvert & franc. Les Séguiers portent d’azur au chevron d’or accompagné en chef de deux étoiles de même, & en pointe d’un agneau d’argent. En termes de Blason on donne le nom d’Agneau Paschal, à celui qui tient une banderole.

Agneau de Scythie. s. m. Agnus Scythicus. En langue barbare, Barometz, Berometz, ou Borometz. Cette plante est fort célébre parmi les Naturalistes. Voici la description qu’en a fait Jules-César Scaliger. Cet arbrisseau de Tartarie croît principalement dans le Zauolhan. Il est haut d’environ trois pieds. Il ressemble à un agneau par les pieds, les onglets, les oreilles & la tête, si on en excepte les cornes, à la place desquelles il a une touffe de poils. Il est couvert d’une peau légère dont les habitans se servent pour faire des bonnets. On prétend que la pulpe intérieure de cette plante ressemble à la chair de l’écrevisse de mer, & qu’il en sort du sang lorsqu’on y fait une incision ; elle est d’un goût extrêmement doux, & sa racine s’étend fort loin dans la terre : ce qui augmente le prodige, c’est qu’elle tire, dit-on, sa nourriture des arbrisseaux qui sont aux environs, mais elle périt lorsqu’ils meurent, ou qu’on vient à les arracher.

Quelques-uns ont cru que cette plante étoit un Zoophyte, c’est-à-dire, une Plante-animale, parce qu’on a remarqué que l’herbe qui est autour de cette plante, périssoit, & l’on a supposé que l’Agneau Plante-animal la broutoit. On a soin de tailler cette plante en mouton, dont les racines servent de pieds ; & comme elle est naturellement chargée d’un certain poil, cela a encore contribué à faire croire que c’étoit un animal. Cependant c’est une simple plante comme les autres, autour de laquelle l’herbe se desséche, parce qu’elle n’en peut souffrir le voisinage. Voy. Baromets.

Agneau de Dieu. C’est le nom d’un Ordre de Chevalerie, qui s’appelle autrement de l’Agnus Dei. Cet Ordre fut institué en Suède par Jean III en 1569, quelque temps après qu’il fut parvenu à la Couronne.