Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ACCOMMODER

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 68-69).

ACCOMMODER. v. a. Rendre une chose facile, commode, la réparer. Aptare, reparare, reficere. On a donné ordre pour accommoder les chemins. Il faut accommoder cette selle, la rembourer, la rendre moins dure, & plus commode.

Accommoder, signifie aussi, arranger, mettre en ordre, en bon état. Componere, concinnare. Il a pris grand soin d’accommoder sa chambre, son cabinet ; d’orner, d’accommoder son jardin, sa maison.

On le dit aussi des choses qui regardent l’ornement de la personne. Comere. Cette femme est toujours deux heures à s’accommoder ; c’est-à-dire, à s’ajuster & à se parer. Ce Barbier accommode bien la perruque, les cheveux.

Accommoder, signifie aussi, préparer, apprêter, assaisonner. Parare, apparare, instruere, condire. Ce Cuisinier accommode fort bien à manger. On est fort bien accommodé dans cette hôtellerie ; c’est-à-dire, on y est bien traité, & bien servi. A quelle sauce voulez-vous qu’on accommode ce poisson.

Accommoder, se dit aussi en parlant de ce qui est à la bienséance, au voisinage de quelqu’un. Convenire. Cette terre accommoderoit bien cette Seigneurie, parce que l’une releve de l’autre. Vous ferez aisément marché avec ce curieux, tout l’accommode.

Accommoder, signifie, presqu’en même sens, traiter, acheter, prêter, permuter. Si vous voulez m’accommoder de cette terre, je l’acheterai. Si vous voulez m’accommoder de quelque argent, vous me ferez plaisir.

Accommoder, signifie aussi débrouiller ses affaires, les rétablir, faire fortune, gagner du bien, reparare, restituere, rem facere. Cet homme s’est bien accommodé dans cette charge:il étoit gueux, il a bien accommodé ses affaires. Il est du style familier.

Accommoder, signifie aussi terminer un procès à l’amiable, & mettre les personnes d’accord. Controversiam dirimere, componere. Accommoder une affaire, une querelle. Ils étoient prêts à se battre, on les a accommodés.

On le dit aussi des Loix, des passages des Auteurs & autres choses qui semblent se contrarier, & que l’on cherche à concilier. Conciliare. Comment accommodez-vous cette Loi du Digeste avec cet autre du Code ? Comment accommodez-vous la dévotion avec la coquetterie ? Il y a des dévots qui accommodent la Religion à leur intérêt.

Accommoder, se dit aussi avec le pronom personnel, & signifie être facile, commode dans la négociation, dans la manière de vivre. Fingere, accommodare se ad voluntatem, &c. Il y a plaisir de traiter avec cet homme-là ; c’est un homme d’un esprit aisé, & d’une humeur agréable, qui s’accommode à tout. En ce sens on dit aussi, qu’un homme sage doit s’accommoder au temps. Servire tempori, &c. C’est-à-dire, se conformer à l’usage, aux lieux, aux humeurs, à la volonté, à la capacité des personnes à qui il a affaire, pour vivre en repos, & dans l’estime publique. La science d’un homme sage est de s’accommoder au temps. Le Gend. Il faut que la raison s’accommode à la sensibilité de la nature, & que dans les extrêmes déplaisirs elle lui laisse verser des pleurs. Cail. Pour être heureux par les passions, il faut que toutes celles que l’on a s’accommodent les unes avec les autres. Fonten. Les soupirs & les langueurs ne s’accommodent point à la fierté d’un Héros. Cail. C’est-à-dire, qu’ils ne compatissent point ensemble. Saint Ignace disoit qu’il ne faut pas accommoder les affaires à soi, mais qu’il faut s’accommoder aux affaires. Bouh. Quand on n’a pas de quoi s’accommoder, il faut s’accommoder de ce qu’on a. R.

S’accommoder, avec la particule de, signifie trouver une chose bonne, commode, ou du moins ne la trouver pas mauvaise, s’en servir, en user volontiers. Convenire, uti, adhibere. Je ne saurois m’accommoder de ce valet, pour signifier, je ne puis m’en servir. On dit qu’un homme ne s’accommode pas de toutes sortes de personnes, pour dire, que toutes personnes ne lui plaisent pas; qu’il s’accommode dans un lieu, pour exprimer qu’il s’y trouve bien. Je ne m’accommode point de la solitude, ce genre de vie est trop ennuyeux. Le P. Malebranche pensoit trop subtilement pour s’accommoder de pensées qui sont naturelles. La Bruy. Socrate, dont la vertu n’étoit point farouche, s’accommodoit de l’innocente joie des festins. M. Scud.

Accommoder, avec le nom personnel, signifie encore prendre sans façon, s’approprier les choses un peu hardiment. Usurpare, vindicare. Cet homme s’accommode de tout ce qu’il trouve ; c’est-à-dire, il s’en saisit, il s’en empare. On dit aussi, voyez comme il s’accommode ; pour exprimer, qu’il prend ses commodités avec beaucoup de liberté.

Accommoder, se prend quelquefois à contresens, & en mauvaise part, & signifie maltraiter, ou de paroles, ou de coups ; gâter, mettre en désordre & en mauvais état. Malè habere. Il est tombé entre les mains de voleurs, d’assassins, qui l’ont accommodé d’une étrange manière. Il est tout couvert de boue, le voilà mal accommodé. Bon Dieu ! comme il s’est accommodé. En quel état il s’est mis. Expressions familières. On dit populairement, je vais l’accommoder de toutes pièces. Ablanc. Dans le jugement de ce procès il a été mal accommodé ; il y a eu de sévères condamnations contre lui.

On dit aussi par raillerie, d’un homme qui s’est enivré, qu’il s’en est donné, qu’il s’est accommodé de la belle manière ; pour dire, qu’il en a pris avec excès.

Accommoder, se dit proverbialement dans ces phrases. On l’a accommodé tout de rôti, pour dire, on l’a fort maltraité. On dit aussi, accommodez-vous, le pays est large ; pour se moquer d’un homme qui se met à son aise, qui prend ses commodités sans beaucoup de cérémonie.

ACCOMMODÉ, ÉE. part. Compositus. Un procès accommodé. Un homme assez accommodé des biens de la fortune. Dives. Masc.