Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ACADÉMIE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 52-56).

ACADÉMIE. s. f. Lieu délicieux, ou maison de plaisance, située dans un fauxbourg d’Athènes à un mille de la ville. Ceux qui ont fait venir ce nom de Cadmus, parce qu’il fut le premier Instaurateur des Lettres chez les Grecs, se sont trompés. D’autres disent que ce mot est composé de deux mots Grecs, ἀϰὸς, qui signifie remède, & δήμος, qui veut dire Peuple, comme si les Académies étoient le remède du peuple. Sa véritable origine vient d’Academus, ou Ecademus, nom d’un Bourgeois d’Athènes, dont la maison servit à enseigner la Philosophie. Il vivoit du temps de Thésée. C’est dans sa maison située dans le fauxbourg d’Athènes, que Platon enseigna la Philosophie. Cimon l’orna, & l’embellit de fontaines & d’allées d’arbres, pour la commodité des Philosophes qui s’y assembloient. On y enterroit les grands hommes qui avoient rendu de signalés services à la Patrie. Depuis Platon, tous les lieux où se sont assemblés les gens de Lettres, ont été nommés Académie. Sylla sacrifia aux loix de la guerre les délicieux bocages, & les belles allées que Cimon avoit fait dresser dans l’Académie d’Athènes, & employa ces arbres à faire des machines pour battre la ville. Cicéron avoit une maison près de Pouzzol, à qui il donna le même nom : c’est-là qu’il écrivit ses Questions académiques & ses livres de Naturâ Deorum, de Amicitiâ, & de Officiis, dit M. Harris.

Académie, se prend aussi pour la Secte des Philosophes. On compte trois Académies, trois Sectes académiciennes. Quelques-uns en comptent même jusqu’à cinq. Platon fut le chef de l’ancienne. Arcésilas, l’un de ses successeurs, apporta quelques changemens dans sa Philosophie, & fonda, par cette réforme, ce qu’on appelle la seconde Académie. On attribue à Lacides, ou à Carnéades, l’établissement de la troisième ou nouvelle Académie. Quelques Auteurs ajoutent deux Académies. Une quatrième fondée par Philon & Carmides, & une cinquième fondée par Antiochus, & nommée Antiochienne, qui allioit l’ancienne Académie avec le Stoïcisme. Voyez sur tout cela les Questions académiques de Cicéron; personne n’a mieux débrouillé les différens sentimens, ou plutôt les différentes méthodes de traiter la Philosophie, dont se servoient ceux qu’on appelait de son temps les partisans de la nouvelle, & de l’ancienne Académie. L’ancienne Académie doutoit absolument de tout, & alloit même jusqu’à douter s’il falloit douter, se faisant une espèce de principe de ne jamais rien assurer, & de ne jamais rien nier, de ne tenir rien ni pour vrai, ni pour faux. La nouvelle Académie étoit un peu plus raisonnable : elle reconnoissoit plusieurs vérités, mais sans s’y attacher avec assurance. Ces Philosophes s’appercevoient bien que le commerce même de la vie & de la société est incompatible avec ce doute absolu & général de l’ancienne Académie ; mais cependant ils regardoient les choses comme probables, plutôt que comme vraies & certaines ; & par ce tempéramment ils croyoient se tirer des absurdités dans lesquelles tomboit l’ancienne Académie. Voyez encore Vossius, de Sect. Philos. c. 12, 13 14, 15, & Georges Hornius, Hist. Philos. L. 3. C. 20.

Académie. s. f. Assemblée de gens de Lettres, où l’on cultive les Sciences & les beaux Arts. Academia. Le premier Instituteur des Académies, & qui le premier leur a donné des règlemens, est Antonio Panormita, sous le règne d’Alphonse I. d’Arragon roi de Naples, qui favorisa beaucoup cette institution. Voyez Bernardino Tafuri, Dell’invenzioni uscite dal regno di Napoli, dans le Racc. d’Opusc. XII. p. 380 & suiv.

Jovianus Pontanus succéda au zèle & au soin qu’avoit eu Panormita de cette Académie. Une partie des Académiciens qui s’y firent recevoir, furent André-Matthieu Acquaviva Duc d’Acri, Alphonse Janvier, Alphonse Gianuario, Alexander ab Alexandro, Antoine de Ferrariis, Antoine Giarlone Seigneur d’Alifé, Antoine Tebaldo, Belisaire Acquaviva Duc de Nardo, Elie Matchèse, Ferdinand d’Avalos Marquis de Pescara, François Puderico, Jean de Sangro, le Cardinal Jérôme Séripando Archevêque de Salerno, Jérôme Carbone, Junianus Maggius Maître de Sannazaro, Jean Aniso, Jérôme Angeriano, Jérôme Borgia, Gabi-Altilio, Jean Eliseo d’Anfratta, dans l’Apouille, Jacques Sannazareo, Luc Grasso, Maxime Cruino, Pierre-Jacques Gianuario, Pierre Compare, Pierre Summonte, Rutilio Zenone, Trojano Cabaniglia Comte de Troja & de Montella, Tristan Carraciolo Thomas Fusco, &c. Les étrangers furent M. Anton. Flaminius de Sicile, M. Ant. Michele Vénitien, Barthélemi Scala de Florence, Basile Zanchi de Lucques, Cariteo Espagnol, le Cardinal Gilles de Viterbe, de l’ordre des Ermites de saint Augustin, Jean Cotta de Vérone, Pierre Valérien François, Jacques Latomus de Flandre, Jean Pardo Arragonois, le Cardinal Jacques Sadoleri de Modène, Louis Montalte de Syracuse, Matthieu Albino de Venise, Michel Marulle de Constantinople, Nicolas Grudius, Pierre Gravina de Catane, le Cardinal Pierre Bembe & autres : tous gens célèbres par leur capacité & leurs ouvrages. Cette Académie fut établie en 1470. La seconde qui fut établie en Italie, fut celle de Florence, que la libéralité de Laurent de Médicis fit naître. La troisième fut érigée par le Duc d’Urbin. Le Cardinal Bembe & Castiglione en parlent avec éloge. La quatrième est celle de Sienne. Voyez M. Tafuri, Racc. d’Opusc. XII. pag. 380. 420.

L’Abbé Piazza a donné le catalogue de toutes les Académies d’Italie, avec leurs noms bizarres, après en avoir fait une recherche exacte. P. Helyot T. VIII. p. 444.

En France il a toutes sortes d’Académies établies par Lettres Patentes dans Paris : l’Académie Royale des Sciences, pour cultiver la Physique, la Chimie, & les Mathématiques : l’Académie Françoise pour la pureté de la Langue : l’Académie des Médailles & des Inscriptions : l’Académie d’Architecture, pour les bâtimens. L’Académie de Peinture est une école de Peintres & de Sculpteurs ; & l’Académie de Musique est établie pour les Opéra. Il y en a même d’établies dans les villes particulières, comme Arles, à Soissons, à Nismes, &c. Il y a à Toulouse l’Académie des Lanternistes.

Académie Françoise. Compagnie de gens de lettres, dont l’objet est de travailler à la perfection de la Langue françoise. Academia Gallica. L’Académie Françoise n’a été établie par édit du Roi qu’en l’année 1655 ; mais on peut dire que son origine est de quatre ou cinq ans plus ancienne, & qu’elle doit en quelque sorte son institution au hasard. Environ 1629, quelques particuliers logés en divers endroits de Paris, ne trouvant rien de plus incommode dans cette grande ville, que d’aller fort souvent se chercher les uns les autres sans se trouver, résolurent de se voir un jour de la semaine chez l’un d’eux. Ils étoient tous gens de lettres, & d’un mérite fort au-dessus du commun : M. Godeau, depuis Evêque de Grasse, qui n’étoit pas encore Ecclésiastique, M. de Gombault, M. Chapelain, M. Conrart, M. Giry, M. Habert commissaire de l’Artillerie, M. l’Abbé de Cérisy son frère, M. de Serizay & M. de Malleville. Ils s’assembloient chez M. Conrart. Là ils s’entretenoient familièrement de toutes sortes de choses, d’affaires, de nouvelles, de belles lettres. Si quelqu’un de la compagnie avoit fait quelque ouvrage, il le communiquoit volontiers à tous les autres, qui lui en disoient librement leur avis ; & dans la suite, quand ils parloient de ce temps-là, & de ce premier âge de l’Académie, ils en parloient comme d’un âge d’or.

Ils avoient arrêté de ne parler à personne de leurs assemblées, & cela fut observé exactement pendant ce temps-là : mais enfin vers le commencement de l’année 1634, le cardinal de Richelieu en eut connoissance, & leur fit proposer de faire un Corps, de s’assembler régulièrement, & sous l’autorité publique. Ils l’acceptèrent, malgré les oppositions de deux d’entre eux ; & pour donner quelque forme & quelque ordre à leurs assemblées, ils résolurent de créer d’abord trois Officiers : un Directeur & un Chancelier, qui seroient changés de temps en temps, & un Secrétaire qui seroit perpétuel. Outre ces trois Officiers on créa un Libraire de l’Académie, lequel devoit aussi lui servir comme d’Huissier. On donna à la Compagnie le nom d’Académie Françoise, qui avoit été approuvé par le Cardinal. Quelques-uns l’ont nommée depuis l’Académie des beaux esprits. D’autres l’Académie de l’éloquence. Plusieurs ont cru qu’elle s’appeloit l’Académie éminente, par allusion à la qualité du Cardinal son protecteur ; mais elle ne s’est jamais appelée elle-même que l’Académie Françoise.

Par une lettre du 22 Mars 1634, elle supplia le Cardinal d’être son protecteur. Les lettres patentes de l’établissement furent expédiées au mois de Janvier 1635, & elles furent apportées à la compagnie le 29 Janvier de la même année. Les statuts qu’on avoit faits, furent approuvés par le Cardinal ; mais les lettres patentes ne furent enregistrées au Parlement, qu’après bien des difficultés, & le furent enfin le 10 Juillet 1637, avec cette restriction : A la charge que ceux de ladite assemblée & Académie ne connoîtront que de l’ornement & embellissement & augmentation de la Langue Françoise, & des livres qui seront par eux faits, & par autres personnes qui le désireront & voudront.

L’Académie prit un contre-sceau, où doit être représentée une couronne de laurier, avec ces mots : A l’Immortalité.

Le nombre des Académiciens est de quarante, d’où vient qu’on les a souvent appelés les Quarante de l’Académie Françoise. Pour élire ou destituer un Académicien, il faut que les Académiciens soient assemblés au nombre de vingt au moins. Ces élections & destitutions se font par ballotes blanches & noires. Pour élire, il faut que le nombre des blanches passe de quatre celui des noires. Pour destituer, il faut que celui des noires passe de quatre celui des blanches. L’Académie ne s’est assemblée d’abord qu’une fois par semaine. Ce fut d’abord le lundi ; puis le mardi, ensuite le samedi, après quoi l’on revint au mardi. Enfin, à raison de son travail pour un Dictionnaire, elle s’assembla deux fois chaque semaine, le mercredi & le samedi. Aujourd’hui elle s’assemble trois fois par semaine, le lundi, le jeudi & le samedi. Les réceptions des Académiciens se font le jeudi dans des assemblées publiques. Ces assemblées se sont tenues pendant dix ans chez différens membres de l’Académie. Enfin en 1643, le 16 Février, M. le Chancelier Séguier, devenu protecteur après la mort du Cardinal, les fit tenir chez lui. Depuis, le feu Roi Louis le Grand s’étant fait protecteur de l’Académie, lui donna un appartement au Louvre, pour tenir ses assemblées. Ce fut le 28 Janvier 1642, que Louis XIV eut la bonté de prendre le titre de protecteur de l’Académie Françoise, qui a passé à son successeur.

Dès les commencemens, l’Académie projeta de faire un Dictionnaire de notre langue, une Grammaire & un Traité de la Poësie Françoise. Son Dictionnaire parut pour la première fois en 1684, en deux volumes in-folio. Les termes des arts & des sciences y manquoient, M. De C. de l’Académie Francoise, y suppléa par un Dictionnaire des arts & des sciences, publié la même année, en deux volumes aussi in-folio.

M. Pelisson a écrit l’Histoire de l’Académie Francoise depuis son origine jusqu’à son temps. M. l’Abbé d’Olivet en a donné la suite.

l’Académie des Sciences. Regia Scientiarum Academia. Elle fut établie en 1666, par les ordres du Roi, mais sans aucun acte émané de l’autorité royale. En 1699 le Roi lui donna une nouvelle naissance, en lui donnant une nouvelle forme. Le réglement est du 26 Janvier 1699. En vertu de ce réglement, l’Académie est composée de quatre sortes d’Académiciens, les Honoraires, les Pensionnaires, les Associés & les Elèves ; la première classe composée de dix personnes, & les trois autres chacune de vingt. Les Honoraires doivent être tous regnicoles ; les Pensionnaires doivent être tous établis à Paris ; des Associés huit peuvent être étrangers ; les Elèves doivent être tous établis à Paris. Les Officiers de l’Académie sont, un Président, qui est nommé tous les ans par le Roi, un Secrétaire & un Trésorier. Les Académiciens tiennent leurs assemblées deux fois la semaine dans une des salles du vieux Louvre. Les jours de ces assemblées sont le Mercredi & le Samedi : deux de ces assemblées sont publiques, la première après la S. Martin, & la seconde après le Dimanche de Quasimodo. A chaque assemblée le Roi fait distribuer quarante jetons d’argent aux Académiciens pensionnaires qui s’y trouvent présens. La fin de cette Académie est de perfectionner la Physique, les Mathématiques, la Géométrie, la Médecine, la Chimie, l’Anatomie, la Chirurgie.

Il y a à Montpellier une Académie sous le nom de Société Royale des Sciences. Elle fut établie en 1706 par lettres patentes du Roi, qui la mit sous sa protection. Il a voulu qu’elle ne fît qu’un seul & même corps avec l’Académie Royale des Sciences de Paris. Elle est composée de dix Honoraires ; & quinze autres Académiciens, savoir, trois Astronômes, trois Mathématiciens, trois Chimistes, trois Botanistes & trois Physiciens. Chacun de ces Académiciens peut avoir son élève ou son adjoint. Elle s’assemble une fois la semaine, & tous les ans après la S. Martin elle tient une assemblée publique.

Il y en a aussi une établie à Bordeaux depuis 1713.

Académie Royale des Inscriptions et Belles-Lettres. Elle fut établie en 1663, par le Roi, sous le ministère de M. Colbert ; mais c’est proprement en 1701 qu’elle a reçu sa forme par les soins de M. l’Abbé Bignon. Les Académiciens qui la composent, sont au nombre de quarante, divisés en trois classes, qui sont les Honoraires, les Pensionnaires & les Associés. Leurs conférences se tiennent dans une salle du vieux Louvre, le mardi & le vendredi de chaque semaine. Deux fois l’année il y a une assemblée publique, l’une après la S. Martin, & l’autre après le Dimanche de Quasimodo. Elle fut nommée d’abord Académie des Médailles & des Inscriptions ; elle a pris depuis le nom d’Académie des Inscriptions & Belles-Lettres.

Les Académies des villes de province, comme de Lyon, de Marseille, de Caen, & les autres tiennent plus de l’Académie des Belles-Lettres, que d’aucune autre, ou plutôt sont des Académies de Belles-Lettres.

Académie d’Architecture. Elle fut établie le 30 Novembre 1671, par les soins de M. Colbert, qui la forma de tous les Architectes renommés du Royaume. Le Roi la mit sous la direction du Surintendant des Bâtimens, qui étoit alors M. Colbert. Les Académiciens sont distribués en deux classes ; leur nombre n’est pas déterminé. Ils s’assemblent tous les lundis au Louvre. Le Roi entretient un Professeur public d’Architecture, qui donne dans le même lieu ses leçons deux fois la semaine, le lundi & le jeudi. M. Blondel est le premier qui l’ait fait. M. de la Hire l’a fait aussi bien des années.

Académie de Peinture et de Sculpture. C’est une Académie établie par le feu Roi Louis le Grand de glorieuse mémoire, & dont le Roi Louis XV, son arrière-petit-fils, s’est déclaré le protecteur en 1748. Le Cardinal Mazarin en fut le premier protecteur, & M. le Chancelier Séguier vice-protecteur. Elle est composée des meilleurs Peintres & Sculpteurs de France. Pour y entrer, il faut donner des preuves de la capacité par quelque morceau que l’on fournit. Elle a un Directeur qui préside aux assemblées, porte la parole dans les occasions qui le présentent, & a une inspection générale sur tout ce qui se passe dans l’Académie. Il peut être changé tous les ans ; mais la coutume est de le continuer trois ans. Elle a un Chancelier pour viser & sceller du sceau de l’Académie, les lettres de réception, & autres actes qui en sont émanés. Il est perpétuel. Elle a quatre Recteurs, pour présider par quartier aux assemblées en l’absence du Directeur, & pour se trouver à l’Académie pendant les trois mois de leur exercice, pour veiller avec le Professeur de mois à l’ordre qui se doit observer dans l’école du modèle, & juger ensemble des ouvrages des étudians, & des récompenses qu’ils méritent. Ils sont à vie, à la réserve du dernier, qui peut être changé tous les ans. Les Recteurs ont deux adjoints pour suppléer à leur absence. Il y a douze Protecteurs qui sont en fonction pendant un mois chacun. Ils doivent se trouver tous les jours à l’Académie à l’heure que se tient l’école du modèle, pour tenir les élèves assidus & en règle, les corriger, & avoir soin des affaires particulières. On en peut changer au sort jusqu’à deux tous les ans. Il y a huit Adjoints aux Professeurs, qui en font les fonctions quand ils sont absens ou empêchés. Deux Professeurs, l’un en Anatomie, l’autre en Géométrie & Perspective. Un Trésorier qui fait la recette & la distribution des pensions du Roi & des autres deniers de l’Académie ; il a la garde des ouvrages de Peinture, de Sculpture & des meubles : il peut être changé tous les trois ans. Il y a des conseillers divisés en deux classes : dans la première sont des personnes de considération, qui sont admises par honneur, comme Amateurs des arts, du dessein, & connoisseurs. Ils ont voix délibérative avec les Officiers, & rang dans la liste après les Recteurs & Adjoints des Recteurs. La seconde est composée de six Académiciens renommés par leurs talens. Le Secrétaire Historiographe tient les registres des délibérations & des expéditions ; il a la garde des titres & papiers, fait l’ouverture des propositions & des affaires dont on doit traiter en chaque assemblée, recueille ce qui se dit dans les conférences pour le mettre au net : il a la garde des sceaux en cas de maladie ou d’absence du Chancelier, pour sceller en présence de la Compagnie. Il est perpétuel.

On est reçu dans cette Académie, ou comme Peintre, ou comme Sculpteur. Les Peintres y sont reçus selon leurs talens, & avec distinction de ceux qui travaillent à l’histoire, & de ceux qui ne font que des portraits, ou des batailles, ou des paysages, ou des animaux, ou des fruits, ou des fleurs, ou qui ne peignent que de miniature, ou qui s’appliquent à la gravure, ou à quelque autre partie qui regarde le dessein.

Pour service, l’Académie de Peinture a deux Huissiers pour ouvrir & fermer les portes, & tenir l’appartement propre : le premier fait la fonction de concierge. Elle a encore deux hommes entretenus pour servir de modèle dans l’école.

Louis le Grand a donné à cette Académie, comme aux autres, un appartement au Louvre, composé d’un grand nombre de pièces ornées d’une grande quantité d’ouvrages excellens de sculpture & de peinture.

L’Académie de Peinture & de Sculpture doit son établissement à Martin Charmois.

Il y a deux modèles c’est-à-dire, deux hommes bien faits de corps, que l’on expose nus tous les jours à six heures du soir, & que l’on fait mettre en différentes postures ou attitudes, pour donner lieu de se perfectionner aux jeunes gens qui ont du génie pour le dessein, & pour apprendre de la nature même l’art de dessiner correctement. Le jour de la fête de S. Louis on distribue des prix à ceux qui ont le mieux réussi. Cette Académie tient ses assemblées au Louvre, le dernier samedi de chaque mois. Une de ses principales constitutions, est que tous ceux qui la composent, sont obligés d’exposer au public de leurs ouvrages à la S. Louis. Ils s’exposent dans les galeries du Louvre, & restent exposés pendant quinze jours.

Outre cette Académie de Peinture & de Sculpture établie au Louvre, il y en a encore deux autres à Paris, dont l’une est à l’Hôtel royal des Gobelins, sous les ordres de l’Académie Royale du Louvre ; & l’autre est dirigée par les Maîtres Peintres & Sculpteurs, & leur bureau est rue des Hauts-Moulins près de saint Denis de la Chartre.

Académie Royale de Musique. Regia Musicæ Academia. Voyez Opéra.

Académie Royale de Chirurgie, établie pour la perfection de l’art de guérir les maladies qui exigent la main du Chirurgien. Voyez Chirurgie.

Il y a aussi dans la plupart des villes d’Italie des Académies dont les noms sont curieux à cause de leur bizarrerie. A Sienne on appelle les Académiciens, Intronati : à Florence, Della Crusca ; à Rome, Humoristi, Lyncei, Fantastici ; à Bologne, Otiosi ; à Gènes, Addormentati ; à Padoüe, Ricovrati, & Orditi ; à Vicence, Olympici ; à Parme, Innominati ; à Milan, Nascosti, à Naples, Ardenti ; à Mantoüe, Invaghiti ; à Pavie, Affidati ; à Césene, Ossuscati ; à Fabriano, Disuniti ; à Fayence, Filoponi ; à Ancone, Caliginosi ; à Rimini, Adagiati ; à Cita del Castello, Assorditi ; à Pérouse, Insensati ; à Ferme, Rafrontati ; à Macerata, Catenati ; à Viterbe, Ostinati ; à Alexandrie, Immobili ; à Bresse, Occulti ; à Trévise, Perseveranti ; à Vérone, Filarmonici ; à Cortone, Humorosi ; à Lucques, Oscurri. M. Pélisson a donné ce catalogue dans son Histoire de l’Académie. Maseurat ajoute les Sileni à Ferrare ; les Agitati, à Cita di Castello, mettant les Assorditi à Urbin.

Il y a encore à Florence une Académie de Physique nommée del Cimentò où l’on fait plusieurs expériences physiques & astronomiques. Elle a été établie par Laurent de Médicis, & est souvent citée par Francisco Redi, Médecin. Au reste, l’Académie della Crusca à Florence est différente de l’Académie de Florence, laquelle est plus ancienne que celle della Crusca. On les a souvent confondues, & le Tasse même s’y méprit d’abord. Il attribua à l’Académie de Florence la critique que quelques Académiciens della Crusca firent de ses ouvrages dans les premiers temps de l’établissement de cette Académie. Voyez tout cela fort bien détaillé dans l’Aminta diffesa du savant M. Fontanini. Il falloit aussi ajouter l’Académie des Arcadiens à la liste des autres. Car quoique ces Messieurs ne se donnent point le titre d’Académiciens, & qu’ils affectent de ne se servir que de termes conformes à la qualité qu’ils prennent de Bergers d’Arcadie ; cependant on appelle Académie, ce qu’ils ne veulent appeler que Ragunanza, ou Assemblée, parce qu’effectivement on se propose à-peu-près le même but dans leurs assemblées que dans les autres Académies, qui sont établies pour entretenir une noble émulation parmi les savans, & sur-tout parmi ceux qui cultivent la Poësie, & ce qu’on appelle plus particulièrement les Belles-Lettres. On a depuis peu établi à Venise une Académie de Savans ; une autre à Dublin ; une autre à Oxford, qui travaillent à l’avancement des Sciences. Il y a une Académie en Allemagne, établie sous le titre d’Académie des Curieux des secrets de la Nature dans le Saint Empire Romain. L’Empereur lui donna la protection en 1670. Elle fut établie dès 1652 par le sieur Bauch Médecin. L’une des plus fameuses de toutes les Académies, est celle qui est établie à Londres, sous le nom de Société Royale d’Angleterre, qui est composée de plusieurs Savans de qualité, qui nous ont donné plusieurs beaux ouvrages, & dont on a vu aussi d’excellens Journaux, sous le titre de Philosophical Transaction. Au reste, quoique ces Académies soient dans l’approbation commune, elles ne sont pas toutefois dans celle de ce grand Chancelier d’Angleterre, François Bacon, ni, pour le dire vrai, dans la mienne. Car je vois que du temps de Léon X, que l’on doit comparer à celui de l’Empereur Auguste, ces façons d’exercer la jeunesse avec tant de montre, de pompe & d’éclat, n’étoient point en usage ; de sorte que l’on pourroit dire avec Pétrone à tous ces MM. les Académiciens, Pace vestrâ liceat dixisse, Primi omnium eloquentiam perdidistis, &c. Mascur. Charlemagne établit par le conseil d’Alcuin, une espèce d’Académie, dont il voulut être lui-même, & qui étoit composée des plus beaux esprits, & des plus Savans de la cour. Dans ces conférences académiques, chacun rendoit compte des Anciens Auteurs qu’il avoit lus ; & même ceux qui en étoient, prirent chacun un nom de quelque Auteur ancien qui étoit le plus à son goût, ou de quelque homme fameux dans l’antiquité. Alcuin, dont les Lettres nous apprennent ces particularités, prit celui de Flaccus, qui étoit le surnom d’Horace ; un jeune Seigneur, nommé Angilbert, prit celui d’Homère ; Adelard, Abbé de Corbie, s’appela Augustin ; Riculfe, Evêque de Mayence, se nomma Dametas ; le Roi lui-même prit le nom de David. P. Dan. Il paroit par-là que M. Baillet n’étoit pas assez instruit, quand il a dit, que c’est en suivant le génie des gens de Lettres de son temps, amateurs des noms Romains, qu’Alcuin s’est appelé Flaccus Albinus.

l’Académie Espagnole. C’est une Académie établie à Madrid sur le modèle de l’Académie Françoise à Paris, pour perfectionner la langue Espagnole. Academia Hispanica. Dom Manuel Fernandez Pachéco, Marquis de Villéna, Duc d’Escalone, Chevalier de la Toison d’or, &c. en doit être regardé comme le Fondateur. Elle s’assembla pour la première fois, sous le bon plaisir & une permission verbale du Roi Philippe V, dans le palais de son Fondateur, qui fut nommé Directeur. Elle demanda au Roi sa protection & une approbation authentique : le Prince la donna le 14 Octobre 1714, & accorda aux Académiciens tous les priviléges, grâces, prérogatives, immunités & exemptions dont jouissent les officiers-domestiques, qui sont actuellement au service dans le Palais Royal. La Compagnie ainsi autorisée, nomma de nouveau pour son Directeur le Marquis de Villéna, Duc d’Escalone, pour l’être toute sa vie. Après lui les Directeurs doivent changer tous les ans. Sa devise est un creuset dans le feu, avec ces mots espagnols : Lempia fija, y da esplendor. Elle fit des statuts, qui le 24 Janvier 1715 furent en état. La fin de cette Académie est de purifier & de perfectionner la langue Castillane. Les ouvrages de l’Académie sont un Dictionnaire, une Grammaire, une Poëtique & une Histoire de la langue Espagnole. Il n’y eut d’abord que huit Académiciens : ensuite on en ajouta quatorze. Outre le Directeur, elle a un Secrétaire. La fondation & les statuts de cette Académie, d’où ceci est tiré, ont été imprimés à Madrid à l’Imprimerie Royale en 1715, in-4°.

On dit aussi Académie, en parlant des Ecoles des Juifs, & des endroits où ils ont des Rabbins & des Docteurs pour enseigner aux jeunes gens de leur nation la langue hébraïque, leur expliquer le Talmud, leur apprendre la Cabale, &c. Les Juifs n’ont eu de ces sortes d’Académies que depuis le retour de la captivité de Babylone. Les Académies de Tibériade, de Babylone ont été fameuses.

Quelques Auteurs ont employé ce terme pour signifier aussi ce que nous appelons Université. Il me vient quelquefois en pensée de parcourir les Académies de l’Europe, principalement celles de Paris, &c. Bouhours, Vie de Xay. L. III. L’Académie d’Oxford est si illustre, que son Chancelier est toujours un des premiers Seigneurs du Royaume. Larrey. Ce n’est pas parler assez juste. Il est vrai que M. Harris, dans son savant Dictionnaire des Arts, définit le mot Académie, une espèce de hautes Ecoles, ou Université, dans laquelle les jeunes gens sont instruits dans les Arts Libéraux & dans les Sciences ; mais il parle Anglois, & explique ce que signifie ce mot en Anglois. De même en Latin on appelle Académie, ce que nous appelons Université, & tout le viii livre de Lymnæus de Academiis, regarde les Universités. Mais quand on écrit en François, il faut distinguer ces deux choses, qui dans notre Langue sont fort différentes. Académie est une assemblée de gens doctes, qui tiennent entre eux des conférences sur des matières d’érudition. Université est un Corps composé de Docteurs, de Bacheliers, qui aspirent au Doctorat ; de Régens qui enseignent dans les Collèges, & de jeunes gens, ou écoliers qui étudient sous ces Régens. On peut cependant appeler Académies, les lieux où les jeunes gens étoient instruits & élevés. Ainsi l’on dit que pendant que les Romains étoient les maîtres de la Gaule, il y avoit des Académies à Autun, à Bordeaux, à Marseille, à Narbonne, à Tours & à Trêves. Le Gendre. Mais en parlant de nos temps, cela fait une équivoque qu’il faut éviter, en distinguant ces deux choses, Académie & Université, comme en effet l’usage les distingue.

Académie, se dit aussi des maisons, logemens & manèges des Ecuyers, où la noblesse apprend à monter à cheval, & les autres exercices qui lui conviennent. Epheborum Gymnasium. C’est ce que Vitruve appelle Ephebeum. Au sortir du collège on a mis ce gentilhomme à l’Académie. Newcastle dit que l’art de monter à cheval prit naissance en Italie ; que ce fut à Naples que la première Académie pour monter à cheval fut établie, & que Frédéric Grison, Napolitain, fut le premier qui en écrivit ; ce qu’il fit en vrai cavalier & en grand maître. Henri VIII fit venir en Angleterre deux Italiens, écoliers de Grison, qui remplirent le Royaume d’écuyers. Gui Allard dit que Pluvinel est le premier qui a établi en France des Académies pour apprendre à monter à cheval. Il étoit du Dauphiné. Newcastle dit aussi que le plus célèbre écuyer qui fut jamais en Italie, étoit à Naples & Napolitain, nommé Pignatel ; que la Broue monta cinq ans sous lui, Pluvinel neuf, & S. Antoine plusieurs années ; que ces trois François, qui firent leur apprentissage sous Pignatel, remplirent la France d’Ecuyers François, qui étoit auparavant pleine d’Ecuyers Italiens. Il croit que la Broue a été le premier qui a écrit en François de l’art de monter à cheval.

Académie, se dit non-seulement du lieu où l’on fait les exercices, mais des écoliers mêmes. Ce jour-là un tel Ecuyer fit monter toute son Académie.

Académie. Terme de Peinture. C’est une figure entière, dessinée d’après le modèle, qui est un homme nu, ou la copie d’un pareil dessein. Cette Académie ne m’a coûté qu’une heure de travail.

Académie, se dit abusivement du Brélan, ou des lieux publics où l’on reçoit toutes sortes de personnes à jouer aux dez & aux cartes, ou à d’autres jeux défendus. Les Juges de Police sont obligés de veiller à ce qu’on ne tienne point des Académies de jeu. Voulons que les ordonnances de Police pour chasser ceux chez lesquels se prend & consomme le tabac, qui tiennent Académie, brélans, jeux de hasard, & autres lieux défendus, soient exécutées. Ordonnance de 1666. Ces lieux que l’on appelle fort improprement Académies, mais beaucoup mieux du nom infâme de Brélan, tout homme d’honneur doit les éviter, & les loix les condamnent. De la Mare. Cet Auteur montre dans son Traité de la Police, L. III. Tit. iv. C. 2 & 3, que non-seulement les Peres & les Loix ecclésiastiques, mais les Loix civiles chez les Païens, ont défendu ces sortes d’Académies. Les maîtres de ces Académies étoient si infâmes & si odieux, que s’ils étoient volés ou maltraités dans le temps du jeu, ils n’avoient aucune action en justice pour en demander réparation. L. i. Præt. ait. ff. de alea. & ibi gloss. Ulpian.