Dictionnaire de Trévoux/1re édition, 1704/Abbaye

Jésuites de Trévoux
Trévoux (1-1p. 4).
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AbBAYE. se prend quelquefois pour un composé des Religieux & de l’Abbé. Voilà une Abbaye bien reglée, où l’Abbé vit comme un simple Moine.


Abbaye, s. f. Abbatia. Monastère érigé en Prélature, ou Maison de Religieux ou de Religieuses, régie par un Abbé ou par une Abbesse. Les Abbayes sont d’ancienne fondation, comme les Abbayes de Cluny, de St. Denis, de Ste. Geneviève, &c. Il y a des Abbayes en Commande ; d’autres Abbayes Régulières ou en Régle ; d’autres qui sont secularisées, possedées par des Chanoines seculiers. Les Abbayes sont des Bénéfices consistoriaux ; il n’y a que le Roi qui y nomme.

Abbaye, se prend quelquefois simplement pour la maison & le Couvent. C’est par rapport à l’Architecture, un logement joint à un Couvent, & habité par un Abbé. Dans une Abbaye de fondation Royale, il s’appelle le Palais Abbatial. Vign. Voilà une Abbaye bien bâtie, une Abbaye qui tombe en ruïnes.

Abbaye, se prend aussi pour un Bénéfice, & pour le revenu dont joüissent les Abbez. Il a obtenu pour son fils une Abbaye de dix mille livres de rente.

Quoiqu’il y ait eu autrefois des laïques qui ont joüi du revenu des Abbayes, on ne doit pas pour cela leur donner le nom d’Abbé ; car ç’a été dans des tems de désordre & de necessité, que les Princes donnerent ces Abbayes à des Seigneurs de leur Cour, pour soutenir les dépenses de la guerre. Charles Martel est le premier qui l’ait fait.

Toutes les Abbayes de France, à la réserve de celles qui sont Chefs d’Ordre, comme Cluny, Cisteaux, &c. sont à la nomination du Roy. On doit joindre à celles-là les quatre filles de Cisteaux, qui sont saint Edme de Pontigni, la Ferté, Clairmont & Morimont. Elles ont aussi conservé le droit d’élection. Il y a outre cela cinq Abbayes qu’on nomme de Chezal Benoist, qui sont à l’élection de l’Ordre de saint Benoît, tous les trois ans, par une longue possession. Ces Abbayes sont Chezal Benostt en Berry, saint Sulpice de Bourges, saint Alire de Clermont, saint Vincent du Mans, & saint Martin de Sez. On a souvent agité la question, si cette possession exclut le Roi de son droit de nomination à ces Abbayes, & cette question n’est pas encore aujourd’hui vuidée. Les Moines Bénédictins qui ont eu de puissans Patrons dans le Conseil du Roy, joüissent encore aujourd’hui paisiblement de leur droit d’élection.

Comme le Roi n’a son droit de nomination qu’en vertu du Concordat fait entre Léon X. & François I. il y a eu quelques difficultés sur les Abbayes de filles, parce qu’elles ne sont point comprises dans le Concordat. Il y a même un Article de l’Ordonnance d’Orleans, qui porte que les Abbesses seront éluës par les Religieuses des Monasteres, & même qu’elles ne seront que triennales. Mais cette Ordonnance n’a point été exécutée. Le Roy nomme également aux Abbayes de Filles & à celles d’Hommes. Il y a cependant toujours eu des disputes sur les Abbayes de l’Ordre de sainte Claire, qu’on prétend être à l’élection triennale des Religieuses.

On dit proverbialement, Pour un Moine l’Abbaye ne faut pas ; pour dire, que faute d’une personne qui ne se trouve pas dans une assemblée, on ne laisse pas de se réjouïr, ou d’exécuter ce qui a été résolu.