Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Pénitence

Dictionnaire apologétique de la foi catholique

PÉNITENCE. — Le mot ii-iivm.’x, pænitentia, signilie proprement cliangerænt de disposition intérieure ; il désigne surtout la résolution de s’amender après le péché. Conséquemment, il désigne aussi les actes extérieurs qui manifestent cette résolution.

La pénitence intérieure, qui consiste dans le regret du mal commis, est nécessaire pour obtenir la rémission du péché. En effet, le péché, par lequel on préfère la créature à Dieu, constitue le pécheur dans un état d’aversion à l’égard de Dieu. Cet état d’aversion ne peut prendre fin que par une co/ifers/on contraire, rétablissant l’orientation de l’âme vers Dieu. C’est proprement l’œuvre de la pénitence, ainsi que l’explique saint Thomas, III », q. 86, a. 2 : Offensa peccati mortalis procedit ex eo quod voluntas hominis est aversa a Deo per contersionem ad aliquod bvnuin commutabile. L’nde requiritur ad remissionem ditinae offensæ quod voluntas hominis sic immutetur ut con vertatur ad Deum cum detestatione conversionis prae dictæ et proposito emendandi ; quod pertinet ad rationem pænitentiæ secundum quod est virtus. Et ideo impossibile est quod peccatum alicui remittatur sine pænitentia, secundum quod est virtus, La prédication apostolique requérait cette condition pour la rémission baptismale. Act., 11, 38, l’auditoire touché par saint Pierre, le jour de la Pentecôte, demande :

« Que faire ? » Et saint Pierre répond : « Convertissez-vous

(u.€ryMr, 7aLre), et que chacun de vous se fasse baptiser au nom de Jésus-Christ pour la rémission de ses péchés, et vous recevrez le don du Saint-Esprit. >>

Le fidèle qui pèche après le baptême, peut encore rentrer en grâce avec Dieu moyennant pénitence ; et Jésus-Christ a élevé cette pénitence postbaptismale à la dignité de sacrement Dès le commencement du iiiî’siècle, la pénitence est appelée « seconde planche de salut après le baptême ». Tertullien, De pænitentia, IV, 2 ; XII, 9.

Parmi les aspects du sacrement de pénitence, deux ressortissent spécialement à l’apologiste :

I’L’institution du pouvoir des clefs met à la portée de tous les baptisés le pardon de toutes les fautes commises après le baptême. Revendiquer cette institution, sera faire l’apologie de la Providence, qui en cela se montre miséricordieuse.

2° La confession, moyen divinement institué pour procurer l’administration de la pénitence, sous forme de jugement sacerdotal, n’est pas, comme on l’a trop souvent répété, une invention humaine. Rétablir le caractère primitif de l’institution, sera faire l’apologie de l’Eglise, fidèle interprèle de la pensée du Christ.

D’où, deux parties.

PRBMiàRB Partis

INSTITUTION DE LA PÉNITENCE

SoMMAinB. — A. NouvFAU Testament. I° Paroles de l’institution. — 11° Objection. Des péchés irrémissibles. 1° Blasphème contre le Saint-Esprit ; 2° Les péchés des fidèles, d’après l’épître aux Hébreux ; 3° Le péché mortel, d’après la L" épître de saint Jean. — 111° La pratique des Apôtres.

B. L’Eglise primitive. — I » La pénitence à Rome au II » siècle, d’après le Pasteur d’Ilermas. — II" l’administration de la pénitence au 11 » siècle, en dehors d’Ilermas. — III" La pénitence au m" siècle. Théorie des trois péchés réservés. 1° Tertullien ; 3° Calliste et Hippolyte ; 3" Origène. — Conclusion.

A. Nouveau Testament

1° Paroles de l’inetitution

L’institution du sacrement de la rémission des péchés apparaît, dès le NT., liée à la fondation même de l’Eglise, selon la pensée du Christ. Le Christ savait bien de quelles pierres il bâtirait son Eglise et combien sont fragiles les volontés humaines. Les hommes destinés à entrer dans cet édifice n’auraient pas seulement besoin d’y être introduits par le baptême, mais encore d’y être réintégrés s’ils venaient à déchoir. La vie de la grâce, une fois acquise, peut se perdre ; le sacrement de la régénération appelait un complément.

Aussi la parole même par laquelle le Christ constitue Pierre fondement de son Eglise, renferme dans son contexte immédiat la promesse du pouvoir des clefs, pouvoir discrétionnaire sur les personnes et sur les choses dans le royaume de Dieu, Mt., xvi, iS-ig : 1757

PÉNITENCE

1758

« Que dit-on du Fils de l’homme ? » — Les disciples répon'*  ' * 'fiaii-Hant, iste. d’autres

. « Et

dont ; « Les ujis disent ciuo c’est Jean-Baptiste d’autres

Elie, d autres Jérémie ou ([uelqu’un des prophètes. » — « Et vous, que dites-vous de moi ? » — Pierre, prenant la parole, dit : « Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant. » — Jésus répond : Bienheureux es-tu. Simon, fils de Jean ; car ce n’est pas la chair ni le sacïg qui te l’a révélé, mais mon Père qui est aux cieus. Et moi je to dis que lu es IMerre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les portes de l’onl’or ne prévaudront pas contre elle. Je te donnerai les clefs du roy.iumo des cieux ; ce que lu lieras sur terre sera lié d.^ns les cieux, et ce que tu délieras sur terre sera délié dans les cieux. »

Dans un entretien avec ses disciples, il leur promet une participation du pouvoir destiné à Pierre, Mt., xviii, 12-18 :

« Supposez, dit-il, qu’un homme ait cent brebis et que

l’une d’entre elles vienne à se perdre ; ne laissera-t-ii pas les quatre-vingt-dix-neuf autres sur les montagnes pour son aller ù la recherche de celle qui s’est perdue.' Et s’il réussit à la retrouver, en vérité, je vous le dis, il se réjouit pour cette brel ; is plus que pour les quatre-vingt-dix-neuf autres qui n'étalent pas [)orduos. Ainsi, n’est-ce pas la volonté de votre Pero qui est aux cioux, qu’un seul de ces petits périsse. » >

Ou vient d’entendre le principe (rénéral. Voici l’application :

« si votre frère pèche conlro vous, allez, roprenez-le entre

vous et lui seul. S’il vous écoule, vous avez gagné votre frère. S’il ne vous écoute pas, prenez avec vous un ou deux autres, afin que toute cause se décide sur la parole de deux ou trois témoins. S’il ne les écoute pas, dites-lo à l’Eglise ; s’il n'écoute pas mi^me l’Eglise, qu’il soit pour vous comme un païen et un publicain. En vérité, je vous le dis, tout ce ([ue vous lierez sur terre, sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur terre, sera délié dans le ciel, w

Une troisième parole du Christ contient la réalisation de la promesse, loan., xx, ig-sS :

.Au soir de la résurrection. Jésus apparaît au milieu de ses disciples réunis et leur dit ; « La paix soit avec vous. «  Il leur montre ses mains et son côté percé ; il reprend ; « La paix soit avec vous. Comme mou Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie, i) Puis, souillant sur eux ; ii Recevez le SaintEsprit. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur sont remis : ceux à qui vous les retiendrez, ils leur sont retenus, »

Dans ces trois paroles est renfermée l’institution du sacrement de pénitence.

D’un point de vue crititjue, la condition de ces textes est excellente ; on ne peut les attaquer que par raisons a priori. On leur opposera d’abord le préjugé d’ordre général, d’après lequel le Christ ne saurait avoir institué ni Eglise ni sacrement. On opposera de plus au troisième texte, qui rapporte une parole du Christ ressuscité, tout ce qu’on a coutume d’opposer au fait de la résurrection. De tels arguments sontcertainement inellicaces pour prouver que ces textes évangéliques représentent une réaction de la pensée chrétienne sur les récits primitifs de la vie du Christ. Il n’y a pas lieu de reprendre ici une discussion qui a été abordée fort pertinemment en d’autres articles de ce dictionnaire. Voir. art. Evangiles CANONIQUES, t. I, col. 1613sqq. ; art. Eglise, t. I, col. laS^ ; art. Papautk, t. 111, col. 133g-1358 ; sur la Résurrection, art. Jésus-Cukist, t. II, col. ii^^^ i^'^Prenons donc simplement ces texte » pour ce qu’ils sont, d’authentiques paroles du Seigneur, recueillies par les témoins de sa vie.

La métaphore des clefs est commentée clairement par la tradition biblique, depuis la Genèse, xli, où le patriarche Joseph ouvre et ferme les greniers d’Egypte, jusqu'à r.pocalypse, i, 17-18, où le Fils de l’homme est désigné comme c le])remier et le dernier, le vivant qui était mort et qui désormais vit aux

siècles des siècles, qui possède les clefs de la mort et de l’enfer ». On lit en /s., xxii, 23, sur Eliacim, ûls d’IIelcias : « Je mettrai sur son épaule la clef de la maison de David ; quand il ouvrira, nul ne fermera ; qtiand il fermera, nul n’ouvrira. » Et encore dans Ap., III, '7 : « Ainsi parle Celui qui est saint et véridique, qui possède la clef de David ; qui ouvre et nul ne fermera ; qui ferme et nul n’ouvre. » Tous ces traits descriptifs visent le plein pouvoir d’un majordome. C’est le pouvoir qu’a en vue le Sauveur, dans un cadre plus humble, parlant à son auditoire juif, Luc, XII, 4î, de a l'économe Cdèle et prudent, que le Seigneur établira sur la domesticité pour donner à chacun, au temps voulu, la mesure de froment ».

Ce pouvoir discrétionnaire, promis au prince des .pàtres, comporte en particulier le pouvoir « de lier et de délier ». Cepouvoir, étendu parletexte suivant à tout le collège apostolique, trouve son explication dans la langue rabbinique. Lier signifie user de rigueur ; délier signifie userd’indulgence. Dans la casuistique juive, on disait couramment : sur tel point

« rabbi Scharamai lie, rabbi Ilillel délie » ; tout le

monde entendait ce langage, qui signifiait : Schamraa’i défend, liillel permet. Par cette parole, le Maître instituait ses Apùtres arbitres des consciences ; il les investissait du pouvoir de prononcer sur terre des sentences de condamnation ou d’absolution, qui seraient ratifiées au ciel.

En saint Jean, le Seigneur ressuscité parle sans aucune figure. Il confère explicitement aux siens ce qu’il leur a promis, le pouvoir de retenir les péchés ou de les remettre, de condamner ou d’absoudre par sentence ellicace. La véritéenveloppée dans les métaphores précédentes atteint ici son expression parfaitement claire et définitive, et tout le plan du Seigneur se dessine. Pierre, fondement de l’Eglise, a reçu le premier la promesse des pleins pouvoirs qu’il exercera souverainement. Puis les autres ont reçu la promesse des pouvoirs qu’ils exerceront dépendamment de Pierre. Enfin tous reçoivent distinctement des pouvoirs applicables à la rémission des péchés.

11° Objections. — Des péchés irrémissibles

Ces paroles ne comportent aucune restriction, et donc suggèrent l’idée d’un pouvoir d’absoudre illimité depar l’institution du Christ. Mais on a cru découvrir des restrictions dans d’autres textes du NT.

I" Paroles du Seigneur relatives au blasphème contre le Saint-Esprit, Mt., XII, 31-32 ; Mc, Ht, a8-30 ; /.c, XII, 10.

2° Doctrine de l’Epltre aux Hébreux sur les péchés des fidèles, Ilh., vi, 4-8 ; x, 26-27 ; ^"' '617.

3' Doctrine de saint Jean sur les péchés mortels, I fo., v, 16.

Ces textes ont été souvent invoqués par des sectes rigoristes, comme impliquant l’existence d’une catégoriedepéchés irrémissibles de leur nature, au moins quant au ministère de l’Eglise. Les montanistes et les novatiensau i ! i « siècle ont donné l’exemple de cette rigueur. La tradition catholique s’y est toujours opposée ; elle a donné des mêmes textes une interprétation qui les concilie avec l’enseignement du Christ sur le pouvoir illimité de rémission confié aux ministres de l’Eglise. Nous résumerons cette interprétation, plus développée dans notre volume sur /-'fit/ift/e Catliste, Paris, ig14.

i" nlaxphème contre le Saint-Esprit,.Ml, , xii, 31-32

« Je vous le dis : tout péché et tout blasphème sera remis

aux hommes, mais le blasphème contre l’Esprit ne sera pas remis. Et à qui aura parlé contre le Fils de l’homme, son péché sera remis ; mais à qui aura parlé contre l’Esprit- Saint, son péché ne sera remis ni dans ce siècle, ni dans le siècle à venir. » 1759

PENITENCE

1760

Saint Augustin, qui a consacréàce texte une élude distincte, n’en connaissait pas de plus dillicile dans toute l’Ecriture,.Serni., LXXi, 5, 8, P. L., XWVlimg. Avant lui, bien d’autres Pères s’y étaient attai|ués.

La Didaclié, xi, 7.8. 1 1, défend de tenter le prophète quiparle en esprit : ce seraitcomræltre lepéché irrémissible. De même, saint lRÉNÉK,.'l(ii'. //aei es., Ill, xi, 9 P. G., VII, 891 A, déclare coupables du pccUé conlre le Saint-Esprit les hérétiques opposés systématiquement au charisme des prophètes.

Tektullien, déjà montaniste, trouve la délinition du blasphème contre le Saint-Esprit réalisée dans l’apostasie, qui constitue un alTront à la loi scellée par le baptême. De pudic., xiii, P. /,., 11, ioo5. On retrouvela même interprétation, non seulement dans lasecte novatienne, maischezsaint Cyprien, quisans doute n’en lirait pas les mêmes conséquences, Testimon., 111, 28, éd. Hartel, p. 142, 8-16 ; £pf>., XVI, 2, p. 518 ; Lv, 27, p. 6^5 ; lxii, 3, p. 699, et chez PSEUD0-G3PRIEN, De alealoribus, x, p. 102.

Les Alexandrins ont pareillement insisté sur l’injure spéciale faite au Saint-Esprit par le péché commis après le baptême ; voir Origkne et Thkognoste, cités parsaint Atiiana.se, Zi'^. ad Serapioii., iv, 10 et 7 ; /'. G., XXVL 6^9 C., 652C. Voir encore Ohigkxb, /n /oan., l. ii, VI, P. G., XI, 128. Mais ils ne concluent pas à la damnation universelle de tous ceux qui pèchent ainsi.

Nombre de Pères illustres ont repris la solution déjà indiquée dans la Didaché, et mis en lumière la malice très spéciale du péché qui impute au démon les œuvres de l’Esprit divin. Voir saint Atiianasr, Ep. ad Serap., iv, ao, P. G., XXVI, 608 B-669A ; saint HiLAiRE, InMt., 1. XII, XVII, P. L., 989 B ; saint.mBRoisE, De pænii, , II, iv, 24, P. /-, XVI, 503 B ; saint Pac.ien, Ep. ad Sympronianiim, III, xv, P. /,., XIII, 10^4 A ; Pseudo-Augustin, quæstiones Y. N. T., cii, P. L., XXXV, 2307 ; saint Jean Chrysostome, In. Mt.. Nom., xii, 7, />.G., LVII, 419.

Les Constitutions apostoliques ne connaissent qu’un péché irrémissible : c’est la présomption criminelle qui spécule sur la patience divine pour pécher à l’aise, II, xxiii, 1-2, éd. Funk, p. 89, 24-28.

I.a solution de saint Augustin coupe court à toute ùilliculté en identiliant purement et simplement le blasphème contre le Saint-Esprit avec l’impénitence ilnale, qui repousse jusqu’au bout les avances de la grâce divine..Serm., lxxi, Z'. i., XXXVIU, 445-467. C’est la même solution qu’on retrouve chez saint Fui.gknce, De remissione peccatoriim, xxii-xxix, P. L., LXV, 547.

Saint LÉON le Grand, en vue de controverses actuelles, se borne à faire l’application du texte de Mt., XII, 31-32aux hérétiques pneuaiatomaques, qui relèguent l’Espril-Sainl à un rang inférieur dans la Trinité..Serm., Lxxv, 4. P- L., LIV, 402-403 ; lxxvi, 4, ib., 40C.

Il n’est presque aucune de ces solutions où l’analyse ne découvre quelque élément de vérité. Mais si l’on veut rendre pleine justice au texte évangélique, il semble indiqué qu’on doit serrer de près la solution traditionnelle, esquissée par la Didaché et saint Irénéb. Le péché contre le Saint-Esprit est précisément celui que le Sauveur reprochait aux Pharisiens, témoins de ses miracles et, ])hitôt que d’y reconnaître la vertu de Dieu, les attribuant à Béelzebub. C’est là proprement le péché contre la lumière, qui stérilise les grâces de Dieu et aboutit naturellement à l’inipénitence (inale. Cet aboutissement, qui est dans la logique d’un tel péché, justifie l’anathème du Seigneur, puisque, en fait, celui-là ne saurait être jamais pardonné qui s’obstine à repousser toutes les offres de pardon.

Par où l’on voit que, si l’on peut parler d’après l’Evangile d’un péché irrémisible, ce péché est irrémissible non du fait de Dieu, qui n’a point limité le pouvoir de rémission donné aux ministres de sa grâce, mais du fait de l’homme, qui oppose à la rémission sa volonté d’impénitence. C’est la conclusion qu’il importe de dégager, pour montrer que la parole du Seigneur demeure rigoureusement vraie : le péché qui n’aura pas été remis sur la terre, ne sera pas davantage rerais au ciel ; non parce qu’il n’existait pas sur terre un pouvoir suffisant de rémission, mais bien parce que l’homme s’y sera persévéramment refusé.

2" Les péchés des fidèles, d’après Heh., , 4-8 ; x, 26-27 ' '^'i' '6-17.

Il est impossible que ceux qui ont été une fois illuminés, qui ont goûté le don céleste, ont participé à l’Esprit-Saint et goûté la belle parole de llieu el les vertus du siècle à venir, puis sont tombes, soient renouvelés un" seconde fois

fiour la pénitence, alors qu’ils crucitient de nouveau pour eur compte le Fils de Dieu et le livrent à l’ignominie. Quand une terre, buvaritla pluie qui descend fréquemment sur elle, produit une végétation utile à ceuï qui la cultivent, elle a part à la bénédiclion de Dieu : mais quand elle ne produit qu'épines et ronces, elle est réprouvée, proche de la maiédicùon et enfin destinée au feu.

Si nous péchons volontairement après avoir reçu la connaissance de la vérité, il ne reste plus de saLTÎlice à offrir pour nos péchés, mais l’attente redoutable du jugement et l’ardeur du feu qui consumera les rebelles.

l’as d’impudique ni de profane, comme l^sali, qui pour un mets vendit s^in droit d aînesse. Vous savez que plus tard, voulant obtenir la bénédiction paternelle, il i’ut repoussé ; car il ne fut pas admis à repentunce, malgré ses larmes et ses supplications.

Il est facile de lire dans ces textes une doctrine toutà fait désolante, qui dénie tout espoir de réhabilitation au chrétien tombé après le baptême. Les anciennes sectes rigoristes n’y ont pas manqué ; et des historiens modernes attribuent le changement qui s’est fait dans l’Eglise, depuis le temps des Apôtres, à un abandon de l’idéal primitif, idéal de sainteté absolue qui n’admettait aucune compromission avec les pécheurs.

Mais les Pères du quatrième siècle ont écarté cette exégèse en restituant la vraie pensée de saint Paul. Les destinat.Tires de l'épître étaient des chrétiens sortis du judaïsme, mais encore mal affermis dans la foi et ressaisis par des velléités de vie juive. U s’agit de leur faire entendre que la démarche qui les a menés au Christ est définitive. Après ce baptême, dont ils ont reçu et apprécié le bienfait, espèrent ils donc une autre rénovation ? Pensent-ils que la Victime du Calvaire, dont ils font peu de cas, puisse être une seconde fois immolée pour eux ? Telle, et non pas autre, est la pensée de saint Paul.

Ce langage exclut la possibilité d’un second baptême. Mais il n’insinue pas que la vertu du sang du Christ soit épuisée par la régénération baptismale et ne puisse désormais procurer, par une autre voie, la rémission des péchés. Contre une telle interprétation de 1 épître aux Hébreux, on peut voir les protestations de saint Athanase, Ep., iv Ad Serai)., 13, P. G., XXVI, 655-656 ; de saint Ambboise, De pænit., II, 11, 7.8, P. /.., XVI, 497C-498A ; de saint Epiphank, Hær., lix, 2, P. G., XLI, 1020 ; de saint Jean (^^hry’sostomb. In Heb., Hom., ix, a. 3, P. G., LXllI, 78-80 ; XX, I, 143 ; XXXI, 2, 214-215. Il s’agit au contraire d assurer le sérieux de la pénitence. Ces Pères n’y manquent pas ; aussi ont-ils grand soin d’ouvrir aux mêmes pécheurs, trop ingrats à leur baptême, de larges perspectives de miséricorde. C’est le sens du commentaire de saint JiiRÔME, qui serre de près la lettre de l'épître aux 1761

PENITENCE

1762

Hébreux, Adti. lovinianum, II, iii, P. /-., XXIII, î86 AB. Le pardon n’est refusé qu’au pécheur incorrigible, qui persévère actuellement à outrager leSauveur, à le crucilîer de nouveau et à le bafouer, <zvaTTa’j^5ÙvTK5 xat TTv.pv.Ssr/y.v-rtÇciiTV-i, Heb.^ VI, 6.

Ces leçons, données à des judéochrétiens encore mal instruits et à l’orolUe dure, yt„9po … rv.Ti àxov.Tç, {Heb., V, 11), rappellent les vertes paroles de l’Apôtre aux Galates insensés (Cal., iii, i : ri àvo’y^Tîi rcJdtai), qui s’obtinaient à jeter un regard furtif vers la Loi de Moïse. Elles n’ont pas d’autre portée.

3 » Le péché mortel, d’après I /o., v, iC :

Si quelqu’un voit son frère commettre un péclié qui ne va pas à la mort, qu’il prie, et Dieu donnera la vie à ce pécheur, dont le péché ne va pas à la mort. Il y a tel péché <iui va à la mort : pour celui-là, je ne dis pas de prier.

Comment ce péché, pour la rémission duquel on ne doit pas prier, selon saint Jean, ne serait-il pas irrémissible ? Les Pères ont senti la force de l’objection. Mais ils ont rappelé ce que saint Jean dit plus haut, dans la même épltre, I /o., i, 7-11, 3 :

Si nous marchons dans la lumière, comme Dieu même est dans la lumière, nous avons communion entre nous, et le sanj^ de Jésus- Christ son Fils nous purifie de tout péché. Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous trompons nous-mêmes et la vérité n’est i)as en nous. Si nous avouons nos péchés, Dieu est fidèle et juste, pour pardonner nos péchés et nous puriiier de toute ; niiquité. Si nous disons que nous n’avons pas péché, nous le faisons menteur et sa parole n’est pas en nous. Mes petits enfants, je vous écris ceci afin que vous ne péchiez jioint ; que si quelqu’un vient à pécher, nous avons un avocat près du Père, Jésus-Christ le juste ; il est victime de propitiation pvr nos péchés, et non seulement pour nos péchés, mais encore pour ceux du inonde entier.

Un texte commente l’autre. Assurément saint Jean montre la préoccupation de combattre l’abus des grâces et d’engager tous ceux qui portent le nom d’enfant de Dieu à ne pas le porter en vain. L’Eglise se détourne du pécheur scandaleux et lui refuse le bénéfice de la prière qui justilie..autant qu’il dépend de lui, un tel pécheur se livre dès cette vie à la mort éternelle. C’est le sens du premier texte.

Le second rappelle tous les enfants de Dieu au sentiment de leur faiblesse. Nul ne peut se vanter d'être sans péché ; mais aussi, que nul ne se désole, car il y a pour tout péché, pour les péchés du monde entier, un Intercesseur tout-puissant. Plus la faute sera lourde, et plus il doit être difficile de mettre en mouvement la divine miséricorde. X cet égard, saint Ambroish rappelle le rôle de ces grands amis lie Dieu que furent sous l’ancienne Loi un Moïse, un Jérémic : Dieu accordait à leur prière ce qu’il n’eût point accordé à une prière quelconque. Même sous la Loi nouvelle, il faut s’en souvenir, et saint Jean l’insinue dans l’Apocalypse. De pænit., l, x, xi, P. 1.., XVI, 4'^o-431. Donc saint.mbroise n’a garde de pousser les âmes au désespoir. Saint Pacirn n’agit pas autrement, en rappelant que les péchés qui damnent sont les péchés qui demeurent, c’està-dire les péchés dont on ne veut pas faire pénitence, Ep. ad Sympronianum, ni, 16, P. t., XIII, 10^4. Et saint.'AUGUSTIN, après avoir fait l’application du texte de saint Jean, 1 /o., v, 16, à l’apostat qui se retourne contre l’Eglise et la poursuit de sa haine. De Sermone Dominiin mnnte, i, 13, ^3, P. /.., XXXIV, 1266, éprouve le besoin de se corriger et d’atténuer une interprétation trop dure. Celui-là seul se damne qui persévère jusqu'à la mortdans la haine. Il ne faut jamais désespérer d’un vivant. lietract., I, xix, 7,

Tome III.

P. /,., XXXII, 61(> : Addendum fuit, si in hac tam scelerula mentis perversitute finieiit hanc tilani ; quoniam de qiiocumque pes.simo, in hac vita constitutOy non est desperandum, nec pro illo imprudenter oiatur de quo non desperaiur.

Saint Jean n’a jamais eu la pensée de refuser le bénélicedes prières privées au chrétien que ses fautes rendent indigne des prières officielles de l’Eglise. .Mais il oppose à la filiation divine, qui se manifeste par les œuvres de vie et la charité, la filiation diabolique, qui se manifeste par les œuvres de mort (I lo., II, 15.16 ; III, 8.10. 15 ; iv, 5.6 ; v, i sqq.). Et il montre l’aboutissement de l’une et de l’autre filiation. Il exclut de la prière ecclésiastique les œuvres du monde, comme le Seigneur excluait de sa prière le monde (foan., xvii, g). Et sa doctrine, sur l’une et l’autre filiation, fait écho à la doctrine du Seigneur (vin, 42-44). Entre cette épître et lo quatrième évangile, la continuité est parfaite, encore que le relief de certaines sentences, dans l'épître, rende plus particulièrement nécessaire le recours à l’ambiance doctrinale. Mais l’auteur de l'épître est le même é vangéliste qui montrera Jésus comme l' A gneau de Dieu, ôtant les péchés du monde (/oan., i, 29, 36) ; qui proposera la régénération par l’eau et l’EspritSaint. comme la voie du salut ouverte à tous (/oan., m, 3-5) ; enfin, qui proclamera l’efficacité universelle du pouvoir de rémission confié par Jésus aux siens {loan., XX, 23).

La tradition des Pères n’a point admis de contradiction entre l’enseignement positif de Jésus touchant le pouvoir de remettre les péchés et les divers textes du NT. qui paraissent viser des péchés irrémissibles. De fait, la contradiction n’existe pas. Les points de vue fragmentaires que nous avons signalés se raccordent dans l’unité d’une même vision. La miséricorde divine est offerte à tous, mais elle n’est ofl’erte que sous bénéfice du repentir. Et les textes redoutables que nous avons parcourus en dernier lieu, se laissent eux-mêmes ramener à l’unité, comme nous essayons de l’indiquer, Edit de Calliste, p. 3^38 :

« Il semble qu’un même bloc d’inexorable justice

ait été abordé, de divers biai< : , par des pensées plus ou moins profondes, plus ou moins compréhensives, qui le morcellent à noire usage. Ce pécheur-là est perdu sans retour qui s’obstine à méconnaître Dieu dans les œuvres de sa puissance (Notre-Seigneur chez les Synoptiques) — ou qui renouvelle persévéramment la passion du Christ en profanant le <lon divin (ép. aux Hébreux) — ou qui demeure volontairement dans la mort, c’est-à-dire dans la haine (saint Jean). Ces divers enseignements se complètent et s'éclairent l’un l’autre. Autour d’eux, la tradition patristique multipliera les commentaires, mêlant parfois les points de vue et rendant plus sensible l’unité foncière de la doctrine. Saint.ugustin résume vraiment cette tradition, quand il dit : « Si le cœur impénitent ne s’endurcit pas jusqu'à blasphémer le don divin, tous les autres péchés pourront lui être remis. » Serm., Lxxi, 12, 20-14, 24, P. t-., XXXVUI, 455-458. »

111° La pratique des Apôtres

L’enseignement des Apôtres est commenté par leurs actes : leurs écrits nous les montrent exerçant le pouvoir de discernement et de justice qu’ils ont reçu de leur Maître ; et l’on remarquera que le pouvoir de délier n’entre pas seul en acte, mais aussi et tout d’abord celui de lier.

Le prince des Apôtres se trouve en présence de deux chrétiens médiocres, qui usent de fraude à

56 1763

PENITENCE

1764

l'égard de Dieu : il prononce sur Ananie et Saphire une parole de blàrae, aussitôt ratiliée par le châtiment divin, Jet., v, i-i l. Il rrncontre un faux chrétien, qui a reçu le baptême, mais ne songe qu'à faire argent du don de Dieu : il doit s’avouer impuissant à guérir cette àme et abandonne Simon de Samarie au jugement d’en haut, Act., viii, 9-2^. Sa première épître signale, avec des abus déjà existants dans l’Eglise, l’urgence de prévenir le châtiment divin, I Pel., IV, j-S ; V, 8 ; II Pet., 1, 1 ; 11, 1.20-22 ; iii, 9.

Saint Paul trouve aussi sur son chemin le vice, et le vice monstrueux. Il excommunie l’incestueux de Gorinthe, 1 6'or., v, i-13. On s’accorde généralement à croire que le coupable s’amenda et qu’un autre texte de l’Apôtre le montre réconcilié. Il Cor., 11, 5-ir. Certainement l’intercession des Frères exerça quelque influence sur l’Apôtre, qui d’ailleurs, dans la même épître, revient à diverses reprises sur le ministère de la réconciliation, II Cor., v, 18-20 ; vii, 9-10 ; xii, 20-ai. Tertullien s’est refusé, De piidicit., xiii-xvir, P. L., II, ioo3-io14, à reconnaître l’incestueux de Gorinthe dans le coupable absous par saint Paul ; mais cette opinion singulière, lancée dans un écrit montaniste, est démentie par le sentiment commun des Pères. Edit de Culliste, p. 41.^2.

Nous retrouvons sur d’autres théâtres saint Paul, ministre de la pénitence. Déjà les Thessaloniciens s’entendaient rappeler à l’exercice des vertus chrétiennes, et notamment à la pratique de la correction fraternelle, I Thess., iv, S-'j ; v, i/i ; même leçon dans l'épître aux Galates, vi, i. Les Romains sont pressés par l’Apôtre de rejeter les œuvres de ténèbres et de revêtir les armes de lumière, ftant., xiii, 11-14. Dans la I-' épître à Timothée, on voit deux coupables, Ilyménée et Alexandre, après leur naufrage dans la foi, livrés à Satan, pour apprendre à ne plus blasphémer, I Tint., i, 20. D’autres sont repris publiquement pour le scandale de leur vie, v, 611 ; et peut-être faut-il voir, v, 20-22, une recommandation faite à Timothée de ne pas brusquer la réconciliation des pécheurs, mais d'éprouver la sincérité de leur conversion. L’appel à la correction fraternelle reparaît II Tim., 11, 25-26 ; iii, 8-9 ; iv, 2 ; Tit., III, lo-ii. Il est remarquable que les dernières épîtres de l’Apôtre ne nous apprennent rien de très nouveau sur ses expériences morales. Le spectacle de la faiblesse humaine frappa ses regards dès le début de son ministère apostolique et ne le détourna point de considérer les pécheurs comme véritables membres du corps du Christ ; membres malades, sans doute, mais ne cessant pas d appartenir à ce corps, tant qu’ils n’en avaient pas été retranchés par sentence positive.

L'é[)ître de saint.læques a des promesses de pardon pour tous les pécheurs qui s’humilient, lac, iv, 8.9 ; v, l5.16. Celle de saint.lude préconise, comme une œuvre excellente de charité, le zèle de la conversion des pécheurs, qu’il faut sauver de l’enfer et d’eux-mêmes, / » rf., 22-23.

Saint Jean, dans l’Apocalypse, surtout dans les lettres dictées par l’Esprit de Dieu pour les anges des Eglises, iiiii, signale des désordres ; à côté des désordres, il montre ouverte la voie de la pénitence et du pardon. La pratique de l’Apôtre répondait à ces exhortations. Rien n’est plus connu que l’histoire de ce jeune néophyte instruit et baptisé par ses soins, puis perverti et devenu chef de brigands, enfin retrouvé par lui et rendu à l’Eglise. Ce trait, que nous a conservé Clément d' Aluxandrib, Qui.' : dives salvetur, xlii, P. G., IX, 6^8-649. nous permet de lire dans la conscience des chrétientés apostoliques..

B. L’Eglise primitive

1° La pénitence â Rome au II" siècle d’après le Pasteur d’Hermas

Le premier écrit chrétien qui puisse être désigné, en un sens très large, comme un traité de la Pénitence, est le Pasteur d’tlERMAs. Ecrit allégorique, où l’on se gardera bien de chercher des précisions d’ordre canonique, mais que les générations suivantes n’ont pas cru négligeable et que nous ne devons pas négliger non plus. L’auteur est un voyant ; mais particulièrement représentatif, par le temps, le lieu où il a vécu, par lesattaches personnelles qu’il eut avec les chefs de l’Eglise romaine. La déposition du fragment de Muratori et du Catalogue libérien, qui en font le propre frère du pape saint Pie I" (iSg-iôi), ne paraît pas à tout le monde recevable. Il n’en est pas moins certain qu’Hermas nous permet d’entrevoir, sous le voilede l’allégorie, l’Eglise romaine peu après le commencement du 11* siècle. Cela suflitpour donner à son œuvre un puissant intérêt. Et les Pères du 11" et du m" siècle se réfèrent expressément à son enseignement sur la pénitence, soit pour l’approuver, soit pour le discuter.

Hermas décrit, à diverses reprises, notamment Vis., m ;.S ; m., vin et ix, une tour construite sur les eaux. Cette tour, d’après sa déclaration expresse, ligure l’Eglise ; les pierres, qui sont tirées de l’eau pour entrer clans la bâtisse, figurent les fidèles, qui sont introduits dans l’Eglise en passant par l’eau du baptême. L’allégorie de la tour tient dans l’ouvrage une place capitale ; le sens général du symbolisme est très clair. Ne nous arrêtons pas aux développements d’Hermas sur le triage des pierres destinées à la bâtisse, lequel figure certainematit le recrutement des eatéchumènes. Dans les diverses catégories de pierres employées à la bâtisse ou laissées plus ou moins au rebut, il semble qu’on puisse, sans témérité, chercher quelques lumières sur les diverses catégories île fidèles appartenant à l’Eglise, dans un temps où sans doute la discipline du catéchuménal et de la pénitence publique s'élaborait. Vers l’an 200, les écrits de Tertullien nous montrent ces institutions fonctionnant régulièrement à Carthage où, sans doute, elles ne dataient pas de la veille. Elles avalent dû fonctionner à Rome dès une date plus ancienne, et ont pu laisser quelques traces dans la peinture allégorique d’Hermas. Ne nous attardons pas à ces traits, que nous avons essayé d’interpréter, £dit de Calliste, p. 5/1-67.

Les Idées morales du livre doivent retenir davantage notre attention. Des trois parties qui le composent — ]'isions. Commandements, Paraboles, — les deux dernières mettent constamment en scène le « Pasteur, ange de la pénitence ». Ce personnage surnaturel qui, au nom de l’Eglise, instruit Hermas, a donné son nom à tout l’ouvrage. Les idées dont il se fait le héraut, ont été diversement comprises. Avant de les étudier, il n’est pas indltférent de noter le souvenirqu’ellesavaient laisséaux chrétientés en relations directes avec Rome. Trrtullien, durant sa période catholique, cite le Pasteur avec res|iect, comme « Ecriture », donc presque au rang lie nos Livres saints (De ornl.. xvi, P. /.., I, 1172). Devenu montaniste, il se retourne violemment contre la morale du Pasteur, qu’il appelle le manuel des adultères (De Pudicit., x.xx, P. L., II, 1000 ; 1021). Hermas ne semble donc pas avoir laissé en Occident le souvenir d’un auteur rigide. Il n’en allait pas autrement en Orient, comme nous l’apprendrons de Clément d’Alexandrie. Ces deux témoins, séparés d’Hermas jiar deux ou trois générations tout au 1765

PÉNITENCE

1766

plus, méritent d’être entemlus. Il y aura lieu de confronter leur sentiment avec le texte de l’auteur.

Voici la page la plus controversée d’Herraas, Mand., iv, 3 : ’Et"( fïî/"’, y.^pii-, TzpoiQtiTOi roû’e.nipfjirr, yv.t, — Ar/s, f ; >]j(’y.

—’Hxo’jTK, f->î, « i’, y.ôpUy Tiy.pv. Ttvwv 51à « 5XK/6jv, Sti kripfx. //eravîiK cvx "esrty et ij.-n Ixêivï ; , ’Qzt etç ùSup y.KTiCyip.sv xvÀ é/c^Cc/j.tv iy.fe71v àfj.apriiiv « //âv Ttfiv Ttporépuv. — Ar/ei p.oi’’yfj.v.pTiiùv fxvjy.iTt ixtjiKpTixvstVj à>, / kv t}.'/>iiv. Kv.roif.eîv, ’Errei ëk 7ràvT « ’£^ax^iCaÇ>5, ; < « ( toûto ffoi ovî/cjffw, //.vj ^t^oùç àvop/j-riv Toi^ // : //5U7c TTiTTcJîty > : TO ?^ yûv Trt5T « Ù7 « 7(v £(’^ Tcv Kù^otcv. 0/ yv.p

VÙV TïtTTSJTKVTfÇ iî [xéyXo’JXZi TtOTtJîVJ /lîTWJOlV.V V.p.V.priâjV iûz

"£ ; ^ouTtv, « jjSTiv 51 "sxcu71 tG’j ^p’iripwj y.av.pTLStv kj-^Ci-j. Tôt ; oùw yrfiBiX’jt -Kpô TOÙTC-yj Ttfjy rj fxepiSiv kdY)KZ-j à Kjptoi fj.srix.voiy.v’yxp0(r/v617Tï ;  ; yvp ù-j à Kùpici xctt vdvTX npoyivù^Kuy ë-poi tÀ’j KtOiyîtx ^ zSfj à.’jfi p’JiTlwj y.vÀ t/jv tto^.’jTt/oxiû’v tcCi ô(aCc>oy, OTt 7T0t/ ; V5( t(

y.VXOV TOt ; <îoù/5tç TîO 0=OU Jtat 7T5VÏ7/ : £L17£Tat £t’^ aÙTOÛÇ 7T0/Ù7-TT /ay^voç ouv wy ô Kû^iî ; ’£57T).K-/ ; /yt’ffô>î £7 : t T/, y TTÇt’ïjTiy KÙroû > ! ai iO-/jxsv Tf-i’J /j.ircivotv.v Ttxùrr/j, xu.i k/jLûl /} U^o-j7tv. t^ç /xEravota ; Ta’Jry)^ iSôO/i, ’Ay/à i*/w cse /c’yw, fvjai [j.£tk T/ ; y x/ijffiv £K£i’y/iv T/ ; y p-tyr/Jn-j x « î ztp.vf, v èv.-j T(5 lyreipy-cŒli Ù7 : i toO Siv.Cd)o-j v.p/xpTvia-ri, p.it/.j //£Ta » 51 « y "£ ; ^£< iày îs JTti ;  ; £<"/> «  « , ua/jTay17 x « i

fXiTX’JOriT/l^ àyÛU.’^OpJv’eOTt Ttfî àvS^&JnW Ta TOIOÙTW 5’JTXO/ûJ ;

/à^ ÇyjVETaï. — iVéyw « ùtÇ’Eçwcnor/i'^> ; v TKÛra TTK/ja vov v.yoùau.^ oC-Toj ; ùxptQn^’o7 ? « yàys OTt, £kv p.Yixzri TTpo^Sfj^fji zy.i^

VtXKpTCXiç flOUy <70lOr170p.y.l. 2wtfïî7ï7, f/j’JlVf xat ttkvtes 070t

£v : j TXÛTa 7ro(v ; 7’j)7(y.

Avant de traduire cette page, nous la relirons attentivement.

Contrairement aux anciens, des modernes ont cru y voir qu’il existe, au temps d’Herraas, une école rigfide, opposée en principe à toute réconciliation du chrétien qui a péché après le Ijaplème, et que le Pasteur approuve cette doctrine, sauf une dérogation unique, à l’occasion de la mission de pénitence qu’il prêche présentement. A tous les pécheurs, le pardon est offert présentement, pour une fois ; mais qu’ils se hâtent, car roccasion perdue ne se représentera point.

On comprend aisément que cette conception, une fois admise, commande l’iilce qu’on se fera sur tout le développement ultérieur de la pénitence ecclésiastique. Nous ne saurions dire qui en est le père. On la trouve notamment chez Zahn, I)er flirt von llermas, p. 353, Gotha, 1868 ; Gkduahdt-Harnack-Zahn, Patrum apostolicnrninOperii’fasc. iii, p. 83, Lipsiae, i^-)"} ; Funk, Kirchen<^e.icliicktliclie Alihandlungen und Untersiicliiingeii, t. I, p. lOg. 170, Paderborn, 1897 ; O. D. Watkins, a lltstnry of Penance, i. I, p. 57, London, 1920.

Quel en est le fondement ? C’est assurément l’idée particulière que l’on s’est faite de la mission du Pasteur.

On a bien raison devoir dans le Pasteur d’Hermas i une œuvre d’actualité. Comme les épîtres de saint Paul, ce livre vise des circonstances concrètes, dont il ne faudrait point, d’ailleurs, exagérer la précision, car il existe de bonnes raisons de croire que le livre ne fut pas écrit d’un seul jet. Un assez grand nombre d’années a pu s’écouler entre les premières et les dernière pages ; cette hypothèse rendraitbien compte de certaines particularités, sur lesquelles il n’y a pas lieu de s’étendre ici. Parler d’une mission de pénitence est encore très juste, car certaines recommandations visent les leçons pressantes de la persécution ; d’autres visent l’imminence îles derniers temps. Encore ne faut-il pas perdre de vue que les développements d’Hermas ont, dans l’ensemble, une portée générale, non restreinte aux circonstances actuelles. Cela est vrai des trois parties. Visions, Commandements, Paraboles ; mais surtout delà deuxième, qui

renferme le code permanent de la morale chrétienne.

Quant à l’intention dogmatique qu’on prête à Hermas, d’exclure en principe toute réconciliation pour les fautes commises après le baptême, nous la croyons étrangère à sa pensée, autant que contraire à son texte. Certains contresens ont la vie dure, et encore que celui-ci soit déjà bien malade, il n’a point tout à fait achevé de vivre. Nous ne croyons pas devoir le ménager, d’autant qu’il commande d’autres erreurs. Ce sera notre excuse pour avoir reproduit un texte aussi long, qu’il faut maintenant commenter et traduire.

Hermas cite « certains maîtres », au dire desquels il n’existe pas d’autre pénitence que la pénitence préliminaire au baptême. Le Pasteur approuve cet enseignement. Mais, pour donner pleine satisfaction à Hermas, il ajoute, sous toute réserve, car il ne veut pas scandaliser, que le Seigneur, connaissant la faiblesse humaine, a établi dans sa miséricorde une deuxième pénitence pour ceux qui ont péché dans le passé ; il en a contié l’administration au Pasteur. Donc, que les pécheurs se hâtent d’en profiter ; mais que les néophytes d’aujourd’hui ou de demain n’en prennent pas occasion pour pécher à leur aise ! Car après l’appel solennel de la pénitence baptismale, il n’y a plus qu’une pénitence. Ceux qui croiraient pouvoir osciller toujours entre le péché et la pénitence, risqueraient fort de se perdre. Mais qu’ils gardent les commandements, et ils se sauveront.

Tel est le mouvement général de la pensée. Il faut revenir sur quelques expressions.

Les Ti » £ ; SiSv.ry.’Act ne sont nommés qu’une fois. On ne vous les fait pas connaître autrement. Ils reçoivent d’ailleurs une approbation non équivoque. Cependant le Pasteur juxtapose à leur enseignement une assertion qui paraît le contredire assez ouvertement. Des exégétes y voient une exception temporaire. Est-ce bien une exception temporaire ? Le texte ne dit pas cela ; car le Pasteur envisage le présent et l’avenir, les conditions normales de la vie liumaine, qui comporte mille dangers et réclame le secours permanent de son ministère. Il faut pourtant lever la contradiction. Selon tel auteur, il n’y a qu’une issue : admettre que le texte est interpolé. Ainsi Spitta, Ziir Geschichte und Litteratur des Urchrislentums, t. II, 1896. C’est là un parti désespéré. Nous ne croyons pas nécessaire d’y recourir ; mais nous écarterons l’idée d’une exception temporaire.

Ce qui ne permet pas de s’arrêter à l’hypothèse d’une exception temporaire, ce sont les considérants énoncés par le Pasteur. Le Pasteur ne dit pas que son ministère a été institué à titre exceptionnel pour liquider le passé : à ce compte, il eût sudi au Seigneur de connaître les péchés déjà commis par les baptisés. Le Pasteur dit que son ministère a été institué par le.Seigneur en considération de la faiblesse humaine, de l’astuce diabolique, et en vue des fautes éventuelles. Ce sont là toutes conditions permanentes. Ce ministère est donc permanent : "iOr.xiu TTi-j f/.STv.joiX’J TC.ÛT/ ; y, xa(’stioi h i^oujt’oi. iP ; ^ p-STKvot’fy^ tuûtyi^ iO, 91) Pour s’arrêter à l’idée d’une exception temporaire, il a fallu attribuer à la mission du Pasteur un caractère éphémère, et pour cela fausser toute la terminologie de cette page. Rétablissons-la.

La rémission baptismale est désignée trois fois — une fois par Hermas. di’UX fois par le Pasteur, — d’un nom réservé, quine laisse place à aucune équivoque : y-’fzivj v.fj.v.priCyj.

La pénitence —’liTX’m’x — est nommée six fois : une fois par Hermas, qui vise la pénitence préliminaire au baptême ; cinq fois par le Pasteur, qui vise la 1707

PENITENCE

1768

pénitence postbaptismale ; il applique encore à celle idée le verbe.ustîîvî-îv.

L’appel dont le Pasteur parle à deux reprises n’est pas, comme on l’a souvent cru, son appel présent à la pénitence : nulle part, dans ce livre, il n’est question B d’appel à la pénitence ». Les mots x^jj^iç, xa/ew n’y présentent jamais ce sens. Mais il est question, ici et ailleurs, d’appel à la foi et au baptême. C’est là une expression consacrée par l’usage du NT., (iorn., XI, 29 ; I Cor., I, 26 ; vii, 10-24 ; Eph., i, 18 ; iv, I ; Pkil., iii, il, ; II Tlies., 1, 11 ; Ileb., iii, 1 ; lPet., i, 10, et beaucoup d’autres exemples ; voir Cbemer-Kogel, Biblisch-theologisclies ff’nrierbuclt der NT Gnizitât, p. 561 sqq., expression reprise par Hermas, Sim, , vin, I, i ; II, i ; ix, 14, 5 ; 17, 4. C’est le même sens qu’on retrouve ici par deux* fois : tsi" ; x/>)6EΠ! ri npo

TCÙTWï Tii-J Y.nipSt) ! … /7.£Tà Try yj : r, an ixtivTi-J t/.ï ll.vtcùr, 'j x « i

S’il était besoin de confirmer ces précisions lexicographiques, on pourrait étudier le jeu très précis des pronoms démonstratifs. Le pronom ixd-joi s’applique toujours en grec à un objet lointain, aussi est-il réservé à la pénitence préliminaire au baptême et à l’appel du baptême : ysTcvoia … l/.uvn £t£ ci ; iiotp XKTiCn ; j.sv, … TY.-J A-r.'jiv ixsivvj Tr, v y.r/KXr, v xy.i ffE/<v/ ; y ; — aU

présent, est réservé le pronom oî « ? : t/, v ncrmoiv.-j 7-KÙT/ ; v, etc. Il est tout.i fait impossible de trouver dans cette x'/f, 7ti une allusion au ministère présent du Pasteur, comme inaugurant une ère nouvelle dans l'économie de la pénitence.

Mais alors, comment expliquer la différence clairement mise par le Pasleur entre ceux qui ont déjà répondu à l’appel du baptême, t « îç x'^rfici^iv npi zoOtoi-j Tû » h/ispif-', et ceux qui pourront y répondre dans l’avenir ? Cette différence s’explique le plus simplement du monde, par un calcul de prudence, que le Pasteur énonce expressément et qui répond au but de l’ouvrage. Le Pasleur se préoccupe de ne donner ni aux uns ni aux autres occasion de spéculer sur la facilité des pardons divins : p.h Sici’ji i.fnp ; j->, -j rcifj p.é'JjO’j7t 7Tta-T- : -£(v Yi TOii vûv TTtffTeJcaffiy £( ; Tti* Kùpinv. Il énonce par deux fois cette distinction, non pour annoncer jin Iruiterænt difTcrenl aux uns et aux autres, mais au contraire pour promettre aux uns et aux autres un même traitement : ol yv.p vOv ris^T£v(7 « vrs ; r, p.a.ymzi TTio-Tsùeiv / « TOvot-z » v.ft.n.pTi.Cyj oiix "tyrjMdvi — ni les uns ni les autres n’ont en perspective un second baptême ; —

« tEiTi » li "iywai T&'J -npoTipwJ àp-'ApnCt-j vmtCii^ mais les uns

et les autres doivent s’en tenir au pardon baptismal. Qnanl à la pénitence postbaptismale, le Pasteur eu explique l’institution à ceux-là seuls qui peuvent aujourd’hui en avoir besoin ; mais il a soin de les avertir qu’on ne joue pas avec la miséricorde divine : c’est vouloir se perdre que d’osciller perpétuellement entre le péché et la pénitence.

Et c’est pourquoi le Pasleur a commencé par donner son entière approbation aux maîtres qui enseignent qu’il existe une seule pénitence, la pénitence préliminaire au baptême. Ces maîtres ne sont pas des dissidents : ce sont tout simplement les catéchistes de l’Eglise romaine, qui, préparant les catéchumènes au baptême, ne jugeaient pas opportun d’ouvrir à leurs yeux des perspectives infinies de rémission. Considérant comme leur premier devoir d’assurer le sérieux de la pénitence présente, ils avaient soin d’inculquer à leur auditoire l’obligation de renoncer pour tout de bon au péché, abandonnant à l’avenir le supplément d’instruction que l’expérience de la vie devait, hélas, trop souvent rendre nécessaire.

Cette pr.itique n'était point particulière aux catéchistes romains du 11" siècle : on la relrouve dans toutes les cntéchèses des Pères, depuis le De Baplismo de TertulUen au commencement du 111° siècle.

jusqu’aux instructions des grands évèqnes du iv' siècle. Qu’on parcoure les catéchèses de saint Cyrille de Jérusalem ou le De mysteriis de saint Arabroise, les discours prononcés en de pareilles circonstances par saint Basile, saint Grégoire de Nazianze, saint Jean Chrysostoræ ou saint Augustin : en vain y cherchera-t-on ces développements sur la pénitence postbaptisinale, qui avalent leur place marquée dans un stade ultérieur de l’instruction chrétienne. Il j' a plus : beaucoup de Pères tiennent, même à des auditoires chrétiens, un langage identique à celui du Pasleur d’Herraas, sans qu’il y ail l’ombre d’un doute sur leurs intentions, surtout quand il s’agit des Pères contemporains du plein développement de la pénitenceeccIésiaslique.Nous avonsrelevé des textes, Edit de Calliste, p. 8.'|-85. Voir notamment H » démentis, VIII, 6 ; sainl Justin, Dial., XLiv, P. G., 'VI, 75a A, coll. VII et c.xli ; TEmuLLiEN, De Bapt., xv, P. /.., I, 1216 C ; Origknf, In lerem., Hom., xix, ! , P. G., XUI, 5036D ; sainl Ambroisb, De pænit., U, X, 95, P. L., XVI, 520 A ; saint Pacikn, Jd Sjinpron., Ep., 1, 5, /-". /.., Xlll, io55 ; saint Jean Chrysostomb, In Ileh., Ilom., xxxi, 2, P. G., LXIII, 215 ; saint Augustin,.s>rm., C( : ci.ii, 3, 8, P. £., XXXIX, 1558.0n pourrait allonger beaucoup celle liste.

Il est temps de rendre en français le texte d’Hermas, Mand., iv, 3 :

Je vous poser’ai encore une que-'lion. Seigneur. — Parle, dit-il. — J’ai entendu, Seigneur, certains maîtres enseigner qu’il n’y a pas d’autre péuilonce que celle que nous avons faite, lorsiiue nous descendîmes dans l’eau et y reçûmes le pardon de nos précédentes fautes. — Il me dit : Tu as bien entenJu, il en est ainsi. Car celui qui a roi ; u le pardon de ses fautes ne devrait plus pécher, mais demeurer dans l’innocence. ' Mais puisque tu veu. savoir le dernier mot de tout, je ta (k’Oouvrirai enr. ire ceci, non pour encourager [à pécher] ceux qui désormais croiront ou qui déjà ont cru au Seigneur. Car ceux qui déj, *i ont cru ou qui croiront n’ont pas [en perspective) la pénitence de leurs fauies [ultérieures], mais lien le pardon de leurs fautes précédentes. 'Donc, pour ceux qui ont été appelés avant ces jours, le Seieneiir a établi une pénitence : car connaissant les cieurs et prévoyant toutes choses, le Seigneur a vu la faiblesse humaine et l’astuce du diable, ses entreprises funestes et ses attentats contre les serviteurs do Dieu. Le Seigneur plein de miséricorde a eu pitié de sa créature ; Il a établi cette pénllence et m’y a préposé. s.Mai^ je te le dis ; après ce grand et solennel ; ippel [du baptf-me], si quelqu’un, cédant i » une tentation du diable, pèche, il a [en perspective] une pénitence ; mais s’il retombe indéfiniment pour faire encore pénitence, qu’il n’en espère pas de fruit : son salut est bien compromis. — ' Je lui dis ; Vous m’avez rendu la vie, pnr ces paroles si précises. Je sais maintenant que si je ne retombe plus dans le péché, je serai sauvé. — Oui, dit-il, et tous ceux qui feront de niL-rae.

Le sens que nous y avons trouvé est substantiellement conforme au commentaire de Cliîmbnt d’Alexandrie, Strom., II, xiii, P.G., VlII.ggS B-996B :

Celui donc qui a rei.u le pardon de ses péchés ne doit plus pécher. Car après la première et unique pénitence des péchés (entendez la pénitence de ceux qui ont jusque-là -vécu comme les païens, dans l’ignorance), il n’y a place, pour les appelés de Dieu, qu'à la purification de la péoitenco, qui doit débarrasser l'àme de ses souillures, afin que la foi s’y fonde. Mais Dieu, connaissant les cœurs et prévoyant l’avenir, l’Inconstance de 1 homme, l’afliarnement et la perfidie du diable, a prévu dés le commencement que, jaloux du pardon accordé à 1 homme, il Inventerait des occasiom de péché pour les serviteurs de Dieu, et mettrait une habileté criminelle à les entraîner dans sa ruine. C’tKt poun|uoi, à ceux qui tomberaient après être parvenus à la foi. Il a dans sa miséricorde donné une seconde pénitence, afin que, si l’homme venait à être tenté après l’appel divin et à succomber aux artifices diaboliques, il eût encore à sa portée une pénitence délinitlve. Que si nous péchons à plaisir après avoir reconnu la vérité, nous n’avons plus de sacrifice à ofl’rir pour nos péchés, mais seulement l’attente effroyable 1769

PENITENCE

1770

du jugement et l’ardeur du feu qui dévorera les ennemis de Dieu. Ceux qui passent leur tmnps en de continuelles alternatives de péché et de pénitence, ne dilYcrent en rien des îniidèles, sinon par la conscience qu’ils ont de leur péché…

Nous ne songeons pas, d’ailleurs, à contester qa’il ait pu y avoir ni qu’il y ait eu effectivement, clans l’Eglise du n" siècle, des diversités locales ou autres, des courants de plus ou moins grande sévérité en matière de pénitence. Ce que nous nions, c’est que cette page d’Hermas rende témoignage d’une telle diversité. Car les seuls maîtres que mentionne lier mas, reçoivent la pleine approbation du Pasteur. Si l’on veut qu’ils fassent figure de rigoristes, on devrait pouvoir montrer, en regard, des laxistes ; or cette page n’y fait aucune allusion.

I/exégèse que nous venons de justifier n’est pas nouvelle. Les mots '>S ; <rii, n/éu ont été entendus de l’appel au baptême par Hilgbni’eld, Hermæ Pastor, p. 172, Leipzig, 1881 ; par Weinel, flandbuck zu den NTlichen Apocryplien, herausg. v. E. Hennecke, p. 303, Tubingen, 1904 ; par G. Rauscben, L’Eucharistie et la pénitence durant l^s six premiers siècles de l’Eglise, Irad.fr., p. 138, Paris, igiojpar A. BauMEisTER, Die Etliik des Pastor liermae, p. 53, Freiburg i. B., 1912 ; par A. Lelong, Le Pasteur d’Hermas, p. 86, Paris, ign, et autres. — Or les mots z/> ; ffi ; , xotysw, marquent un tournant, où il faut nécessairement prendre parti. Si, avec Funk et autres, on les applique à la mission du Pasteur, on ne peut plus s’en tirer. Mais nous croyons avoir montré que ce sens est inadmissible. Reste à les appliquer à la vocation chrétienne. C’est ce qu’ont fait justement les auteurs que nous venons de nommer. Mais tel d’entre eux a réintroduit après coup des idées empruntées de Funk, et le résultat n’est pas moins inextricable.

Autour de cette même page un système d’exégèse s’est cristallisé, auquel on a attiré d’autres textes, entendus au sens rigoriste. Par exemple, le mot Sj7xdhjji, qu’on lit vers la fin, et qui marque une didiculté très grande, a été pris au sens d’une pleine négation. Rauschkn, L’Eiichariste et la pénitence, trad. fr., p. ! i, Paris, 1910. C’est forcer le mot, assez commenté par les autres exemples qu’on lit chez Hermas, Mand., ix, 6 ; xii, 1, 2 ; Sim., viii, 10, 2 ; ix, 20, 2, 3 ; 23, 3. — On a encore cru trouver trace d’dn courant rigoriste, Sim., viii, 6, 5, où il est question d’hommes qui s’opposent à la pénitence, ùr^o^-piTy.i rai SiSoiyv.i ^évv.i shfécovTsç kvA èx7rpé<j.ovrei toù^ Sow.oui tcO Qs’jÙ,

L’erreur se réfute elle-même. Ces hommes ne sont pas des rigoristes, mais bien plutôt des laxistes, qui détournent les pécheurs de la pénitence par des doctrines étrangères. Ceux-là, en tout cas, ne sont pas identifiables aux maîtres de Mand, , iv, 3, puisque nous les voyons désavoués par le Pasteur.

Une conclusion du moins ressort avec évidence : c’est que l’Eglise du ii* siècle n’est pas opposée à la réconciliation des pécheurs — pour une fois. Le fait est généralement reconnu. Mais chez les auteurs qui le reconnaissent, il arrive que l’affirmation se nuance diversement. Ainsi M. l’abbé Vacandard écrit, dans la Bévue du Clergé français, t. XXI, p. 36 (1899) : « Au temps d’Hermas, l’adultère était encore un péché rémissible. n (C’est moi qui souligne.) Ihid., t. L, p. 128 (1909) : c< Il est sur que le Pasteur préconisait l’indulgence, même en faveur des adultères. » De son côté, Mgr BATiFFOLécrit, Eludes d’histoire et de théologie positive', t. 1, p. 66(1904) : « Le principe est affirmé du droit au pardon pour le chrétien failli. Hermas l’affirme au nom du presbytérat romain et de la conscience chrétienne. Mais l’encratisme est encore trop répandu, il s’accorde trop bien avec le

pharisaïsme qui est l’ivraie de toute forte vertu, pour ne pas faire échec longtemps à la doctrine indulgente. » (C’est encore moi qui souligne.) De même, Ihilletin de lit. eccl., 1906, p. n8. — On le voit, les deux auteurs que nous venons de citer sont d’accord pour reconnaître que le Pasteur admet en principe la réconciliation des pécheurs et qu’il a particulièrement en vue les fautes de la chair. Mais la rédaction de M. 'Vacandard suppose que ce principe avait été posé anciennement, et qu’alors l’Eglise évoluait vers la rigueur. Au contraire, la rédaction de Mgr Batiffol suppose que le principe luttait contre la rigTieur ancienne et que l’Eglise évoluait lentement vers l’indulgence. On voit combien d’obscurité comporte la question. Avouons, pour notre part, ne percevoir d'évolution ni dans un sens ni dans l’autre. Retenons seulement ce qui n’est pas discuté : l’Eglise du II" siècle n'était pas opposée à la réconciliation des pécheurs. Et ces pécheurs sont, avant tout, les impudiques, comme il ressort de l’insistance d’Hermas sur la vertu opposée, 'lyy.pdztiv.. Voir notamment Sim., V, 1, 5. Le verbe 'v/'.pv.'zi’MzOv.i, revient jusqu'à vingt et une fois en une page. Mand., viii.

La troisième et dernière partie du livre d’Hermas

— Paraboles — est particulièrement riche en traits descriptifs reflétant l'économie primitive de la pénitence ecclésiastique. Nous nous arrêterons à la ixo Parabole.

L’allégorie de la tour y est reprise avec de nouveaux développements, et le voyant contemple douze montagnes, qui figurent les douze tribus, c’est-à-dire tous les peuples répandus sous le ciel, et d’où l’on extrait des pierres pour la construction de la tour. Quelques-unes de ces pierres se gâtent, et sont arrachées des murs où elles avaient trouvé place, pour être provisoirement mises au rebut. Le Pasteur explique le symbolisme de la neuvième montagne, Sim., IX, 26 :

Pour la neuvième montagne, désorte, peuplée de reptiles et de bètos homicides, voici quels chrétiens on y trouve.

- Les pierres qui portent des taches sont les diacres prévaricateurs qui ont pillé le bien des veuves et des orphelins et se sont enrichis par l’exercice de leur charge. S’ils persévèrent dans cette passion, ils sont morts sans espoir de vie ; mais s’ils se convertissent et remplissent saintement leur charge, ils pourront vivre. ' Les pierres envahies par les scories sont les renégats qui ne se sont pas convertis à leur Seigneur : restés en friche et déserts, ne s’attachent pas aux seriteurs de Dieu, d^ins leur isolement ils perdent leurs âmes. ^ De même, en efi’pt, que la vigne abandonnée dans une haie, sans soin, dépérit, est isolée par les plantes envahissantes, et finalement devient sauvage et inutile au propriétaire, de même ces hommes se sont abandonnés et, tombés à l'état sauvage, deviennent inutiles à leur Seigneur. ^ Il ya pour eux une pénitence, s’ils n’ont pas renié du fond du cœur ; mais pour celui qui aurait renié du fond du cœur, je doute qu’il puisse vivre. Cela, je ne le dis point pour les jours à venir, afin que quelqu’un ayant renié fasse pénitence : car il n’y a pas de salut possible pour qui désormais renierait son Seigneur ; mais pour les anciens renégats, il semble qu’il y ait une pénitence. Si donc quoiqu’un doit faire

fiénitence, qu’il se bâte, avant rachévenient de la tour ; sinon es femmes le mettront à mort. ' Les pierres mutilées sort des fourbes et des médisants ; il en est de même des animaux que tu as vus sur la monlagne. Comme les animaux par leur venin empoisonnent et tuent l’homme, ainsi les paroles de tels hommes empoisonnent et tuent. '^ Ilssontdonc mutilés dans leur foi, ù cause de leur conduite personnelle. Toutefois qtielques-uns ont fait pénitence et se sont sauvés. Les autres de cette catégorie peuvent aussi se sauver, à condition de faire pénitence : faute de faire pénitence, ils seront mis à mort par ces femmes dont la vertu est en eux.

On voit qu’il y a un pardon pour toute sorte de pécheurs ; non seulement pour les impudiques, ainsi qu’on l’a vu plus haut, mais encore pour les apostats, les plus compromis de tous. Des apostats s’opiniâ1771

PENITENCE

1772

trent dans l’apostasie et le blasphème jusqu'à ne plus vouloir donner un regard au Dieu qu’ils ont quitté : ceux-là se perdront sûrement : leur cœur est entièrement perverti. Mais s’ils étaient encore capables d’un bon mouvement, il y aurait pour eux espoir de salut. Le Pasteur entend cela même de l’apostasie consommée par l’idolâtrie ; car on a rencontré sur la quatrième montagne ces làclies qui, au premier bruit de persécution, s’empressent de sacrifier aux idoles et rougissent du nom du Seigneur. Sim., ix, 21, 3 ; cf. Mand., xi, 2-4, une autre forme d’idolâtrie. Le Pasteur offre le salut aux apostats, s’ils font vite pénitence ; et les propres enfants d’Hermas, coupables du même crime, obtiennent leur pardon. Vis., 11, 2, 2 ; cf. Sim., X. En somme, après comme avant le baptême, le seul signe certain de damnation est l’obstination dans le mal. Doctrine très évangélique. L’Eglise du a' siècle en avait déduit les justes conséquences. La différence que met ici le Pasteur entre les anciens renégats et les renégats à venir, répondelle à une intention dogmatique ? en d’autres termes, raarque-t-elle le caractère exceptionnel du ministère rempli présentement par le Pasteur. Je ne puis le croire. D’après tout l’ensemble de l’ouvrage, cette différence me paraît répondre bien plutôt à une intention pratique : il s’agit de ne pas ouvrir inopportunément des perspectives indéfinies de pénitence à ceux qui n’en profiteraient que pour pécher à leur aise. La prudence du Pasteur voile, à dessein, ces perspectives.

La réconciliation avec Dieu, gage de salut, a pour signe normal et pour gage la réintégration dans la tour, qui figure l’Eglise, sans distinction entre l’Eglise de la terre et celle du ciel. Mais la construction se poursuit : il faut se liàter d’y entrer avant qu’elle s’achève. Tout le symbolisme du livre démontre le caractère ecclésiastique de la réconciliation offerte par le Pasteur.

Cette réconciliation n’est offerte que pour une fois. Le pécheur relaps n’est sans doute pas désespéré, mais il n’a plus rien à attendre de l’Eglise, qui l’abandonne à la miséricorde divine. La rigueur que montre Her mas sur ce point, ne lui est pas particulière : c’est le fait de toute l’Eglise jusqu’au temps de saint Jean Clirysostoræ en Drient et jusqu’après saint Augustin en Occident. Voir, à ce sujet, outre Hermas, Mand., iv, 1, 8 et 3, 6, Clkmknt d’Alexandrie, Stroni., II, xiii, P. G., VIII, 996 A ; Tertullien, /)e pæn., vu ; Origènk, In Lev., Hom., xv, 3, P. G., XII, 561 A ; adversaires de saint Jean Chrj’sostoræ au synode du Chêne, ap. Mansi, Concilia, t. III, ii^S CD, cf. Socratk, //. E., VI, XXI, P. G., LXVII, 725B-'j28A ; saint Ambroise, De pæn., II, x, 90, P. /,., XVI, 520A ; saint Sirice (pape, SS^-Sgg), Ep., i, Ad Himerium Tarracon., 5, 6, P. L., XllI, I iS^.VB ; saint Augustin, Ep., CLiii, 3, 7, Ad Macedoniuni, P. L., XXXIII, 656. Avènement d’une discipline nouvelle chez Victor DE Cartenna (v' siècle). De pacnit., xii, P. /.., XVII, gSôB. — Cf. Edit de CaUisie, p. 151 sqq.

On ne trouve chez Hermas aucune allusion explicite au pouvoir des clefs. Mais si une vérité ressort avec évidence de tout son livre, c’est le caractère ecclésiastique de la pénitence qu’il préconise. L’idée d’Eglise résume toute son allégorie et le Pasteur ne l’instruit qu’au nom de l’Eglise. Ce point est mis en excellente lumière par tel auteur, protestant, comme R. Seeberg, Lehrhuch der Dogmengeschichte, t. I, p. 126, Paderborn, 1908. On a pourtant élevé des doutes à l’encontre. 5fous ne les croyons nullement fondés. Voir Etudes, t. CXXXII, p. 79 (gi), 5 juillet 1912 (sur VHermas de M. Lelong) ; Edit de Calliste, p. 109-11 1.

11° L’administration de la pénitence au II' siècle

Les rares documents du 11' siècle, en dehors d’Hermas, n'éclairent pas d’une lumière bien vive l’histoire primitive de la pénitence. On peut glaner quelques faits.

Saint Clément de Romb — avant la fin du i^r siècle — exhorte les esprits remuants deCorintheà la concorde fraternelle, en leur faisant espérer le pardon divin, I Cor., viii.l. lvii. Saint Ignace d’Antiocbb tient le même langage aux fidèles de Philadelphie, et les exhorte à la pénitence, avec une allusion assez distincte à la rémission des péchés, Philad., m. vu. Saint Polvcarpe ne parle pas autrement aux Pliilippiens, Philipp., vi ; il fait allusion à l’apostasie d’un prêtre, et ne veut pas désespérer ducoupable, s’il fait pénitence, ch. xi. La 11^ Clemenlis, homélie écrite à Corinthe, vers l’an 150, souligne (vu, vin) la nécessité de faire pénitence présentement. Le chrétien est en ce monde comme un vase d’argile, qui n’a point encore passé au four, et que le potier peut toujours refaire. Une fois passé au feu du jugement divin, son sort est fixé. Saint Justin, à Rome, ne transige pas avec les prescriptions de la morale chrétienne, I Ap, , II, P. G., VI, 444. Il allirme qu’il y a un pardon pour tous les pécheurs repentants, Dial., xLiv. xlvii, il*., 572. 577. 580 ; mais n’en promet pas aux autres, Dial, , cxLi, ib., 797C-800A. Son disciple Tatien n’a pas formulé une doctrine sur la pénitence ; en revanche, il nous offre, dans son Diaiessaron, l’attestation, jusqu’ici vainement cherchée, du Tu es Petnis. Voir ci-dessus, art. Patauté, col. 1 342-3. Denys DB ConiNTHB alUrme le droit des pécheurs, de tous les pécheurs vraiment pénitents, nommément des apostats et des hérétiques, à l’accueil bienveillant de l’Eglise ; ap. Eusèbe, //. E., IV, xxiii, 6, P. G. : XX, 385B. Théophile d’Antiochb, pour traduire le dessein miséricordieux de la Providence divine sur les âmes, reprend la comparaison de l’argile et du potier, Ad Autolyc, II, XXVI, P. G., VI. logS. Saint Irénkb parle à diverses reprises de pénitents. Ce sont des hérétiques, comme Cerdon, esprit instable, ébauchant plusieurs fois une pénitence qu’il n’achève jamais, Ilær., III, iv, 3, P. G., VII, 857A ; d’autres, raarcion-ites ou valentiniens, convertis à Rome par saint Polj’carpe, III, iii, 4, 852B ; tous peuvent se convertir, III, XIV, 4. 9'6- Des femmes, séduites par les gnostiques et tombées dans le désordre ; les unes se convertissant, d’autres reculant devant la honte d’une pénitence publique, I, vj, 3 ; xiii, 5, 7 ; 508I3. 588B. 592B. Irénée n’a pas coutume de ménager le vice, //aer., IV, XXVII, io56-io61 ; mais il ne désespère aucun pécheur ; il admet que tous peuvent se sauver par la pénitence, Ilær., I, x, 1, Ô52A ; III, xxiii, 3, 962B ; IV, xl, i, 1112C ; V, xi, i, iiôoB ; xxvi, 2^ Iig4.

111° Lia pénitence au III' siècle. — Théorie des trois péchés réservés

Si nous avons cru devoir nous arrêter ci-dessus assez longtemps à l'œuvre d’Hermas, c’est parce que l’interprétation donnée par quelques auteurs à Mand, , iv, 3, et ci-dessus écartée par nous, est le principal fondement d’une théorie particulière sur l'évolution primitive de la pénitence ecclésiastique, théorie qui a joui d’une brillante fortune et dont il faut nous occuper maintenant. Appuyée sur ce fondement, la théorie n’en apparaît pas moins caduque, mais elle réussit à faire une certaine figure. Au contraire, dépourvue de ce fondement, elle reste suspendue dans le vide et n’arrive pas à se soutenir par ses propres moyens. Il y avait donc intérêt à 1773

PENITENCE

1774

éprouver d’abord la solidité de ce bloc sur lequel repose tout l'édilice.

Sous sa forme la plus rigide, la théorie peut se résumer ainsi. Pendant près de deux siècles, l’Eglise exclut absolument de ses pardons certains grands " péchés, nommément les péchés d’idolâtrie, d’impureté et d’iiomicide, appelés proprement péchés contre Dieu, parce qu’ils outragent directement Dieu, ou bien l’homme, image de Dieu. Au commencement du me siècle, une première brèclie fut faite à l’antique sévérité par un pape qui déclara réconcilier, après pénitence, les impudiques : le fait nous est révélé par Tertullien monlaniste, qui proteste violemment dans le De pudicitia. Un peu après le milieu du iii^ siècle, un nouveau pas fut franchi : lEglise cessa de se montrer inexorable au péché d’idolâtrie, en réconciliant des apostats de la persécution de Dèce. Plus tard encore, à une date dillicile à préciser, elle abolit les dernières restrictions, en commençant de réconcilier les homicides.

Ebauchée au xvii= siècle par les Jésuites Petau et SiRMOND, dés lors plus ou moins contestée par l’Oratorien Jean MoniN, puis par les Dominicains NoiiL Alexandre et cardinal Orsi, cette systématisation a été souvent reprise de nos jours, soit par des auteurs catholiques, soit par des protestants, et bien entendu en fonction de conceptions dogmatiques divergentes. Les catholiques n’y voient rien de plus que l’adaptation de la discipline ecclésiastique à des besoins révélés par les temps nouveaux. Les protestants y cherchent volontiers la traduction dans les faits d’un développement religieux plus ou moins autonome. Citons quelques auteurs représentatifs.

Au xvii » siècle, D. Pktau, Hc Pænitentiæ vetere in Ecclesia ralione Diatriha er Epiphanianis animadlersionibus ad hæresim lix, quæ est novatianorum… excerpta, c. ii (1622). — De Pæniientia et reconciliatione veteris Ecclesiæ moribus recepta ex nubis in Srnesium erufa (1633), c. iv. — De pænitentia publica et præparatione ad cummunionem^ 1. U, c. Il (16114). (On trouvera ces textes réunis dans les Dogmata //ieo/o » (ca, éd. de Venise, I75'7, t. VI.) — (Il convient de noter que les écrits les plus récents de Pelau marquent une certaine atténuation de sa conception primitive.) — J. SmMOND, Historia pænitentiae piiblicae, PaLTis, iG51.

Dans un sens dilférent : I. Morin, Commentariiis liistoiicus de disciplina in administralione sacramenti pænitentiæ. V, 11, 6(1631). — Noiîl Alexandre, Historia ecclesiastica (Paris, 1699). — Au xviii « siècle, card. Orsi, Disseitatio historica qua ustendilur calholicam Ecclesiani tribus priorihus sæciilis capitalium criminum reis pacem et absolutionent neutiquam denegasse (Milan, i^So).

De nos jours on peut citer :

Parmi les auteurs protestants. Ad. Harnack, Ichrbuch der Dogmengescliichte', t. I, p. 439-/J41 ; et l’anglican O. D. Watkins, A History of Penance, vol. 1, Londres, ig’iO.

Parmi les callioliques, P. X. Funk, Znr altchristttchen Bussdisciplin^ dans Kirchengeschichtliche Abhandlungen und Vntersuchungen, t. I, p. i.58 sqq., Paderborn, 1897 ; ^' ^"^ Indulgenzedikt des Papstes Kallisiiis, dans Tkeologische Quartaischrift, 1906, p. 541-568.— Cf.P.BATn-i’OL, L'éditde Calliste, d’après une controverse récente, dans Bulletin de littérature ecclésiastique, 1906. p. SSg-S^S ; E. Vacandard, Tertullien et Us trois péchés irn-missibles, n propos d’une récente controverse, iais Revue du Clergé français, lef avril 1907, p. I13-131.

On trouvera de larges extraits dans notre Edit de Calliste, notamment p. It-io.

Rendons hommage aux belles synthèses histori ques du sviio siècle, dont beaucoup de travaux modernes sont, plus ou moins consciemment, tributaires. Mais nul ne songe à s’y enchaîner aujourd’hui ; et des auteurs profondément séparés à d’autres égards s’accordent à dire qu’il y faut apporter de justes tempéraments.

Des théologiens catholiques estiment qu’on ne doil pas s’arrêter sans preuves à l’idée de restrictions aussi absolues mises par l’Eglise elle-même à l’exercice du pouvoir des clefs. Et des historiens, qui ne sont pas tous catholiques, estiment que ces preuves font défaut.

Nous avons cilé, Edit de CuUisle, p. a38-240 : J. LbBUETON, Revue pratique d’Apologétique, 15 nov. 1906, p. 242 ; P. Monceaux, Histoire littéraire de l’Afrique cltrétienne, l.l, p. 432, Paris, 1901 ; H. P. J. Stuflhr, S. J., Z. S. f. Kath. Théologie, 1907, p. 433-473 ; G. EssER, Der Katliolic, 1917, t. Il ; F. Diekamp, Theulogische Revue, 20 mai 1908, p. 207 ; O. Bardenhewer, Patrologie^, p. 196, Fribourg en Br., 1910 ; K. Ada.m, Der Kirchenbegrifj' Tertullians, p. 149, Paderborn, 1907 ; Atzberger, Theologische Revue, 18 nov. 1907, p. 549 ; E. Preuschen, Die Kirchenpolitik des Bischof Katlist, dans Z. S. f. A. T. Wissenschaft, 1910, p. 135 ; Hauck, R. E. art. Calixt, p. 641, 1897 ; J. F. Betuunb-Baker, ^n / « <ro(i » c<ion to the early history ofthe Christian doctrine to the council of Chalcedon, p 372-373, Londres, igoS ; F. Loofs, Leitfaden zum Studium der Dogniengeschichte, p. 207, Halle, 1906 ; R. Sbeberg, Lehrbuch der Dogniengeschichte^, t. I, p. 496, Leipzig, 1908.

Sans contester aucunement que la discipline de l’Eglise évolua vers l’indulgence, nous croyons qu’il faut se tenir en garde contre une schématisation trop rigide, accusant les reliefs d’un petit nombre de faits obscurs, au détriment du ministère de miséricorde que l’Eglise exerça toujours selon le mandat reçu de son divin Fondateur.

Le débat roule principalement autour du personnage de Tertullien et de ce que l’on est convenu d’appeler « l'édit de Calliste « ; secondairement, on appelle en témoignage saint Hippolyte et Origène.

i" Tertullien. — Il faut ici entendre d’abord l’auteur catholique de De pænitentia ; puis l’auteur montaniste du De pudicitia.

Dans le De Pænitentia, vii, Tertullien, peu après le commencement du m" siècle, expliquait l’institution de la pénitence ecclésiastique, sa raison d'être et les limites où elle se renferme, en des termes presque identiques à ceux d’Hermas. Nous analyserons cette page, dont le parallélisme avec une page connue du Pasteur est trop exact pour pouvoir être imputé au hasard. Manifestement les deux auteurs reproduisent ici le même enseignement, et peut-être suivent-ils une même pièce catéchétique : preuve évidente que les institutions ecclésiastiques visées par le prêtre de Carthage plongent leur racine dans un lointain passé.

En abordant ce sujet devant un public composé au moins en partie de catéchumènes et de néophytes, l’auteur se montre troublé de la responsabilité qu’il encourt. Ne va-t-ilpas induire en tentation telle âme hésitante, en lui découvrant, par delà le baptême, des possibilités de réhabilitation quepeut-être elle ne soupçonnait pas, ou qu’elle n’envisageait pas ? Avant tout, il tient à marquer qu’il y a un terme à cette miséricorde. Donc, que nul ne s’avise de spéculer sur l’espoir de pardons sans fin. D’ordinaire les naufragés, échappés au péril de mer, ont la sagesse de dire à la navigation un adieu délinitif et s’abstiennent d’exposer une seconde fois une vie si chèrement sauvée. Le chrétien, parvenu au port du baptême, devrait imiter cette prudence et marquer par une 1776

PÉNITENCE

1776

fidélité inviolable sa gratitude envers Dieu. Mais tel est l’acharnement du démon contre ceux qui viennent de lui échapper, que plusieurs cèdent à ses assauts. Dieu y a pourvu : il n’a pas voulu abandonner sans espoir le chrétien tombé après le baptême : il lui permet de frapper une fois, rien qu’une fois, à la porte de la seconde pénitence. Bienfait nouveau et gratuit, dont le pécheur ne saurait se montrer trop reconnaissant.

Puissent vos serviteurs, ô Seigneur Christ, ne (lire et n’entendre sur la discipline de la pénitence, que ce qu’il faut pour savoir qu’ils ne doivent point pécher : ou qu’ils ne sachent plus rien, qu’ils ne veuillent plus rien savoir de la iirnilence ! Il m’en coûte de mentionner encore cette seconde et derniùre espérance : je crains, en revenant sur la suprême ressource de la pénitence, do paraître ouvrir une nouvelle carrière au péché. A Dieu ne plaise que personne s’autorise de mes paroles pour transformer en droit au péché le droit à la pénitence, et que l’abondance de la cléjnence céleste déchaine les excès de la témérité humaine ! CJue nul n abuse de la bonté divine pour répondre par de nouvelles fautes à de nouveau : ^ pardons. Au reste, il ne saurait échapper indéiinirænt, s’il pèche indéfiniment. Nous avons échappé une fois : c’est assez nous être exposés au péril, quand même nous pourrions nous flatter d’échapper encore. D’ordinaire, ceux qui ont survécu à un naufrage disent un adieu définitif aux vaisseaux et à lu mer ; ils rendent hommage à Dieu, auteur de leur salut, en se souvenant du péril. Louable crainte, touchant respect : ils ne veulent pas être une seconde fois à charge à la divine miséricorde ; ils redoutent du paraître mépriser lo bienfait rec ; u ; ils se préoccupent justement de ne pas braver encore les danj^ers qu’ils ont appris à craindre. En mettant un frein à leur témérité, ils manifestent leur crainte. Or, la crainte est un hommage que 1 homme rend à liieu. Mais notre ennonii acharné n’accorde aucune trêve à sa malice. Et il redouble de rage quand il voit l’homme pleinement libéré ; sa fureur s’enilamme quand on l’éteint. Comment ne serait-il pas navré de douleur en voyant, par le pardon mis à la portée de Ihomme. tant d’œuvres do mort détruites, tant de titres d une condamnation, qui l’ut son œuvre, effacés ! Il songe avec douleur que lui et ses anges seront jugés par ce serviteur du Christ, pécheur. C est pourquoi il épie, il attaque, il assiège, espérant ou bien frapper ses yeux par la concupiscence de la cliair, ou enlacer son âme dans les charmes du siccle, ou abattre sa foi par crainte do la puissance terrestre, ou le détourner du droit chemin par des doctrines de mensonge ; il n’épargne ni scandales ni tentations. Prévoyant donc ses artifices empoisonnés, Dieu, après que la porte du pardon s’est refermée sur le pécheur et que le verrou du baptême a été tiré, a voulu lui laisser encore une ouverture. Il a placé dans le vestibule la seconde pénitence, pour ouvrir à ceux qui frapperaient ; mais seulement une fois, car c’est la seconde ; jamais plus, parce que le précédent pardon est resté sans fruit. N’est-ce pas assez d’une fois ? Vous a^ez déjà par delà votre mérite ; car vous avez laissé perdre le bienfait reçu. Si l’indulgence du Seigneur vous accorde le moyen de réparer la perte, sachez-lui gré d’un bienfait renouvelé ou plutôt d un bienfait accru. Il y a en effet plus de générosité à redonner qu à donner, comme ily a plus de malheur à perdre qu’à n’avoir jamais reçu Mais il ne faut pas se laisser énerver et abattre par le désespoir, i l’on se trouve avoir contracté la dette d’une seconde pénitence. Ce qu’il faut craindre, c’est de retomber dans le péché, non de réitérer la pénitence, c’est de s’exposer encore au péril, non d’en sortir encore. En cas de rechute, il faut réitérer le traitement. Le moyen de marquer au Seigneur votre reconnaissance, c’est de ne pas refuser la grâce qu’il vous offre Vous l’avez offensé, mais vous pouvez encore faire votre paix avec lui. Vous pouvez lui donner satisfaction, il ne demande qu’à la recevoir.

Parmi les plus notables rencontres avec Hermas, Mand, iv, 3, on notera ici la préoccupation de ne pas induire les néophytes en tentation en leur découvrant des perspectives de pardon trop commodes : IIiiciisque, Christe Domine, de pænitentiæ disciplina servis tais dicerevel audire continuât, quousf/ue etianidelinquere non oportet audifutihu.s ; vel nihiliani de pænitentia noverint, niliil eius requirant. Piget seciindae, mmo iam ultimæ spei sublexere mentionein, ne

rétractantes de residuo auxilio pænitendi, spatiiiin adliuc delinquendi demonsirare yideamur. On notera par ailleurs les allusions à la faiblesse humaine, à l’acharnement du diable et à la miséricorde divine. On notera enfin cette aflirmation positive, que la pénitence postbaptismale ne se réitère pas. Il s’agit de la pénitence solennelle à la face de l’Eglise, grand moyen dont il ne fallait pas provoquer l’abus. Or les formules de Tertullien sont tout à fait générales et n’exceptent aucune catégorie de péchés. Ceci est généralement reconnu. Edii de Caliiste, p. 153 sqq.

Tout autre est le langage de Tertullien montanisle. Son indignation contre le laxisme du successeur de Pierre, en matière de pénitence, éclate dans le violent pamphlet qu est le J)e pudicitia.

Le début est un hymne à la chasteté’, « fleur des mœurs, honneur des corps, parure des sexes, intégrité du sang, garantie de la race, fondement de la sainteté, signe reconnu d’une ôme bonne, d’ailleurs chose rare, délicate et fragile, qu’il faut entourer de soins infinis… » Ce morceau lyrique prépare une explosion de colère contre le pontife suprême, traître à la chasteté chrétienne. Par édit péremptoire, cet évêquedes évêque » sefait fort de « remettrelespéchés, après pénitence, aux adultères et aux débauchés ». Oii aflichera-t-on cette grâce ? Sans doute, à la porte des mauvais lieux ? Non pas : proclamation en est faite dansl’Eglise, aux oreilles de cette vierge, épouse du Christ. Tertullien n’y tient plus ; il élèvera la voix :

Voici donc encore un écrit contre les PaycJiici et contre notre accord désormais rompu ; je veux ce titre de plus au reproche d’inconstance qu’ils m’adresseront. -lamais une rupture ne constitue présomption de faute : n’est-il pas plus facile d’errer avec la foule que de s’attacher à la vérité avec une élite ? Mais je n’attends pas plus de déshonneur d’une utile inconstance que de gloire d’uneincoiistante désastreuse, .le n’ai point honte de m’ètre afi’ranchi de l’erreur, parce que je me félicite de cet aflranchissement, parce que je me sens meilleur et plus chaste. On ne rougit pas d’un progrès. Même dans le Christ, la science a divers âges ; déjà l’Apotre a passé par là : quand j’étais enfant, dit-il, je parlais en enfant, je pensais en enfant ; devenuhomme, j’ai dépouillé ce qui était de l’enfant (1 Cor., xiii, il).

Il importe beaucoup de le remarquer : l’auteur du De Pudicitia ne se pique pas de constance, au contraire. Il se glorifie d’avoir rompu avec les Psychici (catholiques), parce qu’il réprouve leurs principes et leur pratique. Donc il ne faudrait pas tirer argument de cet éclat pour prouver que l’acte du pape, déclarant remettre, après pénitence, les fautes de la chair, constituaitune nouveauté. La nouveautéest du côté de Tertullien, qui s’en vante, comme d’un progrès sur une école qu’il a depuis longtemps condamnée.

Ce serait une tâche instructive que de relever, dans cet écrit, la trace des arguments par lesquels Tertullien catholique avait établi, dans le De pænitentia, le pouvoir de l’Eglise sur tous les péchés sans distinction, et dont Tertullien montaniste poursuit méthodiquement la ruine dans le De pudicitia : paraboles évangéliques de la brebis errante, de la drachme perdue, de l’enfant prodigue (comparer Pæn., viii et Pud., vn-x), cf. Èdit de Caliiste, p. 181-183 ; appela l’autorité d’Hermas (comparer Pud., x) ; appel à l’Ancien Testament, Ez., xxxiii, ii (comparer Puen.. iv et Pud., II. X. xviir. xxii), et au Nouveau. — Edit de Caliiste, p. 185-18g.

Ce manifeste d’un prêtre révolté a pour nous l’avantage de mettre dans une lumière nouvelle le caractère ecclésiastique de la rémission des péchés, tel qu’on l’entendait alors. On a vu Tertullien s’insurger là-contre dès sa première page. Il y revient plus 1777

PENITENCE

1778

explicilemenl en distinguant deux catégories de jiécbés, lesunsrémissibles par le ministère de l’évêque, les autres réservés à Dieu, Pitd., xviii, P. /,., 11, 1017 B : Salwa ilta pænitenliæ specie post fidemquae aut levioribus delieits teniam ab episcopo consequi poterii aut maioribus el irreiiiissibitibits a Deo solo. Les nouveautés doctrinales apportées par cet écrit peuvent se ranger sous trois cliefs : 1° Doctrine des trois pccbésirrémissiljles, insinuée ou formulée, /" « rf., VI. II. XII. XIX. XXII ; — 2° Doctrine du péché direct contre Dieu, échappant, de sa nature, au ministère ecclésiastique, Pud., 11. xxi ; — 3° Doctrine de la rémission directe par Dieu, antithèse delà rémission au sens catholique ; étudier à cet égard le sens pleinement ecclésiastique des mots : Absolvere ; Reconciliatio ; ftestilutus, Hestitulio : Pa.r. Sur tous ces points, nous renverrons à Editde Calliste, p. 196-216. Voir aussi G. EsSEB, Die liussschriften Tertiillians De pænitentia und De pudicitia, und das Indulgenz-Edikt des Papstes Kallistus, Bonn, if)o4, in-4 ; et R. P. J. Stufler, S. J.jDie Bussdiszipdinder abeidàndlichen Kirclie bis Kallistus, dansZei{sclirift f. Katli. Théologie,

lr, 0^, p. 433-/473.

Trente ans plus tard, l’œuvre pastorale de saint Cypribn éclaire d’une lumière rétrospective les débals où fut mêlé TertuUien. On y apprend que certains évêques d’Afrique ont exclu les adultères des pardons de l’Eglise, sans pourtant imposer leur intransigeance au corps de l’épiscopat et sans faire schisme. £p., Lv, ai, éd. Hartel, p. 638.63g. On apprend aussi que la persécution de Dèce, en provoquant des apostasies nombreuses, mit à l’ordre du jour la délicate question de la réconciliation des lapsi.

L’altilude personnelle de saint Cyprien est celle d un homme du gouvernement, mais non celle d’un novateur. Il blâme et désavoue l’indiscrétion des prêtres qui, de leur propre mouvement, sans en référer à révêque, ont procédé à des réconciliations hâtives ; en quoi ils eurent deux fois tort : d’abord parce qu’ils ont méconnu l’autorité de l’évêque ; puis parce que, en dispensant les pécheurs d’une satisfaction convenable, ils ont compromis le sérieux delà pénitence et fait aux âmes plus de mal que de bien. Voir à ce sujet Ep., xvi, p. 617 ; De lapsis, xvi, p. a48. 2^9 el passim. Ce que veut Cyprien, c’est qu’une question aussi grave ne soit pas traitée à la légère ni livrée au hasard d’initiatives individuelles, mais réglée de concert par tout répisco])al africain. Voir notamment Ep., lv, 7, p. 628. D’ailleurs il excepte les cas d’urgence : l’imminence de la mort justiŒ une réconciliation sommaire, /î^., xviii, i, p. 523. 52/) ; et devant la menace d’une nouvelle persécution, Cyprien est le premier à estimer qu’il ne faut pas faire attendre davantage les apostats qui ont donné des gages sérieux de pénitence, mais les fortifier en vue des dangers nouveaux, en leur rendant la paix de l’Eglise et la participation à l’Eucharistie, Ep., Lvii, i, p. 650-651. Jamais il ne donne à entendre que ces réconciliations, estimées nécessaires, soient des mesures sans précédent ; il ne veut que maintenir la tradition de l’Eglise, en veillant au sérieux de la pénitence.

Ainsi les paroles suivantes, de cette lettre synodale adressée au pape Corneille, ont une portée universelle, p. 650, 20-651, 16 : Ncc eiiim fas erat aut permittebat patenia pietas et divina clementia Ecclesiam piilsantibiis cludi et dolentibus ac deprecantibus spei salutaris subsidium denegari, ut de s/ieculo recedentes sine communicalione et pace ad Dominum dimit terentiir ; quando permiserit ipse et legent dederit ut ligata in terris, et in cælis ligata essent, so/vi aulem passent illic quæ hic prius in Ecclesia soU’erentur. Sed enim cum videanius diem rursus alte rius infcstalionis adpropinquare coepisse…, necessitate cogente censuimus eis qui de Ecclesia Domini non recesserunt et pænitentiam agere et lamentari ac Dominum deprecari a primo lapsus sui die non destilerunt, pacem dandam esse et eos ad proelium quod imminet armari et instrui opnriere.

Cette ligne de conduite, ferme et prudente, est celle même que le clergé de Rome, durant la vacance du Saint Siège, avait tracée au clergé de Carthage, Ep., viii, 3, p. 487.488. On la retrouve, avec une nuance de sévérité en plus, dans la lettre adressée à Cyprien lui-même, au nom de l’Eglise romaine, par NovATiEN, peu suspect d’indulgence. Ep., xxx, 3. 5. 8, p. 55 1, 553, 556. L’idée d’une rupture avec le passé ne s’affirme nulle part.

Nous ne nous étendrons pas davantage sur ce sujet, traité tout au long dans notre Edit de Calliste, ch. X, et dans notre Théologie de saint Cyprien, 1. iii, ch. iii, Paris, 1922.

2* Calliste et Ilippolyte. — Dans l’évêque flétri par TertuUien pour son laxisme, on reconnaît généralement le Pontife romain. Les noms qu’il lui donne par ironie : pontifex maximus, episcopus episcoporum (Pud., i), ne seraient pas par eux-mêmes une preuve suflisante, non plus que ceux-ci, qui se présentent plus loin(xiii) : bonus pastoretbenedictus papa ; mais le nom A’apostolicus (xx :) elles allusions au siège de Pierre (ibid.) paraissent désigner assez clairement l’évêque de Rome. Ne nous arrêtons pas à discuter d’autres hypothèses. On a proposé de tout rapporter à l’évêque de Carthage, Agrippinus, et cette hypothèse vient d’être reprise par M. K. Adam, Der sogenannte Bussedikt des Papstes Kallistis, Miinchen, 1917. D’autres ont cru devoir dédoubler le personnage ; ainsi M. G. Esseh, Der Adressât der Schri/t Tertullians « De Pudicitia r> und der Verfasser des romischen Bussedilites, Bonn, 1914. Ces hypothèses ne nous semblent pas plausibles. Nous les avons examinées brièvement dans Becherches de science religieuse, 1920, p. 254-256 ; les raisons apportées ne sont pas nouvelles, et difQcilement les croira-t-on décisives. Donc nous nous en tenons à l’opinion commune, d’après laquelle un seul personnage est en cause, à savoir le Pontife romain. Mais encore lequel ? Autrefois on s’accordait généralement à nommer le pape Zéphyrin( 199-2 17). Cette attribution est bien ébranlée depuis la découverte des Philosophumena, ou Béfutation de toutes les hérésiesipahliés pour la première fois en 1851 à Oxford, par E. Miller, sous le nom d’Origène, et aujourd’hui reconnus presque unanimement pour l’œuvre d’HiPPOLVTB, alors schismatique (sur cette question d’auteur, voir notre Théologie de saint Ilippolyte, Introduction, p. xxiv-xLni, Paris, 1906).

D’après les Philosophumena, J. B. de Rossi a mis en avant (Bullettino di archeol. crist., 1866) le nom du Pape Calliste (217-222). Reprise en 1878 par M. Harnack, cette solution rallie de nombreux suffrages. Nous y avons souscrit dans notre Théologie de saint Ilippolyte, en 1906. La page des Philosophumena sur laquelle elle se fonde, constitue un réquisitoire très violent contre le pape Calliste. Cette page est d’une grande importance pour l’histoire de la pénitence. Nous croyons devoir la traduire. Philosophumena, X, VII, éd. Cruice, p. 443-446, ou P. G., XVI, 3386-3387 :

Le premier, Calliste s’avisa d’autoriser le plaisir, disant qu’il reinetlait ii tout le monde les péchés. Quiconque se serait laissé sJduire par un autre, pourvu qu’il fut réputé chrétien, obtiendrait la rémission de toutes fautes en recourant à l’école de Calliste. Pareille di^claration combla de joie bien des gens qui, la conscience ulcérée, rejetés déjà par diverses sectes, quelques-uns même excommuniés 1779

PENITENCE

1780

solennellement par (Hippoljte), se joignaient aux adlicrents de Cnlliste, et peuplaient son école. Galliste définit quun évêque tombé dans ui.e faute, même capitale, ne devait pas être déposé De son temps commencèrent à être admis dans le clergé des évoques, des prêtres et des diacres qui avaient été mariés deux ou trois fois ; et même, un clerc venait-il à se marier, Galliste le maintenait à son poste, comme s’il n’eut commis aucune faute. Il appliquait à ces cas la parole de l’Apotre : « Qui étes-vous pour juger le serviteur d autrui ? «  {nom., XIV, / ;), ou encore la parabole de l’ivraie : n Laissez croître l’ivraie avec 1 « fromeiit » (Matt., siii, 30), entendant ces texies de ceux qui commettent le péché après leur entrée dans l'Église, il montrait encore une figure de 1 Eglise dans l’arche de Noé, qui contenait des cluens, des loups, des corbeaux et toute sorte d’animaux, puis et im|jurs : ainsi devait-il en i Iro dans l’Eglise. Tous les textes qu’il pouvait tirer h co eeiis, il les interprétait de même. Les auditeurs, charmés de ces dogmes, continuent de se leurrer et de leurrer les i^utres, qui aflluenl à cette école. Voilà pourquoi le parti grossit : ils s’applaudissent de gagner les foules, en flattant les passions malgré le Christ ; sans égard pour le Christ, ils laissent commettre le péché, se vantant de le remettre aux âmes bien disposées. Calliste a encore permis aux femmes non mariées, si elles s'éprenaient d’un homme de condition inférieure et voulaient éviter de se marier devant la loi pour no pas perdre leur rang, do s’unir à l’homme de leur choix, soit esclave, soit libre, et de le tenir pour époux, sans recourir au mariage légal. Là-dessus, on a vu des femmes soi-disant fidèles employer toute sorte de moyens pour faire périr avant terme l’enfant qu’elles avaient coni ; u, soit d’un esclave, soit d’un mari indigne d’elles ; leur rang et leur fortune voulaient cela. Ainsi Calliste a-t-il enseigné du même coup le concubinage et l’infanticide. Cependant, après de tels hauts faits, on ne rougit pas de s’intituler : Ef ; lise cat/iolique, et l’on attire les bonnes âmes ! De son temps, pour la première fois, ceux de son parti osèrent admettre un second baptême. Et voilà l’u'uvre du fameux Calliste, doi t 1 école dure encore, gardant ses usages et sa tradition, ne s’inquiétant pas de savoir avec qui on doit avoir la communion, l’oû'rant indistinctement à tous.

La concordance générale de ce i-équisiloire avec les invectives du De pndicitia rend au moins vraisemblable que les deux auteurs en veulent au même personnage, et justifient le nom d'édit de Calliste, généralemenl attribué de nos jours à l’acte que Tertullien visait dans le De pndicitia. On remarquera toutefois que le réquisitoire d’Hippolyle n’est pas borné à l’indulgence envers les fautes de la ebair ; puisque nous y voyons figurer liien d’autres pécliés, notamment l’infanticide. Il y a donc là une brèche manifeste à la prétendue discipline des trois péchés irrémissibles.

D’ailleurs les deux témoins, diversement passionnés, sont loin de s’accorder sur tons les détails. Nous avons fait observer que TerluUien tient à bien marquer sa rupture avec l’Eglise catholique et à se poser en réformateur. Au contraire, Hippolyte prétend liien faire figure de conservateur et représenter la tradition de la vieille Eglise, en face de novateurs imprudents. Donc l’interprétation subjective des faits a son influence, qu’il ne faut pas perdre de vue, même à supposer, comme nous le croyons volontiers, qu’il s’agisse des mêmes faits. Si l’on avait moins prêté l’oreille à Tertullien en colère, on n’aurait jamais songé à voir dans la mesure contre laquelle il proteste bruyamment une sorte de coup d'état ecclésiastique, une révolution dans l'économie de la pénitence chrétienne. Encore a-t-il fallu lui faire dire ce qu’il ne dit pas, puisqu’il dénonce chez le successeur de Pierre, non une faiblesse jusqu’alors inouïe, mais un laxisme persévérant. — Théologie de saint Ilippolvte. ch. i, p. 35-58.

Mais quoi qu’il en soit de Rome et de Cartilage, il nous faut mainlenaut tourner les yeux vers Alexandrie ; car Oiigène est désigné comme enseignant, lui aussi, la théorie des trois péchés irrémissililes.

3° Origène. — Origène n’appartient pas tellement à l’Orient qu’il n’ait eu quelques relations avec Rome. Il paraît l’avoir visitée vers le temps de l'élévation du pape Galliste et s'être assis un jour au pied de la chaire d’Hippolyte ; voir saint Jkrome, De vir. m., Lxi, P. Z., XXIll, 673A ; Eusèbe, //. E., VI, XIV, 10, P. G., XX, 553. Il eut d’ailleurs, beaucoup plus tard, à se justifier devant le pape Fabien, pour la témérité de certainsécrits ; voirsainlJiiRôMB, Ep., Lxxxiv, 10, P. L., XXII, 761. On sait la liberté de son langage, à l'égard des chefs de grandes Eglises, voir In Malt., t. XVI, 8, P. G., Xlll, 1392. iSgS ; on sait aussi la tendance de sa théologie Irinitairc, empreinte d’un esprit fortement subordinatien. Tout cela rend non invraisemblable a priori l’hypothèse d’un conllit avec le pape Calliste ; et cette hypothèse a été posée en fait par Doellinger, qui dépensa pour l'établir beaucoup d'érudition et d’ingéniosité, dans son livie HippolUus tind Kallistus, p. 254-266, llegensburg, 1853.

Le principal fondement de cette théorie est un texte qu’il faut tout d’abord reproduire in extenso. Orioknb, De Oratione, xxviii, P. G., XI, 628. 629 :

Celui qui est inspiré par Jésus comme les apôtres, et qu’on peut reconnaître à ses fruits, parce que. ayant rei ; u l’Esprit-Saint et étant devenu spirituel, il obéit à l’impulsion de l’Esprit, comme un lils de Dieu, pour se conduire en tout selon la raison, celui-là remet ce que I>ieu remet et retient les péchés inguérissables ; comme les prophètes employaient leur parole au service de Dieu pour exprimer, non leurs propres pensées, mais les pensées suggérées par la volonté divine, de même il s’emploie au service de Diou à qui seul il appartient de remettre les péchés. L'évangile selon saint Jean s’exprime ainsi, au sujet de la rémission des péchés parles.pôtres [lo., xx, 22-2'd) : Recevez l’Ksprii-Saint : ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur sont remis ; ceux à qui rous les retiendrez, ils leur sont retenus. A prendre ces mots sans discernement, on pourrait être tenté de reprocher aux Apôtres de n’avoir pas remis les péchés à tous afin qu’ils leur fussent remis, mais de les avoir retenus à quelques-uns, afin qu’ils leur fussent également retenus par Dieu Mais la Loi noua fournit un exenipie utile pour comprendre la rémission des péchés accordée aux hommes par Dieu au moyen du ministère des hommes. Les prêtres de la Loi ont défense d’otVrir un sacrifice pour certains péchés afin qu’ils soient remis à ceux pour qui l’on offrirait le sacrifice. Et le prêtre autorisé à faire 1 offrande pour certains manquements involontaires, n’est pas pour cela autorisé à oQ’rir l’holocauste pour ladultère, p<.ur l’homicide volontaire, et pour toute sorte de faute grave ou de péché. Ainsi les Apôtres et les successeurs des Apôtres, prêtres selon le Grand prêtre (Jésus-Christ), ayant reçu k> science de la thérapeutique divine, savent, instruits par rEsjirit, pour quels péchés il faut offrir des sacrifices et quand et de quelle manière ; ils savent également pour quels péchés il ne le faut pas. Le prêtre Héh, sachant que ses fils Ophni et Phinéès ont péché, se reconnaît impuissant à leur en procurer le pardon ; il y renonce et on fait l’aveu, disant (f Sam., ll, 2.")) : Si un homme pèche contre un homme, on intercédera pour lui ; mai » s il pèche contre Dieu, qui intercédera pour lui ?

Je ne sais comment quelques-uns, s’arrogeant une puissance plus que sacerdotale, encore qu’ils manquent peutêtre de science sacerdotale, se vantent de pouvoir romettre les péchés d’idolâtrie, d’adultère et de fornication, comme I si la prière qu’ils prononcent sur les coupables suffisait à

1 remettre même le péché mortel. C’est qu’ils ne lisent pas ce qui est écrit : Il y a une faute jusqu'à la mort ; pour celle-là je ne dis pas de prier (I /o., v, iC)…

I On retrouve ici, effectivement, le trio : idolâtrie, adultère, homicide ; avec la mention des péchés inguérissables et des restrictions posées au pouvoir du jirêtre. Par ailleurs, il est incontestable qu'à la fin de sa vie Origène tenait un langage fort différent, ainsi qu’en témoigne, par exemple, ce texte du Contra Celsuni (postérieur de quinze ans au De Oratione), III, Li, P. G., XI, 988 : 1781

PENITENCE

1782

La grave école de Pythagore érigenit dos cénolaphes à ceux qui dt^^serlaient sa philosophie, les considérant comaie morts ; les chrétiens pleurent comme perdus et morts à Dieu ceux qui ont succomhé à la luxuie ou ; 'i ([uelque autre passion déréglée ; s’ils viennent à ressusciter et à donner des gages sérieux de conversion, ils leur imposent un stage plus long qu’avant la première initiation et ne les re< ; oivent que sur le tard, n’appelant à au'-une dignité ni prééminence dans riCglise ceux qui sont tombés après avoir adhéré à la doctrine chrétienne.

Ici les exigences de la pénitence chrétienne sont maintenues, mais les perspectives de la réconciliation ecclésiastique demeurent ouvertes pour toutes les fautes sans exception, semble-t-il. Pour concilier des enseignements si divers, Dœllinger a supposé qu’Origène évolua — en sens contraire de Tertullien — de la rigueur vers l’indulgence, et qu’après avoir protesté contre le laxisme de Callisle, il s’inclina sous l’autorité de ses sitccesseurs.

Le malheur d’une telle hypothèse est de ne point s’adapter à l'œuvre entière d’Origène. Car on n’y constate pas cette évolution. On y fait au contraire diverses constatations que nous devons borner à indiquer ici, renvoyant pour le détail des citations et des preuves à I.'Edit de Callisle, ch. ix, p. 262296.

loOrigèneappelle à la pénitence tous les pécheurs sans exception ; à tous sans exception, il ouvre la l^erspective du pardon divin, //i l.ew, Horn., 11, 4, /. G., XII, 417B-519C ; //om., ix, 8, 520B-521. ; hi l’s., XXXVI, //om., 1, 5, i^. G., Xll, 128B ; Nom., 11, i, 1330 D ; In Cant..l'. G., XIII, 1308 CD ; Select, iii Ps., XXXI, /*. G., XII, 1301C ; lu /eiem., // » m., xxi, 12, P. G., XIII, 541 AB ; fragm. 3^, éd. Klosteriuan, p. 217 ; In Apoc, schol., 17, éd. Diabouniotis et Harnack, p. 28 (Leipzig, 1911) ; Contra Celsum, III, lxxi, P. G., XI, io13 B ; etc.

3° La rémission offerte par Origène au pécheur est la rémission par le ministère de l’Eglise. Cela résulte de la corapénétration inliiue, dans ses développements, des deux idées de pardon divin et de ministère ecclésiastique ; impossible de tes dissocier. Voir notamment In JYum., Hum, , x, i, P. G., XII, 03 ; B-638 A ; fn Ps., xxxvii. Hum., ! , i, P. G., XII, 1869 C-13'j2 G ; //i Le^., Hum., viii, 10, P. G., XII, 502 B ; //( lud.. Hum., 11, 5, P. G., XII, 961 ; In lereni., fragra. 48 KIostermann, p. 222 ; /n Ez., Hom., x, I, P. G., XIII, ^40 D-74' A. Origène revient souvent sur le ministère du prêtre, conlident du pénitent, In /.et'., Ilom., iii, 4, P. G., XH, 429 AC ; In Ps., xxxvii, Hom., II, i, P. G., XII, 1381A-1382 ; In loan, , I. XXVIII, V, P. G., XIV, 693A ; vi, 693c 696 A ; fragm. jg Preuschen.

3° De cette rémission, aucune catégorie de péchés n’est exceptée en droit, pas même les péchés appelés, 7>e Or., XXVIII, inguérissables, ri « vi>/.tk riij xaapTnfiy.Tav Ainsi /h Ex., Ilom., vi, 6, P. G., XII, 3356-336A / (fautes de la chair) ; Ibid., 9, 338 AD (homicide, adultère) ; In Ps., xxxvii, Hom., i, i, P. G., XII, 13^013^1 A (cas de l’incestueux de Corinthe) ; // ; Ez., Hom., m. S, P. G., XIII, 694 C-69.5 A (excommuniés) ; In Ierem., IIom., ju-^, 9, A*. G., XIII, 621 (fornication). — On peut noter qu’Origène ne condamne pas Hermas, encore qu il hésite à recevoir le Pasteur parmi les Ecritures canoniques. In Ps., xxxvii, Hom., i, P. G., XII, 1372 AC. —In loan., 1. XXVIII, vi, P. G., XIV, 696 (apostasie). — Cf. Stuflkr, Die Siindenwergebiing hei Origencs, p. 2Il et passim ; dans iT..s'./' Katli. Théologie, 1907.

4° La rémission, sans exception de par la qualité des péchés, peut subir des restrictions de par iaqualilé des personnes : « ) du fait du pécheur, qui repousse les avances de la grâce, In Malt., ser., 114,

P. G., XIII, 1763 ; In luan., 1. XXVIII, xiii, P. G., XIV, 713A ; I. H, v, , P. G., XIV, 129 ; 1, iv, a5 C ; VI, i, aooB ; fragment ap. Athanase, Ep. ad Serap., IV, 10, P. G., XXVI, 6496-65aA. Voir, à ce propos, l’oscH.MANN, /J(e Siindein’ergebitng bel Origenes, p. 7. Braunsberg. 1912 ; et surtout Stuflbr, Z.S.K.T., '9C7, p. 226 ;

/') du l’ail du ministre de la pénitence, qui n’est lias à la hauteur de son miuislcre. In los., Hom., vii, 0, P. G., XII, 861 AB ; lu Ps., xxxvii, Hom., 11, 0, P. G., XII, 1386. Le ministère de la pénitence (qui n’est plus réservé exclusivement à l'évéque, voir // ! lue, Horn., xvii, P. G., XIII, 1846.V) exige un discernement délicat, qui adapte le trailemenl aux maladies de l'âme. In AJaU., t. XIII, xxx, /^ G., XIII, 1173-1177 ; cf. In Ez., Ilom., iii, 8, P. G., XllI, 694C695A ; In Malt., t. XIII, xxxi, ib., 1180-1181 ; t. XII, XIV, 1012A-1016A ; t. XVI, 8, 1396. — Origène parait se pénétrer de plus en plus de cette idée, que le prêtre produira du fruit selon la mesure de son union à Dieu.

5° Relu à la lumière des observations précédentes, le texte du iJe Oratione, xxviii, n’apparail pas comme une sorte de bloc erratique dans l'œuvre d'Ôrigènc, mais comme l’expression d’une doctrine constante. De tout temps, Origène réjirouva la présomption des prêtres qui traitent légèrement le ministère de la pénitence ; il les rend responsables de la perte des âmes, qu’ils négligent d'éprouver avec une ferme tendresse, et de disposer au pardon divin. Cette doctrine se retrouve à toutes les étapes de sa vie.

Avant 280, dans Péri Aiclion, III, i, 12, P. G., XI, 273, Koetschau, 13, p. 217, 4-218, 11 ; ib., 16, P. G., XI, 284, Koetschau, 17, p. 225, 14-226, 4.

Entre 282 et 235, dans De Oratione, loc. cit. Cf. xiv, P. G., XI. 460B ; 464C.

En 235, dans Ad martyrium exhorlatio, xxx, P. G., XI, 601, Origène montre les martyrs investis d’une sorte de sacerdoce, qui les rend 5eu/ « capables d’obtenir le pardon des fautes commises après le baptême. L"ne telle assertion serait inintelligible si l’on n’avait égard à l’ensemble de la doctrine.

Après 244> In Let, Hum., xv, 2.3, P. G., XII, 560A561A ; 562A ; In lerem., Hom., xii, 5, P. G., XIII, 385BC.

Entre 246 et 248, Co71^ ; a Celsum, III, Li, P. G., XI, gS8 ; LXXI, io13B.

En résumé, ce n’est pas un texte unique, détaché de toute ambiance, qui peut livrer la pensée profonde d’Origène touchant la rémission des péchés les plus graves. Mais deux conclusions se dégagent, que nous avons établies ailleurs avec plus de détails :

1) L’hypothèse d’un conllil personnel entre Origène et le pape Calliste(21 8-228), sur la question de la pénitence, est de tous points imaginaire ; car : a) I.e seul écrit où l’on a cru trouver la trace de ce prétendu conflit, n’est pas contemporain du pape Calliste, mais de son deuxième successeur, à moins que ce ne soit du quatrième ; t) Ce même écrit, lu à la lumière de l'œuvre entière d’Origène, prend un sens tout différent, qui supprime l’hypothèse du conflit.

2) L’idée d’une évolution accomplie par Origène, de la rigueur vers l’indulgence, quant à la doctrine de la rémission des péchés, ne repose sur aucun fondement réel. C’est du commencement à la lin de sa carrière, qu’on peut suivre dans ses écrits l’affirmation parallèle de deux principes en apparence contradictoires : la réuiission ollerte à tous les péchés, et le caractère irrémissible de toute faute grave commise après le baptême. La contradiction dirparait, si l’on réfléchit qu’il s’agit non pas de fautes irrémissibles par leur nature, mais de fautes rendues telles soit par l’endurcissement du pécheur, soit par 1783

PÉNITENCE

1784

la légèreté coupable des ministres, qui négligent d’assurer le sérieux de la pénitence.

Conclusion

Tertullien, saint Hijipolyle, Origène, ne représentent pas, à beaucoup près, toute la tradition du III* siècle sur la pénitence. Bien d’autres témoignages seraient à produire ; on en rencontrera plusieurs dans la seconde partie de cet article. Nous n’avons voulu, dans cette revue sommaire, que faire entrevoir la réelle complexité d’une Listoiie qu’on a parfois simplifiée à l’excès.

La littérature primitive de la pénitence ecclésiastique produit tout d’abord l’impression d’une sévérité extrême. Et sans doute cette impression est motivée. Le seul fait que l’Eglise ait, pendant environ quatre siècles, refusé d’admettre plus d’une fois le même pécheur à pénitence, permet de mesurer la distance parcourue jusqu’à nos jours. Cependant il ne faudrait pas abonder dans ce sens au point de croire que ces pécheurs, exclus de la pénitence publique, n’avaient aucune part à la sollicitude de l’Eglise, Ils n’étaient pas plus exclus de cette sollicitude que de l’espoir du salut ; en particulier, la coutume générale de l’Eglise, attestée par le canon 13 du concile de Nicée (325), fit, dès une date ancienne, tomber toutes les réserves devant l’imminence de la mort, pour restituer au pécheur moribond la paix de l’Kgliseetla communion eucharistique, i). B., 67 (21) :

rv.i y.y.’t vOv, &jîte, £t rt^ î^côèwoi, rcù rsy £i/TKio’j xKÏ ànar/y.y.iozv.’T5V éfoSio’j yx à’T : o7T£çù70v.t.

D’autre part, la théorie des trois péchés irrémissibles renferme quelque chose d’artiticiel et une part d’exagération, contre laquelle nous avons cru devoir réagir dans notre volume sur l’Edit de Cullisle. On nous permettra de reproduire la conclusion de cet on^T-age, p. 404 :

« Le m" siècle nous a montré, non plus implicite

dans la notion concrète de réconciliation ecclésiastique, mais explicite et proposée à l’état distinct, l’affirmation patristique du pouvoir des clefs. Il fallait que cette doctrine fût dés lors bien formée dans la conscience de l’Eglise, pour que Tertullien se vit amené à compter avec elle et à lui donner tant de relief, précisément dans les écrits où il bat en brèche l ; i hiérarchie catholique. Donc, à n’en pas douter, ce n’est point là un produit factice des discussions récentes, mais un dogme que l’Eglise avait longtemps vécu avant d’être conduite à le formuler. L’exercice ordinaire du pouvoir des clefs étant admis par tous, les dénégations ne pouvaient se produire qu’en vue d’un cas extraordinaire, à l’égard d’un de ces péchés particulièrement graves devant lesquels les pasteurs de l’Eglise avaient dû hésiter bien des fois et sur le traitement desquels leur pratique avait dû osciller entre la sévérité et l’indulgence. Tel était bien le cas de ces péchés d’impudieité, objet pour la conscience chrétienne d’une spéciale réprobation. Etant donné qu’il j- avait toujovirs eu, qu’il y aura toujours dans l’Eglise des esprits diversement enclins à la sévérité ou à l’indulgence, le conflit qui se produisitau temps de Galliste devait fatalement se produire tôt ou tard ; pour que l’écho nous en parvint si distinct, il a fallu la verve et l’opiniâtreté de deiix sectaires. Pour l’Eglise, ce fut un bienfait, car elle en prit occasion de tirer de plus en plus au jour un principe encore enveloppé, bien que touchant au roc même de l’Evangile. Les Pères qui, au m’siècle, allirmèrent la portée universelle du pouvoir des clefs, ne prétendaient pas l’avoir découverte. Ils se heurtèrent aux négations des rigoristes ; mais nous savon ? combien peu ces dissidents étaient qualifiés pour parler au nom de

l’antiquité chrétienne. Les Pères de Trente étaient en plein dans la vérité do l’histoire en rappelant le fait de l’institution du Christ (Sess. xiv, cap. i et can. 3, IJ.B., 894 (774) et 913 (791). »

A. d’Alès.

Il’Partie

CONFESSION

Introduction. — I, Objet propre de l’article : points de vue secondaires à omettre, i ; point de vue fondamental, a. — II. Le sens des mots : le mot actuel, 3 ; les mots anciens, 4- — III. Questions de méthode. une fausse conception de la confession catholique, 5 ; pus de non-recevoir protestantes, 6-9 ; l’essentiel et te variable, lo-ia ; à quoi reste réduite la question, 13. — IV. Bibliographie, 14.

Chapitre I « ’ : Origines

i » Son institution n’est pas une innovation, ib ; la tradition juive, 16 ; l’usage à l’époque du Christ, 17 ; l’institution par le Christ, 18, — a° Indices de son existence à l’âge apostolique : à Ephèse, 19 ; l’épître de saint Jacques, 20 ; la Doctrine des Apôtres, 21, — 3" [.’organisation de la pénitence caractéristique de la véritable Eglise, 12.

Chapitre II : La confession aux premiers siècles

Art. I : La doctrine, i » Présomption tirée du fait de la confession prébaptismale, 23. — 2° Distinction capitale entre la confession et la pénitence publiques, 24- — i° Aveux des historiens modernes, 25. — 4° Témoignages anciens : Tertullien, 26 ; — saint Crprien, 27 ; — Origène, a8-31 : ses affirmations ; sa preuve scripturaire, 28 ; le médecin des âmes, 2g ; l’accusation préventive, 30 ; son langage devient classique, ii. — La Didascalie des Apôtres, 32. — Jphraaie, 33 ; — saint Basile ; la nécessité de la confession, 34 ; — saint Pacien de Barcelone, 35 ; — saint Ambroise, 36-40 : son traité de la Pénitence, 36, expliqué par la parabole de l’enfant prodigue, 87, par son biographe, 38. par sa lettre sur la sincérité dans la confession, 89 ; la confession symbolisée dans la résurrection de L.azare, 40 ;

— saint Augustin, 4 i ; — le pape saint Innocent I" et saint Jérôme, 42 ; — saint Léon, qui donc n’innove pas, 43 ; — Sozomène résume la conviction des siècles précédents, 44 Art. II : La pratique. — l’e Section : la confession pour la pénitence en général. — 1° On se confessait : A) Rappel de faits déjà constatés, 45. — B) Faits nouveaux : les femmes séduites par les gnostiques, 46 ; — les diverses catégories de pécheurs dans la Didascalie des Apôtres, 47-48 ; —’** « confesse u rs » et les pénitents de Carthage, 49-50 ; — la réconciliation des « confesseurs » schismatiques à Rome, 51,

— à Alexandrie, 52, — en Cappadoce : les canons pénitentiels, 53, deux homélies de saint Grégoire de yysse, 54. — C) l.a peur de la confession au iv «  et au xix siècles, 55-56.

2° On confessait : A) Les-évêques surtout confessaient, 67. — B) Gravité reconnue de ce ministère, 58 ; — Asterius d’Amasée et le portrait d’un bon confesseur, 59 ; saint Ambroise le réalise, 60 ; — les responsabilités du confesseur, 61 : saint Jean Chrysosiome les décrit, 62-63, et les assume, 64. — C) Le fait de Nectaire, 65-66.

a « Section : la confession sans pénitence publique. 1° Sens de la question : confession ou pénitence privée, 67.

a » Origine et notion : elle résulte des pouvoirs sauve1785

PÉNITENCE

1786

rains tlu pénilencier, 68--jt ; elle exclut l’enrôlement parmi les pénitents proprement dits, ’ja.

30 Existence. A) Déhiits et Tertutlien, 78. — B) la pénitence réilérahle d’Origéne, y/f. — C) Saint Cyprien l’administre, jb. — D) Traces dans ; ta Didascalie des Apôtres, 76-77 ; saint Méthode d’Olympe et saint Asteritis d’Amasée, 78 ; les canons pénitentiels, 79 ; la réconciliation des hérétiques, 80-81. — E)Les < corrections médicinales n de saint Augustin : doctrine et pratique chez lui, 82-84. et chez ses contemporains, 86. — F) Les confessions des moines, 87. — G) Les confessions au moment de la mort : affirmation générale, 88, et cas particuliers, 89-90.

Conclusion, gi.

Chapitre III : Le silence de l’antiquité

SUR LA confession

I. La question posée : en général, 92 ; en particulier pour saint Jean Chrysostome, gS.

II. La solution. — 1 » Cne solution partielle, 94- — 2" La question préalable sur le sens des paroles de S.Jean Chrysostome : A) D’après ses dei’anciers et ses contemporains, 96 ; — le langage d’Origéne, 96 ; règle d’interprétation qui s’en dégage, 97 ; — de saint Cyprien. 98 ; — saint Amhroise : attitude et langage, ^t^ ; pratique et explication du langage, 1 00-101 ; — sa.nt Basile, 102 ; — saint Augustin, lo’i ;

— saint Léon : différence entre ses lettres et ses sermons, io4 ; conclusions suggérées sur la manière de prêcher la pénitence, io5 ; confirmées par ses lettres, 106 ; — Chysostome approuvé par l’Eglise de son temps, 107. — B) D’après sa conduite personnelle : comme éi’éque, il confesse sans modifier son langage de prédicateur, 10& ; comme prédicateur : à Antioche la pénitence publique existe, 109, et l’orateur semble l’exclure, tio ; nécessité d’interpréter ses négations, m.

3° Lai-mcme suggère la solution :.) Confession décrite sous les mêmes traits que chez les contemporains : distincte de la conscience, 112 ; vraie et détaillée, 113 ; le modèle en est la confession de David à Nathan, 114. — B) Portée forcément restreinte de ses formules exclusii’es, 115. — G) Dans le prêtre, il ne faut voir que Dieu. 116.

Conclusion. — L’essentiel de la pratique se constate, 117 ; — le contraste entre le présent et le passé s’explique, 118.

Appendice : Le sbcret dh la confession

1 » Sa conception actuelle, 119 ; — sa transcendance, 120. — 2° Son antiquité : A) Faits qui semblent y contredire, 121 : la confession publique, 122 ; — la pénitence publique : réellement imposée pour fautes secrètes, I13-125, mais jamais sans le consentement du pénitent, 126. — B) L’essentiel de la loi toujours reconnu et observé, 127 ; précisions progressives, 128.

Introduction

I. — Objet propre du présent article

1. — Points de vue secondaires à omettre. — Du point de vue apologétique, il y aurait beaucoup à dire sur la confession. Après en avoir établi le fondement scripturaire, on pourrait en faire ressortir les avantages moraux et sociaux. L’obligation que Jésus-Cliribt en a faite aux péclieurs répond au besoin instinctif des àræs de manifester leurs inlirmités ou leurs défaillances et de s’alfermir contre leurs appré-Iieiisioiis ou leurs troubles par le recours aux directions d’un mandataire divin. C’est ce qu’ont éprouvé

les Eglises protestantes : après avoir proscrit et condamné la confession, beaucoup d’entre elles ont été amenées à en permeltre ou à en recommander l’usage à leurs lidèjes. (Cf. Caspari, art. Beichte dans B.E.P. y-’, p. 596 sqq. ; Mohel et Bernard, art. Confession chez les Anglicans et Confession chez les protestants dans D. T. C. (Vacant) ; Gibbons : The faith ofour J’athers (1879), c. xxvi, p. 403.)

Il y aurait à parler aussi de l’intluence de la confession sur la formation des consciences. Elle les rend attentives ; elle y éveille ou y entretient le sens des responsabilités ; les habitudes d’analyse et de vigilance qu’elle y engendre les prédisposent au plus parfait accomplissement du devoir. Il n’est pas d’école de morale pratique comme le confessionnal. Ailleurs on ne parle qu’en général ; on énonce des principes ; on formule des lois et des préceptes. Ici on vérifie la justesse des applications concrètes et ces exercices de revision et de rectilication fréquemment répétés développent chez les populations catholiques et réellement pratiquantes une finesse et ime rectitude de sens moral qu’on ne trouve guère ailleurs. Il y a des inconsciences dont ue paraissent pas capables les individus ou les sociétés dont la vie morale est ou a été longtemps soumise au régime de la confession. Mais elles se reproduisent par contre et spontanément dès que cesse la fidélité à ce régime. Si, malgré les prétentions de tant de maîtres et de tant d’écrivains à éclairer, à former, à rectifier les consciences modernes, on voit s’y implanter et y prendre racine à nouveau tant des aberrations morales qui déshonorèrent les sociétés antiques, cette reviviscence n’est-elle pas due en partie à l’absence, dans tous ces plans de rénovation morale, d’une école d’application comme la confession’? L’histoire comparée des civilisations porterait à le croire : la dilférence de la moralité chrétienne à la moralité païenne tient manifestement à la pratique séculaire et, aujourd’hui encore, si largement persistante, de la confession ; c’est en s’établissant juge et arbitre des consciences individuelles que i’E^dise a le plus eflîcacement travaillé au relèvement des mœurs et au progrès de la civilisation. Elle-même du moins s’en rend le témoignage : « Toutes les âmes i)ieuses en sont persuadées, faisait-elle écrire dans le Catéchisme romain à la lin du xvi » siècle ; tout ce qu’il reste aujourd’hui dans l’Eglise de sainteté, de piété et de religion, est en grande partie l’effet de la confession. » II, V, 31)

Ce point de vue des bienfaits de la confession serait néanmoins trop long à développer. Qu’il nous suffise donc de l’avoir signalé. On y trouvera la réponse à ce qu’on appelle les inutilités ou les malfaisances de la confession (Cf. J. dk Maistrk : Du pape, III, m ; Wiseman : Confér., dans Démonstr. évangéliques, Mignk, t. XV, p. 973 et t. XVII, p. 1 607 ; P. FÉLIX : De la confession ; Monsabré : Conférences Lxxiv » et Lxxv’)- — H. de Xoussanne : // nous reste à nous vaincre (Paris, 1919), recommande éloqueramenl la confession comme un des moyens les plus puissants d’assurer notre réforme morale.

Nous ne croyons pas non plus avoir à nous arrêter sur ce qu’on appelle les abus de la confession. Assurément il a pu et il peut se produire, là comme ailleurs, des abus réels. Les abus même, quand ils se produisent, sont ici d’autant plus graves que l’institution est d’ordre plus intime et plus sacré..Aussi l’Eglise a-t elle pourvu et pourvoit-elle tous les jours à les piévenirou à les réprimer ; il n’y a pas de crime qu’elle poursuive et châtie avec plus de rigueur que celui du confesseur qui aurait abusé du sacrement de pénitence. Mais tout ceci demeure hors de la question à traiter dans le présent article. 1787

PENITENCE

1788

S. — Point de vue fondamental adopté. — L’Eglise, pour justifier le précepte de la confession, n’en invoque pas à proprement parler les avantages individuels ou sociaux ; elle s’attache au fait de l’institution par Jésus-Glirist ; elle se réfère avant tout à la tradition, qui en fait remonter l’oblij ?ation à son propre Fondateur ; c’est pourquoi nous nous bornerons ici à rechercher le bien-fondé historique de cette prétention.

II. — Le sens des mots

3. — Le mot actuel. — La confession, au sens catholique, est la manifestation d’un péché personnel faite à l’Eglise, dans la personne d’un prêtre approuvé à cet effet, en vue d’en obtenir le pardon. Le langage usuel donne, il est vrai, à ce mot une signilication beaucoup plus étendue : « se confesser » c’est « recevoir » et « confesser » c’est « administrer » le « sacrement de pénitence ». Mais ces formules sont abrégées ; le tout y reçoit le nom d’une de ses parties, et nul n’ignore, dans l’Eglise catholique, que cette partie, si elle est ce qui frappe et, dans certains cas, ce qui coûte le plus, n’est cependant pas le tout de la pénitence et ne sufTit point par ellemême à obtenir le pardon. Il doit s’y joindre la pénitence proprement dite ou contrition, c’est-à-dire le regret sincère avec le ferme propos de ne plus pécher et la volonté d’expier le passé, et cet élément subjectif et intime, en quoi consiste proprement la conversion de l'àme, est d’une nécessité antérieure et supérieure à celle de la déclaration du péché. L’un est absolument requis et indispensable à l’ellicacité de l’absolution ; l’autre, en bien des cas, peut être, sinon totalement absent, du moins exlrèmcment réduit, sans que pour cela le sacrement soit nul ou inedicace.

4. — Les mots anciens, — Les expressions latines et grecques auxquelles correspond notre mot de confession sont plus amphibologiques encore. Ce sont, en grec, £|o, u5/c-/££(jôat, i^o/juvo'/yj^t ; , i^v./op€'jsrj, l^ « yip£V7(ç, en latin confileri, conf’essio. Mais les unes et les autres s’emploient indifféremment pour l’aveu fait à Dieu et pour l’aveu fait à l’homme, (]u’il soit public ou secret, général et indéterminé ou particulier et restreint à une faute précise. Le sens le plus usuel en fut longtemps celui de la louange rendue à Dieu, celui des psaumes Cnnfîtemini. « Confessio, note encore au début du v' siècle saint JiinôME {Tr/ïct. in ps. ciii, dans Anedncta Maredsoliina, t. III, p. 162), dupliciter intelligitiir. Aiit in f ; loria Dei, … quemadmodum in evangelio ipse Salvalor dicit : Cnnfiteor tilii, Pater, hoc est, glori/ico te ; aut quia confitemur peccata nostra Domino : in eo enim qiiod con/itumnr Deo peccata nostm, glorificamus eum. » C’est le sens même auquel saint Auoustin a écrit ses Confessions. L’expression « confiteri peccata » se dit même d’abord et directement de l’aveu fait à Dieu, sans que fi’il exclue par là même, nous le verrons, la présence d’un ministre de Dieu recevant lui aussi cet aveu ou en étant le témoin, mais aussi sans qu’elle fût nécessairement supposée. A Ilippone, à l'époque de saint Augustin, on se frappait instinctivement la poitrine, dès qu’on entendait prononcer le mot de « confîteor » (Sermo lxvii, i. P.L, , XXXVIII, 433) ce qui était une manière de confesser ses fautes (Ihid. et cf. Sermo xix, a et l'.ccxxxiv, 4) mais montre combien l’expression était encore loin de signifier par elle-mêuie ce que nous appelons la confession proprement dite. Le mot iîo[i.oï'//r, isii — en latin exomologesis — reçoit en outre une triple signilication : on le trouve emploj'é pour désigner soit la pénitence en général et dans l’ensemble de ses exercices, soit la déclaration pro prement dite du péché, soit un recours spécial au [lénitencier, qui couronne la pénitence ecclésiastique et prépare à la reconciliation finale. Il serait donc vain de chercher dans l’ancienne littérature chrétienne une ex[iression s’appliquant exclusivement ou très spécialement à l’acte même de la confession au prêtre. Mais aussi doit-on, dans l’histoire des doctrines et des institutions, se garder de ce littéralisme étroit et stérile qui date les choses du jour où elles se montrent revêtues d’une appellation et munies en quelque sorte de leur étiquette. Il y a les contextes pour déterminer le sens des mots à acceptions multiples, et bien des usages se perpétuent dans une société, auxquels on ne donne de nom propre que quand on les veut étudier en euxmêmes : ce peut être le cas de la confession et il importe de ne pas l’oublier.

III. — Questions de méthode

3. — 1° Une fausse conception de la confession catholique. — Après celui des mots, le sens aussi de la question demande à être précisé. Nulle part, la confusion des idées ne risque de fausser aussi complètement les recherches. La confession, dont on se demande si elle était en usage aux premiers siècles du christianisme, étant celle dont l’Eglise catholique a défini au concile de Trente la nécessité et l’antiquité, c’est de la confession telle que l’entend l’Eglise catholique, et non point telle que la conçoivent ses adversaires, qu’il faut rechercher les traces. Procéder dilTéremment, c’est peut être se faciliter la tâche, mais c’est aussi travailler en pure perle. La stérilité irrémédiable d’un grand nombre d'études sur la confession est due à cet illogisme.

La confession des catholiques y est prise pour une forme réduite et abrégée de l’ancienne pénitence publique. Celle-ci, dit-on, consistait en une longue exiiiation du péché, indice ou cause d’un changement profond dans les dispositions de l'àme ; l’efficacité en tenait toute aux mérites personnels de celui qui s’y assujettissait ; l’Eglise, qui l’imposait ou la dirigeait, si elle subordonnait son intervention à une certaine connaissance des fautes commises, ne faisait cependant pas au pécheur une obligation formelle de lui manifester son état moral. Il pouvait y avoir place — nul doute, avouent Caspari (art. cité dans R.E.^, p. 53^), Loofs (Leilfaden zum Siudium der Dogmengescliichte, § 5g, 2a, notei) ; LEA (Auriculnr confession, t. I, p. 182) : Miii.LEn (compte rendn de l’ouvrage de Lea dans la Tlieolog. I itl.-Ztg., '897, p. h(>)', li. lloi.t.(Enlhusiûsmus und /tnssgewalt p. 244-245 ; a49-250), nul doute qu’il n’y eût place dans ce régime pénitentiel pour un aveu spontané de culpabilité ; mais cette confession, même faite en secret au prêtre qui présidait à la pénitence, n'était pas la confession catholique ; c'était une des manières possibles de se faire admettre à la pénitence, ce n’en était pas l'élément caractéristique, et donc l’identification s’exclut avec cette forme spéciale et nouvelle de pénitence, qui consiste en un simple aveu du péché, avec la « pénitence-confession >>, la BeichtSusse, pour employer l’expres'îion qui tradiiit le mieux cette conception protestante de la confession catholique.

6. — Celle-ci serait donc une véritable création de l’Eglise. L’origine en serait à chercher dans le sacerdotalisme qui, à partir du m" siècle surtout, s’est progressivement subslituéau christianisme. Du pouvoir qu’ils se sont attribué de remettre les péchés, les évêques ont conclu à la faculté d’en user à discrétion. Ainsi se sont-ils crus autorisés à absoudre sur la simple indication de la faute commise. Le recours à l’Eglise a passé pour l'équivalent du 1789

PENITENCE

1790

recours à la pénitence. Les meilleurs évêques se sont fait un devoir de mettre à la portée des lidèles ce remède facile du poché ; les meilleurs des fidèles se sont empressés d’aller i)uiser à cette source toujours ouverte de puritication. Les moins bons et les plus coupables s’y sont portés à leur tour comme vers le secours providentiel olfert à leur négli( ; ence et à leur faiblesse. Le pape saint Lko.n, au milieu du v= siècle, déclnre cette pénitence sullisanle. Peu à peu, sous l’inlluence des moines, qui transplantent du cloître dans l’Eglise la pratique de la coulpe ou de l’ouverture de conscience, l’Iiabitude se généralise de recourir aux prêtres, aux prêtres-moines surtout, comme aux guérisseurs infaillibles des maladies morales. A l'époque du pa[)e saint Grégoire tB Grand, la combinaison est en voie de se produire entre l’ancienne et la nouvelle thérapeutique. Mais le choix reste encore ouvert entre les deux. Ce n’est qu’au liout de plusieurs siècles, quand le souvenir des dures expiations primitives a disparu et que les résistances se produisent contre le « moyen court n lui-même, que l’obligation formelle est décrétée. Au ix' siècle, l’on pouvait encore discuter dans l’Eglise sur la nécessité de se confesser ; à partir du xiii « siècle le doute ne reste plus possible : le concile de Latran (1315) prescrite tous les fidèles la confession au moins annuelle.

Telles sont, sur l’origine de la confession, les vues historiques communes — sauf variationsdedélail — aux théologiens protestants du xvi' siècle et à beaucoup des modernes historiens du dogme.

6. — 1° Fins de non-recevoir protestantes. — Pour décliner la portée ou l’autorité des témoignages invoqués par les théologiens ou les historiens catholiques, ils se dérobent derrière le fait que la confession, dont il est question aux premiers siècles,

a) n'était pas l'élément principal et caractéristique de la pénitence (LooFS, Leitfadfn, elc., toc. cit. ; K.MiiLLKR, dans T. /,. Z., iiS97, p. 465) ;

6) n'était pas détaillée (Daillk, cité par NoiiL Alexandre : Dissertatio de sacramentali confessions, I 7 ; — CuKMNiTZ : Examen Concilii Tridentini : de confessione, n" 28) ;

c) était publique, ne portait que sur les fautes publiques, n'était qu’une des voies d’accès à la pénitence publique (Daillé, loc. cit., ^ ! i.b. Il ; Cuemnitz : op. cit., n" 16-28 ; Zezscuwitz : System der cliristl. kirchliclien Katechetik, t. 1. p. ^ôg-^^o) ;

rf) n'était pas immédiatement suivie de l’absolulion (Zrszchwitz : loc. cit. ; Loofs : Lcifaden, § 69, 5) ;

e) n'était pas imposée par l’Eglise à tout le monde ni pour chaque communion (Gaspari, ioc. ci/., p. 533534 ; K- HoLL, op. cit., p. ^67, note 1).

7. — Or tout cela est hors de la question, car l’Eglise catholique ne tient pas :

a) que la confession soit la partie la plus importante du sacrement de pénitence. Le concile de Trente (Session xiv, eh. 3 et 4) enseigne formellement le contraire. Ce sacrement, comme tous les autres, agit surtout, en tant que tel, par la vertu de ce qu’on appelle « la forme », donc ici de l’absolution (in qui præcipua ipsius fis sila est). Mais c’est calomnier les catholi((ues, dit le concile, que de leur attribuer la doctrine d’un sacrement conférant la grâce sans que le pécheur se soit disposé à le recevoir. La contrition, enscigne-t-il au contraire expressément, fut toujours et demeure indispensable pour la rémission du péché ; elle aussi est requise de droit divin (er Dei inslitittinne) et il peut même lui arriver d'être si parfaite qu’elle obtienne à l’homme sa réconciliation avec Dieu avant la réception du sacrement, tandis que la justification du pécheur par le sacrement, antérieurement à un acte de contrition et indépen damment d’un réel détachement du péché, est absolumi’iit inconcevable ;

/') ((ue l'énuiuération des fautes doive être absolument exhaustive et comporte de la part île tous la môme exactlitude et la même précision d’analyse. Tout en demandant des aveux complets, le concile s’en remet à la bonne volonté et à la bonne foi de chacun : il sullit au pécheur d’indiquer les fautes mortelles — connues comme telles par lui, et qu’un examen de conscience loyal et sérieux lui fait revenir à la mémoire. La marge reste donc largement ouverte pour les variations et les inégalités que doivent forcément introduire dans la praticpie les circonstances générales ou |)articulières de lenips et de lieu ou les degrés divers de culture et de délicatesse morales. Les auditeurs de saint AugUï^tin, qui se refusaient avoir un adultère dans leurs relations avec leurs esclaves ou avec des femmes non mariées, devaient se sentir la conscience bien légère ; et de fait, aujourd’hui encore, moins on se confesse, moins on se connaît de péchés à confesser. Les confessions les plus longues ne sont pas celles des plus grands coupables, et il est de doctrine courante qu’un aveu général de culpabilité sullit, en cas d’ignorance, d’impossibilité ou d’absence de fautes caractérisées, à assurer la validité du sacrement ;

c) que la confession sacramentelle ne puisse pas être publique. La doctrine du concile de Trenti- est fort claire sur ce point : il nie que la confession doive être publique ; il n’enseigne pas qu’elle ne puisse point l'être, ni qu’elle ne l’ail jamais été ; il enseigne que la confession secrète n’est pas — comme le prétendaient les protestants — contraire au précepte du Christ ; il n’ajoute pas qu’elle soit la seule à y satisfaire ; elle a toujours été pratiquée, dit-il ; mais il n’ajoute pas qu’elle ait toujours été la seule, ni même qu elle ait toujours précédé ou complété la confession publique. Dans le mode de la confession, des variations ont donc pu se produire au cours des siècles et il importe souverainement d’en faire abstraction quand on recherche les éléments essentiels.

8. — d) que la confession doive se faire sous forme d’acte cultuel, s’accomplir dans un local consacré au culte ou se traduire en formules rituelles. Rien n’est plus étranger même à la conception et à la pratique actuelle. On peut se confesser et l’on se confesse partout : en wagon ou sur la grande route, tout comme dans une cellule de religieu.x ou une salle de patronage. A plus forte raison peut-on le faire dans le ttte à tête d’une visite d’amitié ou d’une explication de siipérieur à inférieur. La manifestation du péché elle même, quand Icprêlre le connaît de par ailleurs, peut se réduire à une parole, moins encore, au geste ou à l’attitude qui en sollicite ou en accepte le pardon. Demander l’absolution, c’est alors éqiiivalemment se confesser. Ainsi le scliismatique et l’apostat confessent sullisamment levir faute, qui, après plusieurs années d'éloignement ou de rébellion, viennent à résipiscence et sollicitent de l'évêque leur réadmission dans l’Eglise. Il est des situations et des professions qui en disent plus sur l'état moral des âmes que de longues énum^rations. Si mon ami, ((uoique répugnant encore à la confession, me raconte néanmoins te détail de sa vie, je n’aurai pas ensuite, s’il accepte de recevoir le sacrement, à lui faire réitérer son récit : la confidence amicale, dès là qu’elle est ordonnée à l’absolution, devient confession sacramentelle. Et ces queUpies exemples, empruntés à la pratique actuelle, sufiisent, je pense, à montrer que la confession peut et a pu trouver place dans l’administration de la pénitence, sans pour cela s’accompagner d’aucun appareil liturgique. Il serait bonde se le rappeler, lorsqu’on recherche les 1791

PENITENCE

1792

traces de la confession dans les documents antiques ; on ne se refuserait pas alors à la reconnaître dans un entretien conlidentiel de ûdèle à évcciue, sous prétexte qu’il n’a « aucun caractère liturgique », comme fait A. Lagaudb dans son art. : Saint.4ugustin a-t-il connu la confession ? dans He d’hist. et de Hit. relig., iQiS, p. 245. (Cf. en sens contraire : P. Galtier, Saint Augustin a-t-il confessé ? dans la Rei. prat, d’Apologét. d’avril-juin igai) L’absolution, elle non plus, n’a rien d’essentiellement liturgique. L’Eglise aujourd’hui fait une obligation au prêlre de l’exprimer suivant une formule consacrée : c’est une garantie qu’elle lui donne, à lui et au pénitent, contre les défaillances d’attention ou les caprices individuels. Mais le précepte n’affecte pas la validité de l’absolution, qui demeure esser.tiellement le jugement personnel du prêtre. Dès là que cette sentence sacerdotale se manifeste, il y a absolution : il sullit que le pénitent en puisse percevoir le sens, et l’on voit par là comme, aux époques où n’était pas encore intervenue cotte réglementation de l’Eglise, l’absolution pouvait se produire sous les formes les plus diverses. Le fait, en particulier, pour un prêtre ou un évêque d’autoriser ou d’inviter à se présenter à la communion quelqu’un qu’il en savait exclu pour son péché, pouvait très réellement avoir à son égard la valeur d’une absolution ;

e) que la confession doive être immédiatement suivie de l’absolution. Sur ce point, aucune détermination n’existe. Entre les deux actes la distance peut êlre quelconque. La pratique fréquente la réduit à quelques instants ; mais rien n’empêche, en soi, de la porter au delà de plusieurs semaines ou de plusieurs mois.

9. — f) Quant au précepte de la confession annuelle tout au moins, chacun sait, parmi les catholiques, que le corauiandement de l’Eglise est d’origine récente et nul ne songe à en rechercher la trace aux premiers siècles du christianisme (cf. Villibn, Histoire des commandements de l’Eglise, p. iSa sqq.). La doctrine est au contraire que primitivement le précepte divin existait seul et sans détermination de temps. Le péché devait être soumis à l’Eglise, mais rien ne disait à quelle époque. En attendant, et sauf réserve de cette obligation à remplir en temps opportun, la pénitence intérieure obtenait le pardon. Il est faux que toute communion suppose une confession préalable. La pénitence ou contrition parfaite, dès là qu’elle inclut l’intention de recourir en temps voulu à la confession, remet !e péché, d’après la doctrine d’aujourd’hui comme d’après celle de jadis, et le précepte de l’Eglise, s’il a précisé le précepte du Christ, ne l’a nullement créé. Or c’est du précepte divin, et du précepte indéterminé au sens où nous avons dit, que le concile de Trente allirme l’existence dès le jour où fut institué le sacrement.

10. — 0° L’essentiel et le’ariable. — C’est donc à lorl, on le voit, et par un vice de méthode manifeste, que l’on s’obstinerait à rechercher aux premiers siècles une pratique de la confession en tout semblable à la nôtre. L’Eglise a vécu de longs siècles, et elle ne prétend nullement à l’invariabilité dans la manière de dispenser les sacrements. Elle n’ignore pas que, si les saints plus récents ou les bons chrétiens de nos jours multiplient leurs confessions, ceux de jadis au contraire s’en abstenaient aisément toute leur vie. L’âge souvent avancé où ils recevaient le baptême les mettait à l’abri de bien des fautes ; chez beaucoup, de par ailleurs, au sortir du paganisme, la délicatesse de conscience restait à acquérir ; bien des péchés, surtout ceux qui se commettent en pensée, étaient certainement ignorés de beaucoup de simples fidèles. — Nous avons fait allusion tout à l’heure (7-6)

à cet état d’esprit pour les auditeurs de saint Augustin. Saint Basile se plaint de même que beaucoup de fidèles n’attachent d’importance qu’aux péchés susceptibles d’une pénitence canonique : meurtres, adultères, etc. Les autres ne leur paraissent pas même mériter une réprimande (Z)eyudicio/>ei, 9, P. 0., XXXI, 669.B). — Or, où il n’y a pas de péché connu comme mortel, le recours au pouvoir des clefs a toujours été et reste encore libre. Il n’est devenu d’usage courant pour les péchés véniels qu’après le vu" siècle, et la fréquence de la confession sacramentelle, ou ce qu’on pourrait appeler la dévotion à la confession, est d’origine encore beaucoup plusrécente. Pour les péchés mortels eux-mêmes, antérieurement au précepte ecclésiastique de la confession annuelle, il pouvait être loisible aux coupables, leur contrition et leur bonne foi supposées, de renvoyer à plus tard la confession exigée par le Christ, et voilà encore qui explique, soit l’insistance moindre des prédicateurs sur l’accomplissement de ce devoir, soit le petit nombre des confessions à entendre dans des églises cependant considérables.

L’Eglise sait en outre que, à la longue, cette indétermination du précepte divin et ces renvois indéfinis d’un devoir rigoureux étaient de nature à produire bien des illusions et bien des abus ou même à laisser tomber en désuétude et en oubli le précepte lui-même. C’est pourquoi, et dès que l’existence même du précepte fut mise en doute, elle Intervint solennellement pour le sanctionner et en assurer l’observation régulière. Mais ces circonstances et ces considérations, qui montrent l’opportunité ou même la nécessité d’une législation, ne sauraient cependant en fonder la légitimité. Celle-ci suppose la volonté <^u (jhrisf, qu’il n’y ait pas de péchés remis indépendafeiment d’un recours de fait ou d’intention à l’Eglise ; et la définition du concile de Trente sur la nécessité et l’antiquité de la confession n’a pour but que de consacrer cette doctrine traditionnelle : pas de rémission des péchés indépendamment du sacrement de pénitence ; pas de sacrement de pénitence sans confession.

11. — Qu’il en a toujours été ainsi ; que, dès les premiers siècles, la confession a fait partie ou du moins a été la condition du traitement des péchés par l’Eglise : c’est donc l’allirmalion catholique dont nous avons à vérifier l’exactitude. Dégagé des fausses conceptions qui l’obscurcissent et le rendent insoluble, le problème de l’antiquité de la confession se réduit à ces termes fort simples, et la solution sans doute le serait tout autant, si une question préalable ne dominait tout ce débat : l’Eglise exerçait-elle sur le péché un véritable pouvoir de rémission ? Il est trop évident qu’en réduisant l’exercice de ce pouvoir à une cérémonie déclarative ou à l’excitation dans le pécheur d’une foi puriticatrice, on rend inintelligible et inadmissible la doctrine catholique de la confession. Celle-ci ne saurait être obligatoire que dans rhjpothèse d’un jugement préalable à porter sur les fautes et sur les dispositions du pécheur à absoudre. Aussi supposons-nous acquise la doctrine catholique sur l’elficacité réelle du pouvoir de remettre les péchés, et ceux-là surtout seraient mal fondés à nous le reprocher qui s’autorisent de la doctrine contraire pour faire subir aux textes une interprétation ditïérenle de la nôtre.

Il n’y a pas à se le dissimuler en effet, au début d’un travail d’où l’on voudrait écarter toutes les équivoques, c’est bien à ce point là très exactement que se fait le départ entre catholiques et non catholiques, et les divergences des historiens sur le fait de la confession se ramènent bien en dernière analyse à leurs conceptions différentes du pouvoir des 1793

PÉNITENCE

1794

clefs. Seulement, et c’est le but de ces remarques préliminaires, on voudrait faire observer aussi qu’à celle dilTorence d’opinion sur le sens du quorum remifei itin se joint, cliez certains historiens du dogme, une déformation considérable de la question à examiner : une méprise fondamentale sur la nature propre et la valeur respective des éléments du sacrement de pénitence leur fait rechercher aux premiers siècles une pratique de la confession tout autre que celle dont l’Eglise y aflirme l’existence, et l’on avouera sans doute que ceux qui méconnaissent ainsi renseignement catholique actuel ne sauraient bénélicier d’une [U-ésomption d’exactitude po<ir leurs conclusions sur les doctrines et les usages d’autrefois.

IS. — Ajoutons d’ailleurs pour les catholiques, quil est également nécessaire de se tenir en garde contre le vice de méthode contraire et qui consisterait, après avoir écarté les interprétations ou les objections adverses par la distinction entre l’essentiel et le variable dans la pratique de la confession, à vouloir retrouver tels quels dans le passé les usages ou les prescriptions d’aujourd’hui. Des différences profondes se sont introduites au cours des siècles dans la conception et l’administration des divers sacrements. Celui de l’Eucharistie en offre des exemples frappantset la foià la présence reellese manifeste aux premiers siècles dans des pratiques où nous verrions aujourd’hui des profanations sacrilèges : emporter et garder chei soi les saintes espèces pour se communier soi-même tous les jours ; les porter constamment sur soi comme nous faisons aujourd’hui des médailles ou des reliquaires, etc. Pourquoi, dans la recherche de l’antiquité de la confession, ne pas passer outre aux variations de même nature survenues an cours des siècles ? Il n’y a pas ici que le meuble du confessionnal dont l’origine soit récente (BiNTBRiM, Die vorzûf ; lichsien Deiikniirdifikeilcn, etc., t. V2, p. aSs, le croit postérieur au xiii’siècle). Rien des transpositions ont dû se produire, dans la manière d’envisager les éléments du sacrement de pénitence, dont il n’est pas nécessaire de pouvoir assigner toutes les causes ou de déterminer l’époque précise, mais dont il est indispensable de tenir compte pour ne pas projeter sur le passé des vues beaucoup plus récentes.

13- — If’A quoi demeure rvdui te la question. — Transposer toutefois, n’est pas supprimer ou ajouter ; et c’est parce que ces modilications d’usages et ces oscillations de pensées n’ont pas afTecté l’essentiel, qu’on peut y passer outre pour concentrer l’attention sur l’élément dont les catholiques afTirnienl et leurs adversaires contestent l’antiquité et l’immutabilité : l’Eglise a-t-elle toujours, pour remettre le péché, exigé un aveu préalable de culpabilité ? Telle est la seule question à examiner ici, et qii’on ne saurait troi> distinguer de plusieurs autres qui l’avoisinent : quels péchés remettait l’Eglise ? en était-il dont le pardon pût s’obtenir indépendamment de son intervention ? comment, d’après quels principes, se distinguaient les péchés mortels et les péchés véniels et jusqu’où par suite, étaient poussés l’examen, l’énumcration et 1 : manifestation des fautes particulières ? L’aveu distinct des péchés reconnus comme mortels, qui en constitue la confession proprement dite, doit seul nous occuper ici : la nécessité absolue et universelle en résultera, s’il est établi que l’Eglisea toujours professé ne remettre par voie de pénitence publique ou privée que les péchés à elle déclarés. (Vest ce que nous allons rechercher, en bornant nos investigations aux cinq premiers sircles. En deçà de cette époque, l’évolution de la confession n’a plus qu’un intérêt liistoriqiie. M. Vacandaud en a indiqué les grandes lignes, /^./’. C, art. Confession, du I" au XIII’siècle.

Totre m.

IV. BiBLioonAPiiiE. — 14. — La littérature delà confession est intinie : l’essentiel se trouve dans tous les cours de théologie catholique, au traité du sacrement de pénitence. En particulier dans De San : Tructatus de pnenitenlia (Bruges, igoo). — Les trois arsenauxilela polémique unticatholique sont : Calvin, Institution Je la religion chrétienne, 1. Hl, cli, iv ; Daillr, De sacramenlali sii’e aiiriculari Latinorum ciin/esstone disputatto (Genève, 1661) ; Le.4, A hiatory of confession und indulf ; ences, t.l, etll(18y6).

— Ducùté catholique, les meilleurs travaux restent ceux de : SiRyioyn, Jlistoria poeniteniiæ puhlicæ ; Petau, De poenilentiæ’etere in Ecclesia ralione dialrilin (Append. à son édition de sainlEpipbane dans Migne, P. G., XLll, p. io15 sqq. ou dans ses Do^miita iheotog. (éd. Vives, t.VlU, p. 1^6 sqq.) ; Noël Alexandre, De sacrumentali confessione adv. Wuldenses, Albigenses, et llickleflianos in Calt’inistis redii’ivos (réfutation détaillée de Calvin et de Daillé) ; MoRiN, Comnientnrius historiens de disciplina in administrutione sacramenti poenitentiae, 1. II. — Parmi les modernes, sont à signaler : A. J. BiNTERiM, Die i’orzûglichsten Denkwùrdigkeiten der christkatholischen Kirche, t. V (Mayence, 1829) ; Fr. Franck, Die Bussdisciplin der Kirche von den .4posleln his zitm siehenten Jahrhundert (Mayence, 1869) ; A. BouniNuON, Sur l’histoire de la Pénitence à propos d’un outrage récent (Lea) (art. dans la Hev. d’hist.et de litt. relig., 1 897, juillet-août, p. 3061 /ilf, dontil faut rapprocher un art. du P. Bhucker, Une nouvelle théorie sur les originesde la pénitence sacramentelle dans les Etudes du 5 oct. 1897) ; R. P. Casby S. J., Notes on a history ofauricular confession (Philadelphie, 1895 ; c’est une réfutation de Lea) ; D A. Kirsch, Zur Geschichte der katho-Usclien Beichte (1902 ; à l’index) ; Vacandard, art. Confession dans le Dictionnaire de Théol. cathol. de Vacant-Mangenot ; La confession sacramentelle dans l’Eglise primitii’e ; Etudes de critique et d’hist. relig., ^’série : les origines de ta confession sacramentelle ; Mgr Batiffol, Etudes d’hist. et de théol. positives : les origines de la pénitence ; P. Pellé, f.e tribunal de la pénitence devant lathéologie et l’histoire (igoi) ; B.P. Harent S. J., I.a confession : nouvelles attaques et nouvelle défense (art. des Etudes, du 5 septembre 1899) ; La méthode apologétique dans lu question des sacrements (art. des Etudes, du 5 juin 1901) ; G. Rauschen, L’Eucharistie et la pénitence durant les si.r premiers siècles de l’Eglise : livre II, la pénitence (trad. de l’allemand 1910) ; d’Alès, l’édit de Calliste, igii ; B. KuRTSCHBiD, O. F. M.. Dos Reichtsiegel in stiner geschichtlichen Ent » ickelung, 1912 ; Tixkrokt, Le sacrement de pénitence dans l’antiquité chrétienne, 191 4 ; H. Brbwer, Die kirchliche Privatbusse im chrisil. Allertuni, dans Zeitschr. f. kath. Theol., XLV (1921), p. 1-43.

Chapitre I. — Les origines

15. — I " L’institution n’est pas une innovation.

— Bien des préventions contre l’antiquité de la confession tiennent à la conception qu’on se fait de son établissement dans l’Eglise L’institution par le Christ, dont parlent les catholiques, fait croire à une innovation totale, à une observance brusquement prescrite et sans racine dans les traditions ou les usages du passé. Et, comme la nouveauté même de l’institution aurait dû en rendre l’acceptation dif-Dcile, la rareté des allusions directes qui y sont faites aux premiers siècles prend l’apparence d’une preuve positive de son inexistence.

57 1795

PENITENCE

1796

Il y a là cependant une méprise grave sur les origines de la religion nouvelle. C’est oublier que le CUrist a fait profession de n’être lui-mèiue (lu’un aboutissement, de ne faire que donner leur couronnement à des institutions ébauchées dans l’A. T., de songer moins à créer qu’à parfaire, à innover qu’à transformer. Les ablutions, les onctions, les impositions des mains, le matériel de tous ces rites auxquels il a conféré l’ellicacité proprement sacramentelle, étaient d’un usage courant avant lui et autour de lui ; il n’y a pas jusqu’à la Gène juive qu’il ne se soit borné à transfigurer pour en faire l’Eucharistie.

16. — Or le recours aux prêtres pour la purilication de l’àme, pour la rémission des péchés, n’était pas moins traditionnel. Il est prescrit tout au long dans la loi de Moïse : qu’il s’agisse dune souillure légale contractée par inadvertance ou d’une faute morale engageant plus ou moins la conscience ; que le péché ou le délit ainsi commis soit le fait d’un prêtre, d’un chef, d’un particulier ou de la collectivité elle-même, le Lévitique (iv.v.vi) prescrit que l’expiation en soit faite par le prêtre.

Il y a plus. Tout sacrilice n pour le délit » ou n pour le péché » s’accompagne d’une confession de la faute. S’il s’agit des fautes du peuple lui-même, la confession en est faite par les « anciens de l’assemblée » (iv, 13-15) ou parle prêtre lui-même (xvi, 21) : sauf le cas d’expiation pour la violation d’un précepte détermine, la confession est alors toute générale : elle porte sur toutes les iniquités des enfants d’Israël et toutes leurs transgressions. Mais, si c’est un particulier qui demande « l’expiation pour le péché », c’est à lui qu’il appartient de faire connaître sa faute. » Celui qui se sera rendu coupable de l’une de ces trois choses [refus de témoignage, contacts impurs, serments inconsidérés], confessera ce en quoi il a péché ; puis il amènera à lahweh, pour le tort qu’il lui a fait par son péché, une femelle de menu bétail, brebis ou chèvre, et le prêtre fera pour lui l’expiation du péché » (v, 5-fi). Cette confession, il est vrai, le texte ne ditpas explicitement et directement qu’elle doive être faite au prêtre sacrificateur ; mais un passage parallèle ne permet pas d’en douter : c’est au prêtre, y est-il dit pour un cas de même nature, qu’il appartient d’apprécier la valeur de la victime olTerte pour l’expiation et de juger si elle est proportionnée à la gravité de la faute. « Si quelqu’un pèche, dit Dieu à Moïse, et commet une inlidélilé envers lahweh, en déniant au prochain un dépôt, un gage, une chose injustement appropriée ou ravie avec violence, une chose perdue et qu’il a trouvée, il olfrira [après restitution] un sacrilice deréparation. Il amènera au prêtre, pour être oITerl à lahweh en sacrilice de réparation, un bélier sans défaut, pris du troupeau, et ci après son estimation du délit » (vi, 6). L’estimation du délit est faite manifestement par le prêtre auquel est présentée la victime de réparation ; c’est à lui d’apprécier si la valeur en est sudlsante et son jugement suppose donc, de tinte néces<ilé. qu’il a reçu cet aveu de la faute à expier que mentionne le v. 5 du ch. V et que le livre des yomhres, à propos de ces mêmes péchés contre le prochain, demande lui aussi explicitement (v, )).

.Vu reste, la chose va de soi, et ce même passage du livre des iomlirese montre bien. A la prescription de la restitution il ajoute en efTet l’observation suivante : « Si celui [qui a été lésé] n’a pas de représentant à qui puisseêtre rendu l’objet du délit, cet objet revient à lahweh, au prêtre, outre le bélier avec lequel il fera l’expiation pour le coupable » (v, 8). Ainsi appelé à recevoir, en cas de dis parition du propriétaire, l’objet volé ou injustement retenu, le prêtre sacrificateur peut-il n’avoir pas reçu du coupable l’aveu de son vol ?

Et il en est de même pour toutes ces impuretés légales, même de l’ordre le plus intime, dont il faut lui demander l’expiation (/.et’., xv). « Le huitième jour, est-il dit de l’homme (14-15), ayant pris deux tourterelles ou deux jeunes pigeons, il se présentera devant lahweh, à l’entrée de la tente de réunion, et il les donnera au prêtre. Le prêtre les olfrira l’un en sacrifice pour le péché, l’autre en holocauste, et il fera pour lui l’expiation devant lahweh, à cause de son llux. u — Cf. ag-So, pour la femme. — Ces sortes de sacrifices sont-ils concevables sans que le motif en soit révélé au prêtre ? Et la confession catholique devait-elle donc demander des aveux d’ordre beaucoup plus intime ? A qui avait été assujetti à la loi de Moïse, la loi du Christ sur la confession du péché pouvait-elle paraître si onéreuse ?

17. — Or il n’est pas douteux que l’usage de ces’c sacrifices pour le péché » ne persistât à l’époque du Christ. Les historiens croient même constater alors parmi le jieuple juif comme une recrudescence du sentiment du péché et de la préoccupation de s’en purifier (ScuuKaBR : tieschichte des /ûdischen Volkes im Zeitalter Jesii Cliristi^, t. II, p. 3b-)-fi-îo ; LAcnANGB : Le Messianisme chez les Juifs 1. III, ch.A’ ; W. BoussET : Die Religion des Judentunis im neutestamenthciien Zeitalter, p. 446)- Josèphb, eu tout cas, mentionne en propres termes, comme continuant à s’olTrir pour les péchés secrets, ce sacrifice du bélier dont nous avons vu le Léviti(]ue réserver l’estimation au prêtre sacrificateur. « Celui qui pêche et en a conscience, mais sans que personne puisse l’en convaincre, offre un bélier, suivant le précepte de la Loi, et le.^ prêtres en mangent les viandes ce jour-là-mênie dans le temple » (Aiitiq. jud., III, IX, 3). L’offrande aussi dont parle saint Luc à propos de la purification de la mère du Christ est une offrande expiatoire : des deux pigeons offerts, conformément à la Loi. « l’un est pour l’holocauste, l’autre pour le sacrifice pour le péché » (Lev., XII, 8).

Il n’est donc pas étonnant, étant donnés ces usages et cet état d’esprit, que saint Jean Baptiste, en prèch, ant le baptême de la pénitence pour la rémission des péchés, se soittronvé par là même en prêcher la confession. D’eux-mêmes, ceux qui couraient se faire baptiser par lui confessaient leurs péchés (Marc, I, 5 el paraît.), La rémission, à leurs yeux, en exigeait la confession, et la connexion que nous voyons ainsi établie dans l’esprit des auditeurs de Jean Baptiste nous aide à comprendre que les auditeurs du Christ l’aient également perçue dans se^ paroles sur le pouvoir de remettre les péchés. Il est vrai qu’on ne saurait déterminer exactement la nature de la confession faite lors du baptême au Jourdain. Trktui-libn (Dehaplismo, xx), saintBASiLE (fief ;. hrer., 288, P. fi., XXXI, 1286) et d’autres semblent y avoir vu une confession détaillée s’adressant au Baptiste lui-même. « Ils commençaient, explique à / ses catéchumènes saint Cyrille on Jérusalem, par lui montrer leurs plaies, puis lui y appliquait les remèdes et il leur procurait enfin la délivrance du feu éternel » (Catech., iii, 7, P. G., XXXllI, Iti-}). L’auteur d’une homélie sur le baptême de N. S., faussement attribuée à saint Ilippolyte (Ei ; t « c/.yty. dt’jfvMiK, IV, éd..Vchelis, p. 25g)nousmontre comment on se la représentait au iv* ou au v’siècle (date présumée de l’homélie), a Je donne le baptême de la pénitence, y fait-on dire au Christ par saint Jean : ceux qui viennent à moi, il ne m’est possible de les baptiser qu’autant qu’ils confessent leurs péchés. 1797

PENITENCE

1798

Supposons que je vous baptise : qu’avez-vous à confesser ? » Beaucoup de comiuentateurs ont adopté cette inèuie interprétation, et c’est celle en effet que su^-ffèlenl plutôt les détails donnés par saint Luc (m. 1 2-1 /, ). Le Baptiste, d’après lui, ne se borne pas à prêcher en tfénéral « le redressement des voies ; les parti, culiers lui demandent une direction pratique pour leur conduite individuelle. « El nous, que feronsuou’i ?

!  ! luidemandent des publicains et des soldats.

Et, comme sa réponse est détaillée : a Ne rien exiger au delà de ce qui est ordonné ; ne pas frapper, ne pas maltraiter, vous conlenler <le votre solde », il est tout naturel d’admettre que l’aveu correspondant comportait une certaine précision.

18. ^ Cependant on ne saurait prétendre sur ce point à une certitude et il serait vain d’ailleurs de songer à une observance rituelle quelconque ; les baptisés suivaient l’impulsion de leur conscience Mais la spontanéité même de leur confession est ce qu’il y a de plus significatif ; elle montre à quel point cette idée de la manifestation du péché s’associait alors à celle de sa rémission, et par là elle explique et juslide le sens où les Apôtres ont compris le pouvoir qu’ils avaient reçu du Christ. En y associant l’idée d’une confession préalable, ils n’ont fait que s’inspirer de la tradition et de l’usage ; dans leur cas d’ailleurs, l’aveuapparaissait d’autant plus nécessaire qu’il devait conditionner l’exercice du pouvoir concédé. Interprétées donc à la seule lumière des traditions juives et des formules évangéliques, les paroles du Christ, où les catholiques voient l’institution du sacrement de pénitence, supposent l’obligation faite par lui de la confession. A les entendre ainsi, les apôtres et les catholiques ne leur ont pas fait plus de violence que n’en ont fait les Juifs à celles de saint Jean Baptiste.

Encore faut-il ajouter que les prérogatives concédées par le Christ aux apôtres leur donnaient sur le péché un pouvoir direct, auquel n’avait jamais prétendu le Baptiste. L’Eglise, dont il les avait constitués les chefs, était, devait être, la société des saints. Elle ne devait pas seulement les grouper ; sa mission serait de les susciter et de les entretenir’et c’est pourquoi elle ne reconnaîtrait comme membres que ceux que ses chefs agréeraient. C’est à ceux-ci encore qu’il appartiendrait d’en exclure les indignes, et la réhabilitation des faillis leur serait également réservée. A tous ces litres, el pour la bonnoadministration de cetteiustitution de sainteté les ministres de l’Eglise auraient donc droit à la connaissance du péché. L’autorité dont ils auraient le monopole serait ordonnée directement à la purilicalion des âmes, et ce serait donc la méconnaître que de prétendre se libérer du péché sans recourir à leur intervention ; mais ce serait aussi réduire cette intervention à une formalité illusoire que de prétendre s’en assurer le bienfait sans les mettre en état de juger s’il y a lieu de l’accorder. La nécessité de la confession, en un mot, qui ne se conçoit pas sans l’inslilution par le Christ d’une hiérarchie ordonnée à la sanctilicalion des âmes, s’expliiiue au c.ititraiie tout naturellement par cette institution et c’est pourquoi la tradition juive d’une certaine confession du péché se perpétue si aisément dans l’Eglise chrétienne.

19. — 2° Indices de son existence à l’âge apostolique. — D’eux-mêmes et dès l’abord, les convertis alléreit chercher dans l’aveu du péché l’apaisement de leurs consciences troublées.. Ephèse, un prodige, dû à l’abus qu’on a voulu faire du nom de Jésus et de l’apôtre Paul, a ému la ville tout entière. Juifs el Grecs en demeurent dans la stujieur. Mais

les fidèles —’.(’re^nc^^Mrsi’—sont plus saisis encore. Beaucoup d’entre eux, racontent les, /t7ei (xix, 18-19) viennent confesser el déLdarer leurs actions coupables (é^o/j-’.joycOu.svoi xai ÙMrj : /-/i’)Jo-jzt% t<zç r.pvX^’-i « ùtûv)

des prali.iues superlitieuses, semble-t-il, - car un certain nombre d’entre eux, qui s’y étaient livrés, se défont ùe, leurs livres ou formules de magie- ils les jettent au feu devant tout le monde.’Voilà bien saisie sur le fait la confession de fautes jusque-là tenues secrètes ou tout au moins jusque-là trop peu redoutées. A-t-elle été faite sous les yeux de la communauté réunie et à la communauté réu me, ou bien en particulier à l’apôtre lui-même ? Rien dans le texte ne permet de le discerner ; mais on admettra sans peine que, même faite pul)liquemenl dans l’assemblée, elle s’adresse surtout à celui qui la préside, à celui dont les interventions surnaturelles l’ont provoquée el dont, sans aucun doute. c’est aussi le jugement qui impose à ceux des intéresses pour lesquels il y a lieu, le sacrifice des livres superstitieux. L’auteur des.4c/es ne nous dit pas non plus la suite donnée par l’apôtre à cette manifestation de repentir et de ferme propos, mais personne ne contestera, eroyons-nous, qu’en s’avouant ainsi coupables devant lui, ces lîdèles n’aient compté trouver grâce devant Dieu. S’il est donc vrai que ces « croyants » sont des fidèles aiilérieu renient baptises, leur confession est bien celle dont nous recherchons l’antiquité : l’aveu d’une faute fait à I Eglise pour en obtenir le pardon. A Eplièse, on la pratique.

20. - Ailleurs nous l’entendons prescrire. « Coniessez-vous les uns aux autres », dit saint Jacques (v 16) aux (idèles auxquels il vientde recommander (i’i-15), en cas de maladie, de faire venir les prêtres

« pour que leur prière soulage le mourant cl

que, s’il a des péchés, ils lui soient remis ». Cette mention préalable des prêtres porte à croire en ((iet que l’apôtre, en exhortant ainsi à la confession, entend bien qu’elle se fasse à eux. L’expression << les uns aux autres >. (ilHio^Ç) n’exclut point par elle-même ce sens-là ; elle est employée ! à même où s énonce le plus clairement la subordination hiérarchique : .. soumis les uns aux autres » ( :  ; r ! r « ï(ro>£wi K//. ; /-…), dil-saint Paul aux fidèles en général et tout particulièrement aux maris et à leurs femmes (£’0/1, V, 16) : les uns aux autres, c’est-à-dire chacun à sa place et dans son rôle naturel, le mari commandant et la femme se soumettant. Et de même ici : les uns aux autres, mais chacun dans l’attitude qui lui convient ; c’est-à-dire les fidèles dans celle du pécheur qui s’accuse, les prêtres dans celle de l’homme spc 1. On a souvent entendu ce mot des Juifs et des (irecs convertis a l’occnsion de ce prodige. C’est e.i vue do leur haptemo.[Il ils auraient révélé leurs pratiques superlitieuses et se seraient débarrassés de leurs livres de iu.igie On cite parlois à I aj.pui de celle iniorprétation le fait que les AcUi donnent auEM le nom de croyants.’1 de simples catéchumènes Mais les pass.iges où l’on renvoie (xi, 21 cl xvm 8| paiaissenl peu à pmpos : l’auteur y parle uniguemcntdo la foi qui achemine a la conversion et au baplc.ne Ici, contrairemenl a ce quil fait ailleurs dans.les cas analogues (v gr v iKvi. i,.3 ; , x, 43 ; s : mi, , 2-/l, S : x.v, i : xvn, 12-34). il n’in’dique nullement que les Juils et les (îrecs. én.us par le prodige, se soie.it convprtis. Comme il lait ailleurs, en particulier, , , 43-4/, où la suite des idées est exictemmU par. leleà celle du passage a.tucl, il oppose ici les fidèles au.x.luifset aux.recs Le participe pariait pns sulistantlvemcnl indique d ailleurs ppr lui-., „-me un ùtat déia aciuis (cf. dans le discours des Juds au concile de.Jérusalem

XXI, 20 : f ! -, ; « , |J.„^, k5=-4 £, ’-, ; , i, « r ; ’hj-A.jioi : , tC-J TTSriîTtV xcTwv). Mt.KSSivcta Apnsto}., edilio philo^ica.^. 201) à qui font écho la plupart des cxégéles récents, dit ;.< m^iUsv^-Tw est qui tt.ttc.- rnctl er.-int, non qui ob hoc factum lacti surit. > 1790

PENITENCE

1800

cialement député à la prière. Car c’est des prêtres qu’il vient d’être dit qu’ils ont à prier pour le mournnt (TrpouEi/laîSwTCT iTt’aÙTOv) et que la prière de la foi le sauvera (14-15) ; et maintenant, ici encore (16), c’est en vue de l’eflicacité de la prière que la confession est recommandée : « Confessez-vous les uns aux autres vos péchés et priez les uns pour les autres (rooMùj ; £’8£ ÙTkp ày>r ; /t.) »), afin d’être soulagés, car très ellicace (ro/ù tT ; ^€i) est la prière du juste » : suit l’exemple d’Elie, liomræ sujet lui aussi aux inlirmilés, mais dont la prière obtint des miracles. Cette répétition du mot oiJyiJ’jv à propos d’une prière, dont le contexte ne permet pas de douter que les prêtres en soient les auteurs qualiliés, conlirnie le sens donné à l’ii)jx, }iti de la confession, et il est donc tout naturel de reconnaître ici la prescription de l’aveu des péchés aux ministres de l’Eglise pour en obtenir le parilon. Ainsi l’ont fait jadis bien des théologiens catholiques ; ainsi le font aujourd’hui encore des auteurs protestants eux-mêmes : Manifestement, écrit, A. J. Mason dans Pictionary 0/ the Bthle, t. IV, ait. Power o/’the keys, p. Sa, manifestement le malade est exhorté à faire sa confession aux prêtres qu’il a appelés près de lui, et eux à leur tour sont exhortés à solliciter pour lui le pardon dont on fait dépendre son rétablissement. »

Pour nous, à raison même de l’imprécision et de l’amphibologie des termes employés, nous nous bornerons à en retenir que les apùlres maintiennent dans l’esprit des fidèles la connexion traditionnelle entre l’aveu et le pardon du péché. Pour plus de détails, voir la discussion de ce texte par Mgr Ruch, à l’article Extrême Onction, D. T. 6’., col. igoS-igia. 21. — Mêmes observations pour le précepte de la confession qui se lit en deux passages de la Doctrine dea Apôtres. « A l’église, tu confesseras tes fautes et tu n’iras pas à la prière avec une conscience souillée » (iv, 14). " Le jour du Seigneur, quand vous vous réunissez pour la fraction du pain et pour l’Eucharistie, vous commencerez par confesser vos fautes, afin que votre sacrifice soit pur » (xiv, i). Ici, plus encore que dans saint Jacques, la confession se présente comme le moyen nécessaire de la purification des âmes, et, s’il est constant de par ailleurs qiie, pour présider à ces « synaxes », il y a Jes prêtres, dont la Doctrine prescrit la nomination à cet efl’et (xv, 1), rien n’est plus naturel que de se les représenter comme répondant ou s’associant par une prière spéciale à cette confession des fidèles. Il est vrai qu’on n’aurait affaire alors qu’à une confession rituelle analogue à celle dont aujourd’hui encore on fa’t précéder la messe et la communion : et telle est bien sans doute l’origine de notre Confitfor^ avec VJnriiil^entiam et le Misereatiir qui y font suite. Mais il ne serait pas exclu pour cela que cette confession ait été primitivement sacramentelle, ou plutôt que nous puissions y retrouver une des formes primitives de la confession a[)pelce depuis sacramentelle. En bien des cas aujourd’hui encore, et pour des motifs d’ordre bien divers, — dont le moins rare est l’ignorance ou l’impuissance du pénitent à mieux spécifier ses fautes, — la confession n’est pas plus détaillée, aussi détaillée, que l’est celle du Confileor ; la publicité d’ailleurs de l’accusation n’étant pas non plus, nous l’avons dit, exclusive de son caractère sacramentel ; et l’absolution, d’autre part, s’étanl longtemps exprimée sotis forme rie prière, rien ne s’oppo «e à ce qu’on voie, à ce qu’on ait vii, dans un équivalent de Vfndulgentiam ou iVisereotiir^une véritable absolution. Aujourd’hui encore le prêtre, à qui il plairait de l’employer, contreviendrait sans doute à une défense de l’Eglise, mais absoudrait réellement. Peut-être même est-ce dans cette forme rituelle de la

confession qu’il conviendrait de rechercher le point de départ de la confession sacramentelle. Un maître des plus autorisés de l’enseignement catholique le suggérait il y a quelques années et nous serions fort porté pour notre part à insister sur ce point de vue, si nous entreprenions d’écrire l’histoire de cette institution. (Voir J. V. Bainvbl, dans Hefue pratique d’apologétique, iTjanv. 1910, p. 53a ; et de nouveau, Hecherches de Science religieuse, 1919. p. ai^, sqq.) L’institution a évolué, et sans que, même à l’âge apostolique, — le fait d’Ephèse et l’extiortution de saint Jacques en sont deux preuves entre autres, — Sii forme rituelle ait été la seule connue, il pourrait bien néanmoins se faire qu’alors et longtem) s encore elle ait été la plus usuelle… Mais nous n’écrivons pas cette histoire ; il suflit à notre but d’avoir constaté pour l’âge apostolique la pratique et le précepte de la confession, comme de la condition ou du moyei ; d’en obtenir le pardon dans l’Eglise.

33. — 3* L’organisation de la pénitence avec confession, caractéristique de la véritable Eglise.

— Après cela, il serait intéressant sans doute de constater comment, au cours du second siècle, ce moyen se généralise et se particularise à la fois : la propagation de l’Eglise en rendant l’usage plus universel, et l’afiinement progressif des consciences y acheminant à une spécification de plus en plus détaillée des fautes commises. Mais on sait quelle est pour cette période la pénurie des documents où se manifeste la vie intime de l’Eglise. Des ouvrages qui nous en restent, la plupart poursuivent un but apologétique ou de polémique ; ils n’ont donc pas à s’occuper d’une institution dont on ne parle ou ne discute qu’entre chrétiens. Tertullien note en effet que, si tout le monde, sans en excepter les païens, peut se rendre compte de la première conversion, do celle qui aboutit au baptême, la seconde au contraire. celle qui réhabilite le pécheur baptisé, parce qu’ell. est aiïaire de discipline intérieure, les Juifs eux-mêmes ne la soupçonnent pas : a Illa etiam ethni cis relucet, hæc vero, quæ in ecclesiis agitur, «. Judæis quidein nota est » (Pndic, ix, 19).

Cependant c’est bien au cours de ce siècle ques’oi ganise et prend corps l’administration de la pénitence. Les grandes lignes en apparaissent fort nettes dès l’époque de saint Irénée et de TertuUien ; la correspondance de saint Cyprien permet d’en saisir le fonctionnement régulier, et, au début du iv « siècle, lorsque les persécutions prennent fin et que l’Eglise se produit au grand jour, Lagtancb signale hautement, comme un de ses traits distinctifs, la rémission des péchés par la confession et la pénitence :

« Sciendum est illam esse leram [Ecclesiam] in qiiu

est coNPKSsio et pænitentia, quæ peccata et vulnern, quihus suhjecta est imheciuitas carnis, saluhriter curât » (ZJiV. Instit., IV, xxx, 13, /’./,., VI, 544). Or. on ne saurait troj) le remarquer, la confession, qui précède ainsi la pénitence, n’en est pas un élément accessoire et secondaire ; sans elle, la pénitence demeure inefficace. Cette circoncision spirituelle des âmes comporte, en effet, une révélation complète de la conscience : « ne quod pudendum facinns intni conscientiæ sécréta velemiis ». Le cœur y doit être mis à nu, c’est-à-dire, les péchés y doivent être confessés tout aussi bien que la satisfaction y doit être offerte, si l’on veut obtenir le pardon divin : u Pænitentiam nobis in illa circumcisione proposuit [Deus], ni, si cor nudaterimus, id est si peccata nostra cimfessi satis Deo fecerimus, veniam consequamur ». Les obstinés et ceux qui dissimulent leurs fautes n’y ont point de part, car Dieu, à la différence de l’homme [qui administre la pénitence], voit jusqu’au plus intime de l’âme : « Quæ [yenia] contumacibus et 1801

PENITENCE

1802

admissa sua celanlibus denegaiur ab eo qui non faciein, sicul liomo, sed intima et arcana pectoris intuelur t IV, xvii, P. /.., VI, 501).

Chapitre II. — La confession dans l’Eglise des premiers siècles

AnT. I. — La

DOCTIUNK

S 3. — 1 PrésoiD ption tirée du fait de la confession prébaptismale. — Confession el pénitence : voilà donc les deux éléments de la pénitence adiuinislrée par l’UgliscQue leur association, constatée à l'âge apostolique, persiste après l’oryanisalion régulière de la rémission des péchés, on |)eut d’abord le présumer, du fait qu’elle se retrouve jusque dans l’organisation de la préparation au Itaplénie. Il ne parait pas douteux en effet que, dans certaines Eglises tout au moins, la confession ait fait partie de la pénitence ((réhaptisniale : elle aussi comportait une ccitnine déclaration des péchés antérieurs.

Teutullien le dit très nettement (De i.iptisnio, xx). L’administration du l)aptême est précédée de

« prières fréquentes, de jeûnes, d’agenouillements, 

de veilles et de la confession de tous les péchés antérieurs (ciini con/essione omnium rétro deliclornm). On procède ainsi à l’imitation du baptême de saint Jean. Et il faut nous estimer heureux, poursuit le prêtre de Cartluige, de n’avoir pas à faire cette confession publiquement » — ou bien au contraire, comme conjecturent certains éditeurs, « de pouvoir, grâce à cette confession publique cl à ces exercices de pénitence, satisfaire pour les fautes passées ' ».

Saint HiPi’oLYTK de Rome, dans sa Tradition Apostoliijtie {'kvo’j-co’jiy.r, ai : , y.So’jit) ou, comme on disait plutôt jusqu'à ces dernières années, la Constitution ecclésiastique de l’Egypte"^, mentionne pareillement la confession faite à l'évêque par le candidat au baptême, o Quand le jour approche où ils doivent être*baptisés, l'évêque leur défère le serment à chacun en particulier, i)Our s’assurer qu’ils sont purs. Et si quebju’un est trouvé n'être pas pur, il est écarté *. »

Les canons dits d’IIippolyte, eldont la parenté avec r Anoz- : (i'/i.y : ii Uci.cMhaii est universellement reconnue, lonlirment ouexpliquenl cette prescription : u Catechumenas haptismo initiandus… ronfitentiir e/nscopu — huic enim soli de ipso est iinposiluni omis — ut episcoptis eum approiet, qui fruatur mjsteriis ' » (can. ioa-io3).

Nous n’en savons pas davantage sur cette confession prébaptismale. Elle fait suite, dans les documents cités, à une enquête préliminaire sur la vie menée par les candidats et sur les garanties de leur bonne foi. Il apparaît tout au moins qu’on y voit un moyen pour le pécheur de satisfaire à Dieu et un

1. « Nobis ^ratul.TnJum est, si non)niblico [al. mine publiée] confileinur iniquitales oui turpituiiines iiostras. » On

peut voir dans d’Ai.ics (La tlié„ ! <, gie, U /eriu/lien, p. 332, note 1), la discussion des deux loçoiis. Comme à lui, la première iiou> paraît la seule criliqueimut établie.

2. la rostiluliol] (' saint llipjiolyte on acte faite par Bom Co^Noi.i.v dans les l’exls and Studics de l’Universilé de Canjbridge (vol. VIII, n.4 : The tocalhd F.nyplian Cluirch Order and drrived ducuinrnt.', 19161. Sur l’accueil lait à cette thèse, voir un article de u’ALi : sdans llreh. de Se. Jicl., janvier-mars 1918, p. 132 sqq. et deux art. de Doni A.' Wll.MAU ], l’un dans /?>-c. du Clergé /raneais du !."> ocl. igiS, 1 autre dan- / !. S. fl, ^ janiicr-mar.s 1919.

3. Nous traduisons ainsi le texte donné d’aprcs la version éthiopiennL> par Dom CoN^Ol.l v, op. cil., y. iS’J

4. La l’erigriiialio.irtheriæ ne parle pour.'érusalenn que de lenqu' le préliminaire à l’admission parmi les candidats au baptême.

moyen pour l’Eglise de contrôler la rémission du péché par le baptême.

A Jérusalem, au iv" siècle, saint Cybillk y insiste fortenjcnl.

Nous l’avons déjà dit (ci-dessus n » 17), lui aussi la reconnaît dans la confession des Juifs à saint Jean Baptiste. Aussi, dès sa première catéchèse, lasignalet-il aux caudiduts au baptême comme le moyen de dépouiller le vieil homme. {'Kxiùiia.iO i xbt mz/.aisv

i/.j6 puTivt ôii T^5 tJo/15/o/i- ; ijjw ; , €ttt., I, a, l'.G., XXXIII,

'i-]i B). L’exomologèse en effet, qu’il mentionne à ce propos, ne saurait s’entendre exclusivement des exercices de la pénitence en général. Elle inclut tout au moins une déclaration formelle el détaillée du péché : « Voici le temps de la confession( 'E ; ' « /13/ » -/y17£ij ;), reprend-il en effet un peu plus loin ( ifc ; V., 5, 3^6 A). Confessez ce que vous avez fait soit en paroles, soil en actes, soil le jour, soil la nuil (ij-y/i^/oyijTai ri/. 7T « 7T^K-//zei.a, rà iv /oy&), rtz h è'^/w " t « iv vu/-.r(, tk h « /jiéoa). Confessez-le maintenant que le temps est favorable, et, au jour du salut, vous recevrez le trésor céleste. «  La seconde catéchèse, toute sur la rémission du péché el la confiance en la divine miséricorde, insiste sur la nécessité el l’efficacité de cette confession. La gravité el la quantité des fautes ne doit pas faire douter du pardon : « Ne dites pas : j’ai vécu dans la fornication el l’adultère ; j’ai commis de grands crimes, et cela non pas une fois mais souvent. » L’exemjile de David esl là pour rassurer : il lui a suffi de l’aveu du péché pour en obtenir le pardon : faites comme lui ; « dites votre mal au [divin] médecin ; dites, vous aussi, avec David : Je confesserai ccmtre moi mon iniquité au Seigneur. El il se produira pour vous ce <|ui vient ensuite : El vous m’avez remis l’impiété de mon cœur 11 (6'oi., 11, 6, 38 9 G). — Cet exemple de David esl classique ; aussi le catéchiste y iusisle-t-il encore un peu plus loin. Il montre le roi qui n’hésite pas à confesser son péché au prophète Nathan, au « médecin » que Dieu lui envoie (/i(d., iii, Sgô) ; puis, s’adressanl aux caléchumènes eux-mêmes : « Si un roi, leur dit-il, a ainsi confessé son péché, vous, qui n'éles que des particuliers, pourriez- vous n’avoir pas aie faire ? » (12, 400 A) On comprend qu'à propos de ces paroles, Dom TouTTKE, l'éditeur des œuvres de saint Cyrille, aitpu jiarler de la confession préparatoire au Itaptême comme d’un fait incontestable. (Voir sa note à propos de Cat., I, 5 dans I>.G., XXXIII, 375, note)

Saint Grégoihe de Nazian/.b l’alleste lui aussi très nettement. Cette confession esl un des désagréments qu’enlraîne la demande du baptême. Comme il fait pour l’ennui d’avoir à s’y i)réparer avec loule sorte de gens, pauvres, esclaves, etc., el d’avoir pour cela à subir de longs e.xorcismes, il invite à ne i)as se laisser arrêter par celle confession de son péché : cela se pratiquait au baptême de Jean Baptiste ; celle honte a le grand avantage de préserver de celle que comporterait ailleurs le chàlimenl du péché, et le fait de l’affronter en affichant ainsi son péclié, fournit la preuve de la haine qu’on en a conçue (Or., xl, 27, P. G., XXXIII, 397).

Nous nous garderons bien cependant d’ajjpuyer sur cet usage de la confession prébaptismale. L’auteur du De Sacramenli.s (parmi les œuvres de saint Ambroise), dit clairement, semble-t-il, que le candidat au baptême n’a |)as à faire de confession proprement dite {.on con/itetur peccalnm qui venit ad ha/itismnm) ; tout au plus sa demande du baplcme équivaul-elle à un aveu général de culpabilité : « hoc ipso implet confessionem omnium peccatorum, qiiod baptizari petit » (m, 12, P. /.., XVI, 435 B).

Nous avons voulu seulement à ce propos montrer à quel point l’idée d’une manifestation du péché est 1803

PENITENCE

1804

restée associée à celle de sa rémission par l’Eglise Les faits signalés aident tout au moins à comprendre la place faite à la confession dans la pénitence postbaptismale.

S4. — 2° Distinction capitale entre la confession etla pénitence publique. — Iln’japas de doute que la confession ait fait partie tout au moins de cette forme solennelle de pénitence, par ofi personne ne conteste que l’Eglise ait remis les péchés après le liaptcme. Il n’y a jamais eu de pénitence publique sans une confession préalable. Nous ne disons pas sans nue confession publique. Il s’en faut du tout que l’une entraînât l’autre. Les exemples de cette aggravation de peine sont même excessivement rares et incertains ; encore ne la voit-on jamais envisager que couime consécutive à une confession secrète, où le confesseur s entend avec le pénitent pour la lui permettre ou la lui imposer. On ne saurait donc trop soigneusement éliminer des esprits la confusion trop longtemps entretenue entre la pénitence publique etla confession publique.

Mais, ceci bien établi, il reste que l’Eglise n’a jamais prélendu remettre que les péchés à elle manifestés. La pénitence publique exclut si peu la confession proprement dite, qu’elle la suppose et l’inclut, et ceci est un fait tellement avéré que catholiques et non catholiques en conviennent également.

SS. — 3" Jugement des historiens modernes.

— H Il est clair, écrit Mgr Uatiffol, que le pécheur fait toujours de quelque façon l’aveu de sa faute ou de ses fautes plus ou moins explicitement. Car, des là qu’il sollicite d Vtre admis à la satisfaction publique, ou dès qu’on la lui impose, il faut bien qu’il y ait matière a satisfaction Et si cette satisfaction est soit temporaire, soit perpétuelle, raison de plus pour que l’évêque qui en décide ou son délégué qui en décide en son nom, connaissent le délit à la gravité du juel doit être proportionnée la satisfaction. L’existence de la satisfaction proportionnelle a ainsi pour postulat une décision préalable et individuelle qui la détern^ine en connaissance de cause)) (Eludes d’/iist. et de i^’col, po$itife : les origines de la pénitejice^p. 199 et cf. 208-209).

« Such remission was manifestly impossible-nithout a

preliminary déclaration of the nffences t" be forgiven » (Lr :. », Aurlcular confesiion and indulgences, t. 1. p. 182).

(( Das ist nicht richtig, dass i^’a^ Beichte urspriinglich nur lîekenntnis an (iott gewesen sei. Es bat tliatsaclilich nie eine kirchliche Busse ohne Beichte gegeben » (K. Muli.eh, rendant comote de l’ouvrage de Lea, dans T.L.Z., 1897, p. 465).

« Niemand wird in Abrede stellen, dass in dor alten Zeit

auf Busse gedrungen, das Siindenbekenntnis vor dem Priesten empfohlen, unter Umstandon im Interesse des Zuchlverfahrens geradezu verlangt wurde u Casp.ïri, art. Betchie^ dans B.E.P.T.^, p. 534). Cf., dans le même sens. Hou., Enihusiasmus und Bussgewalt, pp. a44-24^ ; 249-250 ; Looï-S, Leiifaden zum Stiidium der Dogniengeschichie^, ^ 09, a a, p. 479 note I.

86. — 4° Témoignages anciens. — C’est que, en effet, la pénitence, dans l’Eglise, se demandait », était i< imposée », « accordée i’, « donnée », et cela déjà suppose à son point dedépart un aveu de culpabilité, une confession. Pour 1 imposer, l’accorder, la donner, pour en déterminer la nature et la durée, celui qui en avait l’administration devait préalablement avoir aci(uis la connaissance de la nature du péché et des dispositions du pécheur. Aussi la manifestation du péché apparaît-elle partout comme inséparable de la pénitence publique.

Certains croient la reconnaître dans cet aveu du péché dont Tfrtullien fait comme le prélude ou le point de départ de la pénitence. < La confession des fautes, dit-il en effet à propos de l’aveu du prodigue à son père, la confession des fautes [les] atténue tout comme leur dissimulation |les] aggrave. En effet, poursuit-il, la confession est [manifeste, sans doute] la résolution prise de donner satisfaction (con fessio enim salisfaclionis consilium e.< : t), tandis que la dissimulation est l’indice de l’obstination. » Et c’est ici, mais ici seulement que commence sa description de la pénitence. Malheureusement l’explication du mot grec iiO/jcXv/nati, qu’on lui donne, dit-il, plus habituellement, l’amène alors à parler d’une confession faite à Dieu même : c’est l’ensemble même des pratiques de cette exomologèse qui lui est un aveu de culpabilité. Non pas qu’on ait rien à lui apprendre ; mais n par la pénitence nous confessons notre faute à Dieu, en ce sens que la satisfaction [à lui offrir] résulte, est déterminée par ou d’après la confession (Domino cuii/ilemur… quutenus satisfactio confessione disponiliii), que la pénitence résulte ( ; inscilur ) de la confession, et que par la pénitence Dieu estapaisé «.Aussi la mention expresse par TertuUien de la confession proprement dite est-elle généralement contestée.

CepBudant, il est incontestable que la pénitence dont parle TertuUien se fait sous le contrôle de l’Eglise. Elle comporte, lui-même y fait très nettement allusion dans le de Pudicilia (xill, 7), l’intervention de l’évêque qui présente le coupable à rassemblée des fidèles pour solliciter leurs prières en sa faveur. Ceux-là même d’ailleurs, qui ne croient pas la confession à l’évêque distinctement exprimée ici par TertuUien, affirment néanmoins qu’ellc avait lieu au début de la pénitence par lui décrite (cf.v.g. li’Alés : La théologie de TertuUien, p. 342-343).

27. — Saint CvPHiKN, plus manifestement, ne connaît pasde réconciliation par l’Eglisequi ne comporte la confession préalable. Il la met au premier plan de la pénitence qu’il prêche aux apostats.

Combien plus de foi et quelle crainte plus salutaire manifestent ceux qui, sans avoir commis le crime de sacrifier aux idoles ou de s’en faire décorner 1 attestation, parce qu’ils en avaient néanmoÏL s accepté la pensée, viennenL tout contrits ai’ouer cela même aux prêtres de Dieu, et faire auprès d’eux l’exomologe^e de leur conscience : ce poids de leur âme. ils le font connaître iexponitni) et, toutes petites et légères que soient leursblessures, ils demandent le rciïtède qui les guérit…

Vous donc, mes frères, poursuit-il, confessez chacun votre faute, tandis que vous êtes encore de ce monde, que votre confession peut être acceptée, que la satisfaction et la rémission par la voie des prêtres est agréée do Dieu [De lapsis, xxviii, XXIX, Ilartel, p, 35^ ot 258).

Cet exi)Osé individuel de l’état des coupables est considéré en Afrique comme si indispensable que le concile de Carthage de 25 1 en fait réserve expresse, là même où il autorise l’admission à la pénitence de toute une catégorie de coupables : soit, on recevra de nouveau à la communion même ceux qui ont sacrifié aux idoles, mais pas en bloc ; il faudra pour chacun examiner son cas particulier, la bonne volonté dont il fait preuve et la nécessité où il se trouve (examinarentur causæ et voluntales et nécessitâtes singulordm : S. Cyprien, Ep., Lv, 6, p. 629628). Il y a en effet bien des diversités de cas dans un même groupe de coupables : « Inler ipsos etiam qui saciificaverint et conditio fréquenter et causa diyersa sit ; … multa sit diversitas » (Ibid., 13 et 14, p. 633). Aussi lui même, l’année d’après, lorsque, à la menace d’une persécution nouvelle, il accorde « la paix », la réconciliation, à ceux qui ont déjà commencé leur pénitence, ne le fait-il néanmoins qu’après avoir examiné leur cas à chacun en particulier ( « examinatis singulorum causis ». Ep., lvii, 5, p. 655).

S8. — Origène n’est pas moins clair. La rémission des péchés « dure et laborieuse », qu’il décrit et qui s’obtient par la « pénitence » proprement dite, comporte l’aveu au prêtre : c’est à lui que se demande cette médecine — « cum non erubescit sacerdoti Do1805

PÉNITENCE

1806

mini iniiicare peccalum suum et quærere niedicinam, secunduni eum qui ait pronuntiaiu iitjiistitiam ineam Domino el tu remisisli impietatcm cordis mei » (/ » Ler., Hom., l, ^, 7^. G., XII, 4’8.^ 19) — car le s.icerdoce a été institué en vue de cette réiuission du péché : u CoTisequens eniin est, uf, secandiiin itna^iriein ejus qui saccrdotium Ecclcsiæ dédit, etiani ministri ti sacerdotes Ecclesiæ peccatu ptipuli accipiant, et ipsi imitantes m « i, ’(s/ ; i(jH, reniissiunem peccatorum populo tribuanl » (/ « /.cf., Iloin., v, 3, l G., XU, iiôiC). « Les apôtres, en effet, et leurs successeurs dans l’Eglise, sont les médecins établis par le chef médecin Jésus-Christ pour guérir les blessures de l’àræ (quos voluit Deux in Ecclesia sua esse niedieos animaruui) » (In Ps., xxxvii, J/nnt., i, 1, P. G., XII, iSfigC).

Aussi suliil-il de leur découvrir le mal pour en obtenir la j^uérison : la manifestation du péché en procure la guérison. Si nous péclions, nous devons dire : Je vous ai fait connaitre mon peclié el je n’ai pas dissimulé mon ini..]uité. J’ai dit : J’annoncerai contre moi-même au Seigneur mon injustice propre l^s., xxxi, 5]. Si nous lo faisons en effet, si nous révélons nos péchés, non seulement à Dieu, mais aussi à ceux qui peuvent y porter remède, ils seront effacés par celui qui a dit : Je ferai disparaiire vos iniquités comme un nuage et vos péchés comme un brouillard [/s., xi.iv. 2. ?] (lu Luc, Hom., xvii, /’. G., XUI, 1846A ;.

Ceux qui ne sont pas saints meurent dans leurs péchés ; [mais] ceux qui sont saints font pénitence pour leur péché, ont conscience de leurs blessures, comprennent leur chute, recherchent le prêtre, demandent la santé, cherchent la purification par le oontife (In Aum., l/om., k, 1, /’. G., XII ((135Det638A).

Cette utilité, cette nécessité i)lulôt de l’aveu du péché, Origcne la trouve également suggérée par le V. igdu psaume XXXVII : Quoniam iniqaitatem meani pronuntiabo.

Xous avons déjà parlé souvent de cette « prononciation » de l’iniquité propre, c’est-à dire de la confession du poche. Voyoz donc ce que l’Ecriture nous enseigne : il ne faut pas cacher le péché au dedans de soi. Ceux qui souffrent d’une indigestion ou se sentent l’estomac surchargé de bile, de vomir les soulage ; de même pour ceux qui ont péché. S’ils cachent et retiennent au dedans d’eux-mêmes leur poché, ils en sont oppressés et presque sulî’oqués. Ctlui au contraire qui s’accuse lui-méine, en s’accusant et se confessant, vomit en quelque sorte son péché et rejette toute la cause de son malaise. Il n’est donc que de chercher avec soin h qui accuser son péché. Commencez par vous assurer du médecin auquel vous devez exposer la cause de votre langueur ; qu’il sache coujpatir au malade et pleurer avec celui qui [deure ; qu’il connaisse cette discipline de la condoléance et de la compassion. Mais ensuite, ce que vous aura dit ce médecin à la science et à la piété éprouvées, ce qu’il vous aura conseillo. faites-le, même s’il croit que. étant donnée la nature Je votre mal, il y a lieu de le découvrir et de le traiter (rxponeie el curai e) en présence de toute l’Eglise, afin, par là, de concourir à l’édification commune et de faciliter votre propre guérison. Cependant ceci mérite considération et ne doit se faire qu’après rnùre réflexion de la part de ce médecin [In Ps xixvn, Hom., II, 6, P. G., XII, 1386A- B).

II est difficile, semble-t-il, d’exprirner avec plus de netteté la nécessité de la confession, de la confession secrète. Non seulement elle est le préliininairo indispensable de la confession publique — ou peut-être tout simplement de la pénitence publique en général : Mgr B.iTiKi.oi., dans sa dernière édition (1920, p. 3.^4, note 3) met justement en doute, nous semble-t-il, qu’Origène ait ici en vue, comme possible, une confession publique proprement dite — c’est le confesseur et point le pécheur qui décide s’il y a lieu d’y procéder ; mais de plus, elle peut suffire : ce n’est qu’autant qu’il y verra profit pour le pénitent et pour la communauté, que le confesseur pourra prescrire ou conseiller la manifestation ou l’expiation publique de la faute.

S9. — Toutefois on s’est acharne à atténuer le sens et à restreindre la portée de ce passage d’Origèiie. Dans le médecin indiqué, on s’est refusé à reconnaître nécessairement un prêtre : il n’y aurait pas lieu dans ce cas d’insister ainsi sur les qualités et les mérites personnels à exiger de lui. La circons|)eclion recommandée aux lidèles dans le choix à l’aire de leur confesseur serait offensante pour le clergé el de nature à éveiller la défiance envers lui. D’ailleurs est-il probable que le clergé d’une Eglise, de Gésarée en particulier, l’fit alors as’^cz nombreux pour rendre possible un tel choix ? Ori, i ; ène ne parlerait donc ici que d’une manifestation spontanée des troubles de la conscience ; le médecin à consulter ne serait qu’un conseiller bénévole et particulièrement autorisé à raison de ses lumières et de son mérite persoiinels.

Mais ce sont là, on le voit, considérations psychologiques el subjectives, qui se heurtent à une série de faits incontestables.

U est incontestable en effet, et Zezschwitz, par exemple, l’a fait remarquer (Xeitsclir. f. Prutestantismiis und Kirche, 1862, p. 364), qu’il appartient à ce conseiller de prescrire ou d’interdire le traitement public du péché. Or, au m’siècle, alors que la hiérarchie est si solidement constituée, est-il vraisemblable qu’un simple fidèle ait pu assumer cette responsabilité’.’Origène avait cependant des raisons bien personnelles de savoir que, « in conventu tolius Ecclcsiae », l’initiative de la parole à prendre ou à donner n’appartenait pas, fût-il prêtre, au premier docteur venu. Saint Cyprien n’était pas le seul évcque à revendiquer pour le clergé le droit exclusif de régir les lidèles. Et rien ne sert, pour éluder la force de cette remarque, d’en appeler, comme le fait Holl (.Bh/Ahsiasnius und Bussgenalf, p. aS^), à l’autorité dont jouissaient alors les i confesseurs », c’est-à-dire, les martyrs, dans les Eglises..S’il est quelque chose de bien établi au sujet du rôle joué par ces « confesseurs », c’est que leur intervention en faveur « les pénitents se bornait à leur obtenir la remise de leur peine et ne produisait d’ailleurs son effet qu’autant que l’évcque la ratiliait (Cf. S. Cyprien, Ep, , xv, i, 3 ; XVI, 3 ; xxvii, i ; De Inpsis. xvu. xvin. xxxvi). De plus il est bien manifeste que le personnage visé et décrit ici par Origène n’a aucun des traits des

« confesseurs » martyrs.

I ! est à remarquer en outre, et Zezschwitz l’a fait également observer (loc. cit.), que le traitement mblic du péché n’est pas envisagé comme nécessaire : le médecin consulté peut en dispenser, ou plutôt, ne le prescrit qu’exceptionnellement, et rien n’indique que la guérison, à son défaut, soit compromise. Est-ce à un simple laïque, dans ce cas, qii’Origène en attribuerait le mérite ? Le prétendre serait contredire à son allirmation si nette du De Vratione (xxviii, P. G., XI, 528) que, si nous pouvons tous remettre les péchés commis contre nous, il n’y a que les apôtres et leurs successeurs à pouvoir remettre les péchés au nom de Dieu. Le texte considéré en lui-même s’oppose donc à ce qu’on voie dans le médecin autre chose qu’un personnage olliciel de l’Eglise, qu’un membre du clergé.

Le commentaire sur la résurrection de Lazare marque aussi à plu’^ieurs reprises que le ministère de la pénitence est un ministère réservé. Lazare au tombeau est l’image du pécheur ; il se lève à la voix de Jésus ; encore faut-il que ses bandages lui soient ôtés par ceux qui ont reçu ce pouvoir, roH S-Ma/ii-joi ; y.ftijvt -j’j-’.-i, TOî ; >û3 « i « iriv Sj-jy./xhoii. In Joan., t. XXVIII, 6. 7, P. G., XIV, 60f)AD ; 697C.

Du reste, les passages parallèles déjà cités écartent d’avance toutes ces interprétations et toutes ces 1807

PENITENCE

1808

échappatoires. Le caractère de ces médecins des âmes, Origène lui-même nous l’a fait connaître ; il nous l’a dit, en propres termes et à plusieurs reprises, ce sont les lévites, les prêtres, les pontifes, ceux qui participent au sacerdoce du ^rand médecin que fut le Clirist. Quant à son insistance sur la nécessité d'éprouver leur compétence et leur mérite personnel, lui-même encore nous en donnera la raison : autre chose est avoir reçu la grâce du sacerdoce et en remplir les fonctions, autre chose posséder les qualités et les vertus qui lui donnent sa splendeur. N’importe quel prêtre peut s’acquiter de son ministère auprès du peuple, mais il en est bien peu qui possèdent la dignité de vie, la plénitude de doctrine et de science qui est requise ( « Uiium est sacerdotii nomen, sed non uiia vel pro vitæ meritovel pro animi virtutibus dignitas » (In t.ev., Ilom., vi, 6, P. (j'., X11, 473).

Voilà, croyons-notis, d’où vient l’insistance d’Origène sur la nécessité d'éprouver d’abord la valeur et la compétence de son médecin. Il s’y manifeste sans doute une tendance exagérée à faire dépendre l’efficacité du traitement prescrit du mérite de celui qui l’impose : tendance très réelle chez Origène (cf. In Mattli., Commentai. XII, A G., XUI, io13-io15 ; De Oratione, xiviii, P. G., XII, 5a8), mais qui, on le sait, ne lui est pas personnelle. L’attitude d’une partie de l'épiscopat africain et asiatique à l'égard des conditions de l’eflicæité des sacrements en général est bien connue. Mais elle n’inlirme aucunement l’interprétation, corroborée par ses autres affirmations, que dans l’Eglise les médecins des âmes sont les prêtres.

30. — Une autre de ses homélies affirme d’ailleurs plus nettement encore, s’il est possible, cette nécessité absolue de la confession. Elle est le seul moyen de prévenir le témoignage accusateur du démon et la publication de nos fautes au jour du jugement.

Car tout y sera nianifesto et tout y sera mis au jour. Que nous agissions en secret ; qu’il ne s’agisse que d une parole, que d’une pensée secrète, tout, absolument tout doit Pire publié et proclamé. Il y aura là, pour y pourviiir, celui qui est à la fois l’instigaleur et le dénonciateur du pécbé : le même qui nous pousse à mal faire se fait ensuite notre accusateur. Mais, si nouslo prévenons pendant notre vie en nous accusant nous-mêmes, nous échappons à sa malice : Dis toimême tes iniquités tout le premier, si tu veu. être justilié [/s., xiiii, aé]. Voyez-vous bien le mystère dont je vous parle ? Dis loi-mème le premier ; pour l’apprendre à prévenir celui qui se dispose à l’accuser. Toi donc, prends les devants, afin qu’il ne to prévienne pas. Si tu parles le premier, si tu offres le sacrifice de la pénitence ;.. si tu fais mourir la chair alin que ton esprit soit sauf au jour du Seigneur, il te sera dit à toi aussi ; parce que lu as souffert penuant ta vie, maintenant jouis du repos. C’est la parole de David au psaume xxxi, 5 ; j’ai fait connaître mon iniquité et je n’ai pas dissimulé mon péché, , rar dit je déclarerai contre moimême mon injustice, et vous, vous m’avez remis l’impiété de mon cœur. 'oyez-vou3 que la déclaration du péché en procure la rémission ? Prévenu par notre propre accusation, le diable ne pourra plus uous accuser, Nous faire nos propres accusateurs, c’est travailler à notre salut. Attendre que le démon nous accuse, c’est aller au-devant de notre perte : le diable aura pour compagnons dans la géhenne ceux qu’il aura pu convaincre d’avoir été ses associés dans le crime (/n Ler., fjom., 111, 4, P- G., XII, 429).

Nécessité de la confession, et de la confession pour les fautes les plus secrètes elles-mêmes, voilà ce qu’affirme ici Origène. Et il n’y a pas de doute que cette confession ne doive se faire à un prêtre. Manifestement elle est orale, elle est préliminaire à la pénitence ecclésiastique : tout au plus pourrait-on se demander s’il s’agit d’une confession publique ou privée. Mais les passages précédemment cités ne permettent pas de douter que celle-ci n’y soit au

moins supposée, et l’homélie qui précède celle-ci (In I.ev., Hom, , ir, 4) nous oblige à admettre qu’elle y est directement visée : c’est à la même parole de David qu’Origène rattache cette révélation au prêtre qu’il décrit comme faisant partie de la « dure et laborieuse rémission du péché » (ci-dessus, n. 28).

31. — En même temps qu’il énonce la doctrine, Origène en donne donc la preuve : on vient de voir à quels textes de l’Ancien Testament il rattache cette nécessité et cette efficacité de la manifestation du péché par le coupable ; c’est un des motifs pour lesquels nous avons insisté sur son témoignage. Par lui-même d’ailleurs, celui-ci est de premier ordre. L’homme qui le rend est des moins suspects de " sacerdotalisme », et l'époque pour laquelle il dépose est antérieure à cette crise novatienne, d’oi’i l’on daterait volontiers l’organisation du système pénitentiel à base de confession. Origène coupe donc court à toutes ces tentatives de rajeunissement.

Mais il s’en faut, d’autre part, que sa démonstration de la nécessité de la confession lui soit personnelle. Après lui tout au moins, on peut la considérer comme classique : écrivains et orateurs se réfèrent constamment à ce même passage d’Isa’ie (xuii, a6) sur l’aveu préventif du péché : nous en verrons plus loin divers exemples. Ce n’est pas que le sens en soit évidemment celui de la confession proprement dite. Même lu dans le texte des Septante, il peut s’entendre au contraire d’une manifestation quelconque du péché. Mais l’argumentation qu’on y appuie atteste la conviction oii l’on est de la nécessité d’un aveu oral pour le pardon du péché. Aussi reprend-on également la comparaison développée par lui de la consultation du médecin.

Continuons cette revue des témoignages qui montrent la confession à la base de la pénitence ecclésiastique.

38. — La Didascalie des Apôtres (Syrie, seconde moitié du m' siècle), qui décrit si longuement les fonctions pénitentielles de l'évêque, le fait dans le langage le plus technique de la médecine et de la chirurgie. Même quand le pécheur lui est dénoncé, il doit, avant de sévir et de recourir à l’opération douloureuse de l’excommunication, letrailer en particulier II, xxxviii, I, éd. Funk, p. 13^ et 126).

Agissez, lui est-il dit ensuite, agissez envers tous les pécheurs en médecin compatissant, et employez pour le » guérir toute » les ressources de votre art ; ne vous hâtez pas d’araputer les membres de l’Eglise ; recourez d abord aux remèdes moins violents ; voyez la profondeur de la plaie… S’il y a un cancer, appliquez le caustique du jeûne.. Ne soyez donc pas prorai)t à trancher et à scier ; , , , usez d’abord du bistouri ; ouvrez la lumeur alin tie voir au fond et de découvrir la cause secrète du mal. C’est seulement en cas de refus de la pénitence, et quand il ne reste aucun espoir, qu’il faut vous résigner à couper et à rejeter de l’Eghse II, S1.1, 3-9, Funk, p. 130-13a).

L’auscultation, on le voit, est à la base de ce traitement des âmes par la pénitence publique.

33. — ApHBAATE.un évêque persan de la première moitié du iv siècle, a toute une homélie sur ce thème (Denionstr., vii, De pænilentibus, éd. GraffinNau, P. a., t. I, p, 313-360).

Toutes les douleurs se guérissent, pourvu qu’un sape médecin les connaisse (n* 2, p 315j Voilà pourquoi le soldat blessé sur le champ de bataille se confie au médecin. De même celui qui a été blessé par le démon ne doit pas avoir honte de confesser sa faute et de réclamer le remède de la pénitence. Le soldat qui craint » ie montrer sa blessure devient vite victime de la gangrène qui lui ronge tout le corps ; s’il la montre au contraire, il est guéri et peut reprendre la campagne. De même pour le blessé de nos combats. Il a ce moyen de recouvrer la santé : dire : j’ai péché, et demander la pénitence. Si quelau un a bo : ]"- '.c le faire, il ne pourra 1809

PENITENCE

1810

pas être guéri, faute de découvrir ses blessures tiu médecin lu' 3, p. 318)… Vous donc, reprend l’orateur qui avez été blessés, no craignez pas de dire : J’ai succombé dans le combat (n. 8, Sas). Celui ijui confesse son péché, Dieu le lui remet (n" 14, p. 334).

Parce que son discours s’adresse, seuible-t-il. à des hommes voués à la vie érémilique, qu’il paraît tout au moins les viser eux aussi et eux surtout, on pourrait être tenté de n’y voir qu’une exhortation à la coulpe monastique. Mais les fautes qu’il a en vue pouvant être manifestement les fautes qui entraînent la mort éternelle (n" aS) f t les médecins auxquels il adresse les pécheurs étant i. ceux qui détiennent la clef des portes du ciel et les ouvrent aux pénitents » (n" 11, p. 330), cette interprétation restrictive se trouve exclue : le pouvoir des clefs ne peut viser que ces « dispensateurs des trésors divins » dont il dit ailleurs (Veinunstr., xiv, 44. V- 706) que le Seigneur leur a donné le ]>ouvoirde lier el de délier et dont il se plaint ici (vu, 26) que certains refusent d’accorder la pénitence à des âmes ayant confessé leurs péchés, comme il s’indigne là (xiv, 44) qu’ils usent arbitrairement de leur pouvoir d’excommunier et d’absoudre. La confession dontvphraate prêche si vivement la nécessité est donc bien destinée à obtenir des ministres de l’Eglise le pardon du péché.

34. — Son langage d’ailleurs se retrouve, et plus clair, dans un commentaire d’Isaie publié en appendice aux œuvres de saint Basilk, et qui, s’il n’est pas du grand Cappadocien, est tout au moins d’un de ses contemporains. La nécessité de la confession s’y trouve très nettement allirmée.

C’est à propos du ch. ix, v. 18. Le texte grec y porte que « l’iniquité sera brûlée comme le feu ; elle sera dévorée par le feu comme la mauvaise herbe des champs, quand elle est sèche ; et elle prendra feu dans l'épaisseur des forêts ». Le commentateur reconnaît là le moyen que Dieu, dans sa bonté pour les hommes, leur a donné pour faire disparaître les iniquités destinées à alimenter les feux vengeurs de sa justice (/*. G., XXX, 5ao D). Or ce moyen comporte la manifestation des péchés par la confession. Ceux qui ne voudront pas y recourir seront brûlés comme les fourrés épais de la foret.

Il [le prophète ! appelle [en effet] épaisseurs de la foret ceux doni lânie est en dessous et demeure dans l’ombre (tcCç i/nGÙyGui *< « < o’j-jezmv.autvovi rr, rny.-joiy), ceux qui gardent beaucoup de fautes dans les replis cachés de leur cœur (521 b) Far contre, en " meltaiil à nu les péchés par la LOnfession » (èàv jvjjmù'suiiî-j t^v « aa^riav ôià rf, ^ £^û//c/cyï ; ff£w ;), nous en faisons de l’beibe sèche, susceptible d'être bridée par le feu purificateur (5 : iiA). Et cela est indispensable, car si notre péché ne devient pas de l’herbe sèche, il ne sera pas dévoré et consumé par le feu (5aiB).

Ceci est déjà clair : cette confession, qui, par opposition à la dissimulation du ])éehé, le met en plein jour, ne peut être qu’un aveu fait à des hommes. Mais ces hommes, le commentateur va nous les nommer lui-même au chapitre suivant : ce sont les ministres de l’Eglise.

Le prophète parle maintenant (s, 19) de ceux qui échappent au feu. Ils pourraient être comptés ; et un enfant les inscrira. Voilà, dit le commentateur, les pécheurs qui, par crainte de la colère de Dieu, fuient le péché par la pénitence (548A). Quant au jietit enfant qui les inscrit.

Personne ne refusera d’y leconnaitre les préposés de l’Eglise {-zoli TT^ûecTtfJTa^ iv rf, ^"Ey/jy^tiiv^ à cause de l’inLégriLé de leur conduite el à cause de la confidence que leur font lus |iL’chcurs des secrets dont personne n est le témoin, sauf celui qui scrute l’intime de tous les cœurs (otà tc T.tti-ziCfT&'/.t

~.J-ùV. TcDv ïJyLtKÛTïîZOTCiiV Ta àT.CJ : ^Y, TV ^ o.v CUOfiù /i&'^TUç, £t fl’r Ô

TK ïi.f, , ~Ty. ixKcrm ôupii/vbi/juoi). Voilà ceux qu’il inscrit :

ceux qui fuient le feu et qui acceptent la purificntion par la pénitence i^5481î-C).

On ne saurait trop souligner, croyons-nous, ce témoignage des Eglises d’tlrient. Celui des Eglises d’Occident est tout aussi allirmalif.

35. — A Barcelone, en Espagne, le saint évêque Pacien met une passion émue à prêcher la pénitence à son peuple. Mais cette pénitence comporte manifestement la confession préalable :

Mes frères, dit-il dans son Exhortation à la pi’nileiue et en s’adressanl aux pécheurs que la honte empêche de recourir au remède de la pénitence ; mes frères, ayez au moins pitié de vos prêtres. Ils sont responsables, u Ne vous hâtez pas, écrit saint Paul à Timothée (1 Tint., v, aa], ne vous hàttz pas d’imposer les mains [pour l’absolution] : vous participeriez aux péchés d'.iutrui. » Et. vous, vous trompez le prêtre ; vous abusez de son ignorance et de l’impuissance où il sa trouve ilo prouver ce qu’il ne connaît qu'à moitié. Je vous en supplie, au norn du danger que vnus me faites courir à moi-même, au nom de ce Dieu qui n’ignore rien de ce qui est caché, cessez de tenir cachées les blessures de votre conscience. Les malades, eux, n’ont pas honte des médecins, même si c’est aux parties les plus intimes et les plus honteuses qu’il faut appliquer le fer et le feu [P. t., XIll, I086).

Puis le saint évêque, venant à ceux qui ont le courage de se confesser, mais refusent de passer outre et d’accepter ou d’accomplir les pénitences nécessaires, reprend la même image (xi) :

A ceux maintenant qui ont eu la sagesse de bien confesser leurs blessures, mais qui paraissent ignorer en quoi consiste la pénitence et quel est le remède de leurs maux. Ils ressemblent à ces malades qui veulent bien découvrir leurs plaies et leurs tumeurs et n’hésitent pas à faire leur confession au médecin, mais qui refusent ensuite d’appliquer le pansement et d’absorber les potions j)rescriptes.

Ce langage est classique. Il remonte à l’Evangile même : le Christ, en ap|)elant à lui le » pécheurs, ne s’est-il pas appelé leur médecin'?

36. — A Milan, saint Ambhoisb est tout aussi traditionnel et toutaussipressant. Au premier abord cependant, il paraît étrange que son traité de la Pénitence ne soit pas plus explicite sur la confession proprement dite. En un seul passage peut-être (1. II, chap. IX, 86, rapproché de ch.x, 91), l’aveu an prêtre s’y trouve mentionné en propres termes. Partout ailleurs, à s’en tenir aux mots eux-mêmes, la confession dont il parle pourrait s’entendre de celle qui se fait directement à Dieu. Mais cette manière de procéder est ce qui prouve le mieux jusqu'à quel point l’aveu a l’homme était considéré comme faisant partie de la pénitence. Celle-ci, en effet, se demande au prêtre, et saint Ambroise emploie constamment des formules qui supposent ce recours préliminaire (pæniwntinm petunt. uccipiiint ; poscunl pænitentiam). Cette démarche, ajoute-t-il, est ce qui coûte le moins aux pécheurs. Beaucoup s’y résignent par crainte des jugements de Dieu — « pleriqiie futuri supplicii metu, peccatortim suoriim conseil, pænilentitim petunt » (x, 86) — qui n’osent pas ensuite alTronter l’humiliation de la pénitence publique —

« et, cum acceperint, puhlicæ supplicationis revocantiir piidore » (ibid.). Et c’est lui, alors, qui les

exhorte à passer outre, en leur rappelant le courage qu’ils ont eu déjà de se confesser. Il n’y a plus que Dieu désormais à satisfaire, et lui sait tout, tandis que l’homme, auquel on s’est adressé déjà, ignorait :

« An quisquam ferat ut eruliescas Deum ro^are, qui

non eruhescis ro^are horninern ? et piideat te Deo supplicare, qiiem non laies, cum te non pudeat peccala tua homini, queni lateas, ronfileri ? « II, x, 91),

La confession au prêtre est donc loin, on le voit,

: d'être absente de ce tableau de la pénitence, L’om bre même où l’auteur a pu la laisser atteste la 1811

PENITENCE

1812

conviction où l’on était alors de sa nécessilé.Dans tous les passages où il parle de l’aveu du péché, ses contemporains n’avaient aucune peine à la reconnaître. Car il est ellicace, cet aveu, il procure cette rémission du péclié qui est le but et le terme de la pénitence :

« Veux-tu être justilié? avoue ta faute, car l’humble

confession du péché en dissout tous les liens » (il, VI, 40)- Il 3 pour elfet de prévenir et d'écarter les accusations du démon : saint Ambroise le prouve par les textes classiques :

Craignons le Seigneur, prévenons-le en confessant nos péchés. Pourquoi craindre d’avouer nos iniquités à ce bon inaiLrePDis tes iniquités, est-il écrit, pour être justifié. Coiuil.'i est justilié, en efiet, qui reconnaît de lui-même son crime ; le juste se fait à lui-memi son premier accusateur [Prov., viii, i^j. Le Seigneur connaît tout, mais il attend ta voix, non pas pour le punir mais pour te pardonner ; il ne veut pas que le démon puisse l’insulter et te reproclier d’avoir caché les péchés. Préviens cet accusateur ; si tu l’accuses toi-même, lu n’auras pas à le craindre ; si tu te dénonces toi-mêmo, malgré la mort, lu revivras II, vii, 5a-53).

Mais il doit être oral, cet aveu. Nous venons de l’entendre ; saint Ambroise le répète :

Toi qui gis à terre dans les ténèbres de ta conscience et comme dans la prison infecte de tes crimes, sors, fais connaître ta faute, et tu seras justilié : c’est en etlet une confession salutaire que cette confession des lèvres : Oie enim fît con/essio ad saluicm)i (Il, vii, Sg). Montre ta blessure au médecin. Il la connaît, mais il désire entendre ta voix II, VIII, 6C).

37. — Toutefois ces traits, si apparents pour les contemporains, ont perdu depuis lors beaucoup de leur netteté. Les protestants du moins et certains historiens du dogme se refusent à y reconnaître la confession proprement dite. Pour n'être pas au premier plan, la personne du prêtre leur écliappe, et le litléralisme leur fait contester qu’il en soit question. Elle n’est pas indiquée ou du moins pas assez souvent et assez clairement. Or, voilà jusleinenl par où leur méthode se condamne : nulle part peut-être elle ne se laisse prendre aussi aisément en défaut.

Ce tableau, en effet, de la pénitence, saint Ambroise, qui l’a tracé, nous l’a aussi expliqué. Son commentaire de la parabole de l’enfant prodigue {Ejcpositio ei’ang. sec. Litc, I. VII, n" 224-238) nous le montre vivant. Or, sans que le prêtre y soit nommé, la confession faite au prêtre y apparaît néanmoins comme étant, avec la demande du pardon, la condition même de la rémission du péché par l’Eglise. « Pourquoi s’indigner, demande saint Ambroise, en parlant des rigoristes qui, comme le frère aîné du prodigue, condamnent la pratique de cette rémission, qiiomodo indigna[n]lur quando ALicui PECCATUM FATENTi el diii indiilgeiiliam deploranli venia relax atnr ? » (n* 238, P.I.., XV, --fi’X). Celte confession, de plus, ne vient qu’après une autre, la première, dit saint Ambroise, qui s’adresse à Dieu seul et qui se fait toute dans le cœur, quand le pécheur se retrouve enfln vers Dieu pour lui crier son « peccavi s : « Pater, inqiiit, pcccavi in cnelum et corain te. Hæc est prima con/essio apitd ai(clorem natarae, præsulem misericordiae, arbitrum ciilpae. » Mais c’est précisément parce que cet aveu du cœur est tout intime, qu’il ne sullit pas. Dieu, bien qu’il sache tout, veut qu’il soit suivi d’un autre qui sera oral : « /læc est prima cunfessio apud aactoreni naturae… Sbd, etsi Deus noxit omnia, vocEM TAMKs Tu.vK coNFEssioNis cxpectat. Ore enim fit confessio ad sahitem. » Et c’est cette seconde confession qui correspond à celle que nous contemplions tout à l’heure : par elle, le pécheur se charge luimême ; il écarte l’odieux de l’accusation à venir en

prévenant son accusateur. Par elle encore il obtient l’intercession non seulement du Christ, mais aussi de l’Eglise et de tout le peuple lidèle : « ConfUere ut interveniat pro te Christus, quem adiocatum habemtts apud Patrem ; rogel pro te Ecclesia, et illacryinet popiilus. » Aussi est-ce alors qu’il peut être tenté d’user de dissimulation : < Frustra telis occultare. » Mais on l’avertit que ce serait peine perdue : car, encore qu’elle soit orale, cette confession ; encore qu’elle donne prise à l’Eglise sur le coupable et donc qu’elle s’adresse à son ministre, c’est Dieu toutefois qui y présiile, et voilà pourquoi la dissimulation y serait inutile. Dieu sait tout, et donc il n’y a pas plus de protil à taire quelque chose qu’il n’y a de danger à tout révéler : a Frustra aulem velis occultare, quem niliil fallut, et sine periculo prodas, qund scias esse jam cognitum » (n' 225, P. /.., XV, 1760). En d’autres termes, celle deuxième confession, quoique se faisant à Dieu, est une confession orale, une confession où l’on peut dissimuler, une confession qui a pour elfet d’obtenir la participation aux prières de l’Eglise pour les pénitents ; or, rien de tout cela n’est possible si elle ne s’adresse pas aussi au ministre de la j)énitence, et c’est donc en méconnaître la nature que d’en prétendre le prêtre exclu parce qu’il n’y est pas nommé.

38. — Ainsi l’entend bien Paulin, le secrétaire de saint Ambroise. Le chapitre xxxix de la vie de son maître n’est pour ainsi dire qu’un décalque de son tableau de la pénitence. Pour montrer l'évcque dans ses fonctions de pénitencier, le biographe reprend les idées et jusqu’aux expressions du traité de Pænitenlia : la confession a pour but d’obtenir la pénitence — ob percipiendam pæniteniiam lapsus suos confessus — mais elle ne sullit pas : ainsi que le voulait saint Ambroise, il doit s’y joindre le changement de la vie et les exercices pénitentiels — ipsi pænitenti non sufficit sola confessio nisi subsequatur emendatio facti. — Le confesseur est surtout un intercesseur qui joint ses prières et ses larmes à celles du pénitent — ita flebat, ut et illum, [qui confitebatur] flere compelleret ividebatur enim sibi cum jacenle jacere ; …apud Deum intercedehat ; … intercessor apud Deum. — Mais les avantages que le pénitent relire de ses aveux sont ceux-là mêmes qu'énumérait saint Ambroise : il prévient les accusations du démon ; il est son propre accusateur ; il n’attend pas l’accusateur, il le prévient ; la confession qu’il fait de sa faute la fait disparaître et l’ennemi ne trouve plus de quoi l’incriminer. Il lui ferme la bouche el lui brise les dents par cet aveu de ses péchés. El tout cela, répète le biographe après l'évêque, n’est que la réalisation de la parole de l’Ecriture : c Le juste se fait à lui-uième son propre accusateur » (P. /,., XIV, 40-/|i)'.

La correspondance, on le voit, est complète entre les deux tableaux, et celui du disciple nous garantit que avons bien interprété celui du maître. Mais il convainc en même temps d’illusion ceux qui refusent de reconnaître dans ce dernier la silhouette du prêtre confesseur. L’effacement, à côté du divin médecin, de son auxiliaire humain, n’est pas l’indice de son absence : là même où l’on se propose de le mettre

I. Le D' K. Ada.m, de Munich [Die hirchliche Siindenvergebung nacit deni ht. Anousiin, Paderborn, 15^17, p, 12918a : croit deoir entendre tout co passage de la seule pénitence secréle. Nous en aurions là la première mention avérée, S. Ambroise, influencé par les ouvrages il’Origène et de S, Basile, aurait pris sur lui de sublituer e.vceplionnellement la pénitence secrète à la pénitence publique. Sans contester que le passage se puisse entendre aussi de la pénitence secrète, il nous paraît évident ou contraire que le biogiaphe a directement en vue la confession préalable a l’accomplissement de la pénitence publique. 1813

PENITENCE

1814

en évidence, nous voyons qu’on le laisse à peine paraître. L’obscurité où il reste dans un traité sur la pénitence en général, ne prouve donc rien contre la réalité de son rôle ; etsaint Aiubroisenelui aurait-il pas accorde la mention discrèie que nous avons signalée II, ii, 86 et x, 91 ; Expos, eyang. sec. Luc, Vil, 224). sa présence se révélerait déjà dans les conûdences que les ànies font à Dieu de leurs blessures : le caractère oral qu’elles doivent avoir ne se comprend que si un tiers y est admis.

39. — Aussi bien, la sincérité qu’il y requiert ailleurs y suppose-t-elle aussi la présence du prêtre. Sa lettre à Siniplicianus (Ep. lxvu), malgré son allégorisme scripturaire, est à ce point de vue d’une netteté parfaite. Après avoir condamné, comme odieux au Seigneur, le pécheur qui prétend faire sa pénitence (). Sur un jiareil dissimulateur ( « in illo subdolo »), leur pouvoir de rémission n’a pas de prise (n’11). Aussi, conclut-il, le Seigneur ne saurait agfréer l’intervention du prêtre là où se produit la fraude et où fait défaut la sincérité dune bonne coni’ession {(i non sedulæ conf’essionis sinceritas », no lij).

Confession orale, confession capable d’en imposer au prêtre et de le tromper, mais qui doit être sincère pour lui permettre d’exercer avec fruit son pouvoir de rémission du jiéché, telle est donc la confession qu’exige l’évêque de Milan. Maintenant que nous avons appris de lui à la mieux discerner, peut-être la reconnaîtrons-nous plus aisément dans ce traité de la Pénitence où nous avons dit qu’au premier abord on avait quelque peine à la découvrir. En réalité, elle s’y trouve et à une place très apparente.

40. — A propos de la résurrection de Lazare, symbole du rappel du pécheur à la vie de la grâce, saint Ambroise nous l’y montre comme étant la condition même de cette résurrection spirituelle. Le rappel à la vie, c’est encore le Christ évidemment qui l’opère lui-même. Mais, comme il lui a plu de faire enlever par les hommes — quoiqu’il lui eût sufli d’un mot de sa bouche — la pierre qui fermait le tombeau de Bétlianie, il a voulu aussi que le fardeau de leurs fautes fût enlevé aux pécheurs par les ministres de l’Eglise — « par nous », écrit l’évêque. — C’est Lui ensuite qui les ressuscite vraiment et qui, après l’enlèvement de leurs liens, les fait sortir du tombeau. II, vii, 56, P. f.., XA’I, 511. Hominibus jiissil ut renioverent lapidem.. in iypo, quod nobis donaret ut levaremus delictoinm onera, moles quasdam leorum. J’ostram est onera removere ; illius est resuscitare, illius educere de seputcris exutos yiuculis [alias : erutos pondère]. a Voilà pourquoi, s’adressanl à celui qui gît dans les ténèbres de sa conscience, plongé dans l’ordure de ses péchés et comme dans une prison de criminels, le Christ, se rendant aux appels de l’Eglise, comme il lit à ceux des sœurs de Lazare, crie : Sors ; avoue ta faute, pour être justilié, car, faite de vive voix, la confession procure le salut » II, vir, 57). Si donc, reprend alors le saint évêque,

« si, répondant à cet appel du Christ, tu fais ta

confession, les portes de ta prison se briseront, et tous tes liens seront rompus, quelque corruption qui t’eût déjà envahi » (58).

41. — La place et l’importance ainsi attribuées par

saint Ambroise à la confession, nous allons d’ailleurs les retrouver les mêmes chez saint Augustin Lui aussi la met à la base du traitement à imposer aux diverses catégories de pécheurs. Manifestement, et endroit, tous, d’après lui, se confessent. Il distingue en effet deux classes : ceu.x que, malgré les péchés qu’ils confessent ( « qnamsis peccala confileanlur « ), on ne doit pas astreindre à la pénitence douloureuse et lamentable, et ceux pour qui il n’y a absolument pas de salut à attendre s’ils n’olTrent pas à Dieu le sacrilice d’un cœur contrit par la pénitence, i Ihs bene Iructolis ; — ce qui fait la diversité de gravité dans les péoliésl — probabitiler jndicari potest qui non sint cogendi ad pænilentinmluctuosani etiamen(aiiVem, yUAMVis peccata eTBA.NTUi, et quibus nulla oninino sperunda sit salus, nisi sacri/iciu/n iihiulerint Deo spirilum contribulutum per pucnitenliam » (De diyersis quæstionibus, i.KX’x.ni, 26, P. /.., XL, 18). Or ce discernement, en pratique, c’est évidemment la connaissance acquise par la confession de la nature des fautes commises qui permet de le faire ; si ceux qui peuvent être dispensés de la pénitence publique

— car c’est d’elle qu’il s’agit ici — se confessent, i> plus forte raison ceux pour qui elle est déclarée indispensable.

Or, cette confession, saint Augustin, comme saint Ambroise, la trouve figurée à la résurrection de Lazare. Comme Lazare recouvre la vie, sort du tombeau el est débarrassé de ses bandelettes, de même le pécheur recouvre la vie par le repentir ; mais c’est par la confession qu’il sort du tombeau et par l’absolution que ses liens sont rompus : « Cuni audis hominem pænitere peccaioruni suoruni, jam revixil ; cum audis /(OHii/iem coNFiTKNDO PROi’EBHE coNsciGNTi.vM, jam de sepulcro eductus est, sed nundum solutus est, Quando sohitur ? a quibus solvitur ? Quæ soheritis, inquit, ir. terra, erunt siiluta et in cælo… Eemissio peccatorun : solutio est » (Enarr. in ps., ci, 2, 3. P. /.., XXXVII. 1306).

L’application à la rémission des péchés de la résurrection de Lazare est d’ailleurs d’usage courant dans l’Eglise : voir déjà Origène, ci-dessus, n" 29 ; elle est destinée à y devenir classique : saint Grégoirr LE Grand (//oHi. in et’ang., /. II, Aom., xxvi, 4-7) la reproduira et certains scolastiques en tireront toute une théorie sur l’elTel propre de la contrition et du sacrement lui-même, mais déjà saint Augustin y revient fréquemment ; v. gr. Sernio lxvii, 2-3 ; xcviii, 6 ; ccxcv, 3 ; ccclii, 3-8 ; et c’est toujours pour y montrer la confession s’interposant entre l’appel de Dieu et l’absolution du prêtre. Comme l’appel du Christ à Lazare, l’appel de Dieu au pécheur lui rend la vie et lui donne la force de secouer le poids de ses mauvaises habitudes ; il le fait se lever : (( Difficile surgit, quem moles malæ consuetudinis premit. Sed tamen surgit : occulta gratia intus vivificatur ; surgit post vocem magnam. » Mais, comme Lazare, le pécheur, ainsi suscité par Dieu, sort du tombeau encore tout chargé de liens : » Processit, et adhuc ligaius est. » Or, sortir, pour lui, c’est confesser, manifester ses fautes secrètes ; « Quid est auiem foras prodire nisi quod occultum erat foras prodere ? Qui cnnfiletur, foras prodit ^(Sermo Lxvir, i-a, P. i., XXXVIII, ^34). Qui confitetur processit. Quare processisse di.rimus confitentem : ’Quia antequam conflteretur occultus erat ; cum autem confitetur procedit de tenebris adlucem » (In Jnan. Tract., xxii, 7, P. L., XXXV, iS^S). L’absolution ne vient qu’après : elle est lefaitdes minisires de l’Eglise, à qui le Christ a donné ce pouvoir de délier comme il prescrivit aux assistants d’enlever les bandelettes de Lazare : l’Isuh’erenturpeccata ejus, ministris hoc dixit Dominas : Solfiie illum, et sinite abire. Quid est, soUite et siniie abire ? 1816

PÉNITENCE

1816

Quæ sotveritis in terra soliitu eruni et irt cælo « (/ii Joan. Tract., XLix, 24, /"./.., XXXV, 1766 67). La confession, en un mot, est la condition préalable de l’inlervenlion des ministres de la pénitence, et dans la série <les actes qui assurent au pécheur la rémission de ses fautes, la place que lui attribue saint Augustin est exactement celle que lui assigne, authentique ou non, le sermon cccLi : l’Eglise n’aslreintà la pénitence publique que le pécheur ofliciellemenl reconnu coupable ou qui s’accuse lui-même : « A’isi aiitsponte confessum aut in aliquo sue sæctdari sive ecclesiasttco Itidicio noniiiiatiim atque convictum » (n » 10, P. L., XXXIX, 1546), « sive ultro confessum s iie accusai uni atque cnnyictuin t (1647) ; et cela, ajoutet-il à ce dernier endroit, d’après la loi de Dieu et selon l’ordre établi par l’Eglise : « ej le^e Dei et secundiim ordinem Jicclestæ ». Voilà pourquoi celui qui, après s'être condamné lui-même dans son cn.ur, vient demander ; i l’Eglise de lui appliquer le pouvoir des clefs, doit commencer à se montrer son fils soumis en prenant parmi ses membres le rang prescrit par cette mère elle-même : c’est donc aux ministres de ses sacrements qu’il demandera de déterminer la mesure de sa pénitence, et ce sont eux, s’il y a eu scandale et s’il leur paraît à propos pour l’utilité de l’Eglise, qui prononceront sur l’opportunilc de la faire publique. « i’eniat ad antisliles, per qnos illi in Ecclesia dates ministrantur : et tanquam bonus jam incipiens esse filins, niaternorum membrorum ordine CHstodito, a præposiiis sacrnmentiirum accipint snæ satisfactionis niodum, ut, si peccatiim ejus, non solum in gravi ejns malo, sed ettam in tanto scandalo aliorum est, atque hoc expedire utilitati lîcclesiæ videtur antistiti, in notitia muliorum, yelctiam totius plebis agere pæniientiiim non recuset. k Ib., g, f. t., XXXIV, |545.

48. — La doctrine de saint Augustin sur la confession est donc exactement celle que le pape saint Innochnt Itrdonneà la même époque comme étant la loi générale de l’Eglise dans l’administration de la pénitence : la confession en est le régulateur : « C’est au prêtre, écrit-il à Decenlius (.Iafi-e, 311), qu’il appartient d’apprécier la gravité des fautes. U lui faut polir cela tenir compte de In confession du pénitent, de ses larmes et des efforts qu’il fait pour se corriger ; il le renvoie absous quand il estime la satisfaction suflisante » (/'. A., XX, 55g).

Et leur contemporain saint Jiîrômb n’est pas moins aflirmatif sur la nécessité de la confession pour permettre au prêtre d’exercer son pouvoir de remettre les péchés.

Il est de l’ofTice du prêtre de lier et de délier ; mais, comme il était nécessaire, sous l’ancienne Loi, qne les lépreux se montrassent aux prêtres, car sans cette manifestation ceux-ci n’auraient point connu et distingtié les purs et les impurs, de même, et pour pouvoir discerner quand il y a lieu de lier et quand de délier, le prêtre doit d’abord avoir entendu le détail du péché : « pro officio suo, cum peccatoruni audierit varietates, scit qui ligandas sit, quive solrendus » (/n Matth., 1. III, xvi, ig, P.L., XXVI, 118).

Et saint Jérôme y revient. La confession, dit-il dans son commentaire sur Eccl., x, i, la confession est nécessaire pour la guérison du péché le plus secret :

Si quej<]ii’un, après avoir été mordu en secret et à l’insu de tout le monde, par le serpent, et epiès avoir été empoisonné ainsi par le venin du pécbé. garde le silence et ne fiiit pas i>énitence ; s’il refuse de confesser sa blessure à celui tjui est son frère et son niaîti c, celui-ci, bien qu’il « il une langue pour le guérir, ne pom-ra guère lui être utile ; car, si le malade rougit d’avouer sa blessure au médecin, la médecine ne guérit pas ce cju’ellc ignore IP. i., XXllI, 101'6).

La métaphore n’a pas besoin d’explication : ce maître, médecin des âmes, c’est le prêtre : a Nos, quibus unimarum medicinn comniissa est », dit saint Jérôme de lui et de tous les prêtres (Ad Nepotianum, Ep., LUI, 15. P. ].., XXII, 539).

43. — La nécessité de l’aveu du péché pour en obtenir le pardon apparaît donc comme étant d’enseignement universel dans l’Eglise. Le pape saint LÉON 1.K Grand, auquel on s’obstine dans certains milieux à en faire remonter l’origine, n’a pas à l'établir ; il ne se préoccupe au contraire que d’en maintenir l’usage traditionnel.

Il vient d’apprendre que quelques évoques y ajoutent la lecture publique des fautes accusées par les coupables. C’est un abus intolérable, contraire à In règle apostolique. Il stillit de la confession secrète, de celle que le pénitent fait au prêtre pour en obtenir le secours. Le reste peut avoir son utilité, et c’est une preuve de grande foi qne d’affronter, par crainte de Dieu, la honte d’une divulgation sembl.ible. Mais tout le monde n’a pas ce courage, d’autant plus que cette pratique pourrait avoir j)our effet île porter à la connaissance du public des délits passibles de poursuites judiciaires. Cette aggravation arbitraire de la pénitence ne peut donc avoir pour effet que d'écarter les pécheurs de la pénitence, alors an contraire qu’ils y seront attirés s’ils sont assurés de ne pas voir publier les secrets de leur ct>nscience. Voilà pourquoi cette coutume, si coutume il y a, est absolument condamnable et il faut à tout prix la faire disparaître (Jafi-e, 545, P. /,., LIV, 121 1).

Telle est, très exactement analysée outraduite, la lettre où l’on a prétendu trouver l’institution de la confession secrète. Il est au contraire manifeste que celle-ci est considérée par le pape comme seule conforme à la règle apostolique ; en fait, l’usage blâmé et proscrit n’est qu’une exception propre à quelques Egliseset suppose d’ailleurs lui-même une confession secrète préalable. Que si le pape signale les inconvénients de cette particularité et rappelle le devoir d’attirer les pécheurs à la pénitence, il n’y a rien dans son langage qui trahisse l’intention de propager une institution jusque-là mal accréditée. Le souci que manifestent ses paroles est commun à totis les pasteurs d'âmes ; il ne dénote nullement que la confession soit considérée comme affaire de conseil.

An reste, la pensée de saint Léon est bien connue par ailleurs. Sa lettre du 1 1 juin 452 (Jaffe, 485) à l'évêqne Théodore est un vrai traité de la pénitence, où revient plusieurs fois l’affirmation que, sans elle et sans l’intervention du prêtre qui l’impose, il n’y a pas de pardon possible. Or la pénitence ainsi administrée par le prêtre comporte avant tout la confession du pénitent. Diiii, en accordant avix chefs de l’Eglise ce pouvoir de remettre les péchés, en a ainsi réglé et déterminé l’usage : « liane præpositis Ecclcsiat tradiàit potestatem, ut et coNFiTK ! » TiBr » aciioncm / aenitentiæ durent, et eosdem salubri satisfactione jiurgalos, ad cnmmunionem sacramentorum per januam reconciliationis admitterent » (P. /.., LIV, 1012). Les prêtres ne doivent pas y apporter trop de rigueur ; même appelés au dernier moment, ils doivent accorder la pénitence à ceux qui la demandent en accompagnant leurs accusations de leurs larmes (ibid., io13 A). Mais aux fidèles aussi de ne pas s’exposer à en être prives en attendant, pour y recourir, le dernier moment, alors qu’il reste à peine assez de temps pour la confession du pénitent et l’absolution du prêtre (, quo vix inveniat spatium yel confbssio pæniteniis vel reconciliatio saccrdotis. Ibid., io13B).

44. — Aussi nettement d’ailleurs que le pape de 1817

PENITENCE

1813

Kome, un avocat de Gonstanlinople, qui écrit alurs son //i ! <toire de l’Eglise, considère comme une vérité allant de soi cette nécessité de la confession pour la pénitence. C’est par la nécessité de confesser ses pécbés que Sczomène explique l’institution du prêtre pénitencier (//. i'., VII, xvi, P. G., LXVU, 460). Il faudrait ne pas être homme pour ne pas pécher. Aussi Dieu, quel que soit le nombre des fautes com mises, accorde-t-il le pardon ; mais comme on ne -^aurait solliciter le pardon sans cuii/esser son péché, I aveu s’en faisait primitivement à l'évêque lui-même. Cependant cette manière de procéder parut bien onéreuse ; pour s’adresser à l'évêque dont le Irone, à l'église, était dans le sanctuaire même, au milieu des clercs, il fallait se produire comme sur une scène de théâtre et lui déclarer ses péchés sous les regards de tous les lidéles. Aussi les évêques jugèrent-ils préférable de désigner un simple prêtre qui recevrait les confessions et administrerait la pénitence.

On voit que, pour ce laïc du v" siècle, la nécessité de la confession est de beaucoup antérieure à l’institution du prèlre pénitencier, qu’il attribue cependant à une époque beaucoup plus ancienne, au 111= siècle tout au moins : à ses yeux, elle est la condition même de la rémission des péchés.

Telle est donc, en Orient comme en Occident, la doctrine de l’Eglise primitive sur la nécessité de la confession.

Après en avoir établi la continuité, il faut en étudier la mise en pratique. S’est-on toujours confessé? C’est ce que nous allons rechercher en nous occupant d’abord des pénitents, qui se confessent, puis des confesseurs eux-mêmes.

AhT. II. La l’HATUJUB

1 Section. — La confession pour la pénitence en général.

1° On se confessait.

45. — La pratique de la confession ressort déjà très nettement d’un certain nombre de faits signalés dans la première partie. Ohigkne parle de l’empiessement des bons chrétiens à s’appliquer ce remède de la pénitence, qui comporte la manifestation de ses fautes aux prêtres (n" 28) et nous avons entendu saint CvpRiEN (n° a’j) rendj-e le même témoignage à ceux de ses fidèles qui, sans avoir failli extérieurement, avaient cependant songé à le faire : « ils n’ont ni sacritié ni commis la faute des « libellatiques », mais ils ont eu l’idée de le faire, et, cela même, ils viennent eu toute simplicité en faire l’aveu aux préIres (hoc ipsum upud sacerdotes Dei dolenter et sinipliciter cnnfiientes, exomologesim conscientiæ fæiunt), se décharger ainsi du fardeau qui leur pèse et demander même pour ces blessures légères le remède salutaire ». Les abus repris par saint Léon lb GnxND montrent l’existence de l’institution (n" 43). .SozoMBNE enfin (n » 44)iS" nous montrant à l'œuvre le prêtre pénitencier de Constantinople, nous a, par le fait même, renseignés sur la pratique universelle : la différence notée par lui, entre cette Eglise et le reste du monde chrétien, porte uniquement sur la personne du confesseur. C’est un prêtre, là, qui est spécialement chargé de recevoir les aveux, d’imposer la pénitence et d’en diriger les divers exercices ; ailleurs au contraire, c’est l'évêquequi, normalement, remplit ces fonctions, celles en particulier de confesser et d’absoudre (Sur l’existence à Rome, au iv siècle, de prêtres pénitenciers, voir la controverse entre M. Vacandahd, art. Confession dans D. T. C, col. 840 sqq., et Mgr Batipi-ol dans Etudes d’hist. et de théologie positive (igao), excursus B, p. 329 sqq.).

46. — Mais à ces témoignages très significatifs et incontestables, s’en viennent joindre beaucoup d’autres.

Qaale. — Saint Ihénhb d’abord, à la Un du second sièule.à propos de chrétiennes (cf. I/aeres., l, xii(, 4et 5) séduites par les partisans d’un imposteur giiosiique du nom de Marc, montre que leur absolution par l’Kglise comporte l’aveu de leurs fautes les plus secrètes :

Quelques-unes, dit-il, font otiverteoientteurexoniologèse ( ; i^ f^.ji^oj £ ; 9r.t3Ac ; -/4y : 'Tat) ; mais d’auti-es n’en ont pas le oouriige (ouTwTToy/iSvai touzo) « t æ condaainenl ainni, soit à pei-dre ttnit espoir de recouvrer la Tie di ?itie, soit à demeurer toujour ; * entre deux, ni dedan : * ni dehors (fiacres., I,.xiii, P. G., VII, 5'J2).

Quelle que soit en efifetcetle exomologèse « e^ fou^pov qui les arrête ; toujours est-il qu’une confession secrète a précédé. Les atlirmalions de saint Irénée ne s’expliquent pas sans cela : il connaît les motifs pour lesquels ces leranies restent hors de l’Eglise et finalement se perdent ; ce sont des péchés de la chair pour lesquels est requise cette exomologèse. L’aveu lui en a donc été fait, et, si l'épreuve, qu’il a cru devoir leur imposer, mais qui les fait reculer, est celle de la confession publique, nous trouvons là un cas de cette confession secrète préalable à la manifestation publique dont parle Origène ; s’il s’agit au contraire de la pénitence publique en général — ce qui sans doute est le plus probable, — nous nous trouvons en présence du cas le plus ordinaire et si souvent déploré, du refus d’accepter l’expiation imposée par le confesseur.

47. — Syrie. — C’est aussi ce que la Didascalie des Apôtres (édition Funk, 1906), dans la seconde moitié du troisième siècle, permet de constater pour l’Orient. La confession spontanée du pécheur ne s’y trouve pas, il est vrai, formellement mentionnée ; exhortation y est faite seulement à l'évêque de se montrer accueillant à son égard. Médecin, il peut délivrer de la mort II, XIV, 1 1) comme procéder aux amputations nécessaires ; sa grande préoccupation doit être de mettre à la portée des malades les ressources de « on art (11, XX, lo-i i), de connaître la nature exacte et la gravité du mal, pour y adapter le » remède-, et de ne recourir auxopérationschirurgiealesqu'à la dernière extrémité II, xuii, 1 1 sqq. et cf. ci-dessus n" 32). Il est établi pour juger ; mais, dans l’exercice de ce pouvoir, il doit s’appliquer surtout à imiter la bonté, la bénignité du Dieu qui promet le pardonà tous II, xii ; XIII, 4 ; XIV, 3 et 1 1 ; xv, i-3). La clémence et la miséricorde doivent être ses dispositions première-*, afin de ne pas imiter celui qui, cheminant à côté d’un voyageur le long d’une rivière, d’un geste brusque le fait tomber à l’eau et se rend coupable d’homicide II, XV, 8). Comme il se doit aux justes en un mot, pour les préserver du péché, l'évêque se doit aussi aux, pécheurs qui se repentent, pour leur accorder la rémission du péché (/ « t toF ; u « T « vo ! ?07ty c/^47tv iiSôvv.i xpo : II, xviii, a). Et c’est justement ce qui porte à croire que, sans être formellement indiquée, la confession spontanée se trouve ici nécessairement supposée. Comment s’expliquer autrement cette insistance à demander au médecin ou au juge de ne pas repousser ceux qui relèvent de lui ? La réaction très réelle et voulue contre le rigorisme novatien n’en est pas la seule cause ; manifestement on suppose que, comme s’en félicitait saint Cyprien à Carthage, les intéressés prennent eux-mêmes l’initiative ; c’est de leur plein gré que la plupart des pécheurs vont s’adresser à l'évêque.

Mais les pécheurs publics, les obstines y viennent également. A leur propos, la Didascalie descend aux 1819

PENITENCE

1820

détails et fait l’application de la doctrine générale. Dans chacun des trois cas qu’elle examine en particulier, à la base de la pénitence qui aboutit à la rémission du pécbé, apparaît un jugement personnel de l'évêque sur les dispositions du pécheur et la gravité de sa faute.

48. — Le premier cas est celui du pécheur dont l’inconduite provoque par elle-même l’intervention de l'évêque II, xvi-xviii). Jeté hors de l'église (xvi, i), il y demeure jusqu'à ce que les diacres, chargés de la surveillance générale, proposent à l'évêque de le recevoir. Le coupable alors est introduit auprès de l'évêque et celui-ci procède envers lui à un véritable examen : il l’interroge, et s’il le trouve repentant, s’il l’estime digne d'être réadmis dans l'église (r'.rs

èïTi’j cîi ixxJr, 'yiK-j : Tv.p « Siy6fivy.t), il lui impose une pénitence proportionnée à la gravité de la faute — quelques semaines de jeûne, par exemple —, puis, après une dernière exhortation au repentir et à la prière, il le renvoie, en attendant que, la pénitence accomplie, la réconciliation par l’imposition des mains puisse avoir lieu II, xvi, a et xviii, ;).

Le second est celui du pécheur qu’un des fidèles a dénoncé II, xxxvni-XLi, 2). La procédure ici est commandée par le précepte évangélique delà correction fraternelle. Avant tout, il faut s’assurer discrètement que la dénonciation est fondée. C, ea fait, l'évêque doit traiter l’alïaire seul à seul avec le coupable, et, si ce dernier se rend à ses raisons, tout est lini (xxxviii, l). En cas de résislance seulement et d’obstination, on poussera plus loin : d abord en ])résence de deux ou trois témoins — les diacres, sans doute, — on essaiera d’obtenir salisf : iclion ; sinon, on le dénoncera à toute l’Eglise et on l’exclura de la communauté. Avec lui dès lors on n’aura pas plus de rapports qu’avec le^ païens ou les mauvais publicains(xxxvni, 4 ; xxxix, i-5 ; xl). Mais s’il vient lui-même à résipiscence, promet de faire pénitence et accepte l’expiation imposée par révêque(xxxix, 6), il sera admis de nouveau à la prière (xLi, i), suivra eu un mcil le régime ordinaire des pénitentsjusqu’au moment de la réconciliation finale.

Le troisième cas est celui du calomniateur coupable d’une fausse accusation contre quelqu’un des lidèles II, XLii, I et 5-6 ; xliii). L’expulsion ici est prononcée « l’eniblée, et ce n’est qu’après un certain iemps que le brouillon est admis à l'épreuve pénilentielle. Mais à lui comme aux précédents, on demande tout d’abord >in acte de soumission à l'évêque : ce n’est que par la promesse alors obtenue de faire pénitence et après l’acceptation d’un châtiment sévère, qu’il pourra être admis à l’imposition des mains libératrice (xi.iii, 1).

On le voit donc, c’est toujours l'évêque qui admet à la pénitence, qui l’impose. Mais celle-ci doit être demandée et acceptée, et elle n’est accordée que sur promesse d’amendement et constatation des dispositions actuelles du coupable. El d’autre part, la démarche préliminaire, toujours exigée du pénitent, ))résente bien les éléments essentielsde la conffssion. La publicité de ses fautes peut le dispenser d’en articuler l’accusalion ; mais son acte de soumission à l'évêque en est l’aveu et le désaveu le [)lus clair, et c’est cela qui importe. Le reste : la publicité plus on moins restreinte despéniteiices accomplies, la procédure pi us ou moins solennel le qui précède ou qui même, en certains cas, accompagne la comparution décisive du coupable, n’est, au point de vue qui nous occupe, que de l’accessoire. L’essentiel est le recours au tribunal spirituel de l’Eglise pour être jugé par elle et obtenir par ce moyen la rémission de ses péchés. La confession, au fond, n’est pas autre chose, et il est

donc manifeste que la Didascalie en constate la présence au point de départ de toute pénitence.

49. — A Cartbage. — Cette procédure, au reste, se retrouve ailleurs. ACartliage, par exemple, nous connaissons (n" 27) la règle invariablement rappelée par saint CvpRiBN : pas d’admission à la pénitence ou à la « réconciliation > sans un examen ])réalable et individuel du coupable. Les « billets de paix » délivrés par les « confesseurs » en doivent faire réserve (Ep., xxvii, 2). Or cet usage — car c’est un usage que rappelle saint Cyprien (Epp., XV et XVI, 3) — les intéressés ne l’ignorent pas. Le martyr Lucien, dont l'évêque de Cartbage regrette la simplicité et l’indiscrétion, écrit en propres termes sur son billet de paix que, pour en proliter, il faudra d’abord exposer sa cause à l'évêque (exposiia causa apud episcopuin et factii etomologesi. Ep., xxii, 2). Ceux-là mêmes qui croient pouvoir accorder une indulgence générale supposent que l'évêque, de son côté, se sera rendu compte de la conduite des coupables ( « Scias nos iinli’ersos qitilius ad te ratio constitkrit QuiD posT coMiMissuM KGERiNT dedisse pacein, » Ep., xxiii). Les bénéticiairi’s aussi de ces faveurs, lorsqu’ils sont animés des dispositions requises, se soumettent d’avance à ce jugement épiscopal : ils écrivent à Gj’prien qu’ils ne prétendent nullement être admis à la paix avant d’avoir coni])aru devant lui {Ep., xxxui, 2).

50. — La décision dernière dépend donc bien de cet examen individuel. Et il faut voir chez saint Cvprien les angoisses d'àme que lui causait cette ajipréciation des consciences. Il les décrit dans une lettre au pape Corneille (/i/^., Lix, 15-16) Les schismatiqnes — ceux qui avaient pris parti pour le diacre Félicissime — reviennent en masse ; tous les jours ils frappent à la porte de l’Eglise. Et lui, qui se sait responsable à Dieu, l’anxiété l’accable d’avoir à peser et à examiner soigneusement lesquels d’entre eux i)einent être admis (ad Ecclesiam puisant, noliis laiiien, a quiliiis ratio Domino reddenda est, an.ria pnnderaiit’bus et sollicite examinaniihus quirecipi et admitli debeant). L’obstacle, pour certains, vient à la fois de la gravité de leurs fautes et de l’opposition des lidèles à une indulgence q<ii leur paraît excessive. Il y aurait scandale à certaines ailraissions. Le pasteur d’ailleurs serait-il sage de s’exposer, pour faire rentrer lesbrebis malsaines, à contaminer tout le trou[)eau ? L'évêque de Cartilage se donne une grande peine pour calmer son jieuple et le faire consentir à la réception et au traitement curatif de ces malheureux (ut recipiendis malis curandisque conseiitiant). Le retour des moins coupables provoque la joie ; mais d’autres si[)résentent, des incorrigibles, des adultères, des saciilicateurs. qui font bondir d’indignation. C’est à peine alors si l'évêque arrive à extorquer un consentement tacite. El cependant, < qu’ils viennent ces misérables, s’ils consentent à se soumettre à noire jugement » (i** ! /H(/ic’iH/)i nostinm volnerint experiri, reniant), l’eul-ètre, après tout, ont-ils des excuses et des moyens de défense à faire valiir. Nous verrons quelles sont leursdispositions et leurs fruits de pénitence (Videamus qiian kabeant satisfnctioiiis suæ sensum, queni af/'erunt pæniteniiæ fructum). L’Eglise n’est fermée ni l'évêque ne se refuse à personne (A’i^c Ecclesia isiic ciiiquam cluditur, nec episcopus alicni denegatur). Ma patience, mon indulgence, ma bonté leur est.assurée. Je voudrais les voir tous rentrer dans l’Eglise.,. Dans mon désir de rétablir l’unité, j’oublie tout, je ferme les j’eux sur tout — isur les injures reçues personnellement] — ; même les pcchés commis 1821

PÉNITENCE

1822

contre Dieu, je renonce à les examiner en pleine rigueur de justice (non pUnn judicio religionis examiiio ) ; à force d’indulgence dans la rémission des péchés, je finis presque par pécher moi-même ; mais mes bras et mon cœur sont ouverts à quiconque revient pénitent et confesse humblement son péché {Delictis plus quam oportet remitleitdis pêne ipse delinquo ; amplectur promptii et plena dilectinne cuni pænitentia re^’ertentes, peccatiun stium satis/’actione hiiniili et simplici confitentes).

Ces paroles servent comme de contre-partie aux instructions de la Didascitlie aux évêques. Résolu à aller jusqu’au bout de son devoir, celui de Car-Ihage ne refuse à personne le secours de son ministère et se préoccupe d’unir l’indispensable sévérité à l’extrême indulgence. Mais ses fonctions de juge du péché le font trembler. C’est lui, qui, devant la eommtinautédes (iJèles, prend la responsabilité des admissions à la pénitence. Mais pour procéder sagement à cette œuvre de miséricorde, il faut connaître le fond des âmes : voilà pourquoi il les cxiiiuine soigneusement une à une, pesant toutes les circonstances, tenant compte des excuses alléguées, s’assurant du moins autant que possible que le coupable désavoue sa faute et est résolu à la réparer.

SI. — A Rome. — Or c’est ce même jugement qu’à Rome nous retrouvons à la même place. L’exemple qui nous en est connu est celui d’un cas très particulier : il s’agit des a confesseurs i> qui, après avoir pris parti pour l’antipape Novatien, font leur soumission au pape Coknrille. Il y a eu faute et scandale publics ; mais les coupables sontdepar ailleurs irréprochables ; leur titre de « confesseur », acquis au cours de la persécution, leur donne même droit à un traitement défaveur : pour eux, l’épreuve pénitentielle sera complètement supprimée et la réconciliation aura lieu sans retard. Âlais le jugement par révêque ne saurait être omis, et il se trouve justement qu’on y procède suivant la règle tracée dans la Didascalie pour 1.’cas du pécheur public (Voir te rccitdans une lettre du pape Corneille à saintCyprien : P. /-., 111, 18 sqq. ; éd. Ilartel : Ep. XLix et comparer Didscalie II, xvi, 1-2).

Des amis ont décidé les schismaliques à se soumettre : ils font dire leur résolution de revenir à l’Eglise. Mais avant d’ajouter foi à cette demande, on veut la recevoir de leur bouche. D’où une première entrevue entre eux et les prêtres délégués par le pape : ceux-ci les interrogent sur tous leurs actes schismatiques ; eux confessent leur erreur et supplient qu’on efface tout ce passé. Rapport est lait au pape, qui, pour procéder plus sûrement dans une affaire de cette importance, la soumet aux délibérations d’un synode auquel assistent, en même temps que son clergé, cinq évéques alors présents à Rome. Cela fait, et sur avis conforme du synode, les schismatiques repentants sont introduits dans le preshylerium, nous dirions dans le sanctuaire de l’église, en présence du |)ape ; ils renouvellent alors leur demande de pardon, ’i afin que, tout étant oublié et la charité mutuelle rétablie, ils puissent offrir à Dieu un cœur pur et sans tache n ; et c’est à la suite de cette comparution devant le tribunal du pape, à la suite de cet aveu et de ce désaveu de leur schisme, que l’on procède devant tout le peuple à leur réconciliation déliiiitive.

La procédure, on le voit, s’accoinpa ;  ; ne ici d’un appareil extérieur considérable, qu’explique la notoriété exceptionnelle des pécheurs et le caracicre très spécial de leur faute ; mais il ne viendra sans douie à l’esprit de personne que, dans les cas ordi naires, dans cetix par exemple dont saint Cyprien disait tout à l’heure qu’ils se présentaient nombreux

tous les jours, l’évèquc, pour prononcer son jugement, s’entourât ainsi d’enquêteurs et de conseillers. L’eût il fait d’ailleurs, il n’en resterait pas moins que cette comparution des coupables devant lui, cet examen personnel de leurs fautes el de leurs dispositions, vers lesquels convergent tous les détails de la procédure décrite dans la JJidascalie et suivie à Garthage et à Rome, correspondent très exactement à l’essentiel de ce que nous appelons la confession proprement dite. Kn d’autres termes, car, encore une fois, le caractère plus ou moins public de ce jugement préliminaire importe peu dans la question présente, il resterait établi que en Orient, à Carthage, à Rome au milieu du 111’siècle, le régime pénitenticl préparatoire à la réconciliation par l’imposition des mains avait pour i>oint de départ invariable un examen du pécheur par l’évèquc lui même. Et cette constatation suffit à prouver le fait de la confession, tel que l’énoncera, au début du v » siècle, le pape Innocent I" (cf. ci-dessus n 42).

52. — A Alexandrie. — Du 111= siècle, d’ailleurs, nous ne connaissons pas que ces jugements solennels mettant en branle tonte la curie épiscopale. Une lettre de saint Denvs d’Alexandhie, conservée par EusKBK (//. K., Vil, ix, P. G., XX, 653 ; éd. Schwartz, t. III, p. 6^6), nous met sous les yeux un de ces recours spontanés à l’évêque, qui se produisent normalement de la jiart des chrétiens bien disposés. Un vieillard, chrétien depuis longtemps et des plus lidèles à ses devoirs, s’aperçoit un jour, en suivant la cérémonie du baptême, que son baptême à lui, reçu dans l’hérésie, n’est pas conforme à celui qu’administrent les catholiques : sans doute alors n’est-il pas réellement baptisé : « Et le voilà, écrit au pape l’évêque d’Alexandrie, le voilà qui vient à moi tout en larmes ; il se jette à mes pieds, et m’avoue que le baptême reçu par lui chez les hérétiques n’a rien de commun avec le nôtre. » Sur quoi saint Denys, que le cas embarrasse, demande conseil : provisoirement il a prescrit au bon vieillard de se tranquilliser et de continuer k recevoir l’eucharistie avec tout le monde. Mais l’intéressé ose à peine suivre cette direction et lui même, Denys, voudrait bien savoir s’il y a lieu de procéder à >in nouveau baptême. Voilà bien, saisie sur le fait, la pratique de tous les jours. L’évêque est le père spirituel des tidèles : dans leurs troubles de conscience ils vont se jeter à ses pieds, lui exposent l’état de leur âme et attendent de lui le jugement qui les rassure.

53. — En Cappadoce — Aussi les canons pénitenliels mentionnent-ils, dés leur ajiparition, ces accusations si)ontanées. Il en est déjà question avant la (in du ni’siècle dans la lettre canonique de saint GuKc.oiBE le Tiiaumatuiîgh : les canons H et 9 distinguent, parmi les chrétiens qui se sont associés aux dé|ircdalions des Goths, ceux qu’une accusation régulière a convaincus de ce crime et ceux qui s’en sont eux-mêmes reconnus coupables (IfjTîJ ; èfeiTrwsc, /’. G.., X, 10^2 D et 10^3 D). Les lettres canoniques de saint Basile el de saint Ghégoire oe Nvssk nous montrent aussi la place qu’occupe la confession daui l’administratiin de la pénitence.

Le premier parle de la pénitence à imposer aux femmes qui se sont rendues coupables de pratiques .-ibortives : ce qui manifestement suppose îles aveux faits par elles, du moins le plus souvent (Ep.. c.i.xxxvm, 2, P.’?.. >CI1. 671 A). Aillfurs il men-Uoniie formellement la confession : celle des vices infâmes (Ep.. ccxvii, f)’i, /^^., XXXIII. 800A) : elle fait réduire de moitié la durée de la pénitence à leur imposer (Ep., CLXXxviii, j, P. G., XXXII, 676 A) ; celle des femmes coupables d’adultère : il faut éviter d’imposer une pénitence qui les trahirait (Ep., 1823

PÉNITENCE

1824

cxcix, 3/ », ')2')A) ; celle des voleurs : la peine sera moindre pour eux que pour ceux qui ont été condamnés judiciairement (^/?., ccxvii, 61, 798^) ; celle de ceux qui se livrent à des pratiques de sorcellerie, des complices de certains crimes spéciaux, d*un diacre coupable de ce qu’il appelle ti poUutio in lahris > (Ep.y ccxvii, 65, 90, 71, 798 B, 801 A).

Le second rappelle aussi la différence à faire des criminels qui ontété judiciairement convaincus et de ceux qui se sont offerts d’eux-mêmes à la pénitence par la confession de leurs fautes secrètes (A/?., can. 4 » P* (** XLiV, 339 A). La déclaration au prêtre d’un vol secret sera considérée comme l’indice d’un amendement réel (Ibid.y can. 6, a33 G). Mais le but didactique de la lettre motive l’insistance sur la nécessité pour le pénitencier d’interroger à fond les pénitents.

Qu’on Ips inteiTog-e. dit-il à projios de ceux qui nnt en recours mix lievin », et qu’on s assure s’ils ont commis cette faute tout en restant Kdctes k In foi du Christ, entraînés seulement par quoique nécessllo pressante, sous le coup d’un m tlheiir <hi d’une per’e douloureuse ; on si c’est pjtr niépri'î formel du témoignaffe que nous avons reçu [de l’Evangile], qu’ils ont eu recours à l’intervention du démon {îhid., can. S, 22". D ; 228.)

54. — Mais nous reviendrons à propos du confesseur (no 6/J) sur ces lettres « canoniques ». Ecoutons maintenant deux homélies de sain^ « ^RKGoiRB or Nysse.

Le « ne in furore ttio arguas me, neque in ira tua corripias me » du psaume vi évoque à sa pensée le pécheur qui recourt à la confession comme, u moyen de prévenir la colère divine au jour du jugt ment.

StiTiS, attendre le châtiment que lui attireraient alorn SCS fautes secrètes, il prend les devants en les confessant (—ooly.^xQy.voi rr, i^yr/opzùi’A). Les avpuï que la toiture arrache raaltjréeux aux criminels, lui l-^s 'ail sponla ; iément ; sous le fouet, et comme dan ? les tourments de la péniteaoe, iï avoue (mot à mot : il publie, 4/ ; , tJiCTieûs() le ^ péchés cachés au plus intime de son àm'^,.. La mort [purrait Tenir, qui exclut toute g-uérison de l’Ame ; pe (sonne. après la mort, ne peut, en rap]" » elant le souvenir d Dieu, 5juérir le m> » l que lui fait le péché. C’est sur lerVe que Texomoloçèse est efficace ; aux enfers^ il n’y en aplus (P. G., XLIX, (112C-613A).

Cette edlcacilé de la confession (In Eccîes.^ lÙ^n, m, P. G., XLIV, 649 CD), l’Ecclésiaste nous Tappr, ^d par son exemple ; c’est là une des meilleures leçoTis qu’il ait données aux (idrles de l’Eglise ; et rKgii*îe elle-même a appris de lui à apprécier le mérite de la confessiondes péchés : ri ôtà rr, ; IX’Ayopvj-^zoi ; -tôv ttett/zv Ainsi en est-il des hommes à qui Unrs excès ont donrni la Bèvre : lu saignée et les pointes de feu sont nécessaires à leur guérison, mais ce traitement leur apprend à se modérer dans la suite. De même pour celui qui « 'c «  dénoncé lui-même en confessant ses vices cachés (^ TTi^/tTîûffa ; ky.'j’zo-j ôea Tf, ^ riiv /.pjfi’jyj ^ayo^îÛTsw ;) : le souvenir de la honte éprouvée alors lui sert de leçon pour le reste de s : t vie ^P. G.. XLIV, f152 B).

Honte salutaire de la confession : cette homeiie prouve bien qu*on l’affrontail. Tout le monde cependant n’en avait pas le courage et ce n’est pas d’aujourd’liui que la peur de la pénitence écarte de la confession et finalement de la pratiqvie religieuse.

55. — La peur de la confessioo. — Le passage suivant d’un commentateur d’Isaie, déjà cité n* 34 et souvent identifié avec saint Basile lui-même (Cf. Bakdknukwer : GAKL.^ t. 111. p. 1 49-1 48), est fort su<^*i : cstif à ce point de vue. On nous permettra d*y juxtaposer un extrait d’un psychologue contemporain : le rapprochement aidera, croyons-nous, à saisir la portée de ce trait des mœurs d’une époque où, d’après tant d’auteurs, U rémission par

l’Eglise, et donc la confession des fautes secrètes, aurait été inconnue.

« Quelquefois, la rupture

[avec la foij se fait sous l’influence des passions de la virilitu commençante, et l’homme, en se <JétacliBnt de la foi, se détache surtoutd’une chaîne insupportahle à ses plaisirs,.. jo n'étonnerai aucun de ceux qui ont travfrsé les études de nos lycées en nflirmant que la précoce impiété des libres penseurs en tunique a pour point de déport quelque faiblesse de la chair accompagnée d’unr liorreur de l’aveu au confessionnal. Le raisonnement arrive ensuite, qui fournit des preuves à l’appui d’une thèse de négation acceptée d’abord pour les besoins de la pratique n |P. BoukCET : Essais de psychologie contemporaine^p. SO).

Voici nu jeune homme dont. Icnfance et l'éducation ont été pieuses. Il est assidu nux oÀîces, s’adonne autant qu’il peut aux (ciivres de bienfaisance, vit dans In pensée du jugement éternel et s’attache aux enseignements de la doctrine chrétienne. Un jour cependant il tombe dans riiicnnduite (tto^ovsikv). Sa vertu ainsi évanouie et les fruits [de son éducationl ainsi riivagés^ voyez comme la ruine de tout le reste s’ensuit. Le mauvais état de su conscience l’empêche de paraître à l’Eglise : il n’y pourrait plus prendie place pHrmi les fidèles : il en est déchu. La hontp d’autre part l’enipèche de se ranger pirmi les « pleurants n [une classe des pénitents publics], — Alors, il invente des prétextes pour réfiondi’e à ceux qui l’interrompent. « Un tel, ditil, m’attend, et je n’ai pas le tpnips d*os « ist# » r ?t la synaxe. n Une antre fois^ pour sortir avant la prière des fidèles — [avant la consécration et la communion], — il imagine je no sais quelle raison. (IVst ainsi. par l’effet de rhabilude. que l’idée lui vient peu à peu de tout abandonner [mot à mot : d’apostasierj et qu’il aboutît à sa perte totale (P. G.. XXX, 152 A-R).

L’inconduite de ce jeune homme n’est manifestement pas notoire ; autrement, il n’aurait pas à inventer des prétextes pour expliquer son abstention de la communion et son éloignement de l’Eglise. Ses fautes comporteraient néanmoins l’expiation par la pénitence publique et celle-ci parailleursne lui serait accessible qu’après aveu à celui qui y préside. Le cas de ce jeune homme suppose donc bien une pratique pénitentielle à base de confession, et sa banalité même le rend particulièrement suggestif,

S6. — A vrai dire cependant, il semble bien qu'à cette époque on redoutât moins l’aveu du péché que la pénitence à en faire. Nous avons déjà entendu saint Pacien à Barcelone et saint Ambroise à Milan se plaindre qu’après s'être confessé on s*abstint d’accomplir la pénitence imposée. En Asie, à Amasée, dans le Pont, même plainte. L'évêque Astkrios connaît des pécheurs qu’il faut exhorter à se confesser, « Ne rougissez pas, leur dit-il, de découvrir vos secrets à celui qui vous a engendrés à Dieu ; dévoilezlui l’intime de votre àme ; montrez-lui, comme à un médecin, la plaie cachée. » Mais il en connaît d’autres qui, après s'être confessés pour la forme, négligent d accomplir la pénitence.

Les malades, dit-il en s’adressant à ces derniers, les malades, dont le corps souffre^ s’entourent jour et nuit de médecins ; ils prodiguent les honoraires pour recouvrer la santé ; mais ils se condamnent en outie à un répîrae sévère ; ils se privent ; ce-* sybarites ne boivent plus que de l’eau. Et vous, dont c’est l’Ame qui est malade, après rous être confessés pour la forme au médecin et lui avoir 1.S25

PENITENCE

1826

montré votre infiimit, Toii^t laisserez le mul s’enTCoimei-, jiisquà ce r^ue la ganjfrènc envahisse tout le coips ? llom., XIII, P. G., XL, 36'JB ; 368AB).

a" On confessait.

Ces plaintes des pasteurs nous mènent à un autre ordre de laits où apparaît également la pratique de la confession. Us cDnl’essaient. L’expression, il est vrai, n'était pas encore créée. Au lieu du « conl’csscur », les anciens canons parlent plutùl de l’administrateur ou de II l'économe » de la pénitence.. Gonstantinople et dans d’autres églises de l’Orient, ce lut souvent et d’assez bonne heure un simple prêtre. Ailleurs, il semble bien que l'évêque en ait ^ardé, sinon le monopole absolu, du moins la direction suprême et habituelle (Sur ce point d’histoire, voir Vacandard, art. Confession dans D. T. C, col. 840 sqq., et Batii-i-oi. : ICtiides d’hist. et de tl : éol. positive (igao), p, 329-335).

37. — A) f.es cvcijues suitont confessaient. — En tout cas, nous connaissons surtout des évêques comme ayant confessé. Tiraolhée a pu confesser. C’est peut-être le sens de I Tim., v, 22, 2/1, 25. Cf. notre note sur ce texte dans H. S, li., III (1912), p. 4^8 sqq. Nous l’avons déjà vii, saint Irénée confessait dans la vallée du niione(n° 46), saint Cyprien à Carthage (n" 49-50), saint Pacien à Barcelone (n* 56).

38. — B) Gravité reconnue de ce ministère. — Nous le voyons d’ailleurs, ce traitement des pécheurs par la confession constitue pour les évêques unedi » leurs principales préoccupations. Il faut les accueillir avec bonté. La Didascalie des Apôtres le recommande avec instance (11° l^-). Le Syrien..piinA.TK é'^aemenl (Demonstrntio vii, De pænitentihus).

Vous donc, méiieoiits, dit-il en a’adressaiit à ceux qui détiennent les clefs des portes du ciel et ouvrent les portesaux pénitents, vous qui ("tes les disciples de notre grand Médecio, vous ne devez pas lel’usev la médecine îi ceux qui ont besoin d'être soulagés. Quicoiuiue vous découvre sa blessure, im[>osez-Iui le remède de la pénitence (n. ^, P. S., t. I, p. 318). Certains confessent leurs fautes et on leur refuse la pénitence. adminislialenr de la maison du Christ ! accorde la pénitence à ton frèt’e et souviens-toi que ton Seigneur ne rejette pas les pi-nitents (n" -5. p. 355).

Mais si le médecin doit être zélé, il lui faut aussi être discret.

Si quelqu’un n’ose pas vous manifi’stci' son mal, exhortez-le à ne pas vous le cacher ; mais quand on vous l’aura manifesté, gardez-vous de le publier (n° 4, p. 319).

Ainsi sa responsabilité se trouvera-t-ellc dégagée. Si les blessés refusent de montrer les blessures qu’ils ont reçues, les médecins ne seront pas blâmés pour ne les avoir pas guéries » (n. 5, p. 31y).

39. — L'évêque d’Ainasée, Asterius, consacre lui aussi une bonne partie de son instruction sur la pénitence à recommander aux prêtres rindiilgencc dans le traitement des pécheurs. Il en connaît qui

« les repoussent quand ils les voient venir à eux ; 

ceux qui se jettent à leurs pieds, ils s’en détournent ; leurs larmes mêmes les laissent impassibles » (Hom., xiii, P. G.,.XL, 36/, G).

Non, leur dit-il, ne vous Itâtez pas de reei » ui-ir a ; ix remèdes violents, aux amputations et aux retranchements. Usez de reproches, d’encouragements et de précautions ; méritez, vous aussi, d'être appelés des consolateurs ; prenez exemple sur Moïse, qui demandait à Dieu de mourir plutôt que de le voir frapper aucun des Israélites coupables… Le prêtre doit élresi porté à préférer la douceur que, î même où le Seigneur ordonne de couper et d’arracher, lui intercède encore et demande du répit (36tD-36311).

60. — Voilà bien le portrait du confesseur tel que le réalisa de son coté saint Ambroise. Lui aussi

Tome III.

redoutait ces responsabilités ; il suppliait Dieu de ne pas le laisser s’y perdre.

Je n'étais pas digne d'être évéque, je le savais, car je m'étais livré au luondp. f>lui-là donc. Seigneur, qu’au moment où il se pcr-dail vous avez appelé au sacerdoce, maintenant qu’il est prêtre, ne le laissez pas périr. Kt tout d’abord, donnez-moi de savoir compatir alfecliteusement aux pécheurs… Chaque fois que le pi’ché d’un coupable m’est révélé, que je sache prendre ma jiart de sa douleur {quottescumtfue peccatitnt a/icitjus lapsi e.rponiiur^ compatiai). Au lieu de le reprendre avec huutenr, que je sache m’atfligtM- et pleurer (De pænil.^ II, viii, 73, /*. /.., XVI, 515).

Mais cette grâce d’iniiulgence et de bonté, son biographe Paulin nous est témoin qu’il l’avait obtenue.

Chaque fois, nous dit-il, que pour obtenir la pénitence quelqu’un venait lui confesser ses fautes, il pieu ait au point d’arracher des larmes au pénitent lui aussi. La chute du pécliear lui semblait la sienne proj.>rc. Les fautes cependant dont il recevait l’aveu, il n’en parlait h personne qu'à Dieu auprès duquel il intervenait : bon exemple laissé aux prêtres de se faire ainsi intercesseurs auprès de Dieu plutôt qu’accusatetirs auprès des hommes ((Via, XXXIX, , P. i., XIV, 41.').

61. — Cette haute conscience, les grands évoques d’Asie ses contennicrains l’apportaient eux aussi dans l’accomplissement de leurs fonctions pénilentielles. Saint GiiiiGoiRU db Nazianzh les signale parmi celles qui accablent le plus un évéque. Il est le médecin des âmes ; mais les maux à guérir ne lui sauraient être connus que par l’aveu des malades eux-mêmes et ceux-ci s’obstinent si souvent à les lui tenir cachés I (CJratto Il Apologet., n. 16-33, P. G., XXXV, 429) Saint GiiKGOiRK de Nysse craint pareillement que les confessions mal entendues ou mal faites ne rendent stérile le travail de l'économie de la pénitence.

Comme la médecine corporelle, tout en ayant pour but unique la guérison des malades, varie cependant ses procédés pour adapter lo traitement aux diverses espèces d’infirmités, de même la multitude et la variété des passions qui affectent les âmes, obligent la ihérapeutique spirituelle à diversifier et k tenir compte pour la guérison de la différenco des maladies… Aussi celui qui soigne les âmes doit il av.int tout s’informer exactement do la région où siège le mal ; il pourra ensuite appliquer lo remède à propos. Faute de rester iîdèle à cette méthode, il est à craindre, au contraire, que la partionialade et la partie soignée ne soient point les mêmes : fjue de médecins, à qui il arrive ainsi, pour n’avoir pas bien localisé le mal, de l’aggraver en travaillant à le guérir ! (£/>. can., 1, P. O., XLV, 224A).

62. — C’est pour lui-même que saint Jean ChbysosTOME redoute ces responsabilités du confesseur. Il le sait, l’eincacité de la pénitence ne doit pas se mesurer uniquement à sa durée.

Ce.s pénitents, dites-vous, ont expié assez longtemps. Voyoi s, combien ? — Un an, deux, trois. — Ah ! il s', git bien de tem[)3 et de durée c’est le redressement de I âme que je cherclie. Montrez-le-moi, montrez-moi qu’ils sont contrits, qu’ils sont changés, et tout est dit. Mais s’il n’y a pas cela, le temps no sert à rien. Nous ne demandons pas, en effet, si la blessure a été souvent bandée (^^ liée : iniS16-/])i), mais si le bandage (" le lien : i ^i-fidi ») a fait du bien. S’il a produit son elïot, même en très peu de temps, qu’on ne l’applique plus..Mais s’il n’a rien produit, même après dix ans. il faut encore le remettre : le moment de déban, ier, c’est l'état du blessé qui l’indique ( « 5^i ; '>Ctc5 sîtw >l/t£&> ; , to^ ôiSv^xinj-i y.ipi'^i 1.) (In II Cor., llom., xiv, 3, P. G., LXI, 502).

De cet clat, c’est le chef île l’Eglise qui est juge : toute cette lin d’homélie est pour obtenir qu’on le laisse prononcer en liberté ; elle donne l’impression que les pasteurs se heurtent sur ce point h l’es difficultés délicates. On parle de cruauté et d’inhumanité ; on oublie qu'être lié par l'évêque, c’est éviter de l'être par Dieu ; qu’au contraire, celui que l'évêque

58

n’a pas lié, Dieu lui-même le chargera déchaînes que plus rien ne saurait briser (/61rf., col. 502). Aussi l’orateur insisle-t-il sur le devoir pour les tidèles de ne pas entraver l’administration de la pénitence par une commis éralionJéplacée, de prêter au contraire leur appui moral au chef de l’Eglise et d'éviter, en prenant parti pour les coupables, de leur laisser tout l’odieux de la sévérité nécessaire ((7<i(£., eoZ. 500).

Et ce lanjjage montre bien que, à A.ntioche comme à Garthage et à Rome, c’est le prêtre qui assume le jugement du pécheur. Mais il aide aussi à comprendre le sentiment de frayeur qui inspire, dans le traité sur le Sacerdoce, la description des fonctions de confesseur. Comme saint Cyprien, saint Ambroise, saint Pacien et saint Grégoire de Nazianze, saint Jkjln CuRYsosTOMi ! se prend à trembler devant ces responsabilités du prêtre. ii, u-iv, P. C, XLVUI, 633-635.

Il est le médecin des âmes et c’est à ce titre — comme à celui de juge — que la connaissance du péché lui est bien nécessaire. Gomment, autrement, distribuer à propos les soins qu’on doit recevoir de lui { « Taî ; Ttc./si rav l’piw » Scpx-neiyiia) Mais voilà justement ce qui rend ce ministère redoutable : ces maladies morales de son troupeau, qui sont à la charge du pasteur, la guérison en est si dillicile et le traitement si délicat 1 Car les infirmités et les blessures des âmes ne se voient pas ; elles ne viennent pas d’ellesmêmes à la connaissance delévêque. Souvent le mal lui reste caché, car nul d’entre les hommes ne voit ce qui se passe dans un homme, si ce n’est l’esprit de l’homme qui est en lai. Surtout, il n’a pas, pour appliquer ses rerakles, les facilités et la liberté dont dispose un simple bercer. Celui-ci ne rencontre jamais de résistance : qu’il faille lier, brûler, couper, retenir à l'étable, écarter du pâturage ou de l’abreuvoir, dès qu’il le croit nécessaire, rien ne l’empêche de le faire. Mais pour l'évêque, une fois la connaissance du mal acquise, l’embarras, au lieu de diminuer, augmente : ses agneaux sont d’un traitement si ditUcile ! Avec eux aussi, il peut y avoir à lier, à

)river de nourriture, à brûler, à couper ; mais l’acceptation et l’eiricacité de la médecine dépend ici

lies mal : '.des et non point du médecin. Le péché ne se i ; uôrit point par la violence. La contrainte par corps est permise aux juges civils ; mais ceux qui président aux Eglises ne peuvent recourir qu'à la persuasion. Aussi leur faut-il beaucoup d’art pour amener les malades à se soumettre au régime — aux remèdes — que prescrivent les prêtres. Car ce choix des remèdes exige, de leur part, une cnnnnissance approfondie des malades. Tous ne peuvent pas tout porter et on risque de les tuer en voulant leur faire suivre à tous le même traitement. Il ne sufBt donc pas de connaître la loi : en bien des cas, on a perdu les âmes pouravoir voulu la leur appliquer danstoute sa rigueur (<xi -noi-lo-jç Sa i-/oifit Jr/siv, roj ; ec" ; iT/yjza. I|ox£</ » vtc< ; yv-xic Jià T » l(n.iri 17tKiT>i*^ » ai riv àu.-j.orrr, u.i.TrM kçikv). Bien l) ! us encore que de la faute commise et de l’expiation méritée, il faut tenir compte des dispositions des coupables. Il y a les faibles et les pécheurs d’habitude ; il y a les mondains ; il y a les membres de l’aristocralie et de la haute administration. Prétendre imposer à tous le même tarif pénitentiel et vouloir proportionner uniformément le châtiment au péché, c’est, au lieu de les retirer du mal, les y prérùpiter à fond. Il faut donc au pasteur beaucoup de perspicacité et un r-'gard pénétrant ; ses yeux doivent pénétrer au plus intime de l'àræ pour que rien ne lui échappe de son état réel. (Joùf, t Stî Tr, ç o-jvsjiw ; irai //uotuy ofôvJ-p-^v r, piz te r.iptjy.oT.iiv Trâ-^o^tv tïjv tï ; ç ^y ; f^ç ï^tv… ypr, U’oStv Kvll^TaoTSV ùftrjv.t ù/J.v. ttkvtk St£ptuvi, 7cr.fXî-'fCv KzotCâi ; xKToi/ïi^w ; Ta TTaf'îtiroO -p', 7 ! c/€iv tôv Upu/ib'.v, / » K

[jlï ; uKT « toi aÙTw ytvïirat rs ttts’jÎ/ ; — De sacerdotio, lïf ir-iv, p. G., XLVIII, 635).

Dans cette page si belle et sous cette métaphore classique du langage médical, on reconnaît, à n’en pas douter, le rôle et les fonctions du confesseur : les remèdes indiqués sont ceux qui, dans le style de l'époque, caractérisent le régime pénitentiel : lier, rællre à la diète, brûler, couper, l'évêque fait tout cela quand, en vertu du pouvoir sacerdotal, il retranche du corps des lidèles, il impose des jeûnes, il exclut de la table de communion et de la participation aux rites comiilets de la liturgie. Cette corresjïondance entre les peines et les péchés, qu’il faut se garder de maintenir trop rigide, c’est évidemment un canon pénitentiel analogue à ceux que nous font connaître saint Basile et saint Grégoire de Nysse. La latitude enfin laissée au médecin dans l’application des remèdes est caractéristique des fonctions du pénitencier et l’on peut donc s'étonner que le caraclèrc l>éniteulicl de ce trailement du péché ait été mis en iloute (Voir notre article Saint Jean Chrysostomc et la confession, H. S /^., I (191 1), p. 235 sqq.).

63. — D’autant plus i]ue celle connaissance du mal par celui qui a charge de l’appliquer est précisément ce qui le distingue de cet autre traitement du péché par la prière et la prédication, avec lequel on s’obstine parfois à le confondre. En chaire, en effet, le prêtre est également médecin. Mais, et c’est la dififérence, son intervention alors n’a pour but que d’indiquer et de faire connaître les remèdes ; il ne les applique pas ; le choix en est laissé à l’auditeur.

Dans les autres cliniques, les plaies passent sou » un grand nombre de regards. I, e médecin n’applique pas de rt-niède sans avoii' d’abord découvort la blessure. Ici, rien do pareil.- les malades si nombreux qui eonl la sous nos ye « x, nous les traitons sans les connaître {>cr.116c.iic’jTuii TratOjjiiSv. ty.j 610 : <Tiuv.v a : jT71-j). Nous leur proposons à tous la même dooIrine et nous laissons à la conscience de chacun le soin de trouver le remède approprié à son mal. Le prédicateur, en effet, lance sa parole : elle va, faisant l'éiog’e de la vertu, dénonçant le vice, etc. ; c’est comme un remt-de aux vertus multiples, composé d'éléments de toute sorte ; mais a chacun des auditeurs d y prendre ce qui lui convient et lui fera du bien (te hi "np^^^opov ly.urw zy.î ^^cïî'rr/o I. « Cîtv ix-diroj t61v yjizjijvz'^y £Trt'..-).

La caractéristique, en un mot, de ce traitement du péché par la prédication, c’est qu’il n’exige pas la manifestation des blessures. Et cette circonstance, ' bien loin d’empêcher ou de compromettre la guérison, la favorise. Il y a tout profil pour les malades à n'être pas connus, et le médecin se félicite des cures obtenues à son insu (Homélie : Quod non opurteat peccata fratrum evulgare : 3-4, P. G., LI, 356-35^).

Il n’y a donc pas à en douter, les responsabilités qui firent reculer d’abord devant le sacerdoce le futur Chrysostome, sont bien celles du confesseur.

64. — Cependant ces mêmes responsabilités, son histoire nous apprend avec quelle intrépidité il les sut assumer ensuite à Gonstanlinupie. Certains de ses ennemis lui reprochèrent sou ( mpressemenl à accueillir les pécheurs : » Il encourage à pécher », portait l’acte d’accusation dressé contre lui au conci le du Chêne. « S’il vous arrive de pécher une seconde fois, euseigne-t-il, faites pénitence une seconde fois ; chaque fois que vous aurez péché, venez me trouver et je vous guérirai » (Résumé des actes du concile par Photius, Biblioth., cod., Lix, P. G., CIII, iia A). Dès le début de son épiscopat, l'évêque novatien de Gonstantinople, Sisinnius, avait de même pris prétexte d’une de ses paroles pour dénoncer au public ce qu’il appelait un nouveau relâchement de la discipline pénitenlielle. « Mille fois, s’il le faut, aurait 1829

PÉNlTliNCE

1830

il dit aux iiéclieurs, faites pénitence, et [nillle foisj vouH aurez accès aux saints mystères " (Sockate, H. E., VI. XXI. P. «., LXVII, -jtb C, 7j8 A).

Et ce reproche de laxisme, ainsi adressé à saint Jean Cbrysostome, n’a pas seulement pour nous le grand avantajfe de nous le montrer assidu à ses fonctions de iiénitencier ; il est aussi de première importance pour !e jug : ement à porter sur la suppression, [lar son prédécesseur Nectaire, du prêtre pénitencier. C’est là un incident historique qui ne peut ùtre omis ici.

63. — C) Le fait de A’ectaiie. — Les deux récita qui nous en restent (Socrate, /f. E., V, xix ; SozoMiîNE, //. E., Vil, xvi) rendent extrêmement ditlieile, sinon impossible, la détermination exacte des circonstances dans lesquelles il se produisit, et des conséquences qu’il entraîna. Il en résuite seulement que, pour pacilicr les esprits à la suite d’un | scandale auquel avait donné lieu l’administration de la i)énitence, on crut bon de supprimer les fonctions du prêtre qui y présidait. Quel fut le sens cl quelle estla portée de cellemesureépiscopale ? Lapcniience publique disparut-elle en même temps que le prêtre chargé d’y présider ? Le changement ne portait-il que sur la forme solennelle de l’expiation, ou bien la suppression s’clendit-elle à la manifestation même de la fauta, et le régime pénitentiel fut-il modifié à ce point que l’autorité ecclésiastique s’interdit d’intervenir dans la rémission du péché et doncdispensa les pécheurs d’en faire l’aveu ? Toutes ces hypothèses ont été faites, même par des catholiques. Mais sur l’altitude du successeur de Nectaire et sur l’impression qu’elle produisit, il n’y a |)as de controverse possible : dés les premiers jours de son épiscopat, il administre lui-même la pénitence, il appelle à lui le » pécheurs et, pour guérir leurs âmes, il reçoit d’abord leurs confidences. Ce qu’avait fait saint Ambroise à Milan, Jean, en un mot, le fait à Gonstantinople Mieux encore : il remplit les fonctions du pénitencier telles que les décrivent Socrate et Sozomène : u recevoir la confession des coupables, puis, afin qu'à la confession se joignent des actes de pénitence, leur prescrire des bonnes œuvres à faire, telles i|ue des jeûnes ou des prières prolongées » (Socrate. P. G., LXVn, 616 AB).

C’est donc là, disons-nous, un point fixe, d’où, à défaut de tout antre, il faut partir pour apprécier le décret de Nectaire. La suppression du prêtre pénitencier a eu pour effet de faire retomber sur les épaules de l’cvcque de Gonstanlinople ce fardeau de l’administration pénilenlielle dont ses prédécesseurs s'étaient déchargés sur lui. Ceci est évident. Sozoniène le dit : ec que fait le prêtre pénitencier, les évcques le faisaient précédemment et le font même encore là où cette fonction n’existe pas, et nous constatons qu’en effet, lui disparu, l’cvêque de Constantinople s’occupe personnellement de remettre les péchés. Y a-t il eu plus que cela ? C’est possible ; mais à coup sur il n’y a pas eu suppression totale de la pénitence. Le reproche de laxisme et d’innovation, porté contre le successeur de Nectaire, exclut absolument cette hypothèse. Le dilemme s’imi)Oseen efTet : ou Nectaire ne l’a pas abolie, ou Jean l’a rétablie. Et si Jean l’a rétablie, que signifient les attaques contre lui de l’cvêque novatien ? Au lieu d’ajouter au relâchement, l'évèqne catholique y aurait remédié ; et son initiative, au lieu de paraître coupable et funeste, aurait, au contraire, été estimée salutaire et bienfaisante. Que si, comme il faut le reconnaître, Sisinnius et les autres ennemis de Chrysoslome l’ont jugée autrement, c’est donc qu’au lieu de resserrer il a élargi, en d’autres termes, qu’au lieu de rétablir la pénitence abolie, il s’est appliqué, ainsi que tous

s’accordent à le lui repro(^lier, à eu rendre la pratique plus fréquente.

Et telle est, croyons-nous, la seule conclusion certaine à laquelle puisse aboutir l'élude comparée des données de ce problème historique.

Voir nolr « article : Saint Jean C/trysoatui/ie et la cun/essiuii, dans H. S. H., I (191 1), p. 314-^3a. Voir auasi les noies do Valois à son édition dos Jlistoires de Socrata vt do Sozomènc, /oc. cit. Mais voir surlout Piîtau. ht fctere in Ecclesia poentieiitlæ raiifuir diutriba, ^ iv (éd. Vives, t. VIll, p 18^-190) et.4 (Vc. Mat. Sinioniwn^ p, IV dans P. G.^ XLlll, 636-62^. Ses conclusions — et nous avons dit pourquoi dans l’article ci-mentionné — noui » paraissent beaucoup plus fondées que celles do M. Vacamijard dans : Etudes de critique et U'/iiêi. ii’tit ;. a" scrii' : Li-s ari^t/iaa de lu conl. sacrant., p. 88 el 108 ou de Mgr Baiihol ; Eludes d’hist. el de tkéol. positive : Les oriiiinrii de ta pénitence, pénitenciers et péiiitenls"^ p. 14f) sq(|. Voir aussîK. Hoil : Enthusiasniiis und Bnssî ; ei’alt, p. a^4-^S8, où il montre l’invraisemblance de l’opinion couranle, que le l’nit de Nectaire.lit amené la suppression de la pénitence publique dans tout l’Orient.

66. — On objecte laconséquence’que Socrate et Sozoraine déclarent avoir résulté de la suppression du prêtre pénitoacier : liberté aurait été laissée désormais à chacun de s’en remeure au jugemenl de sa conscience pour s’approcher dea saints mystères {<^vyx^P^'^^^ ixu^TOv zCt lOtw c’jjîtSori t61v

jJ.'j’StripiùrJ [J.iT£>£(y..SoclîATK. av/ ; jOJ^Î(V i ; <a7T^V, 'j* ; av iaUTÔJ (Jl ; v£(5ct/ ; /.rut bv-ppùv Oj'^c/.iTO^ /'.ocojvsîv 7'Sjv frjVTr, piiijv. SozOAl^.Nlî). Il n y aurait donc plus eu d’obligation de se confesser. Mais c’est là, croyons-nous, se méprendre sur le sens et la portée do la remarque des deux historiens. Pour Us fautes secrètes, en l’absence d’un précepte de l’Eglise déterminant la façon d’observer le précepte du *lhrist, el au sens que nous avons dit au n" 9. la libellé en question existait l.jul aussi bien sous le régime du prêtre pénitencier. Sndiiparilion pouvait tout au plus en favoriser l’abus ; l'évoque était bien moins accessible qu un prêtre spécialement préposé à ce ministère, et sa vigilance au^^si ou son zèle durent plus d’une fois se trouver en défaut : il n’y eut pas que des Chrj’sostome sur le siège de Constantinoplo. Et c’est bien par là surtout que Sozomène senible expliquer la relâchement qu’il déplorait, o Je suis porté à croire, écrit-il, qu’auparavant il se commettait moins du fautes, soit par crainte de la bonté qu’il y aurait à les confesser, soit à cause de la vigilance (vj-.ptCîix) des juges établis pour cela » (P. G.,

LXVII, 1461 c ;.

Car le prêtre pénitencier ne faisait pas qu’entendre la confession spontanée des fautes secrètes. H recevait également les accusations portées par les fidèles contre le «  pécheurs publics. A ce point de vue, l'économe do la pénitence exerçait une véritable police des mœurs et remplissait le rôle d’un conseur el d’un juge : l'évéque se déchargeait 5.ur lui de cette fonction Il devait, à ce litre, écarter les coupables des saints mystères el contrôler ensuite leur pénitence. C'était même là la partie la plus importante et la plus ingrate do sa charge. On comprend parfaitement que, la charge supprimée, les pécheurs se soient mis plus h l’aise : avec des évoques de cour ou dos ëvéques surmenés comme l'élflient trop souvent les évi^ques de CunHlantinoplf-, le danger de la dénonciation se trouvait bien moins à craindre ol e’esl précisément ce i|ue regrette Socate la suppression du prêtre pénitencier a fait disparaître l’usage delà « correction fraternelle ». '<.le constate, écrit il, qu’on on a pris occasion de ne plus se reprocher ses péchés l’un à l’autre el de ne plus observer le précepte de l’apôtre [A'/ïA., V. Il] qui disait de ne pas communier aux œuvres des ténèbres mais plutôt de les reprendre » ^Sockatk, /'. G., LXVII, 620 A).

Dans toute cette affaire, la nécessité de la confession personnelle demeure donc décidément hors de cause

L’explication proposée est celle de Valais, dans son édition de Socrate (P. G., LXVII. fiiS, note 60 01619, "*'* ^O ol de BiNTEKiM (Die t’orzit^lich^t'-n Merf>irûrdi^keitrn der clirist-kathntischen Kirche, t. V, p 443), Il est curieux et fâcheux qu’il propos do ce fait on perde si complètement de vue le rôle public el judiciaire du prêtre pénitencier, pour ne considérer que la disparition du confesseur officiellement substitué à l'évéque. 1831

PENITENCE

1832

%t Section. — La confession sans pénitence publique.

67. — 1* Sens propre de cette nouvelle question : confession ou pénitence privée. — A ne nous occuper que Je la confession en général, de la confession comme élément premier et condition indispensable de la pénitence ecclésiastique, nous pourrions arrêter ici notre travail : nous en avons suflisamnient constaté la doctrine et la pratique.

Mais un dernier pas nous reste à faire. La discussion sur l’ancienneté de la confession se concentre souvent sur ce qu’on a pris l’habitude d’appeler la confession privée, c’est-à-dire la confession aboutissant à l’absolution sans que s’y joigne la pénitence publique. Nous avons déjà fait remarquer dans les préliminaires, que poser ainsi le problème principal, c’est en fausser les données. L’usage de la confession, tel que nous lavons établi jusqu’ici, suffit à légitimer l’allirmation catholique qu’il n’y eut jamais rémission du péché par l’Eglise sans confession préalable. Il fait plus : il prouve que cette confession, normalement, et lorsqu’il s’agit de fautes secrètes, restait secrète. De confession publique, au sens d’une divulgation aux lidèles par le pécheur ou par le prêtre des péchés secrets, nous n’avons trouvé trace que chez Origine et saint Léon ; encore ce dernier n’en parlait-il que pour la blâmer et l’interdire, et le premier, d’une part en affirmait le caractère exceptionnel, de l’autre proclaraaitlanécessitéd’une confession secrète préliminaire, permettant au confesseur d’en apprécier l’opportnnilc. La confession privée, au sens de confession secrète, nous en avons donc déjà montré l’existence.

Il reste seulement à nous demander si l’usage existe aussi, aux premiers siècles, de confessions non ordonnéesà une pénitence publique, aboutissant d’emblée par conséquent à une absolution privée elle aussi, ou toutau moins distincte de la réconciliation solennelle des pénitents publics. C’est cet ensemble, en effet, de la confession et de l’absolution que l’on entend communément par la confession privée. Réserve l’aile, encore une fois, des équivoques que peut entretenir cette expression, la question mérite d’être étudiée de la réalité qui y correspond aux premiers siècles.

68. — 2" Origine et notion. — La réponse à faire se dégage des faits déjà signalés.

II ressort en el&l des documents que l’administrateur de la péniteil^ecclésiastiquea toujours été considéré comme un juge véritable et souverain des péchés et des pécheurs. Il lui appartient d’apprécier la gravité des fautes accusées : « De aesûmando pondère delictorum sucerdotis est judicare », écrit le pape saint InnocbntI" (suprà no 4a) en rappelant l’usage traditionnel. Il est de son ministère de déterminer la nature et la durée de la pénitence à accomplir : I A præpositis tacrnmentoruin accipit siiæ satisfactionis moduni », dit saint Augustin ou l’auteur, quel qu’il soit, de son sermon cccli (supra n » 4’)> ^’depuis OniGÈNE en effet, qui réserve à celui qui reçoit l’aveu d’un péché ladécision sur l’opportunité d’une confession publique, la tradition est unanime dans l’Eglise pour reconnaître à l’évêque ou à l’administrateur de la pénilence ce pouvoir de juge pénal. Non pas qu’il en doive user arbitrairement : ceux-là même qui le lui attribuent le plus explicitement lui demandent de ne l’exercer qu’en tenant compte des dispositions intimes des coupables : « ut aitendat ad confessionem pænitentis et ad /letics alqite lacrimaa corrigentis », note saint Innocent.

Comme il est le juge du péché avoué et de la pénitence à imposer, le prêlre t’est donc aussi des dispositions du pécheur. A vrai dire même, c’est ici

surtout que s’exerce le plus réellement son jugement personnel. En cette matière en effel, il n’y a pas de loi qui le lie absolument. Les législateurs delà pénitence les plus préoccupés de la proportion à garder entre la faute et l’expiation, sont ceux aussi qui réservent le plus formellement ce droit, ce devoir du prêtre pénitencier, de modifier, de restreindre ou de supprimer, en tenant compte des dispositions du pécheur.

Pour ceux, écrit saint Grégoire de Ntsse dans sa leltre canonique (can. 4J, qui se montrent plus généreux dansleurconversionetdoutlu vie elle- racine atteste qu’ils sont revenus au bien, il est permis à celui qui administre la disci| : *line ecclésiaslique de léduiro le temps à passer dans la cUisse dos a écoutants » et de le, s admettre plus tôt dans la catégoiie des convertis [prosternes et assistants ] ; encore pourra-t-il abréger ici également et avancer l’admission à la communion : à lui de juger de l’état du malade. C’est, en efi’et, d’api-ès ses dispositions que doit se déterminer son admission plus ou moins prompte à l’Eucharistie (P. G., XLV, 229 BC).

Saint Basile est encore plus formel. Il fait suivre ses canons pénitentiels d’une note avertissant de n’y chercher qu’une indication sur l’appréciation à faire des fruits de pénitence demandés au pécheur : ce serait les fausser que d’en vouloir poursuivre une application matérielle uniforme : « Tout ceci, nous l’écrivons pour qu’on puisse a[)précier les fruits de la pénitence. Ce n’est nullement au temps, eneffet, que ces choses se mesurent ; c’est à la manière, dans la pénitence, que nous nous attachons » (Can. 84, P. 6’., XXXII, 808B). On se rappelle le mot de saint Juan Chrysostomk (ci-dessus n" 62), « le moment de débander, c’est l’état du blessé qui l’indique ». Aussi saini Basile réserve-t-il lui aussi formellement le droit pour le pénitencier d’atténuer, dès le début, s’il le jugea propos, la rigueur des sanctions canoniques :

Que si le coupable se montre généreux dans son exomologè’î--e, celui qui a reçu de Dieu le pouvoir de délier et de lier pourra, par égard pour cette surabondance de l’expiation, et sans encourir aucun bli’tme, user d’indulgence et abréger la durée des peines prescrites. La sainte Kcrituio nous apprenti, en effet, que ceux qui st^ donnent plus de peine pour rexomolo^èse obtiennetit vile île Uieu !e paidon (Can. 74, P. G., l, 804 A).

La raison dernière, d’ailleurs, de la latitude ainsi laissée au pénitencier c’est que, après tout, son ministère n’a pour but que d’obtenir l’amendement du coupable : « Le meilleur de tous les remèdes, c’est le renoncement au péché » (Can. 3, P. G., XXXII, 67a B).

6P. — Même doctrine chez saint Augustin. Le principe général est que pour les péchés, même les plus graves, dont la rémission s’obtient dans l’Eglise, la pénitence à faire dépend pour chacun de la nature de la faute commise : « secundum modum sui cujusque peccati » (Enchirid., Lxv, P. L., XL, 262). Ce principe règle en particulier le cas de la faute entraînant de soi une exclusion momentanée de la communion. Les chefs de l’Eglise prescrivent alors un temps déterminé d’expiation, mais ils ne le font qu’à cause de la difficulté où ils se trouvent en général d apprécier la réalité de la contrition. Et il reste donc <|ue dans l’imposition ou l’accomplissement di" la pénitence, on a moins à tenir compte de la durée du temps que de la réalité de la contrition ( « In actiune p<ienitentiae…non tant consideranda est meusura temporis quant doloris… Verum, qiiia plenuiique dolor alterius cordis occultiis est alteri, … rectf constituuntur ab iis qui Ecclesiis præsnnt tempori pænitenliae. m — Enchiridion, i.xv, P, [.., XL, 26’. 203). Or telle est exactement la doctrine dont s’inspin 1833

PENITENCE

1834

ce qu’on a pas crainl d’appeler une « instruction à l’usage des lonfessejirs « ( « Beicblvalcrliclie Anweisung », dit K. Adam, Die Kiicliluhc Sùndenvnr !  ; ebuiig iiacli dem lieit. Aiigiiatiri, Paderborn, lyi^, p. 145). C’est la 26" des Divei’sis quæstionihiis Lxxxui, p. /.., XL, 17-18. Elle date des premiers temps de son sacerdoce et le nouveau prêtre semble avoir vculu y lixer pour lui et pour ses amis la ligne de conduite à suivre avec les diverses calétories de pécheurs. Tout y est ramené à ce preuier principe, qu’il faut se rendre compte de i'état d'àme de celui qui s’accuse et discerner si les lécliés sont des péchés de faiblesse, d’ignorance ou de malice. C’est poir ces derniers seulement qu’il est absolument indispensable d’imposer une peine déterminée. Les fautes, au contraire, de faiblesse et d’ignorance sont susce|)libles d’indulgence, et il n’y a donc qu'à se pénétrer de ces considérations pour jUgcr quand il y a lieu ou non d’urger l’obligation de la pénitence rigoureuse ou publique ( « Qaibiis hene tiactatis, proliahiliter jtidicnri l’olest qui non sint cogendi itd pænitenttam luctuosatn et limentahilem, qiiamvis peccata faleantur, et quibui iiulla omninosperiuidn sit sains, nisi sacii/iciiim obtiilerint Deo rpiritum contribulalam per pænitcntiam. » — pour le sens et la portée de cette règle voir notre article : Saint Augustin a-t-il confessé dans 7?. pr. d’Ap.^lnin 1921, p. 221 sqq.). On ne saurait donner plus clairement à entendre que le confesseur juge de la pénitence à imposer par la gravité subjective des fautes accusées. En elles-mêmes, elles sont graves : on ne s’en accuserait pas autrement, et il n’y aurait pas lieu de songer pour elles à la pénitence publique. Mais l'état d’esprit de celui qui s’en accuse permet au ])rètre qui en reçoit I aveu de ne pas en exiger cette expiation rigoureuse. Et voilà donc bien ! a porte ouverte à la pénitence privée : la clef en est aux mains du prêtre.

70. — On voit en effet la conséquence qui <lëcoule de la liberté d’action ainsi reconnue à l’adminislrateur de la pénitence. Dès là qu’il croit constater cette « contrition > qui seule importe et que Dieu ne saurait rejeter ; s’il lui semble avoir obtenu ce < renoncement au péché qui en est le meilleur remède », quel que soit le motif sur lequel son jugement se fonde, il est en son pouvoir ou même de son devoir d’accorder le pardon.

Juge en un mot du péché et des pécheurs, le prêtre a pour mission de remettre les péchés au nom de Dieu ; il lui faut pour cela s’assurer, autant que

;e comporte l’humaine nature, que le pécheur est

dans les conditions voulues pour que Dieu lui veuille pardonner : le serviteur ne saurait prétendre à pardonner lui-même où il suppose que son maître ne saurait le faire. C’est pourquoi il lui incombe d’imposer une pénitence, une satisfaction : c’est dans la manière d accepter et de subir la |)eine ainsi infligée, qu’apparaîtra le mieux la volonté d’amendement. Il n’y a pas cependant que l’empressement et que la rigueur à se châtier où apparaisse la volonté sincère de renoncer au péché. L’appréciation du prêtre n’est donc liée à aucune condition de temps ni de manière, l’our former son jugement, il a à tenir compte des circonstances où se trouve le pénitent lui-même et des dispositions d'àme qu’il manifeste. Nul doute d’ailleurs que son appréciation reflète les tendances propres de son caractère personnel : en matière lie pénitence, la rigidité et l’indulgence eurent toujours leurs représentants ; les canons pénitentiels avaient justement pour but de prévenir les écarts de jugement ; mais ces canons eux-mêmes, nous l’avons vu, sauvegardaient la liberté d’appréciation de l'économe de la pénitence.

71. — Or, il est facile de s’en rendre comidc, une administration de la pénitence ainsi conçue ouvrait nalurellerænt la porte, non jias à l’inslitution d’un mode de rémissinn des péchés parallèle à celui de la pénitence publique, et portant dès lors le nom de pénitence privée, mais à des atténuations, à des abréviations, à des suppressions de peines, qui réduisaient pratiquement le traitement du péché par l’Eglise à ce que nous a[)pelons aujourd’hui de ce nom. Mgr Batiifol a bien vu cette dérivation. Parlant de la pénitence ecclésiaslique en général, qu’il déclare toute sacramentelle mais en partie secrète et en partie publique, il conclut : « Ne disons pas, il y a 1 ne i>énitence publique, et il n’y a pas de pénitence secrète. Disons : il y a une consultation I = ; confession] secrète, une satisfaction publicjue, une réconciliation publique. Le jour où toute cette publicité disparaîtra, il n’y aura pas une institution nouvelle, mais la modilicatioii d’une seule et même institution préexistante » (Etudes liist. et de théol.posit. : les origines de la pénitence, p. 208-209).

On ne saurait mieux dire, croyons-nous, à condition cependant de ne pas nous faire trop attendre

« le jour où disparaîtra toute cette publicité n. II

semble liien en elTet que, de tout temps, la publicité tout au moins de la satisfaction a été supprimée dans certains cas et en ce sens nous n’hésitons pas à considérer la pénitence dite privée comme ayant toujours coexisté à la pénitence dite publiipie.Non pus, encore une fois, qu’elle se présentât, aux pécheurs comme une voie de pénitence parallèle à l’autre, plus courte, plus facile et plus discrète, dont il fût loisible ; i tous de s’assurer ou de revendiquer l’avantage. Non ; le choix du remède ne fut jamais laissé aux pécheurs ; mais le remède leur fut toujours dosé, et ce que nous appelons la confession pri^ ée représente seulement la dose pi us légère <iue, soit à raison d’une culpabilité moindre, soit par égard aux circonstances, à la bonne volonté, à l’ignorance ou même à l’opiniâtreté des malades, les prêtres jugeaient leur suffire ou leur pouvoir être seule imposée. Ainsi s’cil)liquentles responsabilités si redoutées des médecins des âmes.

Mais le fait reste. Quelque lourde que fût la responsabilité, on l’assumait, et, à l’occasion, comme nous l’a déjà dit saint Cyphibn (n 50), on allait jusqu'à ce qu’on considérait comme l’extrême limite de l’indulgence. Ainsi, des partisans du schisme de Félicissi me, coupables par ailleurs d’adultère et d’antres crimes passibles d’une longue expiation, furentils admis avant terme à la communion i)ar Cytrikn lui-même (/?/)., MX, |5, p. 685). C'étaient bien là, il faut l’avouer, des cas limites. Mais les angoisses menus où ils jettent le saint évêque nous permettent de saisir sur le fait la part d’initiative personnelle qui lui appartenait dans le jugement du pécheur, et donc le ministère de la pénitence privée en des cas relevant normalement de la pénitence publique.

73. — Car cette suppression de la longue et publique satisfaction pour le péché est bien, à proprement parler, ce qui cara< ; térise la pénitence privée, telle que nous l’avons vu concevoir. On pourrait la définir : la rémission du i)éché accordée par l’Eglise sans enr « ")lement dans la classe des iiénitents proprement dits. Telle est du moins la notion qui s’impose à qui veut s’en faire une idée d’aprè.s le langage « les anciens.

« Quand on conçoit la pénitence connue la concevuionl

les Pères, sous la forme idéale et parfaite de la pénitence solennelle, où la vertu rémissive du sacrement s’exeri, ail tout entière, d’instinct on rapporte tout h ce premier concept ; la pénitence secrète n’apparaît pa » comme une institution spéciale, comme une seconde espèce de p^ni1835

PENITENCE

1836

teiicp. opposée h In première, mais comme un diminutif, un obi-égé, un dérive de la première. Il n’y a pas dualité de pénitence, mais on quelque sorte nnité. El de fiiit, on pouvait composer de toutes pièces la pénitence secrète ou privée, en ne prenant que des éléioents détachés de la pénitence publique… n IIakent, dans Etudes. LXXX (1899), p. 594. — Voir aussi d’Alès : L’Edit de CalHste p. 421- '12.^ et 454 155 ; Tixeront : Comment se confessaient Us chrétiens des premiers sii-rles, dans L’Université calholiijiie de mars 1913, p. 230 sqq. ; Karl Adasi : Die kirchliche Siindtnvergebnni ; nachdem hr ilig en Augustin. Pnderbont, liHT, p. 138 et 14 » ; Bkewir : loc. cit., p. 5 : 24 ; SD : Gai.tier : Saint Augustin a-t-il confessé ? dans Rev. prat. dvpol.. BTril-juin 1921, p. 74-80 et 273-275.

Cette conception delà pénitence privée ne suppose pas nécessairement que la rémission se fasse toute en særet à l’insu du public ; elle exclut seulement l’assujettissement aux épreuves solennelles organiséss par l’Eglise pour ceux qu’elle appelle les

« pénitents ». Ainsi se distingue-t-elle à proprement

parler de la pénitence publique. Elle ne la précède pas : rien du moins ne nous paraît moins prouvéquo le fait d’une absolution dite privée s’intercalanl régulièrement entre l’aveu du péché et l’accomplisserænt, quand il y a lieu, de la pénitence publique. Mais elle ne l’exclut pas non plus pour l’avenir : seule la pénitence solennelle et publique ne se réitérait pas.

73. — '6" Existence de la pi^nitence privée. — Il n’y a pas de doute qu’elle existait, et dès l'àge apostolique. Ni les chrétiens d’Ephèsequi renoncent aux pratiques de magie (./( ; <., xix, 18-ig, ef. ci-dessus n" ig) ni le jeune homme que saint Jean ramène luimême du milieu des brigands à son Eglise (Cliîm. d’Albx., Quis divessaUetiir, xiii, P. 6'., IX, 6(J8-641j) n’ont été assujettis à une expiation régulière et solennelle.

74. — Dans les documents où l’organisation de la pénitence apparaît tout d’abord, le fait se constate de péchés qui y échappent. Tbrtuli-ikn l’atteste et l’approuve ; il le laisse en dehors de sa controverse avec les catholiques ; entre lui et eux, la question ne se pose qiie des péchés assujettis à ce que nous appelons la pcnilende publique. Les autres, les péchés moindres, il reconnaît que l'évêquc en accorde la rémission. « SaUa illa pæniteiitiæ specie post fidein qiiae… leiioribus delictis veniam al episcopo coiiseqiii poterlt. » Df pitdir. xviil, 7 et cf. ii, 16 : >i Alia erit, qiiæ veniam consequi pjssit, in delicto scitieet remissibili, atia quæ consequi nullo modo possil, in delicto scitieet in-emissibili. » L'énumération qu’il en fait n’est sans doute pas exhaustive ; il parle de chrétiens qui se laissent aller à assister aux spectacles du cirque ou de la scène, qui prêtent le concours île leur métier aux jeux ou aux festins d’une solennité mondaine, aux fonctions officielles ou au culte d’une idole étrangère, qui dissimulent leur foi sous une parole équivoque ou profèrent quelque blasphème (Ibid., vii, 13-18). C'étaient là, dans la société où vivaient les chrétiens, fautes bien dilTiciles à éviter ; et peutêtre faut-il y ajouter encore ces a delicta colidtanae iacursioiiis », que TertuUien, un peu plus loin, identifie pareillement avec les péchés déclarés par saint Jean susceptibles de pardon (îix, 23-25). On n’a pas l’habitude de les considérer comme relevant de la pénitence dite publique (cf. d’Alès : I.'éd t de Calliste, p. 437-438), et TertuUien ne dit pas même que la rémission en fût subordonnée à une exclusion temporaire des rangs des (idéles. Cette exclusion, il le dit, pouvait être imposée ; mais il ajoute qu’elle était aussi souvent le fait du coupable lui-même, qui s’entêtait et refusait d’ar-cepler la répriiviande infligée par l'évêque : « Oh l/ile qitid e.rtra gregem

datu.-i est, vel et ipse forte ira, iuinore, aemulatione, quod denique sæpe fil, dedignatione castigationis, ahrupil » (De pudic, vii, 16).Bl il laisse entrevoir par là même ce qu’avait d’essentiellement Tariable et personnel la pénitence requise pour la rémission de ces sortes de fautes. L'évêque l’adaptait àchaqu « cas particulier et l’on ne saurait donc y reconnaître le régime caractéristique des pénitents proprement dits.

75. — Ce régime spécial, Ohigkne le signale lui aussi. Tandis que la pénitence pour les gros crimes ne s’accorde qu’une fois, celle qui racliète les fautes moindres peut toujours se renouveler : < semper est reparaiidi facilitas ; … liujiiscemodi ciitpa semper reparari potest, nec aliquando tibi iiderdicitur de commissis hujusmodi pænitudinent agere, … ista communia semper pænitentiam recipiunt » (/n Lev., Hom., xv, 2, P. G., XII, 560-561). Et la pénitence ainsi réitérable comporte bien, elle aussi, l’in tervention du prêtre qui remet le péché : les saints eux-mêmes, c’est-à-dire les âmes qui sentent le mieux ce besoin de faire pénitence, recourent au ministère sacerdotal : pro peccatis pænitudinem gerunl, viilnera sua sentiunt, iniettigimt lapsus, requirunt sacerdotem, sanitatem deposcunt, purificationem per pontificem quærunt » (In Num., Hom., x, 1, P. G., XII, 635-638 A).

Saint Cyprikn, lui, administre la pénitence privée. Nous avons déjà vu (n" 50) qu’il avait dît s’en contenter pour les convertis du schisme de Félicissime. Mais cette pénitence abrégée, que les circonstances lui avaient alors, peut-on dire, arrachée, lui-même l’avait prescrite en un cas qui n'était pas non plus sans gravité. A propos de vierges consacrées à Dieu et ayant eu avec de » diacres des relations au moins suspectes, il avait très nettement distingué deux modes de pénitence. Pour celles, avait-il dit, dont il sera constaté que le péché charnel s’est consommé, ce sera la « pénitence plénière t (pænileritia plena) avec réconciliation à l’expiration du temps régulier (aestimato juste tempore) : c’est la pénitence publique. Auxautres, ondonnera siraplemenU’absolulion eton les admettra ainsi à l'église : « occe/)<(i commun ! catione ad ecctesiam admittantur » (Ep. iv, 4).

La même procédure est adoptée plus tard au sujet des « libellatiques », c’est-à-dire des chrétiens qui, au cours de la persécution, sans avoir sacrifié aux idoles, ont accepté néanmoins de paraître l’avoir fait et se sont procuré des certificats (libelli) de sacrifice : tandis qu'à ceux qui ont sacrifié de fait, on impose la pénitence longue et plénière (agerent diu pænitentiam plenam. Ep., lvii, i), on admet ceuxci immédiatement à la réconciliation(^^., LV, 17)ïans pénitence publique. Aplus forte raison furent réconciliés immédiatement après leur confession les fidèles qui, sans s'être rendus coupables d’aucune apostasie ni avoir recouru au subterfuge des certificats, avaient néanmoins accepté la pensée de l’une ou de l’autre faiblesse. Saint Cyprien les montre aux a tombés », qui viennent confesser aux prêtres cette faute, et, bien que la blessure faite à leur àme ail été relativement petite et légère, en demandent le remède salutaire (Z)c lapsis, xxviii).

76. — Il faut rapprocher de ces divers cas celui du pécheur que la Didascalie des ap6tres(.l, ah. xxxviii, i) montre traité en particulier par l'évêque. Un tiers le lui a dénoncé ; il le prend donc seul à seul : c’est le précepte évangélique, et le bon pasteur doit s’y conformer ; personne, insiste la DidascaUe, ne doit assister à cette entrevue, où l'évêque presse le coupable de se repentir : c’est seulement en cas d’obstination qu’il y aurait lieu d’abord de faire appel à un ou à deux témoins et ensuite, si l’entêtement persis1837

PENITENCE

1838

tail, de procédera lacorreelion devant toute 1 Eglise. Mais, on le prévoit, tout peut se régler ainsi dans le tète à tête et la pénitence ne saurait donc être plus strictement privée. La confession personnelle de l’intéressé en fait partie : la dénonciation dont il a été l’objet n’a été que l’occasion de l’intervention de l’évêque ; celui-ci est mis en garde contre le mal des médisances et descalomnies ; il ne doit donner suite à une accusation qu’autant qu’il s’est assuré i)ar lui-même ou par ses diacres de son bien-fondé (ibid., xxxvii, /)-6, et cf. L, 2, l’invilalion à ne pas présumer coupable l’accusé condamné déjà une première fois). C’est alors seulement qu’il mande le coupable et qu’il l’excite au repentir. Cette audience strictement privée peut suUire à tout régler ; c’est donc bien qu’il y a aveu et promesse <ramendeuienl de la part de l’accusé, pardon ou absolution de la part de l’évêque. Mais d’autre part, l’hyiiotlièse est aussi envisagée que l’accusé s’obstine jusqu’à braver la correction publique et à rendre nécessaire l’exclusion de l’Eylise, qu’il soit soumis alors au régime propre des pénitents et ne soit réintégré dans l’Eglise que par le rite de la réconciliation solennelle. Il paraît bien ressortir de ce fait qu’une faute, capable, si le pécheur s’obstine, d’entraîner son assujettissement à la pénitence publique, peut, s’il se montre docile et repentant, être absoute après recours discret à l’évêque.

Il y aurait d’ailleurs beaucoup à dire sur le caractère plus ou moins privé de l’administration de la pénitence d’après la Didascalie. Nulle part l’évêque n’apparait aussi complètement juge du péché et aussi pleinement libre d’en déterminer lui-même l’expiation. Il devra la proportionner à la faute (11, xvi, a et 4) ; mais la recommandation réitérée qui lui est faite de se montrer accueillant pour les pécheurs (ci-dessus n" 4’7), de ne pas se hâter d’en venir aux mesures radicales (n° 3’j), porte à croire qu’il lui était loisible d’user de ménagements là même où la rigueur du droit eût exigé la sévérité. Nous le voyons, dans un cas particulier III, xvi, a), se borner à imposer quelques jours de jeûne et à recommander la prière : on ne peut pas à ce propos, car il y est question de séparation et d’exclusion de l’Eglise, parler de pénitence strictei.ient privée ; mais la pénitence publique y apparaît au moins singulièrement atténuée.

77. — D’ailleurs la Didascalie semble bien distinguer, elle-même, les deux manières de traiter les pécheurs.

Dans un passage II, xx, 3-5), où elle commente à l’évêque le portrait du bon pasteur dans Ezéchiel [xxxiv, 16], elle applique les paroles du prophèteaux diverses formes de l’activité pastorale. Or trois en particulier lui semblent viser les soins à donner à trois catégories distinctes de pécheurs. L’une, « (niod coiitrilum est alliga », doit rappeler à l’évêque de

« lier par une prière de pénitence celui qui est blessé, 

ou frappé, ou brisé par ses péchés, ou boiteuxdans le chemin de la justice : guéris-le, relève-le de ses péchés et réconforte le ; montre-lui qu’ila de l’espoir. Lie (sa blessure), guéris-le, et fais- le entrer dans l’église » (Traduction Nau). L’autre, « quod errât, adhortare », vise la conduite à tenir envers celui qui a été rais hors de l’Eglise en chàtimentdeses péchés : l’évêque ne doit pas prendre son parti de le laisser dehors ; il lui faut au contraire l’instruire, l’avertir, le convertir et la recevoir de nouveau dans son troupeau. La troisième eniin u quod pertit, re(iuirc », parait s’appliquer à celui que la mullilude de ses fautes a jeté ou risque de jeter dans le désespoir et l’abandon de toute idée de retour à l’Eglise. Celui-là aussi, l’évêque doit aller à sa recherche, et lui faire entrevoir la possibilité du pardon. — La correspondance

si soigneusement établie entre ces trois catégories de pécheurs et la conduite à tenir à leur égard, s’explique-t-elle sans une réelle dilïérence dans le traitement pénitentiol à leur imposer ?

78. — Tout le monde ne voudra peut-être pas reconnaître la pénitence privée dans le traitement du péché décrit par saint Méthodu o’Oi.ympk (-|- 31 i) (De lepra, vi, 7-1) ; vii, 4. 7, éd. Bonwelscli, p. 31/1316). L’évêque en est le médecin. Il faiit le lui manifester sans fausse honte (iïy/ : i :  ; i, 7yi ^./ ; yÀCf : Or, Tiu ri v’iriHéi), Lui, alors, soumet le malade à un régime hygiénique et, pour lui permettre de se relever, le met à part pour rexoniol<>i ; èse, lui interdit de prendre part au.K réunions des Udêles (rij^xoiv^n’/ ; ird^^wv), pleure avec lui et lui prodigue ses consolations. Après cette retraite d’une ou deux semaines (’^uw hm SsuréfJVif k^S’jfxdôa. toù jbvayiiaÇeT^at i’.pv.rYjOîiç’), l’évêque l’examine de nouveau, et, si sa contrition paraît avoir été sincère, tout est lini : le malade est sauvé, il est purifié, puisque le mal ne s’est pas envenimé. C’est seulement au cas où le pécheur ferait preuve de négligence et d’insouciance qu’on devrait conclure chez lui à un mal invétéré, et il faudrait alors le mettre hors de l’Eglise (èzCc/z-ici-j r ;  ;  ; E^i^’/r.jiy ;). — Ici encore, l’isolement momentané du malade peut faire contester qu’il s’agisse de pénitence privée ; mais on conviendra du moins que ce traitement provisoire ne saurait s’idcntilier avec celui que peut rendre nécessaire la mise hors de lEglise et qui, lui, est bien celui de la pénitence publique. Pour le moment, et l’on souhaite n’avoir pas à aller plus loin, on se contente de mettre le malade en observation. L’évêque l’examine avant et après, soit deux confessions. A la dernière, il prononce sur son état et le déclare hors de danger : c’est l’admettre à la communion. On ne voit vraiment pas en quoi cette administration de la pénitence difl’ère de ce qu’on appelle aujourd’hui même la confession privée.

C’est bien un traitement de même nature que saint AsTERius d’Amaskb (vers /joo) promet aux pécheurs. Qu’ils lui confessent leurs fautes les plus secrètes ; il saura les guérir sans compromettre leur dignité (3rtuî//, ï£T « £ xai t^ ; eij-ryv^fj.osùvr^^ xat t ?, ^ 8îpKTTuv.i). Médecin, il est père aussi, et l’honneur des enfants est plus cher à leurs parents qu’il ne l’est à eux-mêmes (llom. in pnen., P. G., XL, SôgB).

79. — Il faut en rapprocher aussi le mode de pénitence prévu par les canons pénitentiels du IV’siècle pour certaines catégories de pécheurs. Pour ceux, par exemple, qui s’accusent en confession d’un vol resté secret, saint Grégoire db Nyssk ne prévoit pas d’autre pénitence à imposer que celle d’une aumône ; encore ajoute-t-il que, si le pénitent est pauvre, la fatigue de son travail quotidien pourra lui en tenir lieu (Ep. can., 6, P. G.. XLV, 233C). Il est vrai que, pour cette même confession d’un vol secret, saint Basile parle de l’exclusion de la communion pour un an (Ep., ccxxvii, can., 61, /’. G., XXXll, 800). Mais le pécheur n’est pas mis an rang des pénitents proprement dits, il continue à assister avec les lldèlesàla messe entière, et l’on ne voit vraiment pas dès lors ce que sa confession et sa pénitenceont de public. On se demanderait bien i>lutôt si l’admission au degré de ceux qu’on appelle les « assistants », les « consistants », n’équivaut pas à une absolution anticipée. On ne voit pas du reste, les documents n’en parlent pas, que pour participer, le moment venu, à la communion, les « consistants » aient eu encore à se faire réconcilier par aucune imposition des mains spéciale. Xi terme du délai prescrit, l’admission aux saints mystères allait de soi ; les intéressés n’avaient qu’à s’y présenter avec le commun des fidèles. Tout au plus est-il permis de croire 1839

ENITENCE

1840

qu’ils avaient à prendre l’avis du préposé à l’administration delà pénitence, qui, d’ailleurs, avait toute latitude pour abréger la durée de l’interdiction. Sou autorisation alors pourrait être considérée comme équivalant à une absolution, mais il ne saurait plus être question, semble-t-il, d’un rite spécial et public. Nous savons qu’on mettait précisément à ce degré les pécheurs dont on ne voulait pas que la pénitence pût déceler la faute confessée, par exemple, dit saint Basile (Ep., ccxix, can 34, P. G., XXXII, 728), les femmes coupables d’un adultère secret. Voilà donc encore toute une catégorie de pécheurs traités par la seule pénitence privée.

80. — Il y en avait d’autres, et d’abord les hérétiques convertis de l’hérésie. Leur cas est des plus significatifs. Il permet de faire la preuve de l’existence d’une réconciliation pénilentiellesans pénitence publique préalable '. Leur réconciliation en effet se lait par une imposition des mains dojit le rite reproduit si bien celui de la réconciliation des pénitents que les documents parlent à son sujet d' n image de la pénitence » (sub imagine pænitentiac… per inanim iinpositionem suscipimus… ciini pæniientute imagine recipimus i> (Saint Innocfnt I", Jaffe, 310, /'. /.., XX, 550A et 551A), et qu’il entraîne de droit les mêmes incapacités pour la cléricalure (Cf. l’art. Absolution ou confirmation ?taréconcilialion des hérétiques, dans R. S, f{, , 1914, p. i'^i sqq.). L’invocation à y faire du Saint-Esprit exclut si peu ce caractère pénitentiel que, au contraire, il le confirme : l’absolution pénitenlielle était considérée jadis comme destinée à donner ou à rendre le Saint-Esprit au pécheur converti (cf. art. cité, 201-235).

81. — Au reste, cette absence de pénitence publique ressort à l'évidence de la distinction faite entre les hérétiques simples et les hérétiques apostats, c’est-à-dire jiassés antérieurement de l’Egliseà l’hérésie. Tandis que pour les premiers on s’en tient à l’imposition des mains, à 1' « inuigo pæniti’utiæ », pour les seconds, au contraire, on exige la satisfac lion préalable d’une longue pénitence : Sub longa pænitentiac satisfactione admittendi sunt. » « llos non aliter oportel nisi per pænitentiam admitti. « 

« [Horum] commissiim non potest nisi longa pænitentia aboleri », répète à plusieurs reprisesle pape saint

Innocent l"(Jaire 286 et 303, /'. /.., XX, 47.5 et 53 iB, 534 A) ; le pape saint Siricb avait déjà fait la même distinction : « Venientes a.ofatiauis vel Montensibus per manus impoiitionem suscipinntur, præter eos quos reba/)tizanl(JsLffc, ibS, /'./.., Xlll. 1 169-1 160), et saint Augustin la justifie en distinguant lui-même à ce propos deux digrés dans la pénitence que l’Eglise exige des convertis de l’hérésie.

C’est vrai ; il en est du passage de l’erreur à la vérité comme de la conversion d’un péché, quel qu’il soit, petit ou grand ; ^ùnr personne, il ne peut se faire san » pénitence. Mais il y aurait de la inanvaise foi à s’offusquer de ce que l’Rglise traite autrement ceux qui l’aTaienl quittée et ceux qui, sans avoir jamais été chez elle, reçoient sa paix pour la première fois. Les uns et les autres, elle les aime et tous elle emploie sa sollicitude maternelle à les guérir. Mais elle huntitie davantage les premiers [alios amplius

1. Il y a vingt ans, le R. P. Harent [La méthode apologétique dans la question des sacrements, art. des Etudes de 1901, t. LXXXVIl, 1Il sqq.) invitait à chercher dans cette direction pour découvrir le-, traces de celle administration plus discrète et plus usuelle de la pénitence, il y a deux ttiècles, QuESHPi. avait déjà faitle rapprochement : » Curn thanuum impositionem hic lego, écrivait-il à propos de la léconrilifltion des hérétiques (note 19 sui- la lettre du pape KaintLoonà Husticus, reproduite dans /'. t.., L|V, 1505.) vix mihi iempero quin ad secretæ coufesstonîs et sacramentalis absnlutionis, ut hodiefil ntuni ocutos mentis coniciarn. o

humiliando], tandis qu’elle se montre plus indulgente pour les seconds [Ep.,.xciii, 53, P. /,., …III, 357), Nous faisons la ditl'érence, dil-il ailleurs. Des fidèles qui avaient vécu déjà dans l’Eglise et l’avaient quittée, nous exigeons qu’ils fassent une pénitence plus humiliée, plus humiliante [ut humiliorem agani pænitentiam) que ceux qui ne lui ont jamais appartenu (De unico bapt, coni. Petil., xii, 20. P. l., XLllI, ()05).

On reconnaît la diversité de traitement attestée par saint Sirice et saint Innocent I « ' pour les apostats et les hérétiques simples. Pour les premiers, c’est r « humilior pænitentia » ; pour les seconds, c’est encore la pénitence destinée à les « guérir » et à les délivrer de leurs péchés, mais elle est plus douce cl elle se réduit en somme à l’imposition des mains. D’elle-même elle s’identifie avec cette « imago pænitentiæ », que le pape Innocent ! < oppose, comme sullisante pour les hérétiques simples, à lu (1 longa satisf’aciio pænitentiæ » requise des apostats.

Saint Augustin, d’autre part, dislingue, nous le savons, en matière de pénitence, une « pænitentia luctuosa et lamentabilis », dont peuvent élre dispensés des pécheurs qui confessent cependant leurs péchés (De dif. qq. lxxxiii, 26, /*./.., XL, 18) : c’est cette « humilitas major pænitentiæ », dont il parle aux catéchumènes (De symb. ad catechum., vii-viii, P. /,., XL, 636) comme d’un des trois mojens qu’a l’Eglise de remettre les péchés ; cette « major et insignior pænitentia », qu’il mentionne dans sa lettre sur les derniers mumenls du notaire Marcellin (lip., eu, 9, P. /.., XXXIII, 650) ; cette u humilitas pænitentiæ », caractéristique de ceux qui, dans l’Eglise, s’appellent à proprement parler les pénitents (De fide et opp-, XXVI, 48, /". /-., XL, 228) ; cette « pænitentia humilior » en un mol, qui est le remède normal des trois péchés reconnus par tout le monde comme « morlifera » et passibles de l’excommunication, et la pensée vient d’elle-même à l’esjjril qu’il y a identité entre cette pénitence et r « humilior pænitentia » dont il dit qu’elle est exigée des apostats (Ibid, , xix, 34, 220). Lui-même d’ailleurs le dit expressément dans son sermon ccxcvi (11, 12, P. I.., XXXVIII, 1 358- 1359). L’apostat qui revient de l’héréSie n’est admis qu’au rang des pénitents proprement dits : il sera « pénitent » (erit pænitens) el il le restera jusqu'à ce qu’il demande el obtienne sa réconciliation comme les autres.

Mais il reste alors que l’imposition des mains

« in pænitentiam », dont on se contente pour les

hérétiques simples et qu’on dislingue si nettement de celle « humilior pænitentia », ne doit pas se confondre non plus avec la « pænitentia luctuosa et lamentabilis », avecr « humilitas major pænitentiæ », avec la pénitence en un mot des pénitents proprement dits, et correspond, au contraire, à une réconciliation pénilenlielle moins humiliante, dont on se conlenlail dans certains cas el pour certaines catégories de pécheurs.

83. — Or, comment ne i)as la reconnaître encore cette pénitence adoucie dans ces « correptionum medicamenta », dont saint Augustin dit qu’ils suflisenl pour les péchés à ne pas traiter par cette « humilitas pænitentiae, quatis in Ecclesia datur eis qui proprie pænitentfs iocantur « (De fide et opp., xiiiv, l, S, P.I.., XL, 228 : la distinction apparaît là très nette entre trois catégories de fautes et trois sortes de pénitences qui y correspondent). Nous avons déjà vu (cidessus, n" 69) S. Augustin poser le principe d’une dispense jiossible de cette pénitence « luctuosa et lamentabilis «.Mais il n’a rien dit alors du traitement à imposer aux pécheurs que le prêtre estimerait, après confession, pouvoir faire bénéficier de celle 1841

PÉNITKNCK

1842

indulgence. Nous le Irouvons ici. H ii’esl pas douteux eneflet que ces « correptimium » medicamentu ne soient adniinislri’s aux malades parles ministres de l’Eglise. L'évcque d’Hippone, à propos de l’imposition des mains pénitentielle, parle des « alligtimerila meJicinalia contritionis nostræ » (Enarv., in /'. «., xi.vi, 8, P. I.., XXXVII, igoS-igo^). Chez lui. et sans qu’il s’applique exclusivement aux jugements ecclésiasli([ues, le mot « correptio » est technique cej)endant en (e sens. C’est ce que le docteur Karl Adam de Munich faisait remarquer au D' Friedrich HiiNBR.MANN de (Pologne, à projios de son ouvrage : Dte llusslehre des heiligen Augustinus : « Hiilte der Verl’asser den Sprachgcbrauch des augustiniscben ctirripere eingehend untersucht, hiitte er niclit sclireihen kônnen : ùberall zeigt sich, dass es sicli nicht um einc Art der sakramentalen Busse handelt… Corripere, correptio ist ein lechnischer Ausdruek fiir die jirivate Kirclienzucht » (l’heologische Jievue, mais igiô.p.'jV (^f. aussi son ouvrage : fHe kircliliclie Siiiidern’crgeInutg iiach dem lil. Augustin, ch.ii, 6 et iv^12). Dans une lettre qu’il adresse à un magistrat, saint Augustin parle de « correptio ecclesiastica » à propos du jugement d’un clerc (Ep. cr.iii, 4, lo, P. /.., XXXllI, 65^) ; ailleurs (De correptioiie et gratin, xv, ^6, P.L., XHV, 944), parlant des diverses manières qu’ont les ministres de l’Eglise de sévir contre les jiéclieurs, il emploie encore le même terme : les i' cnrreptiones » qu’ils infligent varient avec les (aules(corripiaiitur a præpositis suis subditi fratres correptionibus pro culparum diiersitate dii’ersis) ; il y en a de légères (minores) ; il y en a de graves (majorer). Parmi ces dernières est celle qu’on appelle la « damnatin », audessus de laquelle il n’y en a jtas d’autre dans l’Eglise (c’est l’excommunication solennelle prononcée par l'évêque). Les légères correspondent évidemment à CCS « correpiicinum medicamenta » réservés, dit saint Augustin, aux pécheurs qu’on ne met pas au rang des pénitents i)roprement dits. Et de ce que saint Augustin (/oc. rù.) rattache ces « correptimium medicamenta » au précepte évangélique de la correction fraternelle (il/a<^, xviii, 1 5), il ne suit pas que l’administration s’en fasse en dehors des ministres de l’Eglise : nous l’avons déjà vu (n" jC), c’est à la même parole du Seigneur que la Didnsrnlie des Apôtres (11, xxxviii, i, Funk, p. la^ et 125) rattache le jugement du pécheur par l'évêque agissant seul à seul avec lui, et saint Augustin, d’autre part, rapproche lui-même le précepte évangélique du devoir fait aux cvêques de reprendre les pécheurs : toute une partie de son sermon i.xxxii (ô-^) est consacrée à montrer qu’il n’y a pas désaccord entre le « corripe illuin inter te et ipsum solum » et le « peccauies coram omnibus argue » de l'épître à Timothée.

Dans ses discussions avec les Donalistes, il rappelle de même qji’on doit procéder avec eux en s’inspiranl de la charité dont parle saint Paul lorsqu’il prescrit aux Thessalonicicns (M, iii, 15)(récarterd’eux celui qui refuserait d’obtempérer à ses avis : corripile ut fratrem (Contra Ep. Parmen., III. ii, l3, P. /.., XLIII, 92). Le principe enfin d’où procède cette distinction de la pénitence publique et des « correptionum medicamenta » signalée à la lin du De fide elopp. est très nettement ]iosé par lui dés les premiers chapitres de ce même ouvrage (ch. m). C’est celui que nous l’avons vu énoncer ailleurs (n" Cy), du compte à tenir des dispositions des coupables. La sévérité envers les pécheurs doit être miséricordieuse et se tcnipérerde charité(C/(n/'(7u<e » ii.< : ei(cor.'î illaseveritas adinhenda est). Le Seigneur lui-même a donné l’exemjde et le ]iréce])te de l’une et de l’autre, et le précepte de l’Apôtre, que les pécheurs doivent être repris « coram omnibus », ne contredit pas le

« corripe euni inter te et ipsum ». Ce sont là seulement deux traitements dillerents des ])écheurs entre

lesquels ont à choisir, suivant la diversité de leur mal, ceux qui ont mission de les corriger et de les guérir ; car « alius sic, alius iiuteni sic sanandus est » (l, , P. /.., XL, 200).

83. — Il n’y a, du reste, qu'à voir agir saint Augustin pour constater la justesse du sens donné à ses paroles. Montrant un jour à ses auditeurs les pénitents, qui viennent en longues files recevoir l’imposition des mains (.Sermo ccxxxii. 7, 8, /'. E., XXXVIII, I 1 1 j), il distingue parmi eux ceux q<ie luimême, en les cxcomnmniant, a mis d’autorité au rang des pénitents (aliqui e.icnmmunicali a nobis in pæniteniiæ locuni reilacli sunt) et ceux qui ont demandé d’cux-niêmes à y prendre place (aliqui ipsi silii pæniteniiue tucum petienint). Ceux-ci, dont les fautes, sans doute moins publiques et moins scandaleuses, n’entraînaient pas de droit cette excommunication, avaient donc eu à demander leur admission à la pénitence publique en confessant leurs péchés. Elle leur avait été accordée, mais d’avoir eu à la demander prouve qu’on aurait pu la leur refuser ; à plus forte raison ne la leur aurait-on pas imposée. Or, dans une de ses lettres (^^^ cliii, 21), saint Augustin ne dissimule pas que, dans des cas pareils, ce n’est qu’exceptionnellement (aliquandn) qu’on admet des coupables à la pénitence publique. 'Voici des voleurs, dit-il, dont « nous savons qu’en effet ils ont dérobé le bien d’autrui et même pourraient le restituer : nous les reprenons certes, nous les pressons, nous condamnons leur conduite, en secret pour les uns, publiquement pour les autres, suivant le traitement que comporte la diversité des personnes et en veillant aussi à ne pas porter préjudice à autrui en les poussant eux-mêmes à bout. Parfois même, si aucun intérêt supérieur n’y fait obstacle, nous les privons de la communion » (P. L., XXXIII, 663). Ce « parfois » (aliquando), encore subordonné à des considérations d’intérêt supérieur, n’indiq>ie-t-il pas clairement que cette mesure extrême est plutôt rare et que la pratique ordinaire, en des cas pareils, est de s’en tenir au « correpiionis medicamentum » (arguimus, increpumtis… clam) administré dans le tête à tête ? C’est celle que présente, comme normale, le sermon ccci.i, d’authenticité contestée mais de doctrine certainement augustinienne. (Le D' K. Adam, p. 7-9, conclut à l’authenticité. Mgr Batii roi. : Et. d’hist. et de theol. posit. 6' édition, 1920, p. 3Z-j-15-), conclut à un voisin de saint Augustin). Le pécheur, qui vient trouver les ministres de l’Eglise, doit les laisser juges de l’opportunité pour lui de la pénitence publique : s’ils la prescrivent, il n’a pas à la refuser, à y faire opposition (non recuset, non resislat). Mais qu’il se rassure d’avance : le prêtre ne le traitera ainsi avec rigueur que si son péché, en dehors de sa gravité subjective, a eu le caractère de scandale (si peccatiim ejus, non Sdhiin in grufi ejus malo, sed etiam in tanto scandalo aliorum est) ; encore faudra-t-il déplus que la sévérité ainsi déployée soit de nature à faire du bien à l’ensemble des fidèles (si hoc expedire utilitati Ecclcsiae fidetur antistili : 9, /-. /,., XXXIX, 1545). En dehors de là, le prêtre lui appliquera sans doute les clefs » de l’Eglise, puisqiie c’est pour cela que le pécheur est venu le trouver (reniât ad antistites, pcr qiios illi in Ecclesia claies ministrantiir : ibid.) ; mais il n’y aura pas pour lui d’enrôlement parmi les pénitents proprement dits. Sous quelle forme le prêtre aurat-il fait usage en sa faA’cur du pouvoir des clefs ? 11 n’est pas nécessaire de le pouvoir déterminer, jusqu'à pouvoir indiquer le rite accompli et la formule de prière récitée. Mais le prêtre a connu sa faute, il l’en aura repris : il aura olileini. il se sera elforcé d’obtenir lG-13

PENITENCE

1844

qu’il la répare ; puis, ne jugeant pas opportune la pénitence publique, il 1 aura autorisé àparliciper avec l’ensemble des lidèles aux saints mystères : voilà donc bien un prêtre administraleurde la pénitence privée. 84. — Or telle est exactement l’attitude dans laquelle nous apparaît saint Augustin lui-même dans un autre de ses sermons (lxxxii, 7-8). Ici, c’est à ses auditeurs qu’il explique pourquoi l'évêque parait parfois manquerde vigilance ou de vigueur à l'égard de certains pécheurs. Voici, par exemple, leur dit-il, le cas d’un meurtrier ; sa faute méritait assurément la pénitence publique ; mais la lui imposer serait le dénoncer et l’exposer à ; os poursuites judiciaires ; aussi l'évêque, qui est seul à connaître sa faute, se contente-t-il pour lui d’un traitement plus discret :

Il faut reprmdre publiquement ycorripienda coram omnibus] les faulcs commises publiquement ; eu secret, [corripisnda iecretius] celles qui ont été cnmmises en secret… Reprendre en secret (in sccretu curriperi in sccrelo arguere) de peur que, à faire des reproches en public, on ne trahisse l’intéressé. iNous.nous voulons reprendre pour corriger [corripere et eorrigere)^ mais si l’eiinemi est ift qui cherche à entendre pour avoir matière à condtimnation ? Voici un nssas-^ t » que l'évêque connaît ; personne que lui ne le connaît iaiiut illuin nenio nocif). Je veu. bieii le reprendre publiquement, maie on cherclie à le mettre en accusation. Il (aul donc ubsilument que j'évite de le trahir sans né-^-liger de le reprendre ; je le reprends (cor ; l’pt’o) en secret ; je lui mets sous les yeux le jugement de Dieu ; je tâche d’exciter lu crainte dans an conscience de meurtrier ; je lui persuade la pénitence. Voilà la charité qu’il nous fautaToir. bes gens, à cause de cela, nous reprochent parfois de ne pas sévir : ils s’imaginent ou bien que nous savons ce que nous ignorons, ou bien que, sachant, nous nous taisons. Bb non ; ce que vous savez, moi aussi je le sais ; mais je ne reprends pas devant vous, parce que je veux guérir et non pas accuser (Serma lxxxii, 7-S, /'. £.., XXXVIII, 511).

Voilà bien la pratique décrite dans la lettre cliii et dans le sermon cccLi.

85. — Le cas n’est pas unique. Le reproche de faiblesse et de connivence, contre lequel Augustin se défend daussa lettre à Macédonius (cliii) et dans sou sermon, nous voyons par les Quæstloiies Veteris et Novi Testamenti (eu, 26) que les Novatiens l’adressaient aux évêques catholiques eu général. « Est et aliud quod reprehendit Novaiiarni^ : Car, inquil, corpus Doini.t traitunt eis quos norumt peccatores ?t Et la réponse de l’auteur. — I’Ambrosi.vster : un Romaiu de la fin du iv » siècle — est la même que celle de l'évè ; ue d’Hippone : les évêques ne sont que des juges : a Quasi possint ipsi accusalores esse, qui sunt juàices..Yam quis judex accusatoris sumat personam ? » (Ed. SouTBR, dans C, S.E.V., L, p. 219 ; cf. le Sermo cccli, 10, P. L., X.XXIX, 1546). L’Ambrosiaster ne conteste donc pas qu’ils connaissent eu eCet les pécheurs dont parle le Novatien, mais il pi ude leur souvei’aine indépendance de juges. C’est comme juges qu’ils connaissent ces mauvais c'.irétiens ; mais ne les connaissant qu'à ce titre et ne jugeant pas à propos en cette qualité — pour autant du moins qu’on ne les aiu-a pas accusés el lait la preuve au for externe : il ajoute en ellet : S ; aulem accusati f’ueriritet maiiifestati, poleriiiit anici, — de les réduire au degré des péniients proprement dits, ils les autorisent à participer, avec lassemblée des lidèles, aux saints mystères. Le cas est donc bien le même que celui de saint Augustin et des voleurs qu’il lui faut se résigner à ne reprendre qu’en particulier au lieu de leur intliger le traitement pénilentiel qui leur conviendrait normalement,

86. — Et, après ce qui précède, on n’aura pas de peine, croyons-nous à apprécier de même le cas de ces personnages haut placés, mondains, mauvais

esprits ou ignorants dont saint Jean Chrysostome laisse entendre que force est à leur pasteur, pour ménager leur amour-propre et éviter un plus grand mal, de ne leur imposer que des pénitences amoindries (fle sa cerrfo*/ »  », II, iv. P. G., XI, VII 1, 635, Cf. «..S./?. I (1910), p. 229-a30) et de ceux auxquels nous avons entendu (n° 78) saint Astérius promettre de sauvegarder leur dignité. Les bons pasteurs savaient à l’occasion, comme l’avait fait saint Cypricn (no'ôoet jS), aller dans la voie de l’indulgence jusqu’au bout de ce que leur permettait leur ministère. Comme le rappelait saint Basile (n" 71), le meilleur de tous les remèdes n'était-ce pas après tout le renoncement au péché? Or la confession spontanée n'était-elle point par elle-même une preuve de cette volonté de renoncer au péché ? Saint Grégoire de Nysse n’en doute pas ; il le pose en principe dans ses canons pénilentiels (can. 6, P. G., XLV, 229A), pour expliquer la légèreté des peines imposées à des fautes d’impureté confessées spontanément. Nous avons vu (n° 78) la ligne de conduite tracée par saint Méthode d’Olympe pour les cas de cette nature : il faut seulement s’assurer que la contrition du pécheur est sincère. Saint Grégoire de Nysse en un autre de ses canons (6) ne prescrit pour le voleur qui se confesse qu’une aumône ou moins encore : (n° 79), quel large champ ouvert à la pratique de la pénitence privée I

87. — Il s'étend ailleurs encore, et d’abord dans les monastères..-VPHnAATE, lorsqu’il prêche la pénitence aux solitaires (Denionst.vn : De pænitentibus, passim ; n' 26 : P. S., I, p. 355) et les exhorte à confesser les fautes qui la leur rendent nécessaire, ne peut évidemment pas avoir en vue la pénitence des

« pénitents proprement dits ». Il la veut telle, au

contraire, que les ennemis de la vie religieuse n’j' trouvent point scandale et n’en prennent point prétexte pour décrier tous ceux qui l’ont embrassée (Ibid.. n" 4. P- 319). L’aveu du péché qu’il exige ne peut donc être que la confession privée, au sens où nous l’entendons ici (Cf. ci-dessus n* 33),

De même en est-il pour la confession des religieux et des religieuses que mentionnent les règles de saint Basile : « Celui qui veut confesser ses péchés, porte une des questions posées (Reg. brev., 288), doit-il les confesser au premier venu ? — Non, répond le saint ; « La confession doit se faire à ceux à qui a été conliée la dispensation des divins mystères : c’est ainsi, par exemple, que, dans l’Evangile, nous voyons les pécheurs confesser leurs fautes à saint Jean Baptiste ; et, d’après les Actes, c’est aux apôtres qu’on se confessait » (P.G., XXXI, n831285). El une autre question nous metsous les yeux l’application de cette règle générale aux monastères de femmes. Il faut un prêtre ici pour accomplir les fonctions liturgiques : c’est ainsi que saint Basile ordonne prêtre son frère Pierre pour le monastère de sa sœur Macrine (Gnao. Nyss., De vita S. Macrinae. P. G., XLVI, 973 BC). Or c’est à ce prêtre que les sœurs se confessent. La règle nous l’apprend en prescrivant que la supérieiye assiste à l’entrevue : (I Faut-il, demande l’interrogation 1 10 (lieg. brei, P. G., XXXI, 1157 A), que la supérieure soit présente quand une sœur se confesse au prêtre ? — Oui, dit la réponse : il est convenable que la supérieure soit là, quand la confession se fait au prêtre qui a qualité pour imposer la pénitence et diriger le travail de la conversion. »

Cette pratique de la confession n’est pas d’ailleurs à consi lérer comme une innovation ou une particularité de la vie monastique. Les moines, en ceci comme en beaucoup d’autres choses, n’ont fait que régulariser et perfectionner. L’usage de ces recours 1845

PÉNITENCK

1846

sponlanés au prêtre existait aussi parmi les liilèlos, nous l’avons vu ; mais Origèkb constatait déjà qu’il n’y avait d’empressés à s’en assurer l’avantage que ceux qu’animait le vrai zèle de la sainteté (In Aiim., Hnm., X, I, P. 0., XII, 628) : il n’est donc pas étonnant que nous le trouvions en honneur parmi les moines du iV siècle.

88. — Au reste, la confession sans pénitence publique d’aucune sorte se constate aussi hors des monastères. Pour les morib nds en particulier, elle est d’usage quotidien. Il n’est pas rare en effet que, comme les catéchumènes attendent la dernière heure pour se faire baptiser, des pécheurs endurcis attendent également pour demander la itcnitence (saint Ambroise, In /.KC, I. VIT, 221, P. f.., XV, 1758D : saint Augustin, De conjug. ndiilt., I, xxviii, 35, ('. /.., XL, 430), et la règle générale est de la leur accorder (conc. Nie, can. 13 : Innocent 1, Jd Exiiperinm, II, bdyP. l.., XX, 498 ; GéLBSTiN l. Ad episc. Vienn. et Narbnn., 11, P. /… L, 43a ; saint Amhroisk et saint Augustin, loc. cit.). — Nous n’avons pas à distinguer ici les cas ou les époques où la pénitence seule, sans la communion, était accordée. — Or « demander la pénitence », c’est se confesser : cet examen du pécheur par celui qui « donne la pénitence » est de rigueur, nous le savons et le canon 13 de Nicée le rappelle : < l'évêque doit donner l’Eucharistie à quiconque la demande au moment de la mort, mais seulement après examen de l’intéressé » (i èrrfVx ottî ; /j.îtv. ^c/.ijKjtïiKç è-15 « Tw). Et, d’après les lettres de saint LfioN, c’est bien ainsi queles choses se passent : on appelle le prêtre au dernier moment ; il y a à peine If temps d’entendre la confession et de donner l’alisoliition :

« vix invenit spatitim rel cnnfessio pænitentis 'el reconciliatio sacerdotis » (Ep., cviii, 5, /'. /.., LIV, 

io13 B ; cf. /j, loii B ; ci.xvii, 7-8, 1206 sq.). C’est bien déjà, on le voit, la déplorable pratique actuelle : mais la confession privée y apparaît du moins en pleine vigueur.

Un ancien décret, recueilli après le milieu du v « siècle dans la collection connue sous le nom de Statuta Ecclesiæ antiqua, nous fait assister en quelque sorte à cette administration de la pénitence in extremis. « Il peut arriver, dit-il, que le malade qui demande la pénitence ait perdu l’usage de la parole ou ait le délire quand le prêtre arrive. Ceux alors qui l’ont entendu [demander la pénitence] doivent en rendre témoignage, et il recara la pénitence. S’il paraît sur le point de mourir, on doit le réconcilier [c’est-à-dire, l’absoudre] par l’imposition des mains et lui mettre l’Eucharistie dans la bouche » (P. /.., LVI, 882 C).

89. — La préoccupation était grande en elTet, chez les pasteurs et chez les fldèles, d’assurer aux mourants ce remède suprême de la pénitence. La correspondance de saint Augustin en oITre quelques exemples fort significatifs. Un de ses amis, le notaire Marcellin, a été condamné à mort. L'évêque va luimême le trouver en prison et là, seul à seul, il l’interroge sur l'état de son àme : l’humaine nature est faible ; n’aurait-il point commis quelque péclié secret d’impureté entraînant de sa nature la pénitence rigoureuse ( « ne qitid esset unde majore et insi^niore pænitentia Deuni sibiplacare deberet »)(£/)., on, 9, P. L., XXXIII, 650). La réponse fut négative et l'évêque en disait plus tard sa consolation. Mais sa démarche est des plus significatives.

UncoUègueet un correspondant de saint Augustin, l'évêque d’Uzala, Evodius, fait preuve d’une sollicitude analogue. Il vient de perdre son secrétaire, un jeune hommfî de vingt-deux ans, dont il raconte à saint Augustin le talent, le dévouement et la bonne grâce (Ep., ci-viti, 2, /'. f.., XXXIII, 694). Lui-même

l’a assisté à ses derniers moments ; malgré tout co qu’il savait de sa piété, sa jeunesse lui inspirait des craintes. Il l’a donc interrogé (Curavi e.c eo ijuærere, ne forte feminæ conta j^ione fuitset poil //us). La réponse a été négative. Et Evodius n’en dit pas plus long sur ce sujet. Mais nous voyons qu’il s’est préoccupé de confesser ce jeune homme.

90. — Ailleurs, saint.ugustin, comme il atteste l’empressement des pécheurs, en cas d’attaque ou d’invasion de leur cité, à solliciter la pénitence, alTirme le devoir des pasteurs de rester alors à leur poste. Or, ù côté des catéchumènes et des pénitents qui courent alors recevoir les uns le baptême, les autres la réconciliation ou l’absolution, l'évêque d’Hippone nous montre, sollicitant eux aussi cette réconciliation, les pécheurs que l'état de leur conscience avait fait jusque-là s exclure eux-mêmes de la communion. « /npericiilis ad bantismnm currere, ne sine illo flnialur hæc vita, [et] ad reconcilialionem, si forte per pæniientiam.malamvb consCIENTIAM quisque ah endern corpore CItristi separatus est » (De civit. Dei, XX, ix, 2, P.L., XLI, 674). Aussi est-ce à proprement parler ce qu’on appelle Vactio pænitentiæ que demandent alors ces derniers, ils n’avaient pas encore fait acte de pénitents ; ils le font à cette heure suprême, et, vu les circonstances, on leur accorde à la fois la pénitence et la réeoneiliation : t An non cogitainiis, cum ad istorutn periculorum perfenitur ertrenia, nec est potestas ulla fugiendi, quantus in Ecclesia fieri soleat ah utroque sexu atque ah omni aetate concursiis. aliis haptismum flagitanlihus, aliis reconciliationcm, nliis etiam pænitentiæ ipsius actionem n (Ep., ocxxvni, 8, P. L., XXXIII, 1016 ; cf. de Ciftt. Dei, XX, rx, 2).

Au témoignage de saint Augustin se joint d’ailleurs celui de Victor dr Vitr. Dans son histoire dtla persécution des Vandales, lui aussi nous montre les populations qui réaJament leurs prêtres, non seulement pour baptiser, pour enterrer et pour faire l’Eucharistie, mais aussi pour « donner la pénitence n et réconcilier les pécheurs.

.Malhaureu." : , s'écrieat les chréliens, eo voyant les barbares enlover ie clergé, rnalheureiif, qu’allons-naua devenir tout seuls ? Qui baptisera nos enfants ? Qui nous procurera le bienfait de la pénitence et qui ahsoulrn par I ia’lulgenca de la réconciliation les captifs de leurs péchés (Qui nobis pænitentiæ /nunus coilaturi su/tt et reconeiliaiionis indulcentra obitrictos peccatorum t’i/tcuUt aoluluri ? Uist. perai-c. II, xxxiv, [alias 11], éd. de Vienne, p. 3^ ;  ; P. L.,

LV1II, 3I2)

Ce cri, qui se mêle aux lamentations des martyrs, est singulièrement éloquent. Il nous fait entendre que a donner la pénitence », et donc >< confesser », au sens actuel de ce mot, rentre dans les fonctions ordinaires du ministère pastoral.

Aussi bien est-ce la constatation qui se fait en Gaule à la même époque. Là, ce n’est pas seulement au moment du danger qu’on s’empresse de « demander la pénitence ». Saint Uilairb, un évêqiie d’Arles de la première moitié du v' siècle, voyait les populations accourir en foule pour la recevoir. Son biographe nous fait de ces scènes un tableau plein de vie. Sous les traits anciens, il est facile d’y reconnaître les éléments ordinaires de nos confessions actuelles : l’aveu du péché, à peine indiqué mais conditionnant tout le reste ; la monition individuelle et l’absglulion, individuelle aussi, mais donnée sous la forme d’une prière, d’une bénédiction accompagnant l’imposition des maias.

C’est le dimanche surtout que le saint a donnait la pénitence » — formule technique pour l’admission .1 la pénitence par laci)nfe.ision.— O.i accourait alors de toutes parts. On voulait être repris par lui, s’en1847

PENITENCE

1848

tendre rapiieler iiar lui la sévérilc des jugemenls <liviiis el la grandeur des promesses célestes. Il excellait en effet à dépeindre l’examen à subir au jugement dernier, à menacer des ténèbres et des llammes de l’enfer. Qui savait, comme lui, vous remettre sous les yeux les blessures de votre conscience 1 La monition linie, la prière commençait, accompagnée de larmes et destinée à confirmer les fruits de pénitence. Suivait enfin l’imposition des mains avec sa formule de bénédiction : une femme aveugle un jour fut guérie en la recevant.

Quotiesciiniqiic j^aenitenlioni dédit, « aepo die dominico, ud cum torba vnria confluebat ; voUihat ad rjus casligalionem quicunique adesseTolebot [foite : valelial ?], lacrvmaruui se imbribus eluebat, cælestibus judiciis tcrritus, promissisque succensus ; taiiti geniitus. tanti Qelns aetanlit>iis na8cebaritur, ut vilæ pracsentis horreret hdlilaculiiiu. Quis iia lutnri judicii nionslravit examen.'Quisita lenebrosum leriibililer iiUinievil incendium, ' Quis ita flumen esurentis paritcr et rapientis cruciatus expressit ? Qiiis ila vulneia conscienliæ ante ociilo » îiis{>iciendu reduxit ? Adnionilione compléta, rum lacrymis supplicatioiium Bumebat exordia, ut jiænitenîiæ fnictinn quem monendo contulerat orando firmaret.Nam mulier quædam cueca, duui u>anus ejns împositione beiiedicitur, visuni se récépissé proclamât (l’i'a, cb. xiii, P. /.., L, 1233).

91. — Concluons. Ce tableau de l’administration de la pénitence en Gaule fait pendaiitô celui que nous n laissé pourMilan le biographe de saint Ambroise. L’un el l’axilre montrent les évéques appliqués au ministère que nous aiipcUerions aujourd’hui duconfessionnal. Le meuble sans doute n’y paraît pas, ni beaucoup d’autres accessoires de la procédure actuelle. Notre curiosité des détails n’est pas satisfaite.

Mais du moins l’importance apparait-elle grande, que de part et d’autre on attache à la pénitence administrée par lEglise. Pour les prêtres, c’est une des fonctions pastoralesles plus redoutables. Les lidèles, eux, demandent et reçoivent la pénitence. Quand les pasteurs prennent à cœur leurdevoir, ilsles voient se presser à leurs pieds pour la solliciter et ne se relever qu’après que s’est levée sur leur tête la main qui bénit et réconcilie avec Dieu.

Or, de cette pénitence, qu’elle soit plus ou moins publique ou d’ordre plus strictement privé, la confession jiroprement dite fait partie essentielle. Par là se trouve vérifiée la réalité du fait aflirmé par la foi catholique : de tout temps, pour obtenir de l’Eglise la rémission de ses péchés, il a fallu se confesser.

Chapitre III. — Le silence de Tantiquité sur la confession

98. — L La question posée. — Il reste cependant à dissiper un nuage qui résulte du fait, également incontestable, du peu de relief donné dans les descriptions antiques de la pénitence à la personne du confesseur et à l’aveu du pénitent. Comparée avec l’insistance mise depuis à prêcher la confession, cette omission ne laisse pas d’impressionner.

93. — La dilliculté peut se concentrer autour de saint Jean Cubysostome. On sait le zèle du grand orateur ; il a six homélies spéciales sur la pénitence ; ailleurs il insiste fréquemment sur la nécessité de se purifier du péché pour participer au"x saints mystères ; parfois il s’adresse à des auditeurs qu’il sait fort peu assidus à l'église, qu’il suppose coupables de fautes graves et nombreuses et qu’il exhort » à se préparer à la communion de Pâques ou de Noël : or, pas une fois, parmi les moyens de purification qu’il suggère, il ne mentionne explicitement la confession au prêtre. Il parle souvent de la confession du péché : mais l’insistance même avec laquelle il la dit alors s’adresser à Dieu, el à Dieu seul, semble exclure

absolument l’hj-pothèse qu’un homme, qu’un prêtre, y serve d’intermédiaire entre le pécheur et lui. On pourrait multiplier les exemples ; qu’il suffise de deux.

Dans le panégyrique de saint Philogone, il invite les assistants à se préparer à la fête de la Nativité du Seigneur, quia lieu cinq jours plus tard. Plusieurs, il le sait, ne communient guère, en dehors de Pâques, qu'à cette occasion ; encore objectent-ils, pour s’en dispenser, les fautes qui pèsent sur leur conscience. Et lui de les exhorter à profiter de ces cinq jours pour se purifier « par la pénitence, par la prière, par l’aumône et parles autres exercices spirituels ». Car, c’est vrai, qui est en état de péché n’est pas digne de communier, même une seule fois par an. Mais, reprend-il, les cinq jours qui séparent de la fête suffisent ; i la préparation nécessaire :

Qu 'i.s feuieiil sobres, qu’ils pi lent, qu’ils veillent, et ils réduiront la multitude de leurs péchés… Il n’est pas besoin pour cela d’un giHDd nombre de jours ou d’années ; une bonne résolutiori et un jour y suffi>ent. Dégagez-vous du mal, appIiquez-Tous à la vertu, renoncez à l’iniquité ; promettez de ne plus pécber el il n’en faut pas plus pour TOUS faire pardonner. Je vous assure et je vous donne ma parole que, à chacun de nous ici qui sommes coupables de péchés, s’il renonce à ses fautes passées et promet à Dieu sincèrement de ne plus y revenir. Dieu ne demande rien d’autre pour lui pardonner (P. G., XLVUl, 7b’i-755).

Dans l’homélie xx' sur la Genèse (n* 3), il parle du pécheur coupable de fautes d’impureté, fornication, adultère ou autres semblables :

Celui-là, dît il, s’il veut recourir comme il faut aa secours que lui offre sa conscience, s’empresser de confesser ses fautes, montrer sa plaie au médecin [à Dieu luimême, d après le contexte], qui la guérira au lieu de lui en faire des reproches, recevoir de lui les remèdes, lui parler seul à seul et sans aucun témoin (/^ovs ; « î-tw èLv^£y$?, 'jc/-t, fj.r, 5svci sloôrzç^j en lui disant bien exaclemenl tout, [celui-là, dis-je] n’aura pas de peine à effacer ses péchés, car la confession des péchés les abolit (P. G., LUI, 170 : el voir de même de Lazaro. IT, 4, /'. G., XLV11I, 1012 ; Hom., ! 'on esse ad firatiam conctonandum., 3, P, G, L, 658 ; De pænitentia, Bom., il, 1 ; iii, 4 ; vi, 5, P. G., XLIX, l » h : 297-299 : 322-323 ; CaUcIt. ad Hluminandoi 11, 4./' G.,.XLIX, 237 ; Hom., Quod peccata non sunt enilgandn. 3, P. G., LI, 356 : De Datid el Saule, iii, 4, P. G. LIV, 700 ; In Malt., Hom., x, 5-6 P., G.. LVII, 186191 ; De BaptUmo C/iristi, 4. P. G., XLIX, 370j.

II est facile de comprendre l’usage qui a été fait de ces paroles. Depuis le xvr siècle, il est classique chez les adversaires du catholicisme, de citer saint Jean Chrysostome comme le témoin irrécusable d’une pratique pénitentielle où la confession n’avait pas de place. Bien des réponses ont été faites, et il ne faut point perdre de vue que le grand orateur s adresse à un auditoire mêlé et variable, oii tantnl les catéchumènes sont mêlés aux fidèles, tantôt, ou contraire, ne restent que quelques ferrents qui communient tous les jours : la confession n'était pas également nécessaire pour toutes ces catégories d’auditeurs, et peut-être est-ce pour cela parfois que le prédicateur s’en est tenu à ce qui dans la pénitence est essentiel et de nécessité universelle. Il est incontestable de par ailleurs que la confession recommandée n’est réellement, en certains cas, -lue la confession intime et directe à Dieu lui-même, v. gr. de Anna sermo iv, 6 (P. G, LIV, 667) ; J’oii esse ad gratiam concionnndiim, 3 (P. G., L, 658). Néanmoins, le fait reste indéniable que, pour des cas même de fautes graves et entraînant ailleurs, nous le savons, l’assujettissement à la pénitence publique, l’orateur d’Antioche ne parle que de la confession à en faire à Dieu tout seul. 1K49

PENITENCE

1850

94. — 11. La solution. — i" Une.solution paiiielle. — Certains ontéraisriiypolhèse qu’en eUet saint Jean < hrysoslonie ne croyait pas à la nécessité pour le pécheur qui veut communier de recuurir en fait et immédiatement à la pénitence ecclésiastique : provisoirement la contrition pourrait lui sutlire, qui, supposée connue la nécessité de recourir uu jour au pouvoir des clefs, incluait la volonté de s’y soumettre ultérieurement. Collbt, De pænitentia, p. 11, cp. v, de confessione, n' 169, dans Migne : Cursus theolo^., t. XXII, p. (532-433.

Celte liypolhcsc, si elle écarte du grand docteur toute apparence d’erreur dogmatique, laisse subsister entier l'étonnement causé par son langage au lecteur d’aujourd’hui : il n’y a pas île doute en effet que, sur les lèvres d’un prédicateur de nos jours, des paroles comme les siennes dénoteraient ajuste titre l’ignorance ou la négation de la nécessité de la confession.

93. — 2° l.a question préalable sur le sens des paroles de saint Jean Chrysostome. — A) D’après ses devanciers et ses contemporains. — Mais peut-être est-ce là même que se doit poser au sujet de saint Jean C^hrysostome la question préalable : faut-il interpréter ce langage de jadis d’après nos usages d’aujourd’hui ? Rapproché de celui de ses devanciers ou de sescontemporains, ila|)paraitcertainement beaucoup moins exclusif. Car ceux-là même dont il est le plus avéré qu’ils prêchent la nécessité et atlesleut l’usage de la confession au prêtre, parlent néanmoins à ce proposou ne parlent même alors quede la confession à Dieu.

Ici, il faut faire la preuve.

96. — Voici d’abord Origènb : on observe chez lui une facilité remarquable à passer, à propos de confession, du prêtre à Dieu lui-même. A peine, par exemple, a-t-il nommé la rémission du péché parla pénitence ecclésiastique, n la pénitence dure et laborieuse » où, entre autres choses, le pécheur « ne rougit pas d’indiquer son péché au prêtre du Seigneur pour lui en demander le remède », qu’il lui applique une parole de l’Kcrilure sur la confession à Dieu luimême « … cum non erubescit SACEnooTi Domini indicare peccatuni sumnet quærere medicinain. secunduni eum lyHi ai< [/*, xxxi, 5J : « Dixi : pronunliaho adt’ers’tni me injustitiam meant Domino, et ta n-ntisisti iinpietnteni cordis me ; » (/ « Lev., IIom., 11, 4, P.( !., ^i, 418-419). La pénitence à base de confession ainsi présentée, Origène y revient un peu plus loin pour en faire la description (// ; i</., 41g C). C’est le sncritice pour le péché <Ie la Loi nouvelle ; elle comporte les gémissements de l'àme et les macérations du corps (, <i in amnriludine flelas lui f’ueris, luclii, tacriiiiis et lamenlationi' confectus ; si carnem titam maceravris^et jejuniis ac multa ahstinentia aritlam feceris et dixeris quia sicut frixoriuni confrixa sunt ossti mea). Mais c’est tout : 1e prêtre n’est plus mentionné.

L’homélie suivante rappelle encore ce « sacrilicede la pénitence » et les offrandes qu’il comporte (hi I.ew, //" » !., iii, 4). Une fois de plus elle est rattachée à la parole de David sur la manifestation de son péché au Seigneur. L’argument y est lai’gement développé, qui se tire du texte classique d’Isaïe : Dis toi-même tes iniquités le premier pour être justipé (f. (1., XII, '(29). Mais pas une allusion n’y est faite au prêtre, pas un mot n’y fait deviner qu’il soit admis à entendre lui aussi cette « prononciation du péché ». Et cependant, un renvoi formel (n Si sacri/icium pænileutiæ obluteris.^ sccundum ea qiine in siiperiorilnis diximus offerenda 1, P. G., XII, 429 15 et cf. 4>y C. 'iiSC) à la forme de pénitence déjà rattachée à cette même parole de David ne permet pas d’en douter, il s’agit bien toujours de cette pénitence « dure et

laborieuse » où c le pécheur ne rougit pas de manifester son péché au prêtre du Seigneur et de lui en demander le remède ».

97. — Il se dégage donc de là pour nous une règle d’exégèse cjui est en même temps une leçon de prudence : ne parler que de confession à Dieu, n’est pas exclure par là même la confession au prêtre. Et la pensée se présente d’elle-même à l’esprit, d’en faire l’application âsaint Jean Chrysostome. Lui aussi rattache la confession à la parole classique d’Isaïe. N’y aurait-il pas lieu d’interpréter le développement qu’il en fait par celui que nous venons de trouver dans Origène ? Le rapprochement ci-dessous en fait, croyons-nous, ressortir sulUsarament le parallélisme I)our que la question au moins se pose, si l’un est plus exclusif que l’autre de la présence du prêtre dans la confession à Dieu.

Si qui « lin ooculla gerimus, … cuncta oecesse e^i proferri ; [iroferi-i autem ab illo qui est accusator [>pccuti ac incentor. Ipee enini nunc nos ut peccemus instigat, ipse etiam, cum peccaveriiuus, accusât. Si ergo in vita præveniamus eiira, et ipsi nostri accusatorea simus, nequitiam diaboli iainiici nnslri etacciisaloris elïugimus. Siccnim… propbela (licit : Die tu, inquit, tniquilales tuas prior ut jusli/îceri.i^… ut ostendat tibi quia prævenîre illuiii (lebeas rpii paratus est ad accu3andura. Tu ergo, inquit, die prior ne te ille prævenial… Praftventns enîrndiabolus inacousatione ultra nos accusare non poterit (OntGÈME, / ». G., XII, 429 A-C).

Peccasti ? Die Deo : Peccavi… Num enim tu, niai te ipsum dixeris peccatorem, a diabolo non accusaberis ?

Præoccupa et eripe illi sunm dignitatem : ejus enini dignités est accusare. Cur igilur illum non prævenis et peccatum dicis et criinen purgas, cum pi-'-be .scias talem accuaatorem tibi, ipii tacere nequeat, imiuinere ?

Peccasti ? In ecclesiam iiigredere. L)ic Deo ; Peccavi. Nihit aliud abs te niai su]um istud esigo. Ait enim Scrî[>tura sacra : Die tu primita iaiquitatcs tuas ut justiflceris (Cnr.rsosTOMF. De pa€nil., Ho/n, 11, , P.G., XLIX, 285 ; cf. in Gcæs., lIom.xK, 3, P. G., un, 111).

98. — La même règle d’ailleurs, ou la même leçon, se déduit de saint Cyprien. Son insistance à revendiquer pour Dieu seul la rémission du péché semble au premier abord aussi exclusive que possible de toute intervention du prêtre :

Que personne ne s’y trompe, écrit-il aux apostats, et que personne ne voua trompe : il n’y a que le Seignuer qui puisse faire miaér’icorde. Le pardon des péchés commis conli-e lui, re ! ui-h seul peut l’accorder qui a porté nos péchés, qui a aoulTeitpour noii-^… L’homme ne peut pus être au-dessus de Dieu, et le serviteur ne peut remetire ou faire ^râce pour un péché commis contre le Seigneur… C’est le.Seigneur qu’il faut prier, le Seigneur qu’d faut apaiser (/>e /.t/ï.^r « , xvii, p.2'j'.').

Dans l’exhortation à la pénitence, à l’exomologèse, à la confession (///l’rf., xxix-xxxvi), il ne parle encore que de satisfactions et de supplications à adresser à Dieu lui même ; l’exemple qu’il propose est celui des trois enfants qui, dans la fournaise de Babylone, faisaient leur exomologèse à Dieu (xxxi). Et cependant, nous le savons, l’exomologèse ainsi recommandée est bien celle qui se fait aux pieds et sous le contrôledes prêtres : « apud sacerdoles Dei con/itente>, exomologesint ronscientiæ facivnt », vient de dire saint Cyprien ('xxviii) en parlantdes « libellatiques ». Ici même (xxix) il montre les prêtres instruments de la réiiission du péché ainsi obtenue (satisfactio et remissio /acta />er sacerdotes apud Dominum grata est). Cette allirmation dernière, pour se concilier avec les précédentes, ne suppose-t-elle pas une certaine iilentilicalion établie [>ar l'évêque de Cartilage entre le prêtre et le Seigneur dont il est le ministre ?

99. — De même pour saint Amdiioisk. iVous 1851

PENITENCE

1852

l’avons déjà vu (n"' S^-SS), le rôle du prêlre est si peu apparent dans son traité delà Pénitence qu’au premier abord on pourrait l’en croire absent. Soit chez lui, soit chez son biographe, la confession au prêtre ne se présente que comme une confession à Dieu ; même où elle se distingue de cette <c première » confession qui se fait dans l’intinie de l'âme s’avouant coupable à elle-méuie, c’est encore à Dieu qu’elle s’adresse. Cependant, nous l’avons vu aussi, le prêtre intervient dans l’administraiion de cette pénitence ; il y apparaît comme étant en tiers dans la confession faite à Dieu par le pécheur. Pour saint Ambroise, c’est même un trait caractéristique de la Loi nouvelle, que cette rémission du péché par l’intermédiaire du prêtre. David l’avait annoncé (/ «  Ps., xxxviii, 3 ; , P. /,., XIV, 10678) et ne demandait lui-même directement à Dieu le pardon que parce que les i)rétres d’Aaron n’avaient pas le pouvoir réservé aux prêtres de l’Evangile (Ihid., 38, io58 A). Voilà déjà bien certes une indication à retenir.

Mais il y a plus. L’exhortation à la pénitence qu’est son homélie sur le psaume xxxvii (/'. /,., XIV, io33 sqq.), ne se tait pas seulement sur la présence du prêtre dans la confession, elle semble formellement l’exclure. C’est à Dieu seul que le pécheur reçoit l’invitation de s’adresser (Qui proposuisli satiafacere pro delictis Domino Deo tua, illi sou inleriori corde te purga, n*46 ; io33 B).Lui-même est le médecin qui traite les âmes (quia peccata ntea lil/i aperire desideravi et con/iteri ; … lulnera inea pietati tue puiavi esse reseraitda wbb ; 103^ Aetn" 5^ ; io38 B) ; c’est à lui qu’il faut recourir pour recevoir le remède approprié au mal dont on souffre {/psi nus committiznius paruti ad cuiandum ijuo velil cuiaii medicamento. Vide eum qui curaii yelit onini gencre inedico acquiescenteni… Auent iitlnera sua medico, et dicit : Cura me : n'ôô, 1007 B-C). L'énumération et l’accusation détaillée des fautes commises se fait à lui (Xuit solum conjiletur peccata sua, sed etiam enumerat et accusai ; non vult oumino latere delicta sua, n° 5^, 103^ D). C’est Dieu seul, eu un mot, qui semble présider à la pénitence qu’a en vue le prédicateur. Le caractère ecclésiastique cependant en est indéniable. L’allusion aux conséquences publiques qu’elle entraîne, le prouve : parce qu’il s’est fait lui-même son propre accusateur — l’expression scripturaire classique reparaît ici -.Justus accusator est sui in priitcipio sermonis (n" 5^ ; io38 A), — le pénitent se oil mis au ban des lidèles : a Fugiebant nie quasi mortium, et aliominali.sunt, quia peccata mea tiii aperire desideraii et cunfiteri… Ilumines me dereliquerunt, quia sordent illis vulnera mea, quæ pietati tuæ putavi esse rescranda » (n"* 55 et b-), io36 A-io38-B) : ce qui ne peut être que l’effet d’une intervention sacerdotale, dont noue connaissons de par ailleurs l’existence et l’action, mais qu’aucun trait ici ne vise explicitement.

100. — On comprend certes qu’en présence de ces paroles un historien superUciel, habitué à ne tenir compte que des mots et des formules brutes, ait pu parler de contradiction dans le langage de saint Ambroise (Lka, t. I, p. u4-n5). Mais, pour qui se dégage île cet asservissement aux expressions actuelles, tout se simplitie et s'éclaire ; saint Ambroise s’explique et s’interprète lui-même ; pour le comprendre, il n’est besoin que de se rappeler sa doctrine générale, qui lui est commune d’ailleurs avec tous ses contemporains, sur les rapports deDieuet du prêtre dans l’administration de la pénitence. Tous les Pères ont eu à s’en expliquer avec les Novatiens. La pénitence dont ils revendiquent la légitimitéa cela de propre qu’elle est le traitement du péché par les

hommes et non pas exclusivement par Dieu. Les Novaliens, eux, se défendent de guérir eux-mêmes le péché : voilà pourquoi.dit l'évêque de Milan, la parabole du bon Samaritain ne saurait leur être appliquée (De pænil., 1, vi, 27-29). Les catholiques au contraire — et c’est sur quoi porte toute la discussion — revendiquent ce j)ouvoir. Mais ils ne renoncent pas pour cela à débouter les Novatiens de leur accusation d’empiétement sur le monopole divin. Ils y opposent le principe que, dans la rémission du péché, l’action de Dieu et celle du prêtre se confondent.

li Dieu heul peut pardonner aui péiiiteiUa », disent le> NoTatiens — « C’est vrui, leur répond saiot Paciïn, la contemporain Ji Barcelone lie saint Ambroise..Mais ce qu’il fait par si-s piètres est leffct de sa puissance. N’a-t-il pas dit aux apôtres ; « Ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel ; ce <[tie vous délierez sur la terre sera délié dan » le ciel ?… Il est vrai : parsonællement et à cause de nos propres pécliés.il serait vain et téméraire de nous attribuer ce [muvoir : mai » parce que nous occupons U cbairu des apâtres, Uieu ne nous le refuse pas » (Ep. 1, 6, P.L., XIII, 1057 AC). - ((.Mais pourquoi, reprenez-vous, remettre les péchés au pénilont.'ll n’y a qu’au baptême qu il nous soit permis de remettre le péché. — Bien plus ; à moi, cela même ne m appartient pas. C’est Dieu seul fui accorde le pardon du baptême et qui accueille les larmes de la pén iîence. Ce. que je fais, ce n’est pas en mon nom, mais au nom du Seig : neur ; nous sommes les auxiliaires de Dieu {Quod ego facto, id non nico jure, sed Vomini : Dei sumus adjutores ;. Soit donc que nous baptisions, soit que nous imposions la pénitence ou que nous accordions l’absolution, c’est au nom du Chi-ist que nous agissons [Ckristo id auctore Iractamus). A vou » de voir si le Christ peut le laii », si le Christ l’a fuit u (Ep., iH, 7, F. L.,., 1068. 13-C).

I 101. — L'évêque de Milan tient le même langage :

i Pourquoi baptisez-vous, si le péché ne peut pas être remis par l’homme ? Le bapté ne n’est-il pas lui aussi la I rémission de tons les péchés ? Qu’importe doncque ce soit { dans la pénitence ou dans le baptême que les pi-êtres j i-evendiquei>l ce droit ? [Quid interest utrurn per pæni~ j teniiam anper laracrum hoc rus sibi datutn sacei dotes vin idicanl.^) Le uiystére est le même dans les deux cas. — Mais, dites-vous, au baptême, c’est la ^râce des mystères qui opère. — Et dans la pénitence ? Est-ce que le nom de Dien n’y opèie pas ? [De pæn., l, viii, 36-33.)

Et le grand docteur, résumant sa pensée en quelques-unes de ces phrases dont la brièveté fait ressortir la plénitude :

Oui, dit-il, le Sei}<neur a doDoé à ses disciples une puissance très étendue Il veut que ses petits serviteurs fassent en » « >n nom ce que lui-même faisait quand il était sur la terre… Il a tout do.iné 4 ses disciples…

…Il leur a tout donné, mais dans tout cela le pouvoir de l’homme n’est rien, c’est la grâce divine qui agit (Omnm

dédit, SBU NUI. LA IN UIS BO.MIMS POTKSTAS EST, UBI DIVINI MUNEHIS CKÀTIA VICET}I, TIII, 34-35).

Ce n’est donc pas, on le voit, un simple expédient de polémique, que cette absorption de l’action du l>rêtre dans celle de Dieu. Le i)rincit>e en est dès lors à la base de toute la doctrine catholique sur la rémission du péché par l’Eglise. Aussi se retrouvet-elle partout chez saint Ambroise. Elle se traduit en particulier dans toutes ces formules sur le caractère déprécatoire de l’absolution ecclésiastique (v. g. De pnenii., II, x, 91-92, etc. ; De ^pirita Sancto, III, xviii, 137 ; In ps., XXXVII, 10 ; In Luc. étang, expos., , i i et gi ; VII, 2a5) dont ses explications, jointes à celles de son biographe et de son contemporain de Barcelone, ne permettent pas de méconnaître le sens réellement opérant : c’est Dieu et le prêtre qui simultanément traitent les âmes et guérissent les blessures que leur ont faites leurs péchés. Rien d'étrangedcs lors, quele langage courant les confonde.

102. — Et en effet, c’est jiartout à cette époque que 1853

FKNITKNCK

1854

se conslale étiez les iiréilicateurs celle insistance exclusie sur la iiénileiice dont Dieu seul est le témoin cl le juge. Ceux-là même dont la doctrine pcnitentielle est la plus connue de par ailleurs comme important l’intervention du prêtre, ne song^eul plus, dès qu’ils sont en chaire, à la mentionner et à la mettre en lumière.

Saint Basile, par exemple, dans une exhortation à la pénitence qu’il adresse aux pécheurs, ne leur parle que de la satisfaction à ofîrir à Dieu.

Votre juj^e veut hvoïi" pitié de vous et vous fuira bénéficier de ses miséricordes ; mais [ce n’est <]uej s’il vous trouva humilié de votre péché, contrit, versant des larmes sur vos mauvaises actions, dévoilant sans fausse lioote ce qui n’est passé en secret, demandant a vos frères de vous aidera obtenir la ^uèrison ; s’il vuu> voit en ua mot digne de pitié, il vous accordera abondamment sa miséricorde [llom, in ^5., XXIII, 3, / G'., XXIX, 332 AB).

103. — Saint Augustin fait de même. Il exhorte les pécheurs à la confession qui peut seule leur épargner les révélations du jour du jugement. S’y refuser pour demeurer caché, c’est se mettre dans l’irapossibilité de demeurer caché : « Sî non confessas laies, con/essus Jamnaheris. Times confiteri, qui, non cunfiiendo, esse non potes occullus. » On se condamne en se taisant, alors qu’on pourrait être sauvé en avouant.

« Damnalieris tacitus, qui jwsscs tiberari con/essiis. >

Cette confession spontanée, qui sauve, l’orateur l’opposcàcelleque la torture arrache aux criminels ; elle est donc bien orale et détaillée ; elle ne saurait donc bien se comprendre que si elle manifeste des fautes secrètes à quelqu’un qui, sans cela, les ignore, à un homme par conuéquent. El cependant saint Augustin n’en parle que comme d’une confession à Dieu lui-même.

Vous craignez delà faire à Dieu ? Il faut au contraire la lui faire avec joi «. Pourquoi ? Parce que celui h (jni ou la fdil est bon ; il exi^'e la confessi.m pour pouvoir acquitler celui qui s’humilie ainsi, [tout comme] il condaiaæ celui qui refuse de ne confesser pour ciiàiier son orgueil. So^ ez donc triste avant la confession ; mais après, réjouissez-vous : vous serez guéri. Votre conscience s'é'uit empo : sonni'*e ; un abcès s’v était formé, qai vous toiM’mentait et ne vous laitsait aucun répit. Le médecin a[>plique le calmant de ses [bonnes] paroles ; parfois il tranche ; la tri : >ulutiou qui vous éprouve, c’est le bistouri qui fait son œuvre ; reconnaissez la main du médecin ; avouez : que dans la confession toute votre infaction sorte et s'écoule..prè8, réjouissez-vou » et felicilez-vous ; le reste sera facile à guérir (/ « J’s, , Livi, 6-7, P. £., X.XXVI, 808-S01<).

Plus signilicatif encore peut-être : saint Augustin, dans son sermon ccLxxviii, 12, parle explicitement des fautes graves et mortelles à expier par la pénitence proprement dite : Sunt quæa’ant ^raiia et morlifera, qnæ nisi per vehemeniisiintam niolistiam liuiniliiitionis cnrdis et contritiunis spintus et tribulationis pænilentiæ non relaxantur i. Ce sont les péchés à remettre par le pouvoir des clefs : « llæc dimittunlur per cla’es Ecclesiae. « El cependant l’exhortation à recourir à cette pénitence ne contient pas un mot d’allusion à l’inlervention du prêtre : la rémission de ces fautes y est présentée co.urae étant exclusivement affaire à Dieu et au pécheur :

Ces fautes là soNr kemisks i>ak les clefs ds l’Eglise. En effet, si vous vou* jugez vous-même (si eiim tu te coepéris judicaie), si vous vous déplaisez à vous-même, Dieu viendra pour vous faire miséricorde. Con.^entez k voua î>unîr vous-même, et lui pardonnera. Hien faire la pénitence, c’est se punir soi-même. U faut être sévère pour soi, si l’on veut que Dieu se montre miséricordieux. David le montre bien : Détournez foire face dr mes péchés, ditil, et effacez toutes mes tuiquîtés. Mais k quel prix ?(Q « o nierito ?) Le f » saume l’indique : Purée r/ue je reconnais moiinéme mon iniquité et que mon péetié est toujours présent

U mon esprit. Si donc vous vous reconnaissez coupable, lui vous pardonne ; Siergo tu agnoscis, ille ignoseit (P.L,. XXXVllI, 1273).

104. — Le pape saint Lkon cnGn, dont les lettres, nous l’avons vu (11° ^3), maintiennent si fermement l’obligation traditionnelle de se confesser au prêtre, a deux sermons sur la iiénitencc (xxxvi, /(, et xliii, 2-4) qui n’y font pas la moindre allusion. Et cette omission est d’autant plus à noter que lui aussi, coiniiie saint Jean Chrysoslome, y engage ù se préparer aux fêles de Pâques des fidèles, r qui ont passé presque toute l’année dans l’insouciance et la négligence » (/". /.., LIV, 2830). Or les idées qu’il y cléveloppe ne sont pas autresquecellesde l’orateur d'.Vnlioche. Qu’on ne se rassure pas parce que les regards du pasteur ne peuvent pas pénétrer l’intime de la conscience : Dieu, lui, y voit et il connaît les pensées comme les actions. Que personne donc ne se promette l’impunité ; mais qu’on en cliercbe le remède, pour pouvoir célébrer dignement la Pâque du Seigneur. Et les remèdes aussi sont les mêmes que ceux qu’indique saint Jean Chrysoslome dans la même circonstance : le pardon des injures, la réconciliation avec les ennemis, l’aumône (P. L., LIV, 284).

A ne tenir compte, en un mol, que de ses sermons, on pourrait être porté à croire que le pape, dont on a voulu faire l’inventeur de la confession au prêtre, ne connaissait lui aussi que la confession à Dieu.

105. — Les raisons de ce silence peuvent être nombreuses et de nature diverse. U y faut faire sans doute une large place à l’incertitude où l’on est encore, et où l’on devait rester si longtemps, sur l’effet propre de l’action du prêtre dan » la rémission du péché. On n’en était pas encore à la distinction, si longue et si pénible à établir, entre la part qu’y ont les actes du pénitent et celle qui y ajiparlient à l’absolution du confesseur. La pénitence est un ensemble, où ce qui importe est ta satisfaction à offrir à Dieu i>our en obtenir le pardon.

De cette satisfaction, le prêtre n’est que le juge et le garant. Aussi est-ce les yeux fixés sur Dieu qu’elle doit s’accomplir, et ainsi s’explique qu’en y exhortant les pécheurs on concentre toute leur attention sur celui à qui elle s’adresse directement et exclusivement. Le prêtre ainsi esl laissé à l’arrièreplan. Il disparait d’autant plus aisément que son action, là môiue où elle est le plus réelle et efficace, se confond, ajirès tout, avec celle de Dieu lui-même.

106. — Telle esl, avons-nous vii, la clef des contradictions apparentes qu’on a cru relever dans le langage de saint Arabroise. C’est celle aussi que nous indique saint Léon.

u Dans le ministère de la confession et de la réconciliation des pécheurs, écrit-il en propres termes, le Sauveur, qui l’a conlié aux chefs de l’Eglise, ne cesse pas d’intervenir lui-même, et il n’est jam.iis absent de ce qu’il a commis au soin de ses ministres. Sa parole est là : Voici que je suis avec vous jusqu'à la consommation des siècles. Si donc il résulte quelque heureux fruit de noire ministère, n’en douions pas, c’eslleSainl-Espril lui-même qui eu est l’auteur :

« Cui operi — potestas pruepositis Jiccletiæ trudiia, 

ut et confitentibus darentætiunempænitentiæ eteosdem saluliri satisfactione piir^atos ad communioneni sacrameniorum per junnam reconciliationis admittcrent' — incessaliililer ipse Salvator inter-enit, nec uriquam ah liis abestquæ ministris suis exseqnenda romniisitf dicens : Ecce e^o vobiscum snm omnibus diebus usque ad consummalionem sæculi : ut si quid per seretluteni nnslrani liono ordine et ^ratulando unptetiir e/fectu, non ambi< ; nmus per Spirituni Sanctum fuisse donatum » Çld Tlieudoruni — Jai’ke, 485, 1855

PENITENCE

1856

l'.L., LIV, loia). — Aussi, en rappelant auxévêques de Campanie que la confession secrète suflil pour la pénitence,.ijoule-t-il formellement que cette confession, si elle se fait aussi : iu prêtre, pour lui permettre de s’acquitter de sa fonction d’intercesseur, s’adresse d’abord à Dieu lui-même. « Su/ficit illa coufessio tjuæ raiMUM Deo ofjeitur — cf. Vhæc est PRiyiA con/'essio apiid auvtorem naturæ », saint Auibroise : ci-dessus n' 87 — lu : ii etiani sacerdoli, rjiii pro deliclis pænilentiuin precalor acceJit » (P./.., LIV, 1311).

107. — La preuve est donc bien faite, que les exhortations à la pénitence, loin de comporter, aux premiers siècles, l’insistance sur le recours au prêtre que des causes diverses, les contestations de l’iiérésie entre autres, ont rendue nécessaire plus tard, ne le mentionnaient même habituellement pas. Ce fait, constaté chez les devanciers et les contemporains de saint Jean Chrysoslonie, doit nous guider dans l’interprétation de son langage. D’autant plus que ce langage, nous le savons, ne surprit alors ni ne choipia personne. Et voilà déjà qui réduit singulièrement l’importance du parti qu’on s’applique à en tirer contre la nécessité et l’antiquité de la confession.

C’est vrai : l’orateur d'.Vntiochea sur lasullisance de la pénitence subjective et de la confession à Dieu des paroles nombreuses et précises. Mais le fait est pareillement incontestable qu’autour de lui la pratique existait de la confession au [irêtrejnous croyons même avoir établi qu’elle était universelle tant en Orient qu’en Occident. Si donc son langage n’a pas offusqué ses contemporains ; si, malgré un enseignement ipii, pris à la lettre, paraît contredire le leur, il n’a provoqué de leur part ni désaveu ni protestation, c’est donc <]ue la contradiction n’est qu’apparente et que ses paroles n’ont pas le sens négatif et exclusif qu’uu aime à leur trouver : la logique et l’hiêtoire commandent de les interpréter nu sens catholique ; en avouant ce témoin de sa foi, l’Eglise d’alors garantit son orthodoxie à l’Eglise d’aujourd’hui.

108. — B) D’après sa conduite persujinelle. — Ce ii’estil’ailleurs pasrpi’avec sescontempor.iins d’Asie, d'..frique et d’Italie que l’orateur d’Antioche se trouve mis en contradiction par l’interprétation littérale de ses formules ; c’est aussi avec lui-même et avec la pratique quotidienne des Eglises où il prêche la pénitence.

Avec lui-même d’abord, car, devenu évêque de Conslantinople, il s’applique, nous le savons, au ministèrede laconfession. Sesadversaires lui en font même un crime ; son collègue novatien le prend à partie sur ce sujet ; un moine, au concile du Chêne, lui re[)roche sa trop grande accessibilité aux pénitents (ci-dessus n' 64). A entendre l'évéqueen chaire cependant, on ne se douterait pas de cette grande activité du pénitencier. Dans une de ses homélies, il nomme bien, il est vrai, parmi les éléments de la vraie pénitence, la docilité à l'égard des prêtres (ri roi ; « Ù4 UpîTi ^X- 'i? ;) et il fait bien allusion à la parole de saint Jacques sur les péchés remis à leur prière (in llebr., Hom., ix, 4, l G., LXIII, 80 et 81). Mais il ne précise pas autrement le rôle des prêtres, tandis qu’ayant énuméré la confession parmi les éléments de cette même pénitence, il semble très claire ment la réduire au reproche que le pécheur se fait à lui-même de sa faute (17 » ; </.). Ailleurs, il la présente commese faisant à Dieu lui-mème(( « J/ebr., Ifom., x.xxT. 3, P. G., LXIII, 216) ; et lorsque, aux approches de Pâques, il exhorte les lidèles à la communion qui, pour certains, est la seule de l’année, c’est encore sans aucune allusion directe au recours

au prêtre par la pénitence (iii Ueir., Hom., xvii, /'. G., LXIII, 131-183). Une fois de plus, Lba parle ici d’inconsistance(t.I, p. 1 15). L’allitudedesaiul JeanChrysostome est en réalité la même que celle de saint .mbroise : application assidue au ministère de la confession ; en chaire, pas d’allusion à la confession. '

109. — Pour les discours prononcés par le même saint Jean Chrysostome à Antioche, le problème se pose dans les mêmes termes. Là aussi, la pénitence ecclésiastique, la pénitence publique tout au moins, est en vigueur. Son traité du sacerdoce parle déjà de la prudence nécessaire à ceux qui l’imposent (II iv). Devenu prêtre lui-même et prédicateur, il en oppose les exercices laborieux à la rémission gratuite du bapUnie(Adilluminandos, }i,-i ; 1, 4. /'. (/'., XLIX, 234 et cf. 228 ; De S. Penlecoste /Jom., 1, 6, P. G., L, 463).. Antiocliecommepartout, les » pénitents » sont renvoyés au moment du sacrilice (In Eph., Hom., III, 4, /'.., LXIII, 29). La durée de l'épreuve y est comme partout proportionnée aux dispositions du pénitent : pour délier ceux qu’on a liés, on attend qu’ils aient fait des fruits de pénitence (/n H Cor.. Ilom., XIV, 3, /'. G., LXI, 002) : ce qui suppose un régime pénitentiel à base de confession. Comme Origène, comme saint Ambroise et les autres piédicateurs de son temps, il indique la confession des péchés les plus secrets comme le moyen de prévenir les accusations du démon au jour du jugement (ci- dessus, n° yj).

110. — Et cependant c’est dans cette même ville que le prédicateur sembles’appliquer à se démentir lui-même. L’aveu du péché. Dieu seul le reçoit. Nul autre n y est admis. La pénitence eile-niéme ne comporte aucune manifestation du péché : » Vous les elVacerez à l’insu de tout le momie » (ouJevi ; dô-.zoi). dit-il à ses auditeurs, en les exhorlant à recourir au a laborieux remède » des péchés commis après le baptême (In S. Penteco.ite, Hom., i, 6, /^. ^<'., L, 464, etc. f. 463) ; et il ne se doute apparemment pas qu’il les met ainsi en présence de deux aOirmations contradictoires : rémission par la pénitence publique fondée sur la manifestation de la faute, rémission obtenue à l’insu de tout autre que Dieu. Prises à la lettre en effet, il est manifeste que ces deux expressions s’excluent mutuellement.La conclusion à retenir des homélies d’Antioche serait, dès lors, la suivante : l’orateur, qui, tant de fois, atteste l’existence de la pénitence publique, travaille systématiquement à la discréditer et à l’abolir. Non seulement il l’omet dans son énumération des voies ouvertes à la rémission des péchés (De pænitentia, Hom., met 11) ; non seulement il y soustrait, en déclarant sullisante la confession à Dieu (v. gr./n Gen., Hom., xx, 2, P. G.. LUI, 170-171 ; De David et Saule, iii, 4, P. G., LIV, 700 ; In Miitih., Hom., x, 5-6, 186-191 ; /)e Lazaro., iv, 4-5, /*. CXLVIII, io12-io13 ; /n Joan., Hom., xxxiv, 3, P. G., LIX, 196) des péchés qui, comme la fornication et l’adultère, y devraient normalement être sou mis ; mais, à l’heure même où il en rappelle la rigueur et l’ellicacité, il en exclut l'élément fondamental.

111. — Et, qu’on le remarque bien, cette hypothèse de deux attitudes si contradictoires, malgré ce qu’elle a de contraire au caractère de saint Jean Chrysostome, s’impose à quiconque veut conserver à ses formules négatives leur sens exclusivement et matériellement littéral. M. Holl l’a bien vu(Enthiisiasniii.<i und Buss^eiviilt, p. 272)..Vussi, est-ce pour échappera cette dillîcuUé qu’il propose de restn-indre aux péchés véniels les passages sur la suffisance de la pénitence subjective ; les péchés mortels n’y seraient point visés. Mais, à l’appui de cette restriction, il n’apiJorte pas un seul texte. L’orateur, lui, ne

I 1857

PÉNITENCE

1858

fait pas de réserve ; son langage est aussi exclusif pour les pi’clics mortels que pour les véniels. Que devient dans ce système l’interprétation étroite des textes ? La question se pose nécessairement ; et la réponse proposée est la condamnation formelle <lu littéralismB. Nous croyons plus sûr de demander la réponse aux contemporains ; Chrysostome luimême nous y invite.

lis. — Cette confession à Dieu, en effet, il la présente d’une part sous les mêmes traits que ses contemporains, dont nous savons qu’ils y admettent le prêtre en tiers, et de l’autre il la demande telle qu’on ne saurait l’identiûer avec un aveu purement intérieur et de conscience.

Gomme saint Ambroise (ci-dessus n » 3^), saint Jean Chrysostome distingue un douMe aveu du péché : l’un se fait au tribunal de la conscience ; Dieu seul, là, contrôle le jugement du pécheur par le [lécheur lui-même. Mais cette première sentence n’est i|ue pour préparer une seconde accusation du péché, et celle-ci se distingue à la fois et du remords et de la conscience qui l'éprouve.

L’homélie xxxiv sur saint Jean montre bien cette succession des deux confessions ; les fidèles doivent d’abord procéder dans l’intime de la conscience au jugement de leurs actes ; ils ne recourront qu’ensviite à cette pénitence qui comporte la manifestation aux hommes — à un ou à deux tout au moins, est-il dit — des fautes les plus secrètes (/'.G., LIX, 197).

Le ive sermon sur Lazare (n. 7) distingue plus nettement encore ces deux phases de la pénitence : d’abord l’examen et le jugement par la conscience, I>uis la sentence et son exécution ; et c’est dans la série des peines ainsi prescrites que se trouve comprise, en même temps que les larmes, le jeline, l’aumône, etc., la confession ou exomologése ; dons le contexte et à ce moment de l’expiation, il est de toute évidence que l’exomologèse ne saurait plus s’entendre d une accusation faite à Dieu au seul sanctuaire de l'âme (P. G., XLVIIl, 1016).

La xx" homélie sur la Genèse, enlin, met en pleine lumière l’opposition entre la voix de la conscience et la voix du pécheur qui se confesse.

Telle e^t la bouté de notre Maître qu’il a mis en nous cet accusateur qui ne s’apaise jamais, qui sans cesse est là pour protester et pour demander vengeance des fautes coin mises… Le fornicateur, l’adultère, ou tout autre eriniinel, peut bien avoir échappé à tout regard ; umia 'l’aToir en lui cet accusateur acharné, suffit à déchaîner la tempête dans son âme. On dirait un bourreau qui l’acconijiHgne et ne cesse pas de le flageller, tellement est intolérable le cliâlimenl que, à 1 insu de tous, il s’inflige à hii-inérne en so faisant à la fois son juge et son accusateur… Toutefois il ne tient qu'à lui de trouver un secours dans sa conscience ; s’il se décide à avouer ce qu’il a tait (ÈTTt TOI èJo/ioioyriiiK Ta » Ktnpxyfiivu’j iTsayOPim.t], à montrer su plaie uu médecin, à recevoir de lui les remèdes, à lui parler seul sans être vu de personne (fj.ovo< ; kùtû SfxXcySfimt, /iriSetii eiSoTOi) et à tout lui dire exuctement, il sera vile relevé de sa chute (/n Gen., Hom., xx, 3, /'. G., LUI. IG « -170).

113. — Distincte du remords et en procédant, la confession à Dieu doit déplus être orale : le pécheur doit (I dire » son péché. Le « dire » : Chrysostome n’accentue pas moins que saint Ambroise ce mot de l’Ecriture :

Poiirq’ioi donc, dis*moi, pourquoi donc avoir honte et rougir dédire ton péché }… Ne crois pas, si tu ne le lui 'lis p : » '*, qu il l 'ignore. Pour quel nioli f ne le dirais- tu donc pas ? G-î u’esl pis pour te punir, c’est pour te pardonner qu’il veut que tu le dises… Si tu ne di.sais pas jusrju’où semfinte ta dette, tu n’apprécierais pas l’excès de la grvre qui t’est faite… Dis-moi ton péché, à moi tout seul iDc Inzdro, Hnm. iT, 4. P. G., XLVIIl, 1012. Mais, n. b. : c’est Dieu qui parle).

Tome III.

On ne saurait imaginer écho plusfidèle à la parole de saint Ambroise :

Qui jnces iii tenebris conscientiae, etdelictorum sordilius, [r| nsi] quodam reorum carcere, exi foras, delictum proprium prode, ut justiâceris : Ore enim fil confetsio ad salutem (De pæn.. ii, vii, 57. P. L., XVI, 5Il B).

L'écho se prolonge d’ailleurs : lui aussi, cette confession qui soulage la conscience, Chrysostome la veut détaillée. Orale et détaillée : elle ne se distingue qu'à ces deux traits de ce que l’orateur appelle la 2' et la y voie de la pénitence (De pæn., Iltnn, ^ ii, 3, 4 et I, /. G.. XLIX, 287, aSyet iSS). L’une est < la voie des larmes » ; l’autre, celle du publicain, « la voie de l’humilité «. La l’e, elle, n’a pas, dans l’homélie sur la pénitence, d’appellation spéciale : elle consiste essentiellement dans l’aveu du péché, mais cet aveu a cela de propre, qu’il se traduit par la parole et par la désignation formelle du péché :

Entre à 1 église pour dire tes péchés… Tu es pécheur ? Ne perds pas courage, mais viens, et couvre-toi de la pénitence. Tu bs péché ? Dis à Dieu ; J’ai péché. Quel travidl y a-t-il là.' quel détour.' quelle gène.-' quelle fatigue y at-il à dire ce mot : j’ai péché ? Ne sais-tu pas, si lu refuses de te dii-e pécheur, que tu auras le diable j>oiir t’occuser ? Pi-ends les devants el enlève-lui son rvle. Son rôle à lui, c’es-t d’accuser. Vas-tu, connaissant ton accuB ; *teur el son impuissbuce à se laire, refuser de le prévenir en disant tùi-inènie ton péché pour le faii-e disparaît r-e ? Tu as péclie ? Viens a l'église, dis à Dieu : j’ai péché. Je ne te '1eii-. ; inile rienHc plus. N’est il |ias écrit : VU toi-même le /ircmiirr, etc. ? Dis le péché, pour elTæer le péché. Il n’y a pas pour ce’a à se torturer, à chercher des dîscoui’s, à faire des fr^iis ; non, rien de tout cola. Dis un root, montre-toi sincère au sujet de ton péché, et dis : j’ai péché (P. G…VLIX, 28.5).

Même insistance dans la xx= homélie surla Genèse (n 3) :

S’il reul tout dire exactement^ il sera promptement relevé de ses chute*. Car la confession [ii.oïa-/(v.) ries péchés les fait disparaître. Si donc Lamech n’hésita pas à dire (ê|ayo/3ffc « i) à ses femmes les meurtres qu’il avait commis, serions-nous ecusables, nous, de ne vouloir pas dire (iiv.yopti, si)i] no » fautes à celui qui sait tout parfaitement ? Ne croyez pas. eu effet, qu’il ignore el qu’il veuille se renseigner. Toute » choses lui sont connue » avant même d’exister ; ce n’est donc ()oint parce qu’il ignore qu’il nous deuiandede lui avouer { « t/ ; w 7T « p* tjjjlûv bfxojo'/ixv èTTc^ïrret j>) ; c’est à la fois el pour que cet aveu (^//o^oyca) nous donne l’impression profouHe de nos péchés, el pour que non* donnions ainsi la preuve de notre sincérité, (t/ ; v !.vfjuii.'ivjir, vr’r ; j r."-p' /jjiâv £Trt5£i| « iSai) (P. G, , LUI, 170).

Avec le mot de « confession », nous trouvons mentionnée dans ce passage la nécessité « de tout dire ». Le passage parallèle du /' « l.azaro (tv, 4) insiste davantage encore sur cette énumération détaillée, et il en donne le motif :

Dieu veut que tu le dises, non pas pour le savoir — il le connail déjà — mais pour que toi-même tu saches quelle dette il le remet. Si tu ne disais jjus la grandeur de ta dette, tu n’apprécierais pas l’excès de la gr<-ce qui t’est faite (/".G.,.Xf.VIU, 1012).

A Constantinople, l’insistance est la même sur la nécessité de tout détailler : Sri rnis x « i toô : iiuaoTsvi. { ! n Hebr., nom., ix, 5, P. G.. LXll, 81) Aveu oral et détaillé : peut-être est-ce pour cela « [u’ildoit se faire i l'église. Du moins cette circonstance n’estelle pas mentionnée pour la a' et 3* voie de pénitence (/Je pæn., Hom., 11, 1-2, P. G.. XLIX, 285-287). Pour la i" au contraire, — et cette différence est (l’autanl plus remarquable que la confession du publicain, tyi>e de la S' voie, a en lieu au Temple, — l’orateur y insiste : il faut venir à l'église pour y dire à Dieu son péché. Mais l’y dire à Dieu, est-ce l’y dire à Dieu à l’e-xclusion de son ministre ?

59 1859

PÉNITENCE

18tO

114. — Le modèle, au contraire, de celle confession permet d’y saisir sur le vif l’intervention de rUonime. Pour saint Jean Chrysoslome, en effet, comme pour tous ceux qui parlent alors de la confession au prêtre, c’est la confession de David qui en est le type tout indiqué. Ausiii la met-il sous les yeux du pécheur, mais avec une insistance toute particulière sur le rôle qu’y joue le délégué de Dieu. Le prophète Nathan est le médecin chargé de porter le remède du péché.

Dieu lui envoie donc le prophète Nathan : le prophète vientau pio|jhèle. Ainsi fail-on pour les médecins. Quand l’un d’entre eux est malade, il n besoin d’un confrère. De même ici : le pécheur est un prophète, et c’est un prophète qui lui apporte le remède.

Or, le remède, c’est l’aveu. Il est fait à Dieu, mais c’est Nathan qui le reçoit. Sa délicatesse à le provoquer rappelle d’ailleurs celle que conseille le traité sur le Sacerdoce : pas de brusquerie ; il ne faut pas heurter le prince « 'lv « f^h àvxi^yj-jTdTspiv air'.-j àTiif/KiiTt". » Et quand l’aveu est fait, quand la parole accusatrice est enfin prononcée, c’est encore le prophète qui y répond par l’assurance du pardon. Il Nathan lit l’opération » (i/jio', J !  : /r, : z), dit à ce propos Aslerius d’Amasée (In Ps., vi, P. G., XL, 45 ; D). Saint Jean Chrysostome relève plus encore cette activité personnelle de l’envoyé divin ; les paroles qu’il lui prête sont toutes à la iiremière personne :

Kt Nathan lui répond : Le Seigneur lui aussi t’a remis ton peclté [Il Heg., tu, 13]. Tu t’es condamné toi-même, et moi je te remets ta peine ; lu as loyalement confessé ton péché, lu l’a » effacé ; tu l’es infligé une peine et mai j ai rapporté la sentence (De pæn., Hom., il, 2, /'. G., XLIX, 286, 287).

Dans ce tableau scripluraire delà confession à Dieu, pouvait-on mettre en plus vive lumière le confesseur humain ?

113. — On le voit donc : tous les traits sous lesquels les contemporains décrivent la confession au prêtre, saint Jean Chrysostome les reproduit ou même les souligne. Il n’a de propre en somme qu’une accentuation plus forte, elle aussi, des formules la montrant faite à Dieu lui-même. Les discours où le caractère oral et détaillé en est le plus mis en lumière répètent en effet qu’elle s’adresse à Dieu, à Dieu tout seul ( « Mivo : aura Stv.'/e-/6f>'.o'.i, ixriScMiz liZiroi » [In Gènes., Hom., xx, 3, P. G.. LUI, 170]. « 'Eyo', ri

«. « aoTv^yy. elvs [^i'-"'} ^-'J- (Ot’av » [De Lazavo, iv, 4, /"*. G., 

XLVIII. 1012], etc.). Mais c’est cela même qui fait naître le doute sur la portée exacte de ces formules si exclusives. Dans les seules homélies sur la pénitence, les formules restrictives analogues sont à ce point multipliées qu’elles trahissent par là-mème leur exagération oratoire : successivement la confession du péché (Hom., ii, 1), les larmes (ibid., 3), l’humilité (ibid., 4), l’aumône (Hom., iii, i) sont présentées comme remèdes du péché suiTisant par eux-mêmes et sans emploi de tout autre. N’en est-il pas de même pour la confession à Dieu à l’exclusion de tout témoin humain ?

IIQ. — Il y a plus, et le principe, qui permet à Origène, à saint Basile, à saint Ambroise, à saint Léon de passer sans transition de la confession à Dieu à la confession au prêtre, n’est nullement étranger à Chrvsostome. La réponse de saint Pacien et de saint Ambroise aux Novatiens, que, dans la rémission du péché, l’action de l’homme et l’action de Dieu se confondent ; que, en accordant le pardon, l'évêque n’empiète pas sur Dieu, puisqu’il Hgit au nom du Christ et non point en son nom personnel, lui aussi la connaît. Il la formule même en des termes bien autrement expressifs.

Dans l'évêque Klavien, montant ; 'i l’ambon ou ponlilianl à l’autel, il invite le peuple à considérer, non point l’homme qui parait, mais le Dieu qui opère par lui.

Si le Saint-Esprit n'était pas dans notre commun Père et Docteur [l'évêque Fhivien] lorsque tout à l’heure, en montant à l’ambon, il vous a donné In paix à tous, vous n auriez pa » tous répondu : lît à ton esprit aussi… C’est un homme que vous avez devant vous, mais c’est Dieu qui agit par lui. Ne vous arrêtez donc pas à la réalité que TOUS voyez : considérez la gr.ice invisible [De sancta Pentecoste, Hom., i, 4, P. G., L, '(.S8.459l.

« Il n’y a rien d’humain dans ce qui se fait dans

ce sanctuaire n (a Où^èv « vô/î&jttcvîv rfiv yivofiéi/uv Iv t'.> Itùii TiJTw ^ijunai ») (Ibid.) El l’application aux cas particuliers de cette doctrine générale accentue mieux encore cette distinction entre l’agent principal et son instrument. Les évêques ont en main le pouvoir de communiquer le Saint-Esprit en remettant les péchés. Jlais dans l’exercice de ce pouvoir, ils ne sont que des délégués ; en eux et par eux, c’est Dieu, c’est le Saint-Esprit qui opère ; aussi, pour recourir à leur ministère, les lidèles doivent-ils faire abstraction de leur mérite ou de leiu- indignité personnelle : leur langue et leur main ne sont que des instruments dont Dieu se sert pour accomplir son œuvre (In Joan., Hom., lxxxvii, 4. /. G., LIX,

Il semble donc bien que, pour la doctrine comme pour la pratique et le langage, il y a conformité entre saint Jean Chrysostome et les grands évêques de la lin du iv' siècle. Les antinomies relevées chez lui ou de lui à eux ne sont qu’apparentes La contradiction, où l’on se heurle en lisant certaines de ses homélies, disparait dès qu’on se souvient que, pour lui comme pour saint Ambroise et saint Léon, le médecin visible des âmes confond son action avec celle du médecin invisible (Pour plus de détails, voir notre article : S. J. Clirysost. et la confession, dans H. fi. A'., 1 (igio), p. 209-240 et 313-350).

CONCLOSION

117. — On se confessait et l’on confessait aux premiers siècles. Pas plus qu’aujourd’hui, on ne concevait la rémissiondu péché par l’Eglise, sans sa manifestation au tribunal de l’Eglise. La chose allait même tellement de soi, qu’on éprouvait moins la nécessité d’y insister dans les exhortations à la pcnilence. A)ix yeux des lidèles, cen'élait point làle iliflicile, pas plus que ce n'était et <jue ce n’est encore le plus inii)ortant. L’absence de toute contestation permettait aux pasteurs de concentrer l’a tien tien sur la nécessité du désaveu intime du péché et de l’expiation extérieure qui en est l’effet. Avec cet autre fait également avéré que, dans beaucoup de consciences et sur beaucoup de matières, la distinction demeurait mal perçue entre le péché mortel et le péché véniel ; que la nécessité, par suite, apparaissait plus rare de recourir au jugement de l’Eglise ; c’est là, croyons-nous, cequi explique la i)Iace incontestablement plusrestreintequ’occupe dans la prédication des premiers siècles la confession proprement dite.

118. — En cessant d'être réservée en principe à l'évêque, le ministère pénitenciel perdit de son prestige. Dans les prêtres de plus en plus nomlircux qui furent admis à l’exercer, il devint tous les jours plus diflicile de ne voirqueles représentants de Dieu : l>Ius l’homme apparaît dans le confesseur, et plus la répugnance grandit à le prendre pour confident et pour juge de sa conscience ; force est alors d’en appeler plus vigoureusement à la foi et à la volonté 1861

PENITENCE

1802

formelle du Christ, quis’esl choisi lui-même des hommes pour auxiliaires et corauie pour suppléants. Ainsi s’explique l’insistance croissante avec laquelle on a dû dans l’Eglise prêcher la nécessité de la confession au prêtre lui-nirrac.

Maisd’aulre part, plus la praliquede la confession s’est généralisée, plus aussi s’en sont multipliés les heureux eflfets. Les consciences se sont affinées ; des fautes estimées moindres au sortir du paganisme ont paru plus graves après plusieurs siècles de christianisme. La délicatesse plus grande qui les a fait redouter davantage a produit aussi un empressement plus grand à y opposer le remède de la confession. iVEglise, un jour, en a solennellement prescrit l’application au moins annuelle aux péchés reconnus comme mortels. Les meilleurs parmi les pasteurs el les (idèles sont allés plus loin : ils ont eu, ils ont répandu la dévotion de la confession. Sous forme d’oeuvre surérogatoire, la confession est devenue de l)lus en plus fréquente, el par là encore son influence bienfaisante s’est élargie et accrue : si l’administration de la pénitence a tant contribué à l'œuvre moralisatrice el civilisatrice de l’Eglise, c’est, du poinlde vuepsj’chologiqueet humain, à la confession surtout qu’elle le doit.

Appkndicb, — Le sscret de la confessio.n

119. — I. Sa conception ocluelle. — Il resteà dire un mol du secret de la confession. La loi en est corrélative à celle de la confession : établie en principe par le Christ, elle a été déterminée et précisée par l’Eglise. Le concile de Latran, qui, au xiii » siècle, prescrit aux pécheurs le minimum de la confession annuelle, enjoint aux confesseurs d'éviter tout ce qui serait de nature à révéler la faute ainsi connue. En cas de violation de secret, la peine prévue est celle de la déposition et de l’internement perpétuel.

Depuis, les papes ont encore resserré, en les précisant davantage, les obligations de cette loi. Elle interdit non seulement une manifestation quelconque de la faute, mais aussi toute utilisation de la connaissance acquise en confession. L’usage échapperait-il a toute possibilité de soupçon ou même devrail-il être tout au profit du pénitent, en dehors de la confession, il demeure totalement proscrit. Seul le pénitent pourrait l’autoriser ; encore serait-il alors peu sage au confesseur d’utiliser au for externe la permission ainsi reçue. Aucune autorité sur terre ne saurait du moins le relever ou le dispen'^er de cette loi du secret. L’Eglise elle-même s’en dénie le pouvoir ; elle y reconnaît une loi d’origine proprement divine, dont elle a bien pu déterminer le sens el les applications dernières, mais à laquelle il ne lui appartient pas de déroger.

Telle est la conception du secret de la confession universellement reçue aujourd’hui dans l’Eglise catholique. On n’y voit pas seulement un secret d’ordre professionnel analogue à celui qui résulte pour les avocats, les médecins, etc., des contidcnces reçues au titre de leur |)rofession. Dans tous ces cas, il n’y a pour lier le contident qu’un contrat tacite intervenu librement entre lui et le consultant. Mais ici il y a plus. Le recours au prêtre n’est point alfaire libre pour le pécheur. La confession lui est imposée par Dieu lui-même, et c’est pourquoi, à la promesse, au contrai tacite de silence qui intervient alors entre lui et le confesseur, s’ajoute, pour le lier également à son égard, l’obligation faite par Dieu à ce dernier de lui garder le secret le plus absolu.

ISO. — Ainsi s’explique la transcendance exceptionnelle de cette loi. Elle n’a pas été portée seulement pour rendre plus acceptable le précepte de la confession ; la violation ou le relâchement n’en

aurait point seulement pour clVet de discréditer ce mode de rémission du péché ; l’intérêt des âmes, en un mot, leur intérêt i>iis au sens le plus élevé et le plus uniersel, n’est pas seul : 'i exiger que, pour en assurer le maintien, on passe outre à tous les inconvénients que l’observation en peut avoir parfois pour le confesseur ou le pénitent lui-même, et qu’on renonce à tous les avantagesque, dans un cas donné, la violation permettrait d’en assurer aux individus ou à la société elle-même.

La raison dernière de cette rigueur est à chercher plus haut et plus loin. Elle est dans le caractère même de l’aveu fait au confesseur. Un homme sans doute le reçoit ; mais, par son intermédiaire, c’est à Dieu niénie qu’il s’adresse. Le prêtre, en un sens, n’y compte pas. Il est le juge divinement institué pour connaître du péché ; mais c’est en cette qualité seulement qu’il est appelé à le connaître. A titre privé, il l’ignore totalement ; et l’efTacement, la disparition du confesseur humain derrière le confesseur divin, que nous avons rencontré à la base des exhortations antiques à la pénitence, reparait ici pour servir également de base à la loi du secret de la confession. Depuisles jours oiiTEglise l’a définitivement formulée, papes et docteurs la justillent par cette absorption de l’homme en Dieu. Gomme homme, le confesseur ignore, el c’est pourquoi il ne peut ni parler, ni répondre, ni seulement paraître savoir. Le faire serait trahir lesecreldu Dieu qu’il représente :

« Le prêtre, disait le pape Innocent III, dans un

sermon sur la consécration du prêtre, le prêtre à qui le pécheur se confesse, nonpas comme à un homme, mais comme à Dieu (ciii peccalor con/itetiir, non ut homini, seil ut /)eo), doit éviter toute parole ou tout signe qui donnerait à penser qu’il connaît son péché.- (/'./,., CCXVII, 652 CD). « Le prêtre, reprend saint Tuo.MAS, est tenu de garder le secret avant tout el principalement parce que lesilence est de l’essence même du sacrement : le prêtre en elTct ne connaît le péché que comme Dieu, dont il lient la place dans la confession » (Supplem., q. ii, a. 4.c). « Ce qui est connu par la confession est censén'étre point connu, car on ne le sait point comme homme, mais comme Dieu » ((t. I, adi" et cf. ad 2", ad 3", etc.).

131. — 2. Son antiquité. — Cependant la doctrine ainsi établie semble se heurter pour les premiers siècles à une pratique el à une conception de la confession toutes différentes. La confession parfois aurait été publique ; nous-mêmes avons paru admettre l’assujettissement à la pénitence publique pour les fautes secrètes préalablement confessées : que devenait dans tous ces cas cette loi du secret, essentielle, dil-on maintenant, au sacrement de ])énitence et établie par Dieu lui-même ?

Remarquons d’abord que ces faits, tels qu’ils sont allégués, ne prouveraient pas que la loi ait été méconnue et violée sciemment ; tout au plus pourrait-on en conclure qu’elle était ignorée. Il parait bien que la distinction du for interne et dii for externe ne s’est précisée que peu à peu. Morin (l. 1, c. x) a cru pouvoir en nier l’existence pour les premiers siècles : ce qui est tout au moins une forte exagération ; mais, sans aller jusque-là, on peut bien reconnaître que la concentration habituelle entre les mains de l'évêque de tous les pouvoirs pénilentiels était de nature à entretenir ou à produire celle confusion.

183. — ^)uanl aux faits eux-mêmes, il n’est pas exact que la confession publique ait jamais été obligatoire pour les fautes secrètcs.ll est possible, encore <lu’on en connaisse peu d’exemples, que parfois certains pénitents aient tenu à s’iniliger à eux-mêmes celle aggravation de peine et d’humiliation ; mais 1853

PENITENCE

1804

en dehors d’eux, la confession publique des péchés secrets n’est mentionnée, dans les documents des premiers siècles, qu'à titre soit d’expiation surcrogatoire à proposer au pénitent par le confesseur qui le jugerait à propos (Origknu, / « Ps., xxvi, Jluin., ii, 6. A G, XII, 1386 A-B), soit d’abus intolérable et rigoureusement condamné par le pape saint Léon (/ ; /'., OLXviii, 2, P. /-., LIV, I211). Sur le fait même de la confession publique, cf. B. KuBTscuaiD, O. M. : /)fls lieichlstegel, p. 3-16 ; Freiburg i. B., 191a.

133. — Reste donc le fait île la pénitence publique imposée pour les fautes secrètes. La réalité eu a été contestée. Seults les fautes publiques ou publiquement dénoncées en auraient fait encourir la peine. Les autres auraient toutes été traitées par la pénitence exclusirement privée.

Mais réduire ainsi le domaine de la pénitence publique, c’est, semble-t-il, aller à rencontre de faits très réellement avérés, pour autant du moins que l’on prétend étendre aux premiers siècles un usage et une distinction qui ne se sont établis et généralisés que plus tard, à partir du v" siècle surtout.

Saint Augustin sans doute pose nettement le principe : si la faute est secrète, il faut reprendre le pécheur en secret ; mais ilfaut le reprendre en'[>ublic si la faute est publique (Senno Lxxxiii, 8, P. /.., XXXVlII, 519 Cf. jE'/)., cliii, 6 ; /*./.., XXXin, 055). C’est la pratique que semble attester le canon 32 du concile de Carthage de 897 : la réconciliation d’un pécheur se fait devant l’abside, en présence de tout le peuple, quand sa faute a été publique et notoire.

Mais ailleurs, vers la même époque et surtout aux époques antérieures, c’est l’usage contraire qui se constate.

Non pas — et la remarque, déjà faite, ne saurait être trop souvent rappelée — non pas qu’aucune catégorie de péclu’s exclue absolument, en cas de faute secrète spontanément avouée, la possibilité d’une dispense ; nous avons vu le contraire Le pénitencier reste toujours le juge souverain de la peine à imposer ; les canons pénitenliels, là même où leurs tarifs sont le plus minutieux, font réserve de ce droit fondamental.

Mais, même ainsi ramenés à leur valeur réelle de simples directoires, ces canons attestent l’usage de traiter les péchés secrets par la pénitence publique. Des péchés telsque ceux dontparle saiutBAsiUidans ses canons a et 'j ne se commettent guère qu’en secret (P. 6"., XXXII, 672 A. 6^3 C) ; dans ses canons 61. 63.65. il prévoit expressément la pénitence publique pour des fautes secrètes spontanément avouées (P.' » '., XXXII, 800'). Les canons 16 et ai du concile d’Ancjre (314) édictent do même, sans aucune distinction du cas de publicité, des pénitences plus ou moins loiLgues pour des fautes, vols, péchés contre nature, adultères, avortements, qui de leur nature sont plutôt secrètes (Lauciikht, Die Kanones der ivichtijfsten atHrchlicheii Concilieii, p. 33-34).

134. — D’autre part, la pénitence que prêche saint Ambroisb est essentiellement la pénitence jMiblique. Le tableau qu’il en fait, pour montrer la dureté des Novatiens. qui n’en admettent pas l’elficacité, est celui d’un pénitent qui n’a que des fautes secrètes : « Aj quis occulta criinina habetis, etc. » (De pæn., I, xvi, go - xvii, 93, P./.., XVI, 493-4y5). Luimême se plaintqu’un Iropgrand nombre de pécheurs, après avoir demandé la pénitence par la confession, reculent devant la honte de la cérémonie publique : I. l’Ieriqiie… pae/iitcnliam pétant et, cutn acceperint, puhlicæ siipplkntionis revacanttir pudore » II, ix, 86, P.l.., XVI, bi-j). Il leur reproche comme une prétention intolérable de vouloir être admis à la communion, absous, dès qu’ils ont fait leur demande de

la pénitence, leur confession : « Nonnutli iJeo poscunt pacitilentiam ut statiiii sibi reddi communionem vcluit B (lbid., 87).

A Barcelone, saint Pacirn demande de même qu’on se confesse des péchés les plus secrets et qu’après on se soumette sans fausse honte à leur expiation publique (ParænesU ad pænit., vni. ix. XII, P. A., XlIl, io86-io89).

Publique aussi est la pénitence dont Origi^nii dit qu’elle comporte la confession courageuse au prêtre du Seigneur (/ « l.ev., Uom., 11, 4, P.G., XII. 418) ; mais les fautes, dont il reprend ensuite que la confession en préviendra la dénonciation par le démon au jour du jugement (/ « l.ew, Uoni., ii, l, P.G., XII, 429), sont plutôt des fautes secrètes.

Publique encore la pénitence de Tektullien. La préoccupation de tenir ses fautes cachées la fait redouter ; mais vaut-il donc mie.ix, demande-til, se damner en demeurant caché, que d'être absous au grand jour ? « An iiielius est Jamnatnm latcie quant palam abmlfi ? » (Pænit., X, 8).

La pénitence enfin qui rebute les femmes dont parle saint Irénée, est une pénitence publique. Il le dit en propres termes pour celles qui s’y sont assujetties : at' txiv xxï ti^ çwjipôv i^ofioÀcz/oùvrai ; cette exomologèse publique doit s’entendre en elfet tout au moins delà pénitence publique. Et il ajoute que, si les autres demeurent en suspens entre l Eglise et l’hérésie, c’est pour n’avoir pas eu le courage d’en faire autant (//ae ; e.s., I, xiii, 2, J'.C, VU, 692).

ISS. — - Il ne paraît ilonc pas contestable qu’aune certaine époque et sur certains points il ait été courant d’imposer à certaines catégories de pécheurs une pénitence de nature à les faire soupçonner tout au moins d’avoir commis des fautes graves. On n’en disconvenait pas : se soumettre à la pénitence, c'était s’allicher publiquement pécheur : « Ut puhlicaliiineni sui… dijl’ugiunl aut di//eruid », remarque ïuiitullikn (Piiinit., X, 1). Mais on engageait les pécheurs à |)asser outre. Voir Paciun, l’aenit., viii, /-*./.., Xlll, 1086 C, reprenant la parole de Terlullien ; saint Ambkoisr, Pænit., II, x, 91 yS, P.L., XVlj-ôig.

136. — Cependant cette manière même d’exhorter à la pénitence pubUipie en fait ressortir le caractère : personne, en cas de faute secrète, n’y était assujetti malgré lui. Chez certains, la répugnance paraissait invincible. L’insistance du confesseur n’eût servi qu'à les surexciter et à compromettre le bien général en les jetant hors d’eux-mêmes : « in aliurum perniciem ad majarem insaniani incitari », dit saint Augustin (Ep., cmi, 21, P. /., XXXIII, 663). Saint jEANCuRYsosroME regrettaitqu’en bien descas on eût ainsi perdu les âmes, et il recommandait au prêtre, au lieu d’appliquer à tous le même tarif péuiteneiel, de savoir, à l’occasion, relâcher de la sévérité commune (De Sacerdi>tio,. ii, ii-iv, P. C.XLVIU, 635, et cf. S. Grkg. dk Nyssk, Ep. can., i, P.G., XLV, 224 A).

Ainsi présentée et acceptée, la pénitence publique |)eut donc fournir la preuve de la rigueur plus grande avec laquelle on jugeait et l’on faisait exi)ier le péché ; mais le consentement qu’y donnait le pénitent empêche d’y voir une violation proprement dite du secret de la confession.

137. — La comparaison classique du confesseur et du médecin rend déjà vraisemblable que le confesseur était tenu au secret ; mais les écrivains des premiers siècles nous en donnent aussi l’assurance formelle.

Origène veut que le médecin dont on fera choix pour son àme soit un homme prudent et sage ; on devra le laisser juge de l’opportunité de publier la faute confessée ; mais le caractère exceptionnel de

I 1865

PENSÉE (LA LIBRE)

180b

cette hypollièse est hii-raêræ une preuve do la discrétion qui normalement préside au traitement du pécbé par le prêtre.

Apiihaatb demande formellement à ceux qui ont reçu l’aveu du péché, de nepointle révéler(/>ertion. « /r., VI, a. P. S., 1, 1,. 319).

Nous avons entendu (ci-dessus n" 78) saint AstbBius i)'A.M*sKE garantir aux pécheurs la discrétion la plus grande : plus que ses enfants eux-mêmes, un père a à cœur de sauvegarder leur dignité.

SozoMBNB note de son côté, parmi les qualités à exiger du prêtre pénitencier, qu’il doit être prudent et silencieux (//.A., Vil, xvi, P.G., LX , i^Sg).

C’est l'éloge, nous le savons, que fait de saint Amijroise son l)iographe le diacre Paulin : il donnait à tous l’exemple d’une discrétion parfaite à l’endroit des fautes entendues en confession (Vita, TLXXIX, ['. !.., XIV, 40).

Saint Augustin parle de cesseerets de conscience dont l'évêque est le dépositaire et qui le condamnent à des attitudes incomprises du public (Sermn lxxxii, 8, II, Cf. ci-dessus, n" 84-85).

Nous savons à quel point est poussée dans saint Jban Chrysostome et en général dans les exhortations à la confession cette préoccupation d’une discrétion parfaite. L’assurance est constamment réitérée aux pécheurs que Dieu seul connaîtra la faute avouée : on écarte si bien l’hypothèse d’iiue révélation par le confesseur, qu’on paraît parfois exclure le confesseur lui-même (ci-dessus n" 96 sqq).

Le pape saint Léon avait donc bien raison de crier à l’attentat contre la règle apostolique (contra apostolicam rei ; nlam præsiimptio), en apprenant que l’usage s’introduisait en certaines Eglises d’exiger des fidèles la publication de leurs fautes (Jaffb, 535, P. L., LIV, laio C). Les quelques témoignages que nous venons de citer suffisent à expliquer son indignation.

128. — Après lui, la loi du secret s’est précisée ; l’obligation en a été rendue plus manifeste et plus rigoureuse. Le plus ancien décret que l’on connaisse sur cette matière, est le canon ao du concile arménien de Tovin en 627 : il frappe d’anathème le prêtre qui trahirait le secret de la confession (HbfeleLkclbrcq : Hist des conciles, t. IP, p. 1079). Il a fallu les siècles cependant et les décisions de l’Eglise pour en faire apparaître les applications dernières. L’interdiction d’utiliser la connaissance acquise en con fession, alors même qu’il n’y a pas à craindre d’en trahir ainsi le secret, ne date que du xvii « siècle (décret d’iNNOceNT XI, le 18 novembre 1682). Au xn » siècle, on admettait encore dans ce cas la lieéité de cet usage (Cf. S. Thomas, in IV, disl. 31, q. 3, a. I, sol I ad i"" et ad 2™ ; Quodtib., v, q. 7, a. 13) et l’on continua depuis à en discuter (Cf. Ksrtscubid, op. cit.. section 11). On aurait donc tort ici encore de conclure absolument des usages présents à la pratique ancienne : il s’en faut qu’on se soit toujours fait du secret de la confession la même conception. Mais, BOUS sa forme essentielle, la loi en a toujours présidé à l’administration de la pénitence. La législation plus récente et plus rigoureuse de l’Eglise n’est que la codilication de conceptions et d’usages qui remontent très réellement aux premiers siècles. Voir Codex furis Canonici, ean. 889, 890 ; 1757^3, 2° ; aSôg.

P. Galtibr, S.J.