Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Péché originel

Dictionnaire apologétique de la foi catholique

PÉCHÈ ORIGINEL. — 1. Le dogme et ses adversaires. — II. Fondements du dogme. — III. Détermination plus précise de la doctrine. — IV. Objections.

I. Ledogmeetse^ adversaires. — -L’Eglise catholique enseigne que loule créature humaine, descendant d’Adam par voie de génération naturelle, contracte au premier instant de son existence un péché que, pour cela même, on nomme originel. Parfois cependant, le péché commis au Paradis terrestre par notre premier père se nomme aussi originel, comme se rattachant à l’origine de notre race. La distinction entre les deux acceptions est d’autant plus importante, qu’entre le péché originelconsidérédans les descendants d’Adam, auxquels il est transmis comme par héritage(/)ecca/H/? ! originale uriginatim), et le même péché considéré dans Adam ou dans sa source (neccutum originale originans), il existe une connexion non pas seulement étroite, puisqu’il va entre eux le rapport d’effet e* de cause, mais encore essentielle, en ce sens qu’on ne peut expliquer ni même concevoir exactement l’un sans l’autre.

i. Le péché originel dans Adam. — u Si quelqu’un refuse de reconnaître qu’Adam, le premier homme, ayant t-ansgressé dans le Paradis le précepte divin, perdit aussitôt la sainteté et la justice dans laquelle il avait été établi, et encourut par cette prévarication coupable la colère et l’indignation de Dieu, et par suite la mort dont Dieu l’avait auparavant menacé, et avec elle la servitude sous le pouvoir de celui qui, dès lors, eut l’empire de la mort, c’est-à-dire du démon, et que, par ce péché, Adam subit une détérioration dans tout son être, corps et àme, qu’il soit anathème. » Concile de Trente, sess. v, can. 1. DbnziNGER, Enchiridion symbolorum, n. 788 (670). Deux points sont directement énoncés dans cette doctrine. D’abord, la prévarication formelle ou l’acte de désobéissance dont le premier homme se rendit coupaWe au Paradis terrestre, et qui attira sur lui la colère et l’indignation divine. Puis, l'état de détérioration qui fut le châtiment de sa faute, elqui l’affecta dans tout son être, par lapertedesdons gratuitspréccdemment reçus. Ce second point entraîne, commeprésupposé, l'élévation d’Adam à un état surnaturel, c’est-à-dire dépassant les forces et les exigences de la nature ; état où deux sortes de dons sont à distinguer : les dons essentiellement surnaturels, grâce sanctiliante et tout ce qui s’y rattache ; et les dons dits [>réternaturels, qui perfectionnaient la nature elle-même, mais au delà de ses exigences propres, comme l’exemption de la concupiscence, de la douleur etde la mort, ou dons d’intégriié, d’impassibilité et d’immortalité. La perte de tous ces dons eut pour résultat une double déchéance : dans l’ordre surnaturel, déchéance absolue ; dans l’ordre naturel, déchéance à tout le moins relative, c’est-à-dire proportionnée au degré de perfectionnement qu’en Adam la nature elle-même recevait des dons préternaturels.

2. Le /léché originel dans les descendants d’Adam. — Si le premier homme n’avait reçu les dons primitifs qu'à titre personnel, il aurait pu les perdre pour lui seul ; mais il les avait reçus comme un apanage de la nature humaine telle que Dieu avait daigné la conslituer ; de là vint qu’en sa personne il y eut déchéance de toute la race, et déchéance accompagnée d’une transmission de péché, suivant la doctrine exprimée dans le second canon du concile de Trente : « Si quelqu’unsoutient que la prévarication d’Adam n’a été préjudiciable qu'à lui seul, et non pas à sa postérité ; et qu’il a perdu pour lui seul, et non pas aussi pour nous, la justice et la sainteté qu’il avait reçues ; ou qu'élanl souillé lui-même par le péché de désobéissance, il n’a transmis au genre humain que la mort et autres peinesdu corps, etnon pas le péché, qui est la mon de l'àme : qu’il soit anathème. Car il contredit ouvertement l’Apùtre disant que le péché est entré dans le monde pur un seul homme, et la mort par le péché, et qu’ainsi la mort est passée dans tous tes hommes, tous a^ant péché dans un seul. « Doctrine confirmée dans les deux canons suivants : le troisième, oii il est dit du péché originel qu'étant un dans sa source, origine unum, et transmis à tous, non par imitation, mais par propagation, il devient propre à chacun, uniciiique proprium » ; le quatrième, où la génération est mentionnée comme moj’en de transmission : (yuoii generatione contraxerunt. Il s’agit d’une génération humaine normale, avec concours des deux sexes, et se reliant finalement au premier homme, comme premier principe actif dans la propagation de l’eapèee, suivant l’explication donnée ailleurs : « Le ? hommes ne naîtraient pas injustes, s’ils ne naissaient pas d'.dam par voie de propagation séminale, car c’est en vertu de celle propagation qu’ils lui doivent de contracter, au moment où ils sont conçus, leur 1737

PECFIÉ ORIGINEL

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propre injustice. » Sess. vi, ch. 3, Denzinoer, n. ^gS

(677) 3. Les aayersaires. — Les Pères du concile de

Trente n’ont fait que rééditer les condamnations

portées, plus de dix siècles auparavant, dans le

second concile de Milève, en 4 >6> et le second d’Orange,

en 629. Denzingrr, n. 101 sq., 174 sq.(65 sq., lij/i sq.).

Les pélagiens, visés dans ces documents, soutenaient

d’une façon générale que, » dans les enfants, la nature

humaine n’avait pas besoin de médecin, parce qu’elle

était saine, et que dans les adultes, elle pouvait, si

elle le voulait, se suffire à elle-même pour acquérir

la justice ». S. Augustin, De nul. et grat., c. i, I'.l..,

t. XLIV, col. 260. C'était nier, explicitement ouimpli citement, et le péché originel, et son présupposé,

c’est-à-dire l’existence d’un état primitif d’innocence

et de justice, fondé sur des dons surnaturels et pré ternalurels dus à la pure libéralité du Créateur, et

ses conséquences, notamment l’impuissance où nous

serions actuellement de tendre à notre lin dernière

par les seules forces de notre nature ou d’observer

toute la loi morale et d'éviter tout péché sans le

secours de la grâce.

L’erreur pélagienne reparut avec la Reforme. Non que les chefs mêmes du Protestantisme, Luther et Calvin, aient nié le dogme du péché originel ; au contraire, partant de ce faux principe, que les dons possédés primitivement par Adam lui étaient essentiels ou strictement naturels, ils exagérèrent la notion de la déchéance initiale, en y voyant une corruption substantielle ou intrinsèque de la nature humaine et en tirant de là les conséquences lesplus graves : impuissance absolue ou négation du libre arbitre dans l’ordre moral, justification par la foi seule, caractère positivement vicieux delà concupiscence, etc. Ce dernier point se retrouve dans les Articles de Religion de l’Eglise anglicane, n. g : Concupiscence and lust hath of itself the nature of sin.

Mais d’autres Réformateurs, les Sociniens en particulier, allèrent dans une direction diamétralement opposée ; traitant la doctrine traditionnelle de fable juive, introduite dans l’Eglise par l’Antéchrist, ils reprirent en substance les positions de Pelage ou de ses disciples sur l'état primitif de l’homme, son plein pouvoir de tendre à sa Un dernière par ses propres forces et le caractère exclusivement personnel du péché d’Adam ; sa faute n’ayant nui qu'à lui seul, il n’y a plus à parler de déchéance ou de tare hérédit ; iire.

Ces idées se sont singulièrement développées, au xix* siècle, dans les milieux proteslantsqui ont subi l’influence du rationalisme, dogmatique ou scientilique. Le récit contenu dans la Genèse, ch. tu, devient une fiction poétique ou un drame mythologique, interprété diversement, mais toujours dans un sens exclusif d’une chute originelle ou déchéance commune. A la suite de Schiller, beaucoup ne voient laque le premier éveil de la conscience morale avec le sentiment des contradictions douloureuses qui l’accompagnent toujours ». Aug. Sabatier, l.a doctrine de l’expiation et son évolution historique, Paris, 1903, p. 6. Dans un autre ouvrage, l' Apôtre Paul, 3" éd., Paris, 18g6, p. 3gi s., le même auteur s’est même ingénié à retrouver cette conception dans l’antithèse établie par saintPaul, I Cor., 11, 14 ; xv, 45 ; Rom., vir, 14, entre « l’homme animal, l’homræretenu encore dan s les liens de la vie sensible « , 'iL' ; ^izo ; , T « , cj<iw ; , et l’homme « spirituel », TTvîuyc<ri/o ;. C’est sur des bases semblables ((u’une reconstitution de l’ancien dogme a été proposée en Angleterre par F. R. TENNANT.dans divers ouvrages, particulièrement The sources of the Doctrines of the Fall and original Sin, Cambridge,

igo3, et, plus récemment, art. Original Sin, dans Encyclopædiii of Religions and Elhics, éd. J. Hastings, vol. IX (Edinburgh, 1917), p. 564 IL Fondements du dogme. — L’Eglise catholique invoque en faveur de sa croyance la sainte Ecriture et la Tradition. A défaut d’un développement qui relève de la théologie dogmatique, un rapide aperçu s’impose.

La preuve scripturaire est dépendante de la distinction entre lepéché originel considéré dans Adam ou dans ses descendants. Un certain nombre de textes établissent directement une faute de notre i)remier ancêtre, accompagnée d’une déchéance qui s’est étendue à toute sa race, et c’est en étudiant la déchéance qu’on peut juger de l'état qui avait précédé. Faute et déchéance sont rapportées au chapitre troisième de la Genèse, mais le développement ultérieur de la révélation divine apporte des déterminations ou des compléments, il’où résultent les données suivantes. Dieu édicté la mort corporellecontre l’homme en punition du premier péché ; l’arrêt vaut pour Adam et pour tous ses descendants : Gen., 11, 17 ; iii, 3, ig ; Sop., Il, 23-24 ; Jiccli., xxv, 33 ; Rom., v, 12 ;

I Cor., XV, 2 1-22. La concupiscence fait son apparition avec la faute de nos premiers parents et en conséquence de cette faute ; elle s’attache ensuite, comme une infirmité congénitale, à tout homme naissant d’Adam : Ps., l, 7 ; Juh, xiv, 4 ; xv, 14 ; Rom., VII, 14 sq. La justice et la sainteté originelles sont conlenuis iniplicitenient dans Gen., i, 26-27 et insinuées dans Eccli., yi.vu, 5- 10. En face de ces textes sacrés, quelques passages de livres apocryphes ont aussi leur intérêt, non comme sources du dogme, mais comme indices de croyance. L’introduction de la mort par le péché y est affirmée, avec lien de solidarité entre Adam et sa race : 1V /ist/r., iii, 21 ; vii, 48 ; Livre d’Enoch (étliiop.), Lxix, 11 ; Livre des secrets d’Uénoch(sl^von, recens. A), xxx, 16 ; xLi, i ; Apec, de llaruch, xvii, 2-3 ; xxiii, 4 ; Lvi, 5. De même, la transmission d’une infirmité morale permanente, d’un mauvais germe de péché : IV Esdr., iii, 22 ; IV, 30. L'état d’innocence et de justice originelle, par là même supposé, est aussi parfois exprimé : Livre d’Hcnoch (élhiop.), Lxix, 1 1 ; mais la nature des dons primitifs est peu précisée. Saint Paul complète l’enseignement, quand il présente notre justification et notre sanctification en Jésus-Christ comme un retour à lajusticeetà la sainteté primitives : Eph., i, 22-2 ! i ;

II Cor., v, i'} ; To/., III, 9- 10. « Ainsi la connaissance de ce queleSauveur a rendu àThomme, nous révèle ce qui fut donné dans le commencement », suivant la juste remarque de Moehleb, La Symbolique, Irad. Lâchât, lîesançon, 1836, t. I, p. 5.

Déjà, dans l’un ou l’autre des textes précédents : Ps., i., 7, in iniquitatihus conceptus suni, et Job, xiv, 4. de immundo conceptam semine, l’idccd’une souillure ou d’un péché qui s’attache à l’enfant conçu semble s’associera celle d’une simple déchéance. Toutefois la pleine lumière ne brille, sur ce point, que dans le Nouveau Testament. Saint Paul parle <le tout homme comme sujet, par nature ou naissance, à la colère divine, Eph., 11, 3 : tsV/k }.ùj£i àp-/f, i. Mais le texte capital, celui que les conciles ont invoqué, se trouve dans Rom., V, 12-19. L’Apôtre ne touche la matière qu’incidemment, à propos de l'œuvre rédemptrice de JésusChrist qu’il exalte en l’opposant à l'œuvre néfaste de notre premier père ; circonstance qui n’enlève rien à la force ni à la valeur de l’affirmation : «.insi donc, comme par un seul homme le péché, n « |j.K/5Tia, est entré dans le monde, et par le péché la mort, et que de la f^orte la mort a passé dans tous les hommes (en celui) en qui tous ont péché, in quo omnes 1739

PECHE ORIGINEL

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peccaverunt… ou, suivant le texte grec : parce que tous ont péché, if iJ TiKvrt ; f.fiapTm… » La mort et le péché sont nettement distingués, dans les deux textes, sous la raison d’effet et de cause ; si donc la mort atteint réellement toute créature humaine, ce ne peut être en vertu d’un péché actuel ou strictement personnel, car un tel péché n’est pas possible pour les enfants, mais seulement en vertu d’une culpabilité commune ou d’un état équivalent qui résulte de la faute du premier père. Envisagées ainsi dans le contexte, les deux traductions ne diffèrent qu’accidentellement : dans la Vulgale, le sens relatif est exprimé ; dans le grec, il n’est pas exprimé, mais il s’y trouve implicitement. Ce qui arrache à un exégète protestant cet aveu que, si la traduction latine estgrammaticalement inexacte, le sens exprimé reste substantiellement vrai : u The rendering of the Vulgate… is gramraalically wrong…, y et essentially right. » A. B. BROCE, 5//’a » 7’s conception of ckristianity.’Eàiiïhnigh, 1896, p. 130. La suite du texte, v. 18-19, ^^ fait que confirmer l’interprétation précédente : « Ainsi donc, comme c’est par le péché d’un seul que la condamnation est venue sur tous les hommes, c’est aussi par la justice d’un seul que vient à tous la justiQcation qui donne la vie. De même, en effet, que par la désobéissance d’un seul un si grand nombre ont été constitués pécheurs, ’}., uxpTM)’J x « rc7Tx6y, 7cr.-j, de même aussi par l’obéissance d’un seul un si grand nombre seront constitués jvistes, ôizaiîi xyTc^ry.Wianrxi. » Tout ce passage n’est qu’une antithèse, sous le rapport de la justification et du salut, entre le premier et le second Adam, antithèse qui, dans la pensée de l’Apôtre, n’est pas fortuite, car elle apparaît déjà en germe dcins I Cor., xv, 22, comme le remarque Lioht-FooT, Notes on Epistles of St Paul, Londres, p. 289. Elle est, d’ailleurs, en pleine concordance avec la mission rédemptrice de Jésus-Christ : sauver tous les hommes, y compris les enfants, Matth., xviii, lo-i i ; or, le salut n’est-il pas présenté dans les Evangiles comme une déliTance dupéohé et une réconciliation avec Dieu ?

A la sainte Ecriture s’ajoute la Tradition. Les conciles invoquent spécialement l’usage antique de baptiser les enfants, non pas seulement pour leur conférer un droit d’entrée au royaume des cieux, suivant l’interprétation pélagienne, mais pour effacer en eux, grâce au sacrement de la régénération, la souillure que tous contractent du fait même de leur génération ; ut in eis regeneratione mundetiir, quod generationo contraxerunt. Milev.n, caxv. 2 ; Trident., sess. V, can. l^. Mais, parallèlement à l’usage, il y avait la croyance, consignée dans les témoignages des Pères, soit qu’ils atTirrænt ou supposent la solidarité d’.dam et de ses descendants dans la réception et la perte des dons primitifs, soit qu’ils rattachent à la faute du premier ancêtre l’état de déchéance, non seulement physique, mais morale, où se trouve actuellement la famille humaine. En défendant l’existence du péché originel comme point de croyance catholique, saint Augustin avait si peu conscience d’innover, qu’il en appelait contre les Pélagiens aux Pères qui l’avaient précédé dans les pays les plus divers : Cyphibn de Carthage, Basile de Gappadoce, Grégoire de Nazianze, Hilaire de Gaule, Ambroisb de Milan. Contra Jiilianum, 1. I, vi, n. 22, P. /.., t. XLIV, col. 655. A ces noms il joignait celui de saint Jean Chrysostome, dnnt il venait de citer ces paroles, tirées d’une homélie ad neophytos : « Nous baptisons les enfants eux-mêmes, bien qu’ils n’aient point de péchés, pour leur procurer la sainteté, la justice, l’adoption, le droit à l’héritage, la fraternité avec le Christ, l’honneur d’être ses membres et les | temples du Saint-Esprit. » Parler ainsi, n’est-ce pas

supposer dans les enfants non baptisés la privation de la sainteté, de la justice et des autres dons qne notre premier père avait reçus, comme chef de l’humanité ?

L’afDrmation incidente, que les enfants sont sans péchés, xxiTot ày « /5Tv ; /jiaTa oùx iyo-jx’/., n’exclut donc, suivant la juste remarque de saint Augustin, que les fautes actuelles ou strictement personnelles, dont les enfants sont incapables. Interprétation confirmée par un texte de saint Isidore de Péluse, qui peut servir de commentaire à celui du docteur antiochien. A cette question, posée par le comte Herminius : Pourquoi baptise-t-on les enfants qui sont sans’çéchés, TK.Spspi) « v « |j : àpT>ira iVrot ? l’évêque réplique : « Il y en a qui se contentent de dire que le baptême efface en eux la tache que la prévarication d’Adam fait passer en tout homme ; c’est là une réponse par trop sommaire et incomplète. Pour moi, je crois que cela se fait ; mais ce n’est pas tout, ce serait même peu de chose, il faut ajouter les dons qui surpassent notre nature. » Epist., 1. lU, ep. cxcv, P. G., t. LXXVIII, col. 880. D’ailleurs, des Pères grecs plus anciens que saint Jean Chrysostome ont fait usage du terme même de péché en parlant et d’Adam prévaricateur et de ses descendants rattachés à lui par un lien de solidarité.’Voir, dans ce Dictionnaire, art. Marie (Immaculée Conception) tom. III, col. 233, et, dans le Dictionnaire de théologie catholique, t. VII, col. 896 s., une discussion plus développée du point, par le P. Martin Jugie.

Les preuves d’Ecriture sainte et de Tradition, qui viennent d’être esquissées, sont tirées de la révélation positive ou la supposent ; ce sont des preuves d’autorité. Peut-on, en outre, recourir à la lumière naturelle et, par son moyen, construire un argument d’ordre proprement rationnel ? Beaucoup de protestants, les jansénistes, un certain nombre de catholiques attachés à l’apologétique de Pascal ou de filiation traditionaliste, ont répondu d’une façon afîirmative : pour eux, les maux auxquels l’homme est présentement soumis, du moins les maux d’ordre moral, en particulier la concupiscence telle qu’elle sévit en nous et l’universalité du péché qu’elle entraîne, sont une énigme sans la chute originelle. On peut donc, en partant de la condition actuelle de l’humanité, conclure à un état de déchéance et, par suite, à une faute dont la responsabilité pèse sur la race et chacun de ses membres. Mais, en établissant cette preuve, les théologiens protestants ou jansénistes supposent, en ce qui concerne la condition essentielle de notre nature, ses forces actuelles et le caractère moral de la concupiscence, des notions que 1 Eglise catholique considère comme erronées et qu’elle a réprouvées, soit au concile de Trente, soit plus tard dans les actes pontificaux dirigés contre Jansenius, Bains, Quesnel et le pseudo-synode de Pistoie. Ces fausses notions écartées, il paraît impossible de conclure à l’existence d’une chute originelle sans exagérer la valeur des indices sur lesquels on s’appuie. Les misères morales, si réelles et si profondes, qu’on rencontre dans le genre humain, sont intimement liées à la concupiscence, et celle-ci est une infirmité naturelle, résultant de la constitution physique de l’homme, laissé à ses seuls principes, soumis aux diverses tendances qui surgissent de sa nature complexe et des conditions extérieures auxquelles il est assujetti. Tout cela, mal moral et concupiscence, peut donc s’expliquer, philosophiquement, en dehors de l’hypothèse du péché originel. Mais rien n’empêche de chercher dans l’analyse psychologique de notre nature, considérée dans sa partie supérieure et ses aspirations les plus nobles, des indices probables d’un état de déchéance : pro1741

PÉCHÉ ORIGINF.L

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habiliter suadcri polest, comme dit entre antres saint Thomas d’Aquin, Sumnia contra gentiles, 1. IV, c. Lit, Et rien n’empêche de souligner, dans l’histoire des religions, diverses traditions antiques, propres à confirmer les données de la révélation. Voir Le Ba.-CHELET, Le péché originel dans Adam et ses descendants, l’e part., ch. m ; a" part., cli. iv.

III. Détermination plus précise de la doctrine catholique. — Saint Augustin a dit du péché originel que, s’il n’est rien dont on parle plus couramment, en revanche il n’est rien qui soit plus difficile à comprendre : qiio nihil est ad prædicandum notiiis, nihil ad intelligendum secretiiis. De moribus ecclesiae calh., 1. I, c. XXII, n. 40, P. L., t. XXXII, col. l’iiS. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner si, en cette matière, on ne trouve pas dans la tradition patristique de doctrine nette et ferme, en dehors des points de croyance commune que les anciens conciles ont fixés. Quel est l’élément constitutif du péché originel et comment se propagetil ? En particulier, faut-il attribuer à la concupiscence un rôle, et quel rôle, dans cette propagation ? Quelles conséquences ce péché entraîne-t-il, en ce qui concerne les forces actuelles de notre nature et le sort linal de ceux qui meurent avec la seule tache héréditaire ? Autant de questions que saint Augustin fut amené à toucher, qui l’emliarrassèrent et sur lesquelles il a pu érættfe et a parfois émis des vues personnelles que les théologiens postérieurs, malgré leur vénération pour le grand docteur, ne se sont pas crus obligés de suivre en tout. La solution de ce problème complexe exigeait, en efTet, un progrès préalable dans l’clucidalion de certaines notions connexes ; telles, notamment, la nature de la justillcation dans l’ordre actuel et la délimitation exacte des dons naturels et des dons surnaturels ou prélernaturels dans l’être concret qui fut l’Adam priinUiC.

L’Eglise elle même n’a jamais donné de déUnition ni de déclaration oUiciellc sur tous les points que nous venons d’énumérer, en particulier sur l’élément propre ou spécitique du péché originel ; toutefois, les diverses réprobations qu’elle a prononcées et les affirmations qu’elle a posées permettent de dégager une notion, à la fois négative et positive, qui suffit à l’apologiste catholique. Rappeler cette notion est chose d’autant plus opportune, que la plupart des objections directes contre le dogme du péché originel viennent de faux préjugés ou de malentendus, et qu’un certain nombre n’ont de réelle valeur que contre des conceptions étrangères à l’enseignement de l’Eglise romaine et de ses représentants légitimes.

a. Ce que le péché originel n’est pas. — D’après les principes de l’Eglise romaine, le péché originel ne peut pas consister dans une corruption physique ou intrinsèquede la nature humaine, quelle que soit la manière dont on entende cette corruption, soit par l’addition d’éléments positivement vicieux, soit par la soustraction d’éléments purement naturels, comme le libre arbitre ou la capacité de faire quelque bien d’ordre moral. Que la perte des dons primitifs ait entraîné dans Adam une détérioration positive, c’est l’enseignement formel du concile de Trente et de ceux qui avaient précédé. Mais comme ces dons étaient d’ordre surnaturel ou préternaturel, eette détérioration n’a pas atteint la nalire humaine en Adam dans ses éléments constitutifs ou ses propriétés strictement naturelles. Saint Pie Va même condamné cette proposition de Baius, la 55’ :

« Dieu au début, n’aurait pas pu créer l’homme tel

qu’il naît maintenant. » Denzinobr, op. cit., n. io55(935).

Le péché originel ne consiste pas dans la concupiscence, prise en elle-même et considérée soit comme une empreinte morbide, soit comme un vice positif. A la vérité, la concupiscence peut s’appeler péché, mais dans un sens métaphorique, comme cause, puisqu’elle incline au péché, et de plus, dans l’ordre actuel, comme elïcl, parce qu’elle vient du péché. Concile de Trente, sess. v, can. 5. Dbnzinger, op. cit., n. 792 (G-j^)- I’ne s’ensuit pas que, prise en elle-même, elle soit péché proprement dit ; ce qui est prouvé sullisarament, dans l’ordre de la foi, par le fait qu’elle demeure dans les baptisés, lavés pourtant de tout péché proprement dit par l’onde régénératrice, et, dans l’ordre de la raison, par la condition intrinsèque de notre nature complexe, oii les éléments supérieurs et inférieurs, rationnels et sensuels, laissés à eux-mêmes, entrent forcément en lutte. L’identification de la concupiscence etdu péché originel a donc pour conséquence, en droit et en fait, de faire disparaître en celui-ci le caractère de péché proprement dit. Aussi, dans le texte de la constitution dogmatique De doctrina cailiolica, présenté aux Pères du concile du Vatican, proposait-on de définir expressément que la tache originelle ne consiste ni dans la concupiscence, ni dans une maladie, physique ou substantielle, de la nature humaine. Acta et décréta ss. oecumeiiici Concilii Vaticani. Collectio Lacensis, t. VII, col. 566.

Le péché originel ne consiste ni dans une action strictement personnelle, ni dans quoi que ce soit d’immédiatement volontaire aux fils d’Adam qui contractent ce péché. Certains ont affirmé le contraire, en partant de ce principe, que l’idée de volontaire est essentielle au péché proprement dit ; comme, par ailleurs, ils assimilaient le péché originel au péché actuel, ils ont prétendu lui appliquer la définition courante : « acte, désir ou pensée volontaire contre la loi de Dieu » ; de la sorte, des protestants ont été amenés à soutenir qu’en arrivant à l’âge de raison, l’enfant consentait à son péché originel. Ce qui est, en réalité, sortir de la question ; car il s’agit d’expliquer le péché contracté par l’enfant au moment même de sa conception, et non pas un péché d’acquiescement ou de consentement qu’il pourrait commettre en acquérant l’usage de la raison. D’autres ont eu recours à l’hypothèse de la préexistence des âmes, pour expliquer par un péché commis dans une vie antérieure l’état de déchéance actuelle ; ce fut le rêve d’ORioÈNE, au moins dans sa jeunesse ; des théosophistoset des spirites l’ont repris de nos jours, et même un philosophe allemand, JuliusMiiL-LER, Die christliche I.ehre fon der Sùnde, t. Il surtout, 4éd., Breslau, 1858. La condamnation portée contre la théorie origéniste et sanctionnée par le pape Vigile écarte cette dernière solution. Dknzin-GER, op. cit.. n. 203, 206(187, 190). En outre, le pape Innocent III, c. Majores, repousse l’assimilation du péché originel au péché actuel, car il les différencie précisément en ce que l’un est contracté sans consentement, tandis que l’autre est commis avec consentement : originale, qiiod uhsqiie consensu contrahitur ; actuale, quod committitur cuni consensu. Denzinger, op. cit., n. 4 10 (34 1) b. Ce que le péché originel est. — Dans les documents officiels rapportés ci-dessus, l’Eglise nous présente le péché originel comme une mort spirituelle, peccatum quod est mors animæ ; comme une souillure ou tache, contractée d’abord par notre premier père, inquinalum illum peccato inobedientiae, mais passant à tous ses descendants ; comme une injustice inhérenteà chacun, /jropri’a injustitia ; et tout cela se trouvant en nous au moment même de notre conception et en vertu de notre descendance 1743

PECHE ORIGINEL

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adaraique. L’Egliseaffirme encore le rapport de cause à effet entre l’acte de prévarication commis par noire premier père et la transmission du péclié originel à ses descendants ; et cette aflirraation siillit pour expliquer et justilier l’expression courante : tous ont péché en Adam. Mais nulle part l’Eglise n’identiUe ces deux choses : l’acte de prévarication et le péché transmis. Gequ’Adara transmet, ce n’est pas l’acte qu’il a posé personnellement, c’est l’effet qui s’ensuivit dans son àme et dans son corps, particulièrement l'étal d’inimitié ou d’aversion par rapport à Dieu, considéré comme ami et comme Un dernière. Cet état comprenait, pour Adam, la perte, et il comprend, pour ses descendants, la privation de la sainteté et de la justice originelle ; au même titre, il entraîne souillure et mort de l'âme dans l’ordre surnaturel. Nous sommes amenés de la sorte à concevoir le péché originel dans les descendants d’Adam comme un état de mort ou d’injustice spirituelle, constitué par l’absence en nous de la sainteté et de la justice que nous devrions posséder en naissant, conformément à l’ordination.primitive. Par ailleurs, la grâce sanctilianle est, dans l’ordre actuel, l'élément formellement constitutif de la vie spirituelle et de la justice intérieure, suivant la déclaration authentique du Concile de Trenle, sess. vi, cap. 8, Denzingbb, op. cit., n. 999 (681). Dès lors, c’est dans l’opposé, dans la privation de la grâce sancliliante en conséquence de la faute d’Adam, qu’il faut chercher l'élément formellement constitutif du péché originel en ses descendants. On peut, il est vrai, considérer la concupiscence comme rentrant dans l'état général de désordre que la prévarication de notre premier père a introduit dans la nature humaine ; de ce point de vue, les théologiens scolastiques y ont vu l'élément matériel du péché originel, materiale peccati ; mais, par le fait même qu’ils l’ont opposé â l'élément formel, proprement constitutif, ils ont tenu cet élément matériel pour secondaire et insuffisant, par lui seul, à créer dans l’homme un état d’injustice spirituelle et, par conséquent, de péché proprement dit.

La doctrine qui vient d'être exposée ne s’est élaborée que lentement, à mesure que la réllexion théologique s’est fixée sur les notions qu’elle renferme ou qu’elle suppose. A la fin du xi' siècle, saint Anselme i)B Cantorbéry lit beaucoup en présentant le péché originel comme l’absence, ilans l’enfant conçu, de la justice qu’il devrait posséder, mais dont il est privé par la faute d’Adam, /r(f/a » i per inobedientiam Adami iiislitlæ debitæ nuditatem. De conceptu ^'irginali, c. xxvir, P. L., t. CLVIII, col. 46 1. Deux siècles plus tard, saint Thomas d’Aqui.v précisa davantage en dégageant, dans l’ensemble des dons surnaturels et préteruaturelsque l'état de justice originelle comportait, l'élément principal, nécessaire et suffisant pour qu’il y ait union habituelle et subordination essentielle delà partie supérieure de l'âme à Dieu. Siimma iheoL, I » lln « , q. lxxxii, a. 3 ; q. lxxxiv, a. 2. Devenue commune depuis lors, cette conception est d’autant plusrecevable qu’elle fournit une heureuse synthèse des notions contenues dans l’enseignement de l’Eglise. On comprend que le péché originel soit une mort spirituelle, puisque la grâce sancliliante est le principe même de la vie dans l’ordre surnaturel. On comprend que, recevant d’Adam une nature privée de cette grâce qu’elledevrait posséder d’après la loi de sa constitution primitive, tout lils d’Adam se trouve dans un état d’injustice qui lui est propre. On comprend les termes de soinlliire ou de tache, appliqués au péehé originel, puisque la grâce sanctilianle est le principe de la beauté de l'âme, comme de sa vie, dans l’ordre surnaturel. On com

prend que, pour exprimer le privilège insigne dont a joui la bienheureuse Vierge Marie, mère de Dieu, de ne pas tomber sous la loi commune, l’Eglise se serve indifféremment de ces formules : Marie préser- 1 vée de la tache du péché originel, Marie immaculée * dans sa conception, ou de ces autres : Marie sainte, Marie ornée de la grâce sanctifiante dès le premier instant de son existence.

Reste la question du volontaire, que l’idée de péché suppose essentiellemeni : a £x vu tuntatepeccatum est t, dit saint Augustin, De nuptiis et concup.,. 11, n.48, P. L., t. XLIV, col. 464 ; et plus énergiquement encore : « Péché et volontaire se tiennent si étroitement que, là où le volontaire manque, il n’y a point de péché ; ce qui est tellement clair que nul désaccord n’existe là-dessus, ni parmi les doctes, ni parmi les autres. » De te ; vi religione, c.xiv, n. 27, /"./.., t. XXXI V, col. 133. Le pape saint Pie V a sanctionné cette doctrine en proscrivant la proposition 46- de Baius :

« La raison de volontaire n’appartienlpasà l’essence

et à la notion du péché. » Denzinger.o^. ci(., n.io46 (804). Mais autrechose est de maintenir que le volontaire doit se retrouver dans le péché originel, autre chose est de détermineret d’expliquer en quel sens il faut entendre celle affirmation. Suivant la logique de son idée, Baius continuaitdans la proposition 47' : a Par conséquent, le péché originel estun vrai péché indépendamment de tout égard et de tout rapport à la volonté [d’Adam] dont il tire son origine », et dans la 48" : " Le péché originel est volontaire â l’enfant d’une volonté habituelle et il est en lui à l'état dondnant, parce que l’enfant n’a pas de volonté contraire. dEii réprouvant ces deux propositions comme la précédente, le Saint-Siège nous enseigne â ne pas faire abstraction de la volonté pécheresse du premier ancêtre, si nous voulons comprendre quelle sorte de volontaire convient au péché originel dans ses descendants. Chez ceux-ci, if ne s’agit pas d’un acte, mais d’un étal résultant de l’acte de prévarication posé par le seul Adam ; on ne doit donc pas songer à une faute actuelle ou strictement personnelle, ni à la déiiniti^n courante du péché, « acte, désir ou pensée volontaire contre la loi de Dieu ». Aussi saint Thomas remarque-t-il à bon droit que la notion de péché ne s’applique pas dans le même sens au péché actuel et au péché habituel. Sent., II, dist. xxxv, a. 2, ad 2. Or c’est au péché habituel, pris au sens Ihéologique du mol, et non pas au péché actuel, qu’il faut comparer la faute héréditaire.

Une dilTérence notable s’ajoute â celle qui précède. D’ordinaire, le péché habituel dit relation à un péché actuel, antérieurement commis par la personne même dont il s’agit. Il n’en va pas ainsi pour la faute héréditaire, puisqu’elle dit relation au péché actuel qu’Adam seul a commis. De là vient la dénomination spéciale de péché de la nature, par opposition au péché de la personne, que les théologiens scolastiques lui ont donnée, à la suite de saint Anselme, De conceptu virginali, c. xxiii, P.L., t. CLVIII, col. 456 s., et du Docteur angélique, Summa theolog., l'^l'", q.Lxxxi, a. l. Ils veulent.dire, parla, que le péché habituel ordinaire estallribué aux individus en vertu d’actes personnelsdont ils sont directement et strictement responsables, tandis que le péché originel ne nous est attribué qu'à raison de la nature humaine que nous recevons, et telle que nous la recevons d’Adam par l’entremise de nos parents, proches et éloignés. Manifeste est la conséquence, en ce qui concerne le volontaire. Le péehé habituel ordinaire, provenant d’un acte directement et strictement personnel, suppose une volonté propre de la part du pécheur. Pour un motif contraire, le péché originel ne suppose de volonté directement 1745

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el strictement personnelle que dans le chef du genre humain, auteur responsable de l’ctat de déchéance et de péché qui résulte de son acte de prévarication en sa propre personne d’abord, puis dans celle de tous sesdescendants. Aussi est-ceà la volonté (l’Adam que saint Augustin se contente de faire appel dans l’endroit cité du second livre De niipliis et conçu piscenlia, quand il veut expliquer loiument le péché originel est, lui aussi, volontaire : l’rovsiis etori^inale peccutam, quia et hoc ex voi-untatb puimi hominis seminatum est, ut et in illo esset, et in omnes Iransirel. De son côté, saint Thomas d’Aquin voit là une conséquence de la distinction entre le peccalum persunæ el le peccntum naturac : 1e premier requiert une volonté personnelle dans l’individu, l’autre nerequiert de volonté que dans la nature, considérée comme un tout moral dépendant d’un seul chef ; ce qui fait dire au même docteur que, île tous les pécliés proprement dits, l’originel est celui où le volontaire est au degré intime : minimum hahet de voluntario. Sent., H, dis t. XXX, q. i, a. a ; dist. xxxiii, q. ii, a.i, ad a.

En somme, le volontaire dans le péché originel s’explique, comme ce péché lui-même et comme sa propagation, par la grande loi de solidarité qui, par rapport aux dons primitifs, surnaturels et préternalurels, formant l’apanage de la nature humaine, existait entre Adam et ses descendants. En conséquence, dans le péché originel, la responsabilité strictement dite ou personnelle revient au seul Adam ; pour les autres, il n’j'ade responsabilité que dans uneacception plus large, en ce sens que, recevant une nature privée des mêmes dons par la faute du chef de la famille, ils sont passifs des conséquences qui en résultent, el la première de ces conséquences est un étal de mort et d’injustice spirituelles.

Il est vrai que des théologiens catholiques ont appliqué au péché originel, considéré même dans lesdescendants d’Adam, la notion de volontaire directement el strictement personnel ; pour cela, ils ont identiûé ce péché avec celui d’Adam, déclaré nôtre soit par imputation, soit en vertu d’une certaine inclusion, interprétative ou juridique, de toutes nos volontés dans celle du premieraneètre. L’expression : Tous ont péché en Adam », signiûe alors qu’en lui el avec lui nous avons tous posé, d’une certaine façon, l’acte de désobéissance qui nous a perdus. Mais c’est là une simple opinion, dépendante d’une théorie générale sur le péché habituel, qui se réduirait, d’après ces théologiens, à la persévérance morale et à l’imputation d’un péché actuel antérieurement commis : pecratum actuale commissum eition remissum. Conception défectueuse, car elle ne tient pas assez compte du rôle essentiel qui, dans l’hypothèse de notre élévation à l’ordre surnaturel, revient à la grâce sanctilianle, comme élément constitutif de la justice et de la sainteté intérieure ; en outre, elle méconnaît ce qui vient d'être dit du caractère spécial du péché originel, considéré dans les descendants d’Adam, en l’assimilant plus ou moins soit à un péché actuel, soit à un péché habituel ordinaire ; enlin. elle suscite des dillicultés graves qui, à elles seules, fournissent un argument efficace contrecetle opinion. Voir l’Em. Cardinal Billot, La Providence de Dieu et le nombre infini d’hommes en dehors de la voie normale du salut. II. Les enfants morts sans baptême, (a.ns Ktudes, Paris, 1920, t. CLXU, p. 182134.

IV. Les objections contre le dogme du péché originel. — Elles sont de deux sortes : les unes directes, qui s’en prennent à l’idée même d’un péché proprement dit, se transmettant du premier homme à sesdescendants ; les autres indirectes, qui se tirent

des présupposés, état primitif d’innocence et déchéance commune de la race dans Adam.

A.OI’jectiousdirectes.— l.iy^présle dogme catholique, nous contracterions tous un péché proprement dit au premieriiistantdenotreexistence, nousaurions même péché en Adam. Mais comment peut-on pécher avant de savoir el de vouloir, encore plus avant d’exister ? Et M. P.vUL Janet de rééditer l’argument de l’agneau disant au loup : « Comment l’aurais-je fait si je n'étais pas né? A moins d’admettre ou la préexistence des âmes, ou une sorte de panthéisme liumanilaire, comment comprendre cette expression théologique que tous les hommes ont péché en Adam ? » /.es Problèmes du JIX' siècle, 1. V, ch. 11, Paris, 1873, p. 479 Réponse. — L’objection vaudrait si, d’après l’enseignement catholique, le péché originel, considéré dans les descendants d’Adam, était un péché actuel que nous comrætlrions au premier instant de notre existence ou que nous aurions commis en notre premier père. Qu’il en soit tout autrement, on l’a vu ci-dessus. Ce n’est pas le péché originel pris au sens actif du mol, c’esl-à-dire l’acte de prévarication posé par Adam <(ui passe à ses descendants ou qui estproprcment leur ; c’est l'étal d’injustice spirituelle dont l'àme fut passive, que ses descendants contractent par le fait même qu’ils reçoivent de leurs parents une nature dépouilléede la grâce sanctifiante qu’elle devrait posséder. Si des théologiens catholiques tendent à identifier, jusqu'à un certain point, le péché actuel d’Adam et le péché originel de ses descendants, ils n’entendent pas dire par là que nous ayons commis cepéché par nous-mêmes ouquenous commettions un acte semblable au moment de notre conception ; ils prétendent seulement que l’acte du premier ancêtre fut aussi le nôtre d’une façon interprétative, morale ou juridique, et qu’en conséquence cet acte nous est imputé jusqu'à rémission faite par Dieu dans le baptême ou autrement.

a. D’après le dogme catholique, le péché et la responsabilité qui s’y rattache se transmettraient d’Adam à ses descendants par voie de propagation : ce qui a renferme une contradiction absolue. Quelle est la source du mal ? C’est la volonté, l’art propre ilu moi dans un être individuel. Or la volonté est essentiellement incommunicable. Comment donc le péché pourrait-il se Iransmetlre par l’hérédité? On allègue la transmission héréditaire des maladies, mais c’est une transmission toute physique ; tandis que, dans la doctrine théologique, c’est le péché même, la volonté viciée, qui se transmet d’individu en individu. » PAVhlANEt, La Philosophie de /.amennais, dans Bévue des Deux-Mondes, l5 mars 1889, p. 399.

Réponse. — Autre chose est le pèche actuel el la volonté personnelle qu’il renferme comme cause immédiate, autre chose est le péché habituel ou l'état d injustice spirituelle qui se trouve dans l'âme en conséquence du péché actuel antérieur. Le péché actuel et la volonté personnelle sont choses essentiellement incommunicables, assurément ; mais, d’après l’enseignement catholique, ce n’est pas cela qu’Adam transmet à ses descendants, c’est seulement l'état d’injustice spirituelle où il est tombé en perdant la grâce sanctifiante pour lui-même el [lour sa race. Or rien ne s’oppose à ce que cet étal d’injustice spirituelle, par privation de la grâce sanctifiante, se trouve dans les descendants d’Adam comme dans Adam lui-même, avec cette seule dilférenee que, dans le chef, il dit relation au péché actuel qu’il a personnellement commis, tandis que, dans les memljres, il dit seulement relation au péché actuel de l’ancêtre commun. Devant cette explication, toute contradiction réelle 1747

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disparaît et en même temps le scandale que pourrait causer le terme de culpabilité. Ce terme signiûe proprement l’état de quelqu’un qui est coupable par suite d’un crime ou d’un délit qu’il a commis ; il ne s’applique donc pas aux descendants d’Adam, soumis au seul péché originel. Ce péché dit un état dont nous sommes passifs, mais non coupables, puisque nous le contractons du seul fait de notre origine, sans qu’il 5’ait consentement de notre part. Aussi, parmi une série de propositions condamnées par Alexandre VII le 7 décembre 1690, rencontre-t-OQ celle-ci : Dbnzingbr, o/). cit., 11. 1809(895). Demême, quand on dit que la faute héréditaire nous fait mériter la mort, corporelle et spirituelle, il ne peut être question de mérite ou de démérite au sens strict du mot, c’est-à-dire d’action digne de châtiment, mais le mot s’entend alors au sens large d’état ou de condition qui nous rend passifs de la double mort, indépendamment d’un mérite ou d’un démérite strictement personnel.

3. Si le péché originel se transmet avec la nature par voie d’hérédité, pourquoi le seul péché d’Adam se transmet il, et non pas ceux des autres ancêtres ? Et même, comment le péché d’Adam se transmet-il, puisque celui-ci l’a réparé par son repentir, et que Dieu le lui a pardonné : Et eduxitillum a delicto suo, Sap., X, a ?

Réponse. — SeuUe péché d’Adam, principe et chef du genre humain, a pu dépouiller notre nature de la justice originelle, et par suite de la grâce sanctifiante, considérée comme apanage de cette nature, comme don qui, s’attachant directement àelle, pouvait se transmettre avec elle et par elle. Cet étal primitif et ce don une fois perdus, toute autre grâce ne devait plus se trouver dans Adam et ses descendants qu’à titre strictement personnel, comme grâce accordée auxindividuspour leur propre sancliOcation, en vertu d’une application anticipée ou conséquente des mérites de Jésus-Christ Sauveur. S. Thomas, Quæst. disput.. De Malo, q. iv, a. 8.

4. L’idée de péché proprement dit entraîne celle du volontaire, et l’enfant est incapable de volonté au début de son existence ; d’autre part, la volonté d’Adam n’est pas celle de ses descendants et ne peut leur être transmise, car c’est quelque chose d’essentiellement incommunicable ; il ne saurait donc être question du péché originel, dans le sens d’un pf’ché proprement dit contracté par les descendants d’Adam au premier instant de leur existence.

Réponse. — Considéré dans les descendants d’Adam, le péché originel n’est pas, on l’a vii, volontaire au même titre que le péché actuel, ni même que le péché habituel ordinaire, disant relation à un péché actuel dont quelqu’un s’est rendu, au préalable, personnellement coupable. Ce que le péché originel suppose, c’est uniquement la volonté actuelle d’Adam, principe et chef du genre humain ; volonté qui a précédé, qui ne se transmet pas physiquement aux autres, mais qui, néanmoins, s’étend moralement, comme cause libre et responsable, à l’état d’injustice spirituelle où tous nous naissons.

5. Le péché originel dit corruption ou détérioration de la nature humaine dans Adam, avec transmission indélinie de la nature ainsi corrompue ou détériorée ; mais « la psychologie et la biologie ne permettent que très difficilement d’accepter cette idée, que la nature humaine ait été altérée par un acte dépêché, et qu’un tel effet, supposé qu’il ait eu lieu, puisse se propager par voie d’hérédité physique ». F. Tbnnant, art. Original Sin, loc. cit., p. 564.

Réponse. — Que des caractères positifs d’ordre physiologique, qualités ou tares, puissent, ou ne puis sent pas résulter d’actes posés par les ancêtres et se transmettre aux descendants, c’est une question Tivement débattue parmi les physiologistes et les biologistes : là où Darwin avait affirmé, Weismann a nié. L’apologistecatholique peut se désintéresser de cette controverse, quand il s’agit du péché originel. Si le dogme catholique affirme la perte, faite par Adam, de dons supérieurs à la nature humaine, puis la transmission aux descendants d’une nature dépouillée de ces dons, il ne suppose nullement une corruption ou détérioration de la nature humaine, considérée dans ses éléments constitutifs ou spécifiques, ni la production d’une sorte de virus physiologique ou d’une qualité morbide, inhérente au sang humain et qui se transmettrait avec lui au cours des générations. La difficulté, telle qu’elle est proposée, n’auraitde valeur réelle que dans l’hypothèse contraire, admise jadis par d’anciens scolastiques, mais fréquente surtout dans la théologie protestante, bien qu’il y ait d’heureuses exceptions. Voir, par exemple, le liev. Francis Joseph Wall, professeur de théologie dogmatique au séminaire théologique de Chicago, Evolution and the Fall, New- York, 1910, Lect. vi, § 2, p. ao4aia.

6. D’après la doctrine du péché originel. Dieu, pour la faute d’un seul, décréterait la décadence du genre humain tout entier ; il damnerait même et punirait de châtiments éternels les enfants morts sans baptême. Quoi de plus contraire à la notion d’un Dieu juste et bon ? a Quant à cette justice qui punit les innocents pour les coupables et qui déclare coupable celui qui n’a pas encore agi, c’est la vendetta barbare, ce n’est pas la justice des hommes éclairés… Nous aurions honte d’imputer à Dieu ce dont nous aurions des remords nous-mêmes, si comme législateurs humains nous avions porté une pareille loi. » Paul Janet, Les Problèmes du XIX" siècle, p. 481.

Réponse. — Cette objection atteint ceux qui rattachent au péché originel, soit comme élément constitutif, soit comme effet proprement dit, une corruption intrinsèque ou détérioration positive de la nature humaine, considérée dans ses éléments spécifiques ou ses propriétés strictement naturelles ; de même, elle atteint ceux qui, assimilant le péché actuel et le péché originel, sous le rapport du châtiment, n’ont pas craint de condamner aux peines positives de l’enfer les enfants morts sans avoir reçu le sacrement de la régénération. Mais telle n’est pas la doctrine de l’Eglise catho’ique. Dans l’autre vie, le péché originel entraîne la privation de la vision béatifique, comme l’enseigne Innocent III : poena originalis peccali est caretitia visionis J)ei. Db.’vzinger, op. cit., n. 410 (341). C’est en cela que consiste, pour les enfants morts sans baptême, la damnation, entendue au sens théologique du mot, c’est-à-dire la séparation i d’avec Dieu, considéré non seulement comme fin naturelle, mais encore comme unique fin dernière de l’homme, dans l’ordre actuel. Ce qui n’a pas empêché saint Thomas d’Aquin et la plupart des théologiens catholiques d’accorder à ces enfants une sorte de béatitude d’ordre naturel. Il est vrai que les membres jansénistes du pseudo-sj’node de Pistoie ont traité cette opinion de fable pélagienne ; mais Pie VI l’a vengée contre leurs attaques dans la constitution Auctorem /Jdei, art. 28 ; Denzinger, op. cit., n. 1626 (1889). Ici-bas, les effets du péché originel se réduisent à la privation des dons surnaturels et préternaturels qu’Adam avait primitivement reçus pour lui et pour sa race. On se trouve donc, finalement, en face d’une grande loi de solidarité, en vertu de laquelle la conservation et la transmission de l’état de justice originelle dépendait de la fidélité de notre premier père à l’égard du précepte que Dieu lui avait 1749

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imposé. Etant donné qu’il s’agit de dons surpassant les exigences de la nature humaine, et dès lors absolument gratuits de la part de Dieu, qu’y a-t-il là qu’on puisse, raisonnablement, proclamer contraire à la justice, à la bonté et à la miséricorde divine ?

T. A tout le moins, en conséquence du péché d’Adam, qui ne l’a pas seulement dépouillé des dons gratuits, spoliattis gratiiitis, mais blessé aussi dans ses puissances naturelles, vulneratus in naturalibus, il y aurait eu, pour le genre liumain, perte de perfections morales d’abord concédées et substitution d’entraves spirituelles, d’où résulterait un état de faiblesse morale tel qu’il entraîne » une redoutable disproportion entre nos devoirs et nos forces » : tout cela voulu par Dieu, et sans qu’il y ail faute de notre parti Ces données sont-elles conciliables avec la justice et la providence divine ? F. Tennant, loc. cit., p. 564.

Réponse. — Si l’expression : vulneratus in naturalibus, opposée à l’autre : sfivliatus gratuiiis, signifiait, comme tant de protestants et de jansénistes l’ont prétendu, que les descendants d’Adam héritent d’une nature intrinsèquement et substantiellement corrompue, ou que la concupiscence, fruit du péché primitif, est une qualité morbide, un vice positif ou quelque chose de semblable qui affecte et infecte cette nature, de manière à déterminer en nous une impuissance physique par rapport aux devoirs qui nous seraient imposés quand même, assurément il serait difficile de donner à l’objection une réponse sérieuse. Mais tout autre est la pensée des théologiens autorisés de l’Eglise catholique. Pour eux, l’expression : vulneratus in naturalibus, ne s’entend pas de coups qui auraient atteint directement la nature humaine dans ses perfections propres, soit en la diminuant, soit en la viciant ; elle s’entend seulement du contre-coup que la perte des dons gratuits a eu dans la nature. Plusieurs de ces dons la perfectionnaient même dans sa sphère propre ; tel, en particulier, le don d’intégrité, comparable à un frein qui empêchait le déchaînement de la concupiscence et prévenait les efifets d’ignorance et de faiblesse morale qui s’ensuivent normalement. Le contrecoup subi parla nature peut s’appeler une blessure, mais seulement dans un sens large et relatif, en comparant cette nature telle qu’elle est après la chute avec ce qu’elle était auparavant. La puissance physique d’accomplir les devoirs qui lui sont imposés reste dans l’homme ; quant à l’impuissance morale, sous la forme et dans le degré où elle existe réellement, la grâce est là pour y suppléer, dans l’ordre de nature relevée qui est le nôtre. La même impuissance existerait-elle dans l’hypothèse d’une nature pure, laissée à ses seules exigences sans addition de dons surnaturels ou préternaturels ? Supposé que la même impuissance existât, comment y serait-il remédié? serait-ce par des secours actuels d’ordre naturel, accordés à la prière, suivant l’opinion de graves théologiens dont l’abbé de Brogue a tiré bon parti ? Conférences sur la vie surnaturelle, 2' année, p. 267 ss. Question intéressante, mais qui est en dehors du présent problème. Ajoutons seulement que l’impuissance morale dont nous souhrons maintenant ne vient pas proprement de Dieu, puisqu’elle ne rentrait pas dans le plan primitif ; elle vient du premier ancêtre qui a pu. Dieu le permettant, déranger ce plan en ce qui n'était pas absolu, mais relatif et dépendant d’une condition que l’homme pouvait librement remplir ou ne pas remplir.

8. Même avec toutes ces atténuations, le dogme du péché originel reste une énigme pour ceux qui croient en la sagesse suprême. Pourquoi la création d’Adam dans l'état de justice originelle, puisqu’il devait. Dieu le sachant bien, en déchoir aussitôt ? Et surtout.

pourquoi faire dépendre du seul Adam l’avenir de toute sa race ?

Uéponse. — Rien d'étonnant si la créature se trouve en face du mystère, quand il s’agit des intimes desseins de Dieu, et que Dieu lui-même ne les a pas révélés : Qtds enim cugnuvit sensum Dvmini, aut quis consiliarius ejus fuit : ' Rom., xi, 34. En ce qui concerne la prescience que le Créateur a nécessairement des défaillances éventuelles des êtres qu’il peut créer, ne serait-il pas déraisonnable d’en faire une objection contre sa sagesse et sa liberté d’action ? Si, dans l’application, la sagesse ot la volonté divine ne peuvent jamais être séparées de la i>rescience, il n’est pas moins vrai qu’elles ont leurs raisons propres et que ces raisons sont dans une autre ligne que la prescience. Ces raisons, celui-là seul qui aurait pénétré le plan divin dans son ensemble, serait capable de les entrevoir et de répondre pertinemment aux demandes du pourquoi en pareille matière. La production d’Adam comme être libre non confirmé en grâce, son élévation et, en sa personne, celle dugenre humain à l’ordre surnaturel, sa constitution dans l'état de justice originelle, comme apanage de la nature élevée, sont d’assez grands biens par eux-mêmes pour que Dieu ait pu les vouloir malgré la science qu’il avait de la prochaine défaillance. Objecter que, de la sorte, il fait dépendre d’un seul l’avenir de toute une race, c’est émettre une assertion dont la réelle portée est beaucoup moindre que ne le supposent habituellement les adversaires du dogme ; car elle ne vaut que dans un sens restreint, à savoir que la conservation de l'état de justice originelle dépendait de la lidélité du chef aux conditions posées par Dieu. En cela, cl en cela seulement, il y avait loi de solidarité entre Adam et ses descendants. Prise en ellemême, cette loi de solidarité était tout â l’avantage dugenre humain ; elle ne s’est retournée contre nous que par la faute du premier ancêtre. Mais n’oublions pas que, dans le plan divin intégral, elle devait nous redevenir favorable ; d’après l'économie du relèvement, connue et voulue par Dieu de toute éternité, la loi de solidarité se reformerait entre le second Adam etla race humaine, et celle-ci retrouverait, finalement, dans cet autre chef, beaucoup plus qu’elle n’avait perdu dans le premier : felix culpa ! La chute elle-même, considérée dans les effets qu’elle a entraînés, ne renferme-t-elle pas de graves et profonds enseignements, ne serait-ce que celui de nous faire comjirendre, par un exemple exceptionnellement frappant, noire fragilité naturelle et la grièveté du péché, du péché d’orgueil en particulier ?

B. Objections indirectes.— 9. Le récit de la chute, Gen., ni, supposé par les documents conciliaires et invoqué par les défenseurs du dogme du péché originel, n’esl pas et ne peut pas être une donnée historique. Les analogies qu’ilprésente avec l’ancienne mythologie assyrienne ; la longue existence de l’homme préhistorique durant toute la période quaternaire, et peut-être au delà ; le lien de filiation organique entre l’homme et les espèces animales supérieures que révèlent l’anatomie comparée, l’embryologie, etc. ; la mortalité s’atlachant à l’homme par cette origine même : autant de points élablispar la science moderne et forçant à voir dans la page génésiaque un mythe primitif, » dont le sens original et l’intention sont tout autres que ceux que l’ancienne exégèse y a découverts ». Aug. Sabatieb, La doctrine de l’expiation et son évolution historique, Paris, igoS, p. 6.

Réponse. — L’Eglise catholique maintient l’historicité du récit de la chute ; pour quelles raisons et dans quelles limites, on peut le voir à l’article Genèse, t. II, col. 278 s. Il n’y a là rien qui soit en 1751

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contradiction réelle avec les données de la science vraiment acquises ; mais les adversaires du dogme catliolique ont coutume de procéder comme le fait ici Aug. Sabatier dans son énumération : ils transforment en certitudes des hypothèses qui dépendent souvent d’une conception pliilosophique, ou bien ils mêlent des problèmes non seulement distincts en eux-mêmes, mais d’inégale portée dans leurs rapports avec le dogme de la chute originelle. Ce dogme suppose la descendance adamique, et par suite l’unité spécifique et ethnologique de tous les hommes qui ont vécu sur la terre depuis Adam ; il suppose, mais seulement dans Adam et Eve avant leur péché, lesdons et privilèges énoncés ci-dessus ; il suppose enfin que, par comparaison à leur état primitif, nos premiers ancêtres ont subi une déciiéancequi devait s'étendre à leur postérité. Aces questions, d’autres sont souvent mêlées indfimeiit, par exemple, celle de l’antiquité plus ou moins grande du genre humain, car le dogme de la chute originelle reste, en soi, indépendant de ce problème ; telle encore, jusqu'à un certain point, la question de savoir comment les premiers corps humains furent formés, car la chute originelle fut postérieure non seulement à cette formation, mais encore à l'élévation d’Adam et d’Eve à l’ordre surnaturel. La création et l'élévation furent-elles simultanées, ou la seconde ne vint-elle qu’après l’autre ? La plupart des théologiens catholiques tiennent pour la simultanéité ; l’opinion contraire n’a cependant pas manqué de partisans. Quoi qu’il en soit de ce point secondaire, l'élévation présuppose, au moins logiquement, la constitution de nos premiers parents en êtres humains par l’union de l'àme et du corps.

Celte considération permettra de comprendre un essai de conciliation, tenté par certains, entre la doctrine de la chute, prise dans ses éléments essentiels, et l’hypothèse évolutionniste ou transformiste, appliquée aux corps d’Adam et d’Eve. Que ces corps, considérés matériellement, aient été formés directement par une action divine spéciale ou qu’ils aient été le terme d’une évolution organique préalable, peu importe, dit-on, en ce qui concerne le dogme du péché originel. Le point important, c’est de déterminer ce que l’homme, une fois existant comme tel, fut dans son être réel et concret ; question tout autre que la précédente, à un double titre : et parce que l’espèce humaine présente, dans l’ordre intellectuel, moral et religieux, des caractères spéciaux qu’une évolution purement naturelle ne peut, à elle seule, expliquer ; et parce qu’on n’a pas le droit d’exclure arbitrairement la possibilité d’une intervention spéciale de Dieu, en ce qui concei’ne les perfections dont jouirent nos premiers ancêtres. Telle est, notamment, la position prise par le Rev. F. J. Hall dans l’ouvrage déjà ciié, Iiv’olutlon and the Fall.

Que dire de cette voie moyenne'? Prouve-t-elle suffisamment qu’entre la doctrine de la chute, prise dans sa notion essentielle, et riijpothèse transformiste appliquée aux seuls corps de nos premiers parents, il n’j' a pas d’opposition directe et formelle ? On peut le reconnaître. Mais un théologien catholique ne s’en tiendra pas là, s’il veut sauvegarder dans son intégrité l’enseignement traditionnel, fondé sur ce que la sainte Ecriture nous dit de la formation spéciale d’Adam et d’Eve, Gen., i, 2^ ; 11, 7, 22, et du degré de perfection, intellect>ielle et morale, qu’ils possédèrent dès le début, Eccli., xvii, i, 5-6. Il n’est nullement nécessaire de recourir à la voie moyenne proposée, pour répondre aux arguments adverses. Les analogies qui existent entre le récit génésiaque de la chute et d’autres documents anciens, ne prouvent pas qu’il y ait, au fond de tout

cela, un simple mythe. Les points de contact ouïes aflinitésque diverses sciences relèvent entre l’homme, considéré dans son corps, et les espèces animales supérieures, peuvent s’expliquer autrement que par un lien de filiation organique entre celles-ci et celuilà. Voir art. Evolution, t. I, col. 1789 s., 1797 s. ; Homme, t. II, col. 512 s. Entin l’argument tiré de « la mortalité s’attachant à l’homme par son origine même », est sans valeur en face de la doctrine catholique ; car l’immortalité qu’elle attribue à nos premiers parents n'était pas fondée sur la nature même du corps humain, mais uniquement sur un don gratuit et préternalurel, ne convenant à nos ancêtres que du jour où ils furent établis par Dieu dans l'étal de justice originelle.

10. L’hypothèse d’un état primitif de perfection, suivi d’une déchéance générale de la race, est incompatible avec la loi du progrès continu ; elle ne l’est pas moins avec la loi de l'évolution : II est contraire à toutes les analogies, que la perfection se rencontre au début d’une évolution quelconque ; ceux qui la mettent à l’origine du christianisme, sont victimes de la même illusion que les anciens, qui plaçaient l'âge d’or au début de l’histoire humaine. » Aug. Sabatier, citant Strauss, dans Esquisse d’une philosophie delà religion, Paris, igoa, p. 180.

Réponse. — Si l’on prétend aflirmer une loi de progrès continu et en même temps universel, progrès qui se ferait, se maintiendrait et se développerait sans cesse sur toute la ligne, non seulement dans le domaine des réalités ou des activités physiques, mais encore dans l’ordre intellectuel, moral et religieux, a-t-on le droit de parler au nom de la science ? Que de problèmes une pareille airirmation soulève, et que de réserves s’imposent ! Voir l’article Evolution, t. I, col. 1797 s. Prise pour ce qu’elle vaut, c’est-à-dire pour le développement normal d’une tendance innée au perfectionnement, cette loi du progrès s’applique à notre nature considérée dans la sphère d’activité qui lui est propre et qui répond à ses puissances et à ses aspirations naturelles. L'état primitif de perfection, que la doctrine de la chutisuppose, est d’un ordre tout difl'érent ; il s’agit, répitons-le puisqu’il le faut, de dons surajoutés, dont la raison d'être n’est pas danslanatureelle-même, ma13 dans une intervention spéciale et libre de Dieu. Si la conservation de ces dons est soumise à une condition positive et que cette condition ne soit pas réalisée par la faute du premier homme, on ne voit pas ce qui pourrait s’opposera ce qu’une décadence relative se produise en lui et par lui. La négation, en ce point, n’a pas pour fondement la vraie science. D’ailleurs une décadence relative, comme celle dont il s’agit, n’empêche nullement qu’après le retrait des dons primitifs, et même auparavant, la loi du progrès, ramenée à ses justes limites, ne s’applique au genre humain, réserve faite de la possibilité d’interventions spéciales de la part de Dieu. Voir Le Bacrelet, Le péché originel dans Adam, I^' partie, p. 48 s.

L’objection tirée de la loi de l'évolution se résout d’une façon analogue. Il est évident que, dans la mesure où cette loi s’applique aune race et aux individus qui la composent, il serait déraisonnable de placer au début de la série ce qui ne doit s’y trouver qu’en vertu de l'évolution. Mais la question est. précisément, de déterminercedernier point. Sabatier lui-même met au principe énoncé par Strauss une réserve propre à en compromettre gravement l’universalité et la solidité : « Quand il parle de la perfection totale ou pleine qui ne saurait se trouver au premier anneau d’une chaîne historique, il entend, sans nul doute, une perfection quantitative, c’est-à1753

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dire une collection complète de vertus, de mérites et de facultés dont l’addition numérale fait la notion entière… Ni la perfection de la science, comprenant toutes les découvertes scientilifpies. ni la perfection de la civilisation embrassant tous les progrès et toutes les formes de la vie humaine, ne se trouvent ni ne peuvent se trouver au début ni dans un moment unique de l’histoire. Un individu, quelque grand qu’il soit, ne saurailëpuiser la vieou le travail de l’espèce, au point de rendre l’évolution inutile. Mais a-ton réiléchi que cette idée de la perfection est contradictoire et par conséquent chimérique ?.,. Il importe donc de faire ici uæ distinction essentielle. Il faut distinguer entre la quantité et la qualité, ou mieux, l’intensité de l’être. » Après cela, Sabatier déclare ne voir auctine dilUculté à ce que, sous le rapport de la qualité ou de l’intensité, la perfection du christianisme se soit réalisée dès le début, dans la personne de Jésus-Christ, son fondateur. Nulle difliculté, non plus, à ce que les perfections dont Uieu voulait gratiQer la nature humaineaienlétéréaliséesdela même manière dans la personne d’Adam.principeelclief de la race : non pas une plénitude absolue, carlui-même devait se développer, mais une plénitude relative de perfections, les unes communes et transmissibles, les autres propres et personnelles, parce que possédées à titre de chef. Mise » dans Adam, dès le début, par une intervention spéciale et gratuite de Dieu, ces perfections sont, par le fait même, en dehors de la loi d’évolution. Quand Schleiermacher et d’autres théologiens protestants font contre cette hypothèse, en tant qu’elle renferme la justice originelle, des olijeclions comme celle-ci : C’est supposer la sainteté déjà réalisée avant la crise nécessaire pour la former, ils montrent, sans parler d’autres faux supposés, que, n’admettant pas la grâce sanctiliante, ils ne savent pas distinguer entre la sainteté acquise et la sainteté infuse, celle-ci ne disant pas. comme l’autre, une relation nécessaire aux actes et aux mérites personnels. Aller plus loin encore et rejeter l’hypothèse, sous ce prétexte que rien ne peut être dans l’homme qu’en conséquence de l’évolution, c’est se mettre sur le terrain, non [)lus de la science, mais de la philosophie, et d’une mauvaise i)liilosopliie, celle qui nie a priori l’existence ovi la possibilité de l’ordre surnaturel oti [iréternaturel.

II. Les théologiens et les apologistes recourent à la chute originellepour expliquer l’existencedu mal, au moins du mal moral, dans le genre humain ; mais cette explication est manifestement inelHcace, car la chute elle-même « est un mal, le plus grand mal, et il reste toujours à expliquer l’explication… Si la liberté d’Adam explique le premier péché, pourquoi n’expliquerait-elle pastous les autres ? D’ailleurs ce péché primitif lui-i^ême eût il été possible sans tentation, sans passion, c’est-à-dire sans vices ? C’est l’orgueil, di’-on, c’est la curiosité indiscrète, c’est l’esprit de révolte, c’est la complaisance de l’homme pour la femme. Qu’est-ce que tout cela, si ce n est la concupiscence elle-même ? La concupiscence, que l’on considère comme une des conséquences du péché, en est donc en réalité la source ; c’est elle qui l’explique au lieu d’être expliquée par lui. » Paul Janet, /.es Problèmes du XIX’siècle, p. ^72,

477.,

Képonse. — Les théologiens et les apologistes qui recourent à la chute originelle pour expliquer l’existence du mal moral dans l’humanité, ne considèrent pas le mal dans un individu seulement, ils le considèrent dans l’ensemble de la race avec les caractères de grièvelé et d’universalité qu’il présente et qui sont si fortement mis en relief dans les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament : Gen., v, 5 ; vui, 31 ; £.v, ,

XXXIV, 7 ; m /i’ei^., vni, 4C ; /’s., cxxix, 3 ; i : ccles., u^ ai ; / ! om., iii, 12 ; vii, 18-a3 ; 1 Joa., i, 10 ; de ce point de vue, ils peuvent répondre que, si le seul exercice de la liberté sullit pour expliquer le péché d’Adam, il n’en va pas de même pour tous les autres. Mais il est une réponse plus décisive. Les théologiens les plus autorisés de l’Eglise romaine ne se servent pas de la chute originelle pour expliquer philosophiquement l’existence soit de la concupiscence en nous, soit du mal moral dans le monde : la concupiscence est naturelle à l’iiomme, laissé à ses seuls principes constitutifs, et rien ne prouve péremptoirement que sous son influence, jointe à celle d’un milieu moral délétère, le mauvais usage de la liberté ne puisse suffire à exi)liquer, abstraction fuite de la révélation, l’existence du mal moral, même avec les caractères de grièvelé et d’universalité qu’il revêt dans l’humanité historique. L’autre partie de l’objection ne vaut que par les équivoques et les confusions dont elle est remplie. Les dons de la justice originelle, reçus par nos premiers parents, ne comprenaient ni l’impeccabilité, ni l’immunité par rapport à toute tentation ; un abus de la liberté restait donc possible, sans qu’il soit nécessaire de faire intervenir la concupiscence dans la tentation subie [lar Adam, ni dans son jircmier péché qui fut, suivant toute vraisemblance, un péché d’orgueil, Gen., iii, 5. Mais la chute, telle qu’elle est décrite dans le livre sacré, apparaît comme un petit drame complexe, où il y a succession de divers actes, dépendant les uns des autres ; rien n’empêche qu’une fois le péché d’orgueil commis, Adam et Eve, dépouillés de la justice originelle, aient été dès lors accessibles aux mouvemeuts de la concupiscence. Voir Lb Bachklet, op. cit., p. 55 s.

12. Les données actuelles de la science permettent d’expliquer la présence en nous de la concupiscence d’une manière beaucoup plus simple et plus rationnelle qu’on ne le fait dans l’hypothèse de la chute :

« L’homme primitif, ignorant et sans idées, livré à

l’orage incessant de ses appétits et de ses instincts, qui n’étaient que les forces de la nature déchaînées en lui, ne s’est élevé que lentement à l’Idéal… Et, dans cette lente conquête où l’humanité essaye de dépouiller ce qu’il y a en elle d’inférieur, les instincts primitifs, qui sont bien une tache originelle, reparaissent, à chaque instant, indélébiles, quoique alTaiblis, pour nous rappeler non une chute, mais le peu d’où nous sommes partis. » Tu. Ribot, L’hérédité psychologique, 5 « éd., Paris, 1894, p. 342. — Même conception dans F. R Tknnant, art. Original Sin, op. cit., p. 564.

Réponse. — Si l’on se contentait d’affirmer que la présence en nous de la concupiscence peut s’expliquer, philosophiquement et expérimentalement, par la condition intrinsèque de notre nature, composée d’un corps animal et d’une àme raisonnable dont les tendances opposées sont une source de conflits intérieurs, et que cette infirmité morale nous rappelle le peu que nous sommes par nature, on ne ferait que dire ce que les meilleurs théologiens de l’Eglise romaine disent eux-mêmes. Mais l’objection va beaucou|) plus loin : en ramenant la tache originelle à la concupiscence et en greffant là-dessus cette autre idée, que cette condition de notre nature nous rappelle non une chute, mais le peu d’où nous sommes partis, les adversaires s’inspirent de vues combinant les anciens errements sur la concupiscence, considérée comme élément constitutif du péché originel, et les erreurs plus récentes des rationalistes ou des matérialistes sur la descendance purement animale et l’état d’ignorance et d’imperfection morale des premiers hommes. L’expression de « tache originelle », empruntée à la terminologie traditionnelle, 1755

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ne doit pas faire illusion ; car le sens attaché au mot est totalement changé. Dans la doctrine catholique, la chute originelle dit tout d’abord la perte qu’Adam, principe et chef du genre humain, lit de la grâce sanctifiante et des autres dons primitifs, surnaturels ou préternaturels. La concupiscence, considérée comme privation du don d’intégrité qu’Adam avait reçu pour lui et pour les siens, nous rappelle, dans l’ordre positif et historique, non pas le peu d’où nous sommes partis, mais l’état supérieur d’où nous sommes déchus dans la personne de nos ancêtres. Cette grandeur perdue, cette noblesse de notre origine première ne nous sont connues, il est vrai, que sous la lumière de la révélation divine ; et comme les rationalistes et autres adversaires de nuance anticatholique ou antichrétienne n’admettent ni la révélation divine ni l’ordre surnaturel dont elle suppose l’existence, là se trouve, en définitive, le vrai conllit entre ceux qui professent et ceux qui nient le dogme de la chute originelle.

B1BL106RA.PUIU. — Synthèse théologique du dogme : S. Thomas d’Aquin, Summa iheol., l’II’S q. lxxii s. ; II » II", q. CLXiK s. ; Suarez, De l’itiis et peccatis, disp. IX, éd. Vives, 1. IV, p. 597 ; B. de Rubeis, De peccato originuti, Venise, 1767. Parmi les théologiens récents : Palmieri, De Deo créante et elet-ante, th. 05 s., Home, 1878 ; Scheeben, llundbuch der katholischen Dogmutik, t. ii, § 167 s., Fribourgen-Brisgau, 1878 ; trad. fr. par Bélet, t. IV, p. 255 s. Du point de vue apologétique ; S. Thomas d’Aquin, Summa contra gentiles, 1. IV, c. Li s. ; Kleutgen, Théologie der Vorzeit, a* éd., t. II, p. 607 s., Miinster, 1872 ; Hettinger, Apologie des Christenthums, t. Il », p. 311s., Fribourg-en-Brisgau, 1872 ; trad. franc, par de Felcourt-Jeannin, t. III, p. 339 s. ; II. 1*. Félix, Le progri ; s par le Chruiianisme, Année 1863, 5" Confér. ; R. P. Monsabré, Exposition du dogme catholique, Carême’877, 2628" Confér. ; abbé de Broglie, Conférences sur la vie surnaturelle, t. 11, Paris, 1882 ; E. Méric, La chute originelle et la responsabilité humaine, 8^éd, , Paris, 1885 ; A. M. Weiss, O. P., Apologie du Christianisme, trad. franc, par CoUin, t. 111, 1’^ partie, Paris, 1898 ; Mgr d’IIulst, La déchéance originelle, dans Conférences de Notre-Dame, 189^, Retraite pascale ; J. Bricout, Péché originel, dans Hevue du Clergé français, t. XII, p. 174 s., Paris, 1897 ; X. Le Bachelet, I.e Péché originel dans Adam et ses descendants (collect. Science et /fe/i^io/i), Paris, 1900 ; S. Harent, S. J., Original Sin, dans The Catholic Encyclopedia, t. XI, p. 31 a s., New-York, 1911.

X. Lb Bachelet, S. J.