Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Origénisme

Dictionnaire apologétique de la foi catholique

ORIGENISME. — Depuis dix-sept siècles.le nom et rœuvre d’Origène sont l’objet de discussions passionnées. Nul ne conteste son génie ; mais ce génie aventureux, de son vivant et après sa mort, n’a cessé de provoquer l’enthousiasme des uns, l’indignation des autres, et parfois des mêmes juges, passant d’un extrême à l’autre, comme saint Jérôme. L’Eglise ne pouvait se désintéresser de ces conflits. Elle s’est vue amenée à flétrir la mémoire d’Origène, et cette flétrissure lui a été reprochée comme une injustice envers l’un de ses plus glorieux enfants, comme un outrage à des Pères illustres qui s’honorent de tenir Origène pour leur maître. Il y a donc lieu de rechercher ici dans quelle mesure Origène a donné prise aux anathèmes de l’Eglise et quelle est au juste la portée de ces anathèmes. Nous aurons trois parties :

I. Aperçu historique sur l’origénisme. IL Les doctrines origénistes. III. Conclusions. Bibliographie.

I. Aperçu historique. — Né vers 184, fils du mart3’r Léonide, d’abord auditeur de Clément d’Alexandrie, puis, à moins de dix-huit ans, son successeur à la tête du Didascalée, Origène demande à l’enseignement des lettres profanes et sacrées les ressources nécessaires pour faire vivre six frères plus jeunes. Sa ferveur chrétienne ignore toute espèce de crainte. Un jour, les païens le saisissent, lui rasent la tête, et, le conduisant au temple deSérapis, l’obligent de présenter des palmes aux adorateurs du dieu. « Recevez ces palmes, dit Origène à tout venant, non en l’honneur de l’idole, mais en l’honneur 1229

ORIGENISME

1230

du Christ. >> Pour mettre à couvert sa réputation, dans les délicates fonctions de catéchiste, il s’inflige unemutilation volontaire. Lui-même fréquente l'école philosophique d’Ammonius Saccas. le père de l'éclectisme. Après une période d’extrême activité enseignante, il commence d'écrire à l'âge de trente-trois ans. Un ami opulent, Ambroise, ramené par lui de l’hérésie à la vraie foi, met à sa disposition des secrétaires et toutes les facilites d’une production littéraire intense. Lors du sac d’Alexandrie par Caracalla (2 1 5), il fuit à Césarée de Palestine : les évêqvies l’invitent, quoique laïque, à expliquer l’Ecriture sainte au peuple dans les églises. Blâmé pour ce fait par son évcque Démétrius, Origène rentre à Alexandrie et reprend son enseignement. A l'âge de quarante-cinq ans, au cours d’un voyage, en passant par Césarée de Palestine, il reçoit de l'évêque l’imposition des mains sacerdotale. Démétrius d’Alexandrie voit dans ce fait une grave atteinte à ses propres droits. Deux conciles s’assemblent coup sur coup à Alexandrie : Origène est déposé de son rang sacerdotal, excommunié. Retiré à Césarée de Palestine, durant plus de vingt ans encore il enseigne avec éclat. Il confesse la foi dans les tourments lors de la persécution de Dèce, et meurt sous Gallus, à Tyr, âgé de soixanteneuf ans (253). — Voir EusKBE, //.A'., VI et Vil, i ; saint JÉRÔMB, De yiris itlustrihus, liv et Lxii ; saint EpiPHANE, flær., liiv, i, Photius, Bihlioth., cod. cxvni.

Après une carrière traversée par bien des orages, Origène repose en paix durant cent vingt ans. Le surnom d' Aô « , uv : >ti^ç — l’homme de fer — traduit l’admiration des contemporains pour la trempe indomptable de son esprit et de son caractère. Sa gloire, propagée de son vivant par des disciples enthousiastes, tels que saint Grégoire Thaumaturge, saint Firmilien de Césarée, saint Denys d’Alexandrie, sera encore célébrée par des hommes tels que saint Athanase, saint Grégoire de Nazianze, saint Basile. Quelques notes discordantes se font bien entendre ; mais les critiques de saint Méthode d’Olympe ou de saint Eustathe d’Antioche sont amplement couvertes par les éloges du martyr Pamphile et d’Eusèbe de Césarée. Alexandrie surtout veille jalousement sur la gloire d’Origène, depuis que son disciple Denys est monté sur le siège patriarcal (247-8). Tour à tour Théognosle, Piérius, , Didynie le commentent au Didascalée ; le patriarche Théophile lui emprunte des armes pour comljattre l’anthropomorphisme des moines de Scété. L’Orient vit de sa pensée ; un traducteur infatigable, saint Jérôme, entreprend de le révéler à l’Occident.

Tout change de face le jour où saint Epiphane, évêque de Salamine en Cliypre, entre en lutte avec Jean patriarche de Jérusalem, qui, après avoir prêté aux hérétiques ariens et macédoniens une oreille indulgente, ne cachait pas sa sympathie pour les rêveries origénistes(394). Un premier avertissement, donné à Jean par celui qu’on nommait en Orient « le père des évêques », fut mal accueilli. L’ordination sacerdotale de Paulinien, frère de saint Jérôme, accomplie par Epiphane dans un monastère de Palestine sur lequel Jean prétendait avoir des droits, envenima la querelle. Bientôt saint Jérôme, puis Théophile patriarche d’Alexandrie, se rangèrent aux côtés de révoque de Chypre. Ruiin d’Aquilée, après avoir essayé de soutenir en Palestine la cause de l’origénisme, partait pour l’Occident où il espérait trouver des appuis (397). Le pape Sirice ne lui était pas très opposé ; mais son successeur Anastase (899401) allait se prononcer avec la plus grande énergie contre Origène.

Il existe trois lettres du pape Anastasb relatives

à l’origénisme. La première est adressée à Simplicien, évêque de Milan ; la seconde, après la mort de Simplicien (15 août 400), à son successeur Venerius ; la troisième à Jean de Jérusalem. On trouvera la première et la troisième, P.L., XX, p. 5 1-80 (la première également parmi les lettres de saint Jérôme, P. l., XXII, 772-774 ; la troisième également parmi les œuvres de RuIin, P.L., XXI, 627-632) ; la seconde n’a été éditée que de nos jours [Bibliophile helge, t. VI, p. 123-129 (1871) ; texte meilleur dans la Heiiie d’histoire et de littéiatiire religieuse, t. IV, p. 1-12 (1899)]. A Simplicien, Anastase signale le danger de l’origénisme, qui lui a été dénoncé par Théophile d’Alexandrie ; il déclare condamner « Origène et ses blasphèmes ». />./., XXII, 774 : Theophilits, frater et coepiscopus noster, circa salutis comnioda non desinit vigilare, ne Dei populus per diversas Ecclesias, Origenem legendo, in magnas incurrat blasphemias… Quidnuid est fidei nostræ conlruriiim ab Origène quondam scriptttm, indicavimus a nobis esse alienum atque piinitum… Quædam capitula blasphemiae… nos non suliim horruimus et indicavimus, terum et si qua alia sunt ab Urigene exposita, cum suo auctore pariler a nobis scias esse damnata. A Venerius, Anastase rappelle la lettre précédente et le presse d’en porter les prescriptions à læonnaissancedes évêques. Quant à Jean de Jérusalem, détaché de l’origénisme et complètement retourné, il avait consulté le pape pour savoir si Rufln ne méritait pas d'être condamné avec Origène, dont il s'était fait le traducteur. Le pape s’en remet à la conscience de son correspondant. Si, en traduisant Origène, Rufin s’est proposé de livrer ses erreurs à l’exécration du peuple chrétien, il faut louer son zèle. Si au contraire il s’en est fait le complice et le promoteur, on ne peut l’excuser. Provisoirement, le pape veut l’ignorer ; à lui de se faire absoudre, s’il peut, iv, P. L., XXI, 630 A : Discere hoc loco libet quid agat in romanam linguam ista translatio. Approbo si accusât auctorem et execranduni factum populis prodit, ut iustis tandem odiis teneatur quem iamdudum fama constrinxerat. Si l’ero interpres tantorum malorum consensuin præslat et legenda prodit in populos, nihil aliud sui opéra laboris exstruxit nisi ut propriæ élut mentis arbitrio hæc quæ sola, quæ prima, quæ apud catholicos christianos yera fide iam exinde ab Apostolis in hoc usque tempus tenentur, inopinatæ titulo assertionis everteret… — vi, p. 632 : flaque, frater carissime, nmni suspicione seposita, Rufinum prupria mente perpende si Origenis dicta in latinum translulit ac probnvit, nec dissimilis a reo est qui alienis vitiis præstat assensum. lllud tamen tenere te cupio, ita haberi a nostris partibus alienum ut quid agat, ubi sit, nec scire cupiamus. Ipse denique viderit ubi possit absoh’i.

En Orient, la lutte allait se prolonger quelques années. Elle mit aux prises saint Epiphane et Théophile d’Alexandrie avec saint Jean Chrysostome, élevé, le 26 février 398, sur le siège patriarcal de Constantinople. Théophile avait autrefois goûté les doctrines origénistes. Mais à la suite de démêlés avec les moines d’Egypte, un revirement s’opéra dans son esprit. Des rivalités existaient entre les moines de Nitrie, généralement imbus d’idées origénistes, et les moines de Scété, inclinant, dans un sens diamétralement opposé, à une hérésie grossière, celle des anthropomorphites. Théophile crut donner satisfaction à ces derniers en les excitant contre leurs rivaux. Les monastères origénistes furent détruits. Plusieurs moines fugitifs, parmi eux les quatre célèbres « Longs frères », cherchèrent un refuge à Constantinople. Sous la seule inspiration de la charité chrétienne, Chysostome les accueillit, sans 1231

ORIGENISME

1232

d’ailleurs leur remire la communion de l’Eglise, qne le patriarche d’Alexandrie leur avait ôtée. Mais il écrivit à Théophile pour obtenir leur réconciliation. Théophile, qui jalousait Chrj’sostome et avait vu de mauvais tpil son élévation sur le siè^’e de Constantinople, s’estima lésé par la protection donnée aux moines de son obédience. Par l’initiative de Théophile et d’Epiphane, et avec l’appui de l’irapéralriee Eudoxie, qui ne pardonnait pas à Chrysostome la liberté de son langage contre les mœurs de la cour, uuconciles’assembla à Coustantiuople. Chrysostome se vit attaqué comme fauteur d’origénisme. Il trouva d’ailleurs un appui dans un groupe nombreux d’évêques, entre lesquels on distinguait le vénérable Théotiine, évêque de Tomes. Epiphane repartit pour Chypre et mourut en arrivant au port. Mais les ennemis du patriarche de Constantinople s’assemblaient, sous la présidence de Théophile, dans un faubourg de Chalcédoine (Conciliabule du Chêne, aofit 403). Chrysostome y fut condamné. Exilé par l’empereur, puis rappelé l’année suivante pour quelques mois, il mourut au cours d’un nouvel exil (14 septembre 407).

Le point délicat, dans le jugement à porter sur le mouvement origéniste, fut toujours l’interprétation dti Tlep’t kpyfi-t. Cet ouvrage, qui s’intitulerait bien : n Principes de la science de la foi », composé par Origène probablement entre sa trente-cinquième et sa quarantième année, n’était pas destiné au grand jour. L’indiscrétion d’un ami, Ambroise, le livra au puJdic. Plus tard, dans une apologie personnelle adressée au pape Fabien, Origène devait se plaindre amèrement du procédé. Nous pouvons bien l’en croire ; le chrétien loyal qu’était Origène n’aurait pas, de sangfroid, lancé dans l’Eglise un écrit aussi téméraire, aussi troublant. D’après ses déclarations expresses, il convient d’y voir, non l’expression réfléchie de sa croyance chrétienne, mais une rêverie de métaphysique religieuse, où des points d’ailleurs fort graves sont soumis à un doute méthodique par le penseur qui cherche sa voie.

Malheureusement, pour juger le Periarchon, nous ne possédons qu’une traduction latine, due à la plume souvent arbitraire de Rufin, qui, dans sa préface, avoue s’être permis çà et là de corriger la doctrine d’Origêne sur la Trinité d’après la doctrine constante de ses autres écrits ; d’éclaircir d’autres passages, toujours d’après Origène lui-même. La traduction de Ruûn fut exécutée en 3g8, après son retour d’Orient. Son infidélité fut bientôt remarquée à Rome ; Pammaque et Oceanus prièrent saint Jérôme de donner une autre version, conforme à l’original. Celte version, faite en 401, a péri, sauf une cinquantaine de fragments qui permettent d’en apprécier le très grand mérite et de redresser, sur des points délicats, les entorses données au sens par Ruûn. Nous disposons, en outre, de deux grands fragments grecs, sauvés par saint Basile et saint Grégoire de Nazianze, qui les insérèrent dans leur Philocalie ; et de quelque trente menus fragments, conservés pour la plupart grâce aux anathèmes de Justinien. Ces reliques ont été, de nos jours, recueillies et mises en œuvre par une critique plus que jamais rigoureuse. Ed. P. Koetscuau, dans Origenes Werhe, t. V, Leipzig, rgiS.

Evagre du Pont et Didyme l’aveugle, morts avant la fin du ivt siècle, n’étaient pas entrés dans l’orbite de ces luttes. Nous retrouverons plus tard ces illustres disciples d’Origêne associés aux condamnations qui atteignirent la mémoire de leur maître.

Après la mort deRufln (410), rorigénismesubit une

^elipse. Néanmoins, peu après le commencement du

= siècle, on constate l’existence de foyers origénistes

en Espagne : Paul Orose les signsle à saint Augustin, qui écrit (415) : Ad Orosiiim contra Prise illianistas et Origenistas.

Quelques-unes des tendances de l’origénisme devaient se retrouver dans l’hérésie pélagienne. Au milieu du v » siècle, l’historien Socrate donne encore à Origène des éloges emphatiques. Antipater, évêque de Bostræn Arabie, compose contre Origène un livre destiné à une grande vogue ; mais il faut descendre jusqu’au vi » siècle pour assister à une renaissance de l’origénisme. Cette renaissance se produisit dans les monastères de Palestine.

Sur la controverse origéniste avant le concile de Nicée, voir : pour l’attaque, saint Méthode (éd. G. N. BOiWVETSCH, Methodius, Leipzig, 1917) ; — pour la défense, saint Pampuilk, martyr, Apvlogia pro Origène (Paraphile, martyr sous Dioclétien en 809, avait composé en prison une apolog’ie d’Origêne en cinq livres, auxquels Eusèlte de Césarée en ajouta un sixième ; seul, le premier livre s’est conservé, dans la traduction latine de Rufin, P. G., XVII) ; Edsùbe, //. E., l.

Sur l’âpre controverse qui éclata à la fin du iv’siècle, voir : pour l’attaque, saint Epiphane, // « er., lxiv, P. G., XLI, 1068-1200 ; plus, deux lettres conservées en latin, Epp., li et xcj du recueil de saint Jérôme ; saint Jérômb (d’abord favorable), Epp., xxxrn, lxi, Lxn, Lxm, LXXXI, lxxxiî, lxxxiv, lxxxv, lxxxvi, Lxxxviii, xcvii, xcix, cxxiv, cxxvii, cxxxni, P.L., XXII ; Contra loannem Hierosotymitanu, ad Pammachiiini ; Apologiæ adversiis libros Ru fi ni librilll, P.l.., XXIII ; Théophile d’Alexandrie, huit lettres (ou fragments de lettres) en latin, dans le recueil de saint Jérôme, lxxxvii, lxxxix, ic, xcii, xcvi, xcvrn, c, cxiii ; dans le mêmerecueil, lettre de pape Anastase, xcv ; lettres diverses, Lxvn, Lxxx, Lxxxiii, xciii, xciv ; saint Augustin, Epp., xL, 6, 9 (dans le recueil de saint Jérôme, lxvii) ; Ai Orosium contra Priscillianistas et Origenistas, P. L., XLII, 669-678 ; — pour la défense, Rufi.v, Apologiæ in S. liieronymum libri If ; Apologia’altera ad Anastasiiim papam, P.L., XXl ; en outre. Ad libros Origenis de Principiis præfatio, P. G., XI ; Epilogus in Apologeticum S. Pampkiti martrris, seu De adulteratione librorum Origenis, P. G’., XVII.

Peu après le commencement du vie siècle, le feu de l’origénisme couvait dans les monastères de Palestine soumis à l’obédience de saint Sabas. Il paraît avoir été allumé par un moine syrien nommé Etienne Bar Sudaili, qui avait dû séjourner dans les monastères d’Egypte, et, avec des éléments empruntés les uns à Origène, les autres à la Gnose, d’autres à la Kabbale, s’était composé une sorte de panthéisme niliiliste. E.Kpulsé d’Edesse à cause de sa doctrine, il trouva un refuge dans un monastère voisin de Jérusalem et y répandit quelques-unes de ses idées. En l’année 514, la Nouvelle Laure, près de Jérusalem, possédait un groupe origéniste, dominé par l’influence d’un certain Nonnos (-f- 547). Une autre figure marquante de la secte est Léonce de Byzance, vraisemblablement distinct de l’illustre théologien de même nom, son contemporain. Découverts et chassés par l’abbé Agapet, lesorigénistes de la Nouvelle Laure s’installèrent à proximité, épiant l’heure favorable pour reprendre pied dans le monastère. Ils y réussirent après la mort d’Agapel, en 620. Cependant le vénérable saint Sabas commençait à s’inquiéter de leurs agissements. En l’année 531, il se rendait à Constantinople, emmenant avec lui Léonce de Byzance. Celui-ci en profita pour faire profession ouverte d’origénisme. Sabas l’expulsa aussitôt, et dans une audience de l’empereur Justinien, saisi, dit-on, d’un mouvement prophétique, promit au prince l’honneur de déraciner les 1233

ORIGENISMR

1234

trois hérésies d’Arius, de Nestorius etd’Origène. De retour en Palestine, il mourait nonagénaire (5 décembre 532).

Après la mort de saint Sabas, l’origénisme fit de rapides progrès. Il eut pour promoteurs principaux Doiuitien.higumènedu moiiasLère Marlyrios, etTliéodore Askidas, diacre de la Nouvelle Laure. Ces deux moines vinrent à Constantinople et, en allichant un grand zèle pour le Concile de Glialcédoine, appuyés par le patriarclie Eusèl)e, réussirent à gagner la faveur impériale. Domitien fut élu évêque d’Ancyre en Galalie, Théodore de Gésarée en Cappadoce (vers Ô37). D’ailleurs ils ne quittèrent guère la cour, s’occupant d’y protéger les intérêts de l’origénisme. Dans les laures de Palestine, la lutte était plus vive que jamais. L’abbé Gélase, deuxième successeur de saint Sabas (587), déployait une grande énergie : quarante moines origénistes furent chassés du cloilre de saint Sabas. Ils se réunirent à la Nouvelle Laure, citadelle de l’origénisme. Pierre, patriarche de Jérusalem, cherchaità concilier les partis. Mais Ephrem, patriarche d’Antioche, se prononça nettement contre les origénistes et les anatliémalisa dans un synode d’Antioche (été ô^a). Bientôt une députation palestinienne allait à Constantinople porterplainte contre les enseignements de la secte. Inviter l’empereur Justinien à se constituer juge de la foi, c’était le prendre par son faible ; d’autre part, le patriarche Menas ne demandait qu’à battre en brèche l’influence gênante de Théodore Askidas. L’empereur et le patriarche se mirent donc d’accord pour porter un coup décisif à l’origénisme. Vers janvier 5^3, parut un édit impérial où la question doctrinale est abordée de front (Voir Mansi, Sacroriim Coiiciliorum nova et amplissima Collectio, t. IX, p. 488 D-533D). Les opinions origénistes y sont exposées, et condamnées par l’Ecriture et les Pères. Ordre est donné au patriarche de réunir tous les évêques et higuniènes de passage à Constantinople (Ivâiî/xsJKTy. ;), et de les inviter à condamner par écrit Origène et sa doctrine. La même lettre a été adressée à Vigile patriarche de Rome, et à tous les autres évêques et patriarches, nommément à ceux d’Alexandrie et d’Antioche. Suit ane liste de vingt-quatre cilationsplus ou moins textuelles dn Hep’t KpyCjj, à titre de pièces justificatives ; puis dix propositions (zcpa/aia) à souscrire. Nous traduirons ici ces dix anathématismes : — Mansi, t. IX, 533 ; Denzingbh-Bann-wart", 203-211.

1, Si quelqu’un dit ou tient que les ftmes humaines préexistèrent à l’état d intelligences et de saintes puissances ; que, s’étant dégoûtées de la contemplation divine, a’étant gâtées et par là refroidies dans l’amour de Dieu, elles furent pour cette raison appelées ûmes et, pour leur châtiment, plongées dans des corps ; qu’il soit anathàme.

2. Si quelqu’un dit ou tient que l’âme du Seigneur préexiste et fut unie au Dieu Verbe avant l’incarnation et lo naiisance virginale ; qu’il soit anathéme.

^ !. Si quelqu’un dit ou lient que le corps de Notre-Seigneur Jësus-CLrist fut d’abord formé dans les entrailles de la sainte Vierge, et (lu’ultérieurement le Dieu Verbe, avec l’àme préexistante, s’y unit ; qu’il soit anathéme.

4. Si quelqu’un dit ou tient que le Verbe de Dieu s’est fait semblahle à tous les ordres célestes, chérubin avec les chérubins, séraphin avec les séraphins, en un mot, qu’il s’est fait semblable à toutes les puissances supérieure » ; qu’il soit analhème.

ï. Si quelqu’un dit ou tient qu’a la résurrection les corps des hommes se relèveront sous la forme sphérique, »  ! nie que nous nous relèverons dans l’attitude droite, qu’il soit anathéme.

6. Si quelqu’un dit que le ciel, le soleil, la Inné, les astres et les eaux au-dessus du ciel sont des puiseancea animées et matérielles ; qu’il soit anathéme.

7. Si iiuelqu’un dit ou tient que le Seigneur Christ, dans

le siècle à venir, sera crucilié pour les démons, comme il le fut pour les hommes ; qu’il aoit anathéme.

8. Si quelqu’un dit ou tient que la puissance de Dieu est bornée ou qu’elle a créé seulement ce qu’elle pouvait embrasser ; qu’il soit anathéme.

y. Si quelqu’un dît ou tient que le cliàtimcut des démons et des hommes impies est temporaire et prendra fin quelque jour, ou bien qu’il y aura une restauration des démons ou des hommes impies ; qu’il soit anathéme.

10. Anathéme à Origène, surnommé Adamantios, qui a émis ces propositions, et à ses dogmes abominables, maudits et criminels, ainsi qu’à toute personne qui lesapprouverait, les défendrait ou oserait jamais en quelque mesure les faire siens.

Tout l’épiscopat oriental souscrivit ces anathématismes, le pape Vigile les souscrivit aussi, au témoignage de Cassiodore qui, vers 544, écrivait dans son De institutione diinurum litlerarum, i, P. L., LXX, un D : Hune (Origenem) licet loi Patrum impugnet auclorilas, præsfnti laineii U-mjiore et a Vigilio papa viro heatissimo denuo constat esse damnatum.

Au lendemain de la humôo ; ’e-j^-riwjiy. de 543, l’origénisme pouvait sembler frappé à mort. Mais la souplesse de Théodore Askidas atténua le coup. Avec tous les évêques présents à Constantinople, il signa les dix anathématismes ; Domitien d’Ancyre signa également ; et leur position à la cour fut plus forte que jamais.

Théodore ne tarda pas à prendre une revanche en détournant la théologie agressive de l’empereur vers la condamnation de Théodore de Mopsueste, assez généralement réputé ennemi de l’origénisme. Avec l’appui de l’impératrice Théodora, on réussit à persuader à Justinien que le sur moyen de réconcilier tous les monophysites avec le concile de Ghalcédoine était d’abattre les restes de l’hérésie nestorienne, par la condamnation de Théodore et de ses écrits, de la lettre <lu Persan Ibas à Maris, enfin des écrits de Théodoret contre les douze anathématismes de saint Cyrille. C’est la fameuse affaire des Trois chapitres

— trois groupes d’écrits répréhensibles, mais non formellement hérétiques.

Peu après l’acte de 543 contre l’origénisme, parut un nouvel acte impérial contre les Trois chapitres. Le texte ne nous a pas été conservé. Mais nous savons qu’il déplut fort aux patriarches Menas de Constantinople, Zo’ile d’Alexandrie, Ephrem d’Anlioclie, Pierre de Jérusalem. En somme, Théodore Askidas avait atteint son but, qui était de mettre ses adversaires en fâcheuse posture. Pourtant tous se décidèrent à signer le texte impérial, Pierre de Jérusalem sous la menace de déposition. Le pape Vigile résista plus longtemps. Mandé à Constantinople, où il arriva le 25 janvier 54^, il lutta pendant six ans et demi, avant de donner an décret conciliaire de 553 contre les Trois chapitres une approbation soigneusement limitée.

Sur la question origéniste, le pape Ut moins de difficultés. Il avait souscrit les dix anathématismes de 543 ; il souscrivit également les quinze anathématismes de 553, dont il nous reste à parler.

L’eil’ervescence origéniste en Palestine alla crorssanl au cours des années 543-553. Les origénistes de la Nouvelle Laure, forts de l’appui de Théodore Aski das, ne cessaient de molester les moines de la Grande Laure ; un jour ils donnèrent l’assaut à l’hospice des pèlerins, et il y eut mort d’homme. Dans sa détresse, l’abbé de la Grande Laure, Gélase, se tourna vers l’empereur. Il partit pour Constantinople ; mais, découragé par l’accueil qu’il y trouva, rebroussa chemin. Vers le même temps, février 54 ;  ; , nu origéniste nommé Georges pénétrait dans la Grande Laure à main armée, et prenait possession de l’higuraénat. Une persécution s’ensuivit ; les orthodoxes diu-ent 1235

ORIGENISME

1236

quitter la place, parmi eux le vénérable Jean Hésycliaste, âgé de g3 ans. Ce jour-là même, Nonnos mourut subitement. Après sept mois, l’abbé Georges était expulsé par les siens et la paix rentrait au monastère. On vit alors le parti origéniste se scinder en deux caraps. Ceux de la Nouvelle Laure étaient traités par ceux de la Grande Laure d’iVo ; // ; i !  ; Toi, parce que leur doctrine tendait à effacer la distance infinie qui sépare le Christ des créatures : c’étaient les radicaux de l’origénisme. A d’autres on donnait les noms — plus obscurs pour nous — de tt/jwtîxtiïtki et de T£T/3aôrrac. Au milieu de ces luttes, un rapprochement se produisit entre les orthodoxes et les origénistes modérés : les uns et les antres convinrent d’unir leurs forces contre le parti extrême. L’abbé Conon, higumène de la Grande Laiire, et l’abbé Isidore, higumène de la Laure de Firniinios, se rencontrèrent sur la montagne de Sion ; Isidore renonça solennellement à la doctrine origéniste de la préexistence des âmes. En septembre 552, tous deux prenaient le chemin de Constantinople, pour présenter à l’empereur leurs communes doléances contre les origénistes irréductibles. Au mois d’octobre, Pierre, patriarche de Jérusalem, mourait ; les gens de la Nouvelle Laure. en voulant lui donner un successeur de leur choix, achevèrent de tout brouiller et d’indisposer l’empereur contre l’origénisme. Le crédit de Théodore Askidas baissait décidément. Conon et ses compagnons tirent agréer de l’empereur, pour le siège de Jérusalem, Eustochios, économe de l’Eglise d’.lexandrie, alors présent à Constantinople. Vers le commencement de janvier 553, Eustochios partit pour prendre possession de son siège ; de Palestine, il envoya des évêques et des bigumènes pour le représenter au Concile général, qui allait se réunir au sujet de l’affaire des Trois chapitres.

Les délibérations du V" concile sur les Trois chapitres occupèrent huit sessions, du 5 mai au 2 juin 553. Les Actes, qui nous sont parvenus dans une .incienne traduction latine, ne font aucune mention de délibérations conciliaires relatives à Origène ; mais à deux reprises, dans les discussions de la y session et dans les analhématismes déQnitifs (Mansi, t. IX, 272 D et 384 B, anath. 1 1), le nom d’Origène est prononcé sous un anathème. Il n’est pas douteux que le V’concile ait eu à s’occuper d’Origène ; mais le nom d’Origéne ne Ugurait pas au programme olliciel de la convocation, faite seulement en vue de l’affaire des Trois chapitres. Aussi l’examen de la question origéniste, fait, pour ainsi dire, hors cadre, vraisemblablement durant les mois de mars et d’avril, ne prit-il pas, aux yeux des contemporains, comme il n’avait pas dans l’intention de Justinien, toute l’importance qu’avait le débat sur les Trois chapitres. Quoi qu’il en soit, c’est an V’concile qu’appartiennent les quinze anathématismes publiés au xvu* siècle par Pierre Lambeck. Ils furent souscrits par les Pères de concile, puis par tous les évêques d’Orient, à l’exception du seul Alexandre évéque d’Abyla, qui, pour ce fait, fut déposé. Comme pour les anathématismes de 543, 1a sanction du pape Vigile paraît avoir été demandée et obtenue. Nous traduirons encore cette série d’anathéniatismes, en faisant ol>server la très grande différence qui existe entre eux et ceux de 543.

rjvooi’j y. « vyj£i 0£za~£’vT£.

Publiés poiirla première fois par P. Lambeck, Comment tar. de augustUsuna Bibl. Cæsarea Viudobou.^ Liber VIII, p. 435-438, Vindobonæ 1679, ces canons ont été reproduits par diverses collections conciliaires ; voir Mansi, IX, p. 396-400. On les trouvera notamment chez Denzinger-Stahl, Enchin’dion, n. 187 à 201. Une collation très

soignée de l’unique manuscrit { Vindobonensis Cæsareus hist. 7) a été exécutée par G. Pfeilschitter à lintention de Fr. Diekamp, et publiée par celui-ci dans ses Origenislische Streilighcilen^ p. 90-96. Le texte de Lambeck (et de Denzinger) était parfois inintelligible ; celui de Dieljamp l’amende très heureusement Comme les Origeniitische Streiligkeilen sont accessibles à peu de lecteurs, on nous saura sans doute gré d’emprunter k cette publication les variantes essentielles à l’intelligence du texte.

— Can. 2, aÙTàç, ms. aùriv, Diekamp, « ÙTsJç. — Can. G, 6 : r,-riç, foiîTo’v, ms. ; Diekamp : / ! Jr, r61, -/iv-nTo-j. — Can. 7, â/£7 ; TKVTa tiy.zK /c-.cfj.ijtfj, ms., Dielcnmp : iUnsK-jra. tvjv ci ; jiaai /£v « //Év/jv. — Can. 14, aTant tutot » ??, ajouter : r.vj.

1. Si quelqu’un défend la fabuleuse préexistence des âmes et en conséquence la monstrueuse restauration ; qu’il soit anathème.

2. Si quelqu’un dit que tous les êtres raisonnables furent produits à l’état d’intelligences incorporelles et immatérielles, sans nombre et sans nom, ne faisant qu’un par l’identité d’essence, de puissance et d’énergie et par l’union au Dieu Verbe et la connaissance ; que s’étant dégoûtées de la contemplation divine, elles déchurent chacune à proportion de son inclination en bas, et revêtirent des corps plus ou moins subtils et recurent des noms, attendu qu il y a, entre les puissances supérieures, des dilîérences de noms et de corps ; que par suite les unes devinrent chérubins, les autres séraphins, les autres principautés, puissances, dominations, trônes et anges et autres ordres célestes, sous divers noms ; qu’il soit anathème.

3. Si quelqu’un dit que le soleil, la lune et les astres, appartenant à la même unité des êtres raisonnables, sont devenus ce qu’ils sont par déchéance ; qu’il soit anathème.

4. Si quelqu’un dit que les êtres raisonnables, s’étant refroidis dans la charité divine, furent revêtus de corps grossiers coaime les nôtres et reçurent le nom d’hommes ; que les plus pervertis furent revêtus de corps froids et ténébreux et sont appelés démons ou esprits du mal ; qu’il soit anathème.

5. Si quelqu’un dit que de la condition d’ange ou d’archange on peut déchoir à la condition d’âme, de la condition d’Ame à celle de démon ou d’homme, et que de celle d’homme on peut revenir à celle d’ange ou de démon, fiifin que chaque ordre céleste est composé en totalité d’êtres supérieurs ou d’êtres inférieurs, ou encore partie d’êtres supérieurs, partie d’êtres inférieurs ; qu’il soit anathème.

6. Si quelqu’un dit que la race des démons a une double origine, recrutée en partie d’àmes humaines et en partie d’esprits supérieurs déchus ; qu’une seule intelligence, de toute l’unité primitive des êtres raisonnables, persévéra immuablement dans l’amour et la contemplation de Dieu, devint Christ et Roi de tous les êtres raisonnables, s’éleva au-dessus de toute nature corporelle, du ciel, de la terre et de tous les intermédiaires ; qu’ainsi le monde, renfermant les éléments primordiaux de sa substance : sec, humide, chaud, froid, et l’exemplaire d’après lequel il fut formé, prit naissance ; que ce n’ « st point la très sainte et consubstantielle Trinité qui forma le monde et en est l’auteur ; mais que l’esprit ouvrier, préexistant au monde et lui donnant l’être, est l’auteur du monde ; qu’il soit anathème.

7. Si quelqu’un dit que le Christ, dont il est écrit qu’il existe en forme de Dieu, uni au Dieu Verbe avant tous les temps, s’est en ces derniers jours anéanti en se faisant homme, que le Christ ayant pris en pitié les éléments multiples déchus de la même unité, et voulant les réhabiliter, a passé par toutes leurs conditions, revêtu divers corps et pris divers noms, se faisant tout à tous, ange parmi les anges, puissance parmi les puissances, et ainsi paimi tous les autres ordres ou genres d’êtres raisonnables s’est transformé à la mesure de chacun ; qu’ensuite il a participé comme nous à la chair et au sang et s’est fait homme parmi les hommes ; au lieu de reconnaître que le Dieu Verbe s’est anéanti en se faisant homme : qu’il soit anathème.

8. Si quelqu’un conteste que le Dieu Verbe, consubstantiel nu Dieu Père et Saint Esprit, fait chair et homme, une des personnes de la Sainte Trinité, soit proprement Christ, et pas seulement au sens large à cause de l’intelligence qui s’est anéantie, qui est unie au Dieu Verbe et (seule) proprement appelée Christ : s’il prétend que 1237

ORIGENISME

1238

celui-là est par celle-ci Christ, et celle-ci par celui-là Dieu ; qu’il soit anathème.

9. Si quelqu’un dit que ce n’est pas le Verbe de Dieu incarné, d’une chair animée par une àme raisonnable et intelligente, qui descendit aux enfers et remonta en purtonne au ciel, mais que c’est l’intelligence qu’en leurs blasphèmes ils appellent proprement Christ, [vroduit par la contemplation de la Monade (divine), qu’il soit anathème.

10. Si quelqu’un dit que le corps du Seigneur ressuscité eit éthéré et de forme spliérique ; qu’il en sera de même des autres corps ressuscites ; que le Seigneur le premier déposera son corps et que ])ai-eillement tous les corps s’en iront dans le néant ; qu’il soit anathème.

11. Si quelqu’un dit que par le jugement ù venir il faut entendre I anéantissement des corps, et assigne comme dénouement h la fable (de ce monde) la nature immatérielle, en sorte que rien ne subsiste des éléments de la matière, mais l’intelligence nue ; qu’il soit anathème.

12. Si quelqu’un dit que les puissances célestes et tous les hommes et le diable et les esprits du mal seront unis purement et simplement au Dieu "Verbe, tout comme l’intelligence qu’ils appellent Christ et qui, existant en forme de Dieu, se serait anéantie, selon eux, et que le règne du Christ prendra fin ; qn il soit auatlième.

13. Si quelqu’un dit qu’il n’y aura aucune différence entre le Chi-ist et tout autre être raisonnable, soit pour l’essence, soit pour la connaissance, soit pour l’infinité de puissance et d’énergie ; mais que tous seront à la droite de Dieu comme leur prétendu Christ, comme ils étaient dans leur fabuleuse préexistence ; qu’il soit anathème.

14. Si’quelqu’un dit que tous les êtres raisonnables seront réduits h l’unité par la disparition des hypostases et des nombres en même temps que des corps ; que la connaissance des êtres raisonnables aboutira à la destruction des mondes, à l’abandon des corps, à la suppression des noms, qu’il y aura identité d’hypostaKes ainsi que de connaissance et que, dans la fabuleuse restauration, il n’y aura que des intelligences nues, comme dans leur absurde préexistence ; qu’il soit anathème.

15. Si quelqu’un dit que 1 avenir des iîitelligences sera identique à leur passé, avant leur descente et leur chute, en sorte que le commencement réponde à la fin, et que la fin soit la mesure du commencement ; qu’il soit anathème.

Sur les luttes origénistes du yi" siècle, notre meilleure autorité est Cyrille db Scythopolis, biographe Je S. Sabas. Voir Vita Sahae, éditée par J.-B. CoTBLiBR, Ecclesiæ græcæ Moiiumenta, t. III, p. 220-376, Paris, 1688 ; rééditée en grec, avec une traduction slave du xiii" siècle, par N. Pom.ialovskij, S. Pétersbourg, 1890. Cyrille de Scythopolis (f 558 ?) a jalonné de dates jjrécises la carrière de saint Sabas (}- 5 décembre 53a) et poursuivi l’histoire des luttes origénistes jusqu’à l’année 555, pour montrer l’accomplissement d’une parole prophétique attribuée à son héros. Il nous donne le moyen de reconstituer cette époqueet, en particulier, d’opérerle discernement entre les deux fériés de 9 (10) et de 15 analhématismes, dues à l’initiative de Justinien. La première est inséparable de la Lettre à Menus qui la motive, lettre qui nous a été conservée par une tradition littéraire très ferme. Elle a été sanctionnée par le Bynode local de 5^3. La deuxième se donne expressément comme la pensée de 165 Pèresdu V concile ; elle n’a rien de commun avec le patriarche Menas, mort le 2^4 août 502, plus de huit mois avant l’ouverture oiricielle de ce concile ; d’ailleurs elle co’incide très exactement avec une lettre de Justinien au V concile, qui nous a été conservée par le moine Georges Hamartolor, historien du ixi* siècle (Chroriicon, IV, ccxviii, P. G., ex, jSo C-784 B ; même texte chez Cedrenos, llistoi-iaritm Cumpendium, P. G., CXXI, 920 D-724 D- Juxtaposition des 15 analhématismes et de la lettre, chez Diekamp, Origenistische Streiiigkeiten, Y). 90-9 ;  ;).

Autrefois on tenait pour certain que le’V" Concile

œcuménique avait délibéré sur Origène et l’avait condamné ; d’autant que plusieurs conciles subséquents font allusion à cette condamnation et la renouvellent. Otte conliance fut ébranlée par la publication, que lit Sunius, en lôfi’j, des Actes du Ve concile, oii l’on ne trouve pas trace de ces délibérations. Ces Actes font allusion (v’session, Mansi, IX, 272 D) à un anathème récent, qui est expressément renouvelé (vin* session, anath.ii, (i((/., 381J B). Mais comme on n’en voyait pas l’origine, on a parfois supposé que l’anatlième remontait à l’année 5/(3.

Cette solution, inaugurée par Henri de’Valois, reprise parllEFELE, ne peut se soutenir, carie synode œcuménicjue de 553 est une tout autre personne morale que le synode local de 543. Les Actes portent, Mansi, IX, 272 D : Necnuii eliam Origeriein et si ad tempora Theophili sanctæ memoiiæ vel supeiius aliquis recurreril, post mortem ini’eniet anatlientatizatiim : rjiiod eliam nunc in ipso fecit et vestra sanctitas et Vigilius religiosissimus papa antiqiiioris Romae. Il faut donc nécessairement admettre qu’avant cette date une condamnation d’Origène par le même V concile était intervenue. Tout concourt à prouver que cette condamnation précéda l’ouverture officielle du concile, convoqué à propos des Trois chapitres (Ad. Jûlicher, Tlieol. I.iteraturzeitiing, igoo, p. lyG, soutient le contraire ; mais je ne puis le comprendre). C’est sans doute pour cette raison que les Actes ofliciels du concile, tout entiers relatifs à l’affaire des Trois chapitres (5 mai-2 juin 553), ne s’étendent pas surl’origénisme : cette question a dû être liquidée en mars ou en avril, et comme elle n’avait pas figuré au programme olliciel de la convocation, la décision ne fut pas enregistrée à titre de décret conciliaire ; mais on ne laissa pas de solliciter l’approbation dupape Vigile, nous venons de le voir. Et c’est bien cet acte du Y" concile que’confirment divers conciles subséquents : concile de Latran sous Martin I (6^9), can. 18, Mansi, X, 1157 B ; Vie concile œcuméniqui- (G80), Art., xviir, Mansi, XI, 632 E ; concile in Triillo (692), can. t, Mansi, XI, 937 C ; VU" et VIII « conciles œcuméniques (787 et 870), Mansi, XII, io38E, XIII, 377B et XVI, 180 DE. Le Liber diurniis Pontificum liontanornm, attestant le cérémonial usité à Rome durant la première moitié du vin^ siècle, rapporte la formule d’une profession de foi dite par le pape lors de son sacre ; après une allusion au Ve concile (ccuménique, on lit (P. I, , CV, 49 B- — cf. éd. Th. Sickkl, Vindobonae, 1899) : In hoc Origenes, cuni impiis discipulis et sequacihus Didymo et Evagrio, et qui creatoreni omnium Deum et omnem ralionaleni eius creatiiram gentilibus fabulis posecuti sunt, aeleriiæ sunt condemnationi suhmissi.

Le fait d’une sentence rendue par le V concile œcuménique contre certaines doctrines d’Origène, contre sa personne et quelques-uns de ses plus illustres disciples, n’est pas seulement supposé par les grands conciles du vu’, du vin et du ix" siècles ; il est garanti par des témoignages conlenii)orain3. Dès 557, CYHtLLiîDE ScYTHoroLis affirme que le Ve concile a frappé d’un commun anathème Origène et Théodore de Mopsueste, avec l’enseignement de Didyme et d’Evagre sur la préexistence des âmes et la restauration universelle. Il écrit, Vita Sabae, p. 374 : Tî34 TOi’vuv Kyiv-i y.y.l oi/.ouiJ.v/i/.f, t Tr£ij.7ïT/ : 4 auviëou h KwvstkvtivcuTTO /ît 7Vvt/.ûpoi’78£t^r, ^^ y.Oi’jCi zO( XK^oiwtfj’/.v$ ie.Çlr, BtYsa.v

wjr/Mli-y.Ti Cifjf/évrii ; T£ zai 0£C(’15w/5O ; è Mo’pisusTriv.^^ xv.i tv. Tispl

On admettra dilTicilemenl que, si près des événements, la vérité historique ait été déformée par la tradition de Jérusalem. La tradition d’Antioclie nous est rapportée par Evagre le Scolastiquk, témoin orthodoxe et véridique, qui avait dix-sept ans à 1239

ORIGENISME

1240

l’cpoque du concile et en résume l’histoire en homme qui a les Actes sous les yeux. Il raconte que les higumènes Euloge, Gonon, Cyriaque et Pancrace ayant déposé des mémoires contre l’origénisme, Juslinien saisit le concile de la question, en lui communiquant, outre ces mémoires, la lettre qu’il venait d’adresser à Vigile. Ue ces pièces, il résultait qu’Origène avait mêlé à la pure doctrine des Apôtres la démence des Grecs et des Manichéens. Le synode anatliématisa Origène et réprouva ses adhérents. //. Ë., IV, xxxviii, P. G., LXXXVI, 2, p. 27’j6-2’ ; 77 A. Des témoignages à peine postérieurs, comme celui du chroniqueur latin Victor dr Tun.vuna, établissent que la dillérence mise apparemment par le concile entre la personne d’Origène etcelle desesprincipauxdisciples, yas’oblitérant au vu » siècle ; elle n’existe plus pour saint SoPHRONE DE JÉRUSALEM (634), pour l’empcreur Héra clius et autres. Le concile de Latran, en ô/Jg, efface toutes lesnuanc"S.

Comme pour la sentence de 5^3, la sanction du pape Vigile fut demandée pour la sentence de 553. On a vu plus haut que, d’après les.ctes latins du concile, cette sanction fut obtenue (Mansi, IX, 272 D). Il n’y a pas lieu de révoquer en doute ce témoignage, consigné dans une version latine destinée à faire foi en Occident et où le mensonge, sur un tel fait, pouvait difficilement se glisser. Seulement il y a lieu de remarquer la date de cette sanction papale et d’en préciser la valeur. D’après le propre témoignage des Actes, la sentence contre l’origénisme fut soumise à la sanction papale avant les délibérations sur les Trois chapitres. De là vient sans doute que les successeurs du pape Vigile, Pelage I", Pelage H, saint Grégoire lu Grand mentionnent l’œuvre du V concile sans faire aucune allusion à la condamnation de l’origénisme. Les quinze anathématismes (dont nous admettons l’authenticité) furent présentés au pape Vigile avant la sentence contre les Trois chapitres, et sans doute à un rang inférieur ; cette question, n’ayant pas figure au programme officie ! des délibérations, resta plus ou moins en dehors de l’œuvre ollicielle du concile.

Concluons que le V concile œcuménique, à l’exemple du synode local de 543, s’occupa d’Origène ; qu’il prononça un anathème, atteignant sa doctrine, sa personne et quelques-uns de ses disciples ; que cet anathème reçut la sanction papale ; qu’il fut renouvelé, pendant des siècles, par des conciles œeuméniques et par les papes en la profession de foi de leur sacre.

Quelle en est la portée ? Avant tout, il faut distinguer la question de doctrine et la question de personnes. La question de doctrine est au premier plan, et les personnes ne tombent sous l’anathème que dans la mesure où elles sont supposées adiiérer aux doctrines réprouvées ; ni le V « concile ni ceux qui lui firent écho n’ont prétendu définir qu’Origène avait adhéré à ces doctrines avec un esprit hérétique. Cette observation vaut a fortiori pour les disciples d’Origène, Evagre et Didyme, dont les doctrines seules furent primitivement mises en cause, et dont les personnes ne furent associées à l’anathème qu’ultérieurement, à une date difficile à préciser. Quant aux doctrines, ni l’œuvre du concile local de 543, ni même l’œuvre e.rtraconcilinire dvi concile oecuménique de 553 n’a été transformée en définition de foi proprement dite par le seul fait d’une sanction papale dont la réalité même demeure enveloppée d’obscurité. Quoi qu’il en soit, le V" concile œcuménique a prononcé contre Origène un anathème global et les conciles suivants l’ont répété.

Sur toute cette histoire, nous avons suivi de près le solide et instructif mémoire de Fr. Diekamp, Die

origenistischen Slreitigkeitcn im F/" Jahrhundert und der V" allgaineine Concil. Munster i. VY., 1899. Voir aussi F. Prat, Origine ; le théologien et Vexégéte, p. Li-LX. Paris, 1907.

L’affaire des Trois chapitres semble bien avoir été un coup monté par Théodore Askidas pour conjurer la ruine de l’origénisme. La diversion manqua son but. Au lendemain du décret rendu par le V concile et de son acceptation moralement unanime par l’épiscopat oriental, l’origénisme palestinien avait vécu. Néanmoins les tendances origénistes étaient comprimées plutôt que mortes. L’histoire de leurs multiples renaissances déborde le cadre du présent article. On en trouvera quelques linéaments chez J. Denis, La philosophie d’Origène, ch. x : Origène au VF siècle et jusque dans les temps modernes.

Au regard de la postérité, Origène se présente avec un cortège imposant d’admirateurs. Ce sont, parmi ses disciples immédiats, saint Grégoire Thaumaturge, saint Denys d’Alexandrie, saint Firmilien de Césarée ; puis les évêques Alexandre de Jérusalem et Théoctiste de Césarée en Palestine, qui lui ont conféré le sacerdoce ; des Alexandrins comme Théognoste et Piérius ; plus tard, saint Pamphile martyr, saint Victorin de Pettau, Eusèbe de Césarée ; les grands Cappadociens, saint Basile le Grand et saint Grégoire de Nazianze qui compilrnt la Philocalie, saint Grégoire de Nysse qui s’assimile largement la pensée origéniste, Euzoïus de Césarée, Evagre du Pont ; en Eg}’pte encore, saint Alhanase, saint Isidore de Péluse, Didyme ; ailleurs, Tite de Bostra, Jean de Jérusalem à ses débuts, saint Jean Ghrysostome, saint Théotime de Tomes, Pallade ; des Latins comme saint Hilaire, saint Eusèbe de Verceil et saint Ambroise, qui s’enrichissent de ses dépouilles, Rufin surtout. Les adversaires sont plus rares, dans cette période primitive. On hésite à ranger parmi eux saint Pierre d’Alexandrie ; mais il faut sûrement compter saint Méthode d’Olympe, saint Eustathe d’Antioche, saint Ei)iphane, saint Jérôme, Théophile d’Alexandrie ; puis, aux confins de l’hérésie, Marcel d’Ancyre ; au delà, Aétius, Apollinaire, Théodore de Mopsuestc. « Etrange destinée que la sienne ! 11 s’éteint à Tyr, loin de sa patrie d’adoption, et ne peut pas même jouir en repos de l’exil qu’il s’est choisi. Il arrive aux portes du martyre sans pouvoir en cueillir la palme, comme Hippolyte, comme Lucien, dont le sang a lavé les erreurs. Maître des plus grands docteurs, il n’en a pas lui-même reçu l’auréole, et son nom reste à travers les siècles une pierre de scandale et un signe de contradiction. » F. Prat, Origène, p. xxxix.

IL Doctrines origénistes. — Dans cette exposition, nous prendrons tout d’abord pour guides les deux formulaires de Justinien.

En vain essaierait-onde faire co’incider la doctrine des 15 anathématismes de 553 avec celle des 10 anathématismes de 543. Sur quelques points sans doute il y a coïncidence ; mais sur d’autres, la doctrine flétrie en 553 déborde largement la doctrine flétrie en 543. Les anathématismes de 543 s’adressent, dans l’ensemble, à la doctrine du Periarchon ; ceux de 553 s’adressent à une autre doctrine, non plus immédiatement reçue d’Origène, mais directement puisée aux sources pythagoriciennes et platoniciennes. Avant de descendre au détail, nous montrerons par un tableau synoptique comment les erreurs dites origénistes se trouvent reparties dans cesdeux documents. Elles peuvent se ranger sous dix-sept chefs ; une première colonne contient les références aux anathématismes de 543, une deuxième colonne les références à ceux de 553 ; on voit aussitôt qu’une 1241

ORIGENISME

1242

très Torle proportion appartient exclusivement à la deuxième série.

/

/SIOV,.., /VA fJ.&TK ry.itTo

kvoiOrjV&A

p17rèi Sik navTWv

çaaipoetSft’e-/eipi^Ovn tk tcû /Jt « T « 

àjT£/5£5 "efi^v/ot

XoisTÔç ùnèp Sccip.6-J0}v 7t « u puO-/}76fJTiiOi

7r£7r£ozff/zÉv>î ^ TGÎi ©ëoO où

va/jLt^.

7rfl55z « c^c ; xo/ait ; … à-cxo : Td7T « Tl^’evà ; Tipùrvi xvÀ s7yv.rY},. il" à//É/wv 5 « (ULoy£5 xaî v.vOpoi~

7TCC, XKt TTxi.tV

£ ? ; V5j ; àxt’vnTOi X^lffTOÇ, 5ïî yno’jpy61

où ; / Ô 0ë51 AO’/îi l/£V&ift « î.

i 0eÔs A&-/04 X/îtîTO^ XKT «  ypr, T71xGi^^ oO y.jptoi^

TCÔV ffW/iKTOJV cÛTe ;.

Êv&uîtf « t Tû 0sît Adyw caiùLpfxl/KzTwç TravTa^ xkc Tzépt/, ^

"£78’3ÔiXt TY, i ^Katluff.Ç TOU X^tCTOJ

Où51 /xi’c.v "e^et 6 X/sioràç Tt^ôç oùck iv Ttfjy)/iyty.’7yj Oiv.oop&.y,

.2.3.

3. 4.

5. 6.

.2.3.4. 13.

2.3.4.

10.

3.

I. 14. >5 2. 12. l3. l4. 1

G. 7.9.12.

12. 13.

i" La préexistence des âmes.

Doctrine capitale Uans la pensée d’Origène, qui ne voit pas moyen d’expliquer autrement la diversité des destinées entre les êtres raisonnables. Il admet que tous sortirent des mains de Dieu égaux en fait et en droit ; l’usage différent qu’ils firent de leur libre arbitre créa des litres à une inégale répartition des dons divins. Par cette hypothèse on sauve, en même temps que la justice divine, l’unité spécifique de la race liuinaine, méconnue par les gnostiques. Voir, parmi beaucoup d’exemples, Periui’clion, II, VIII, où la question de l’àme est étudiée dans toute son ampleur ; ihid, , ix, 6, Koetscuau, p. 170, 12-17 : Oiia raliune neque Creator iniustiis videhiliir, ciim secundumpræcedentes causas promerito unumquemqite disirihuit, neque forlnila uniuscujusque nascendi vel félicitas vel infelicilas puiabitur, vet qiialiscumque acciderit illa condicio, neque diversi crealores vel dit’ersæ naturæ credeniur animarum. — IIuet, Orif ; enianii, 1. ii, c. 11, q. 6, 4’^ ! Capitaine, De Origenis elhicu, Appendix i. — Une idée si étrangère à la révélation chrétienne ne devait pas s’implanter sans protestation. Dès le commencement du iv siècle, à Alexandrie, on voit qu’elle était battue en brêclie pas saint PiEunB, le patriarche martyr. Uad-FORD, Three teachers of Alexandria, p. ^S-^ô.

2° liefriiidissement des âmes, entraînant leur chute d-ans des corps.

Idée intimement liée à la précédente : pour s’être refroidies dans l’ardeur de la contemplation et de l’amour divin, les pures intelligences se sont vues liées à des corps plus ou moins grossiers : l’àme est

essentiellement la substance intelligente déchue, liée à un corps et en travail de relèvement. Le nom grec de l’àme, ilu ; ^<i, exprime précisément cette idée de refroidissement : ^jy ; o a re/rigescendo, traduit llufin. Voir encore J’eriarchon, H, viii, 3. — IIUBT, Origeniana, II, 11, q. 0, 5°.

3" Le corps du Christ formé antérieurement à son union à l’àme.

En général, selon la doctrine d’Origène, les corps préexistent aux âmes qui viennent les animer. Il applique ce principe spécialement aux corps célestes, l’eriarclion, 1, vii, 4. ô. Il l’applique également au corps humain (iiid.).h. cette loi générale, le corps du Christ ne fait pas exception. Cela ressort do divers textes sur l’Incarnation, tels que Contra Celsum, I,

XXXII, XXXIII. KŒTSCHAU, t. I, p. 84.

4" Le Christ parcourant les divers ordres célestes, se faisant tour à tour semblable à chacun d’eu.r.

D’après cette idée, répandue dans toute l’œuvre d’Origène, le Christ, avant l’Incarnation, aurait apparu chérubin aux chérubins, séraphin aux séraphins, et ainsi à tous les ordres célestes, se faisant successivement tout à tous, avant d’apparaître homme aux hommes. Voir In Gen., Hom., viii, 8, /’. G., XII, 308 A ; Lu Ml., t. XV, vii, P. G., XUI, 1272 A ; In loan., t.I, xxxiv, /".G., XIV, 81 (Preuschen, p. 39) ; Jn nom., 1. 1, IV, P. G., XIV, 848 A ; cf. Contra Celsum, VIII, lix, P. G., XI, 1605 C (Koelschau, p. 276). Origène s’inspire ici d’une idée très répandue dans l’exégèse des Pères anténicéens, qui croyaient reconnaître la personne du Verbe divin, dans les anges des théophanies bibliques ; d’ailleurs il y ajoute du sien, en supposant que cette transformation du Fils de Dieu fut durable et qu’elle eut pour but l’éducation des esprits célestes. — Hdet-, Origeniana, II, 11, q. 3, 23.

5" Les corps ressusciteront suus forme de sphères.

Cette idée bizarre, reprochée par Juslinien aux moines origénistes de Palestine, ne se rencontre pas dans les écrits d’Origène, qui l’exclut même assez nettement. Periarchon, II, x, 2 et III, vi, 1. Mais on a pu la déduire de l’assimilation qu’il établit entre les corps glorieux et ceux des anges (car il admet que les anges ont des coriis). Voir In Mt., t. XVII,

XXX, P.C., XllI, 1569. Par ailleurs, il se représente les corps ci’lestes sous forme de sphères. De orntione,

XXXI, P. G., XI, 552 B. Mais l’assimilation des corps glorieux aux anges vise leur nature élhérée et lumineuse, non leur forme, et il serait déraisonnable de la presser, vu lindécision manifeste d’Origène en cette matière. — Hukt, Origeniana. ii, 11, q. 9, 9 ; Rkdepenning, Origenes, t. II, p. 463-464.

6° J-es astres animés.

Doctrine aflirmée Periarchon I, vu ; II, ix, 7, et supposée dans un grand nombre de passages appartenant aux autres écrits d’Origène. Ainsi, Jn loan., t. I, XVII, P. G., XIV, 52 C (Preusclien, p. 21, 21) : Kaï yàp r, ^ifX’h ^^^ riMO’j’çv ffE.iu.aTt x « t nâ7 « yj xTicii, Tiepi *^5 ô à-nàrr-.cJôi ir, ’ ! t (Roni., viii, 22). Cette doctrine, ifu’Origène ne présente pas comme de foi (l’eriarchon, prooemium, 10 : De sole auteiu et luna et stellis, utrum aniinanlia sint an sine anima, manifeste non tradilur), mais qu’il aflirme énergiquement comme liée à la foi, peut être considérée soit en elle-même, soit dans ses relations avec l’ensemble du système origéniste. En elle-même, c’était une opinion libre. Héritée des anciens philosophes grec3, Thaïes, Pythagore, Platon…, elle trouvfi bon accueil, non seulement à Alexandrie, où Philon et Clément la soutinrent avant Origène, mais en beaucoup d’autres lieux et chez nombre de Pères. Saint Augustin la tient pour permise (Enchiridion, lviii ; Contra Priscillianistas et Origenislas, viii, u), et saint Thomas répétera le 1243

ORIGENISME

1244

jugement de saint Augustin. Considérée dans ses relations avec l’ensemble du système origéniste, l’hypothèse de l’animation des astres apparaît liée à la conception générale de la préxistence des âmes, et ceci est grave. Car si les astres sont, au même titre que les corps humains ou peu s’en faut, des prisons d’àmes, le contrecoup va se faire sentir dans plusieurs parties de la doctrine catholique. D’autre part, Origène méconnaît la pensée de saint Paul touchant le gémissement de la créature, attendant la révélation lies enfants de Dieu. Saint Paul a réellement en vue le gémissement de la création matérielle, non un gémissement d’àmes. — Huet, Ori^e/iia/Jrt, II, ii, q.8.

y" Le futur crucifiement du Christ pour les démons.

Cette imagination déplorable ne se trouve pas sans doute partout où on a cru la découvrir (ainsi Jn /.ev., tlom., I, i, P. G., XII, 408 D, Origène exprime seulement cette belle idée que le sang répandu au Calvaire a coulé sur l’autel céleste ; voir la note de Delarue redressant Huet, P. G., XVII, 829). Mais il semble (iillicile de ne pas la reconnaître, Periarclton, l, xiii (xxv) (P. G., XI, 398, 39g, et mieux Koetschau, p. 3^4, 345). Ici la version de lîviûn nous fait défaut, probablementparcequele passage lui parut inguérissable ; mais elle est avantageusement sui)pléée par celle de saint JÉRÔMB, Ep., cxxiv, 12, P. L., XXII, 1071 ; cf. aussi Théophile d’Alkxandrib, Ep. synodica, ibid., xcii, 4. P- L., XXII, ’)(>’) ; Ep. paschalis, ifcirf., xcvi, 10, p. 781. Cette imagination compléteraitcellequ’ou a examinée ci-dessus, sous 4°. — Voir pourtant les observations de Huet, Origeniana, II, 11, q. 3, 23-25.

8" La puissance dii’ine bornée.

Origène admet que Dieu a créé des cires raisonnables en nombre Uni, autant que sa pensée en pouvait embrasser — car la puissance de Dieu est linie comme sa pensée. De même, il créa de la matière autant qu’il en pouvait ouvrer. Periurchon, II, ix, i.

— Huet, II, 11, q. i, i-3, a omis ce texte.

g* Pas de peines éternelles. L’unii-erselle restauration.

Si la préexistence des âmes est le principe des erreurs origénistes, la restauration universelle — àTTMKTdTTaai ? — en est le couronnement. Ce mot appartient à la langue du N. T. Il désigne, Act., iii, 21, cette restauration de la création visible par laquelle doit s’ouvrir la vie céleste, dans un ciel et une terre renouvelés, Apoc., xxi, i-5. Mais sous la plume d’Origène, ce mot paraît prendre une acception inédite et désigner la restauration universelle des créatures raisonnables dans leur pureté originelle. A la lin des temps, toute puriûcatiou des âmes par la captivité daus les corps étant achevée, elles seront réintégrées dans la condition de purs esprits. Telle est la conception que l’on rencontre ou que l’on entrevoit à diverses reprises, Periarchon, I, vi, I, a, Koetschau, p.’jg-82 ; I, viii, 41 P- 102 ; II, x, 8, p. 182, 183 ; III, V, ’), p. 278, 1-23 ; III, vi, 3, p. 284, 3-io ; III, VI, 6, p. 287, 21-288, 7 ; III, VI, 8, p. 28g, 2833. Voir en outre / « Lev., Hom., vii, 2, P. G., XII, 479 C-480 A ; In Mt., t. XV, xxvii, P. G., XII, 1336 B ; In loan., 1. I, xvi ; Preuschen, p. 20, 8-14 ; Contra Celsum, y, XV ; VIU, Lxxii, P. G., XI, 1201 D ; 16a41626 (Koetschau, t. II, p. 16 ; 288, 289).

Origène ne peut se défendre de rêver un triomphe complet de la grâce et de la miséricorde. Il sait pourtant que les pécheurs ressusciteront pour le châtiment, et semble parler de feu éternel, Periarchon, II,

X, 3, 4. Koetschau, p. 176, 17-177, 2 ; du châtiment éternel, Kit.ji’iî ; zo/xîi^, Contra Ceisum, VII, xxvi, P. G.,

XI, 1332 B (Koetschau, t. II, p. 96, 16). Le feu vengeur est allumé pour chaque homme par ses propres péchés. L’ardeur d’une passion tyrannique en donne quelque idée lointaine. Mais ici le coupable est iramu nisé contre l’action destructive du feu. Ce feu sévira jusqu’à ce que la justice divine soit satisfaite et l’ordre rétabli. Les mots « l’wv, aicjnc^ paraissent n’avoir pour Origène qu’une valeur relative. Parfois il se défend de prendre parti sur la question de l’éternité des peines, qui ne lui semble pas clairement tranchée par l’Ecriture. Ainsi, commentant Mt., xxii, 11, In loan., 1. XXVIII, vu (Preuschen, viii, p. 398, 10-18).

— Huet, Origeniana, II, 11, q. 11, 17, 26 ; Capitaine, De Origenis ethica, app. 11.

10° La monade divine, principe et /in de toute existence.

Doctrine nettement panthéiste, qui sans doute fut professée au vi^ siècle et imputée à Origène par des disciples compromettants, mais que nous ne saurions retrouver dans ses ouvrages. Il s’en montre fort éloigné quand il examine ex professa la question de la nature de l’âme, Periarchon, III, iv. Après avoir écarté la tricholomie platonicienne et même la dichotomie de son maître Clément, il se montre disposé à admettre que l’àme est simple, d’ailleurs sollicitée en haut et en bas par des attraits contraires, qui donnent l’illusion d’une multiplicité substantielle. Mais il se refuse à admettre qu’elle est de nature divine ; le terme opsvTio ; appliqué par Héracléon à l’àme, comparée à Dieu, lui paraît absurde et impie, In Ioan., l. XIII, xxv. Saint Jérôme s’en est souvenu en écrivant à Marcellinus et Anapsychia sur l’origine de l’àine, Ep-, cxxvi, i, P. L., XXII, io85 : il n’a garde de confondre la doctrine d’Origène avec celle des stoïciens, qui font de l’àme une portion de la substance divine. Cependant le même saint Jérôme, écrivant à Avitus, £/ !)., cxxiv, 141 p. 1071, 1072, reproche à Origène d’avoir dit que tous les êtres raisonnables sont (I en quelque sorte » de même substance ; il veut bien reconnaître que ce correctif « en quelque sorte > atteste chez Origène la préoccupation d’écarter une doctrine impie, et pourtant ne le juge pas pur de tout panthéisme. — Le problème de la destinée de l’âme ramène la même incertitude et la même diversité dans l’interprétation donnée à la pensée d’Origène. Il enseigne que le bien suprême de la créature raisonnable consiste dans l’union à Dieu par la connaissance et l’amour. De ce principe, qu’il emprunte à saint Jean et à saint Paul (loan., xvii, 24, 21 ; 1 Cor., xv, 28), il conclut à une absorption progressive de toutes les puissances de l’âme dans la divinité ; quand cette absorption sera complète, l’âme entièrement purifiée, alors l’assimilation de la créature au Créateur atteindra son terme ; Dieu sera tout en tous. Le corps lui-même sera spiritualisé, glorifié, investi d’uno splendeur dont les astres ne donnent qu’une idée lointaine : car les astres passeront, le corps glorifié ne passe plus. A la fin, la mort lâchera sa proie (I Cor., XV, 26) ; le corps sgra immortalisé en restant lui-même. Idées largement développées Periarchon, III, VI, et souvent reprises ailleurs. On les retrouve dans un traité ascétique, tel que VExhortatio ad Martyrium, xivii, où il décrit l’ascension de l’àme vers la région de l’intelligible pur et vers Dieu qui surpasse toute intelligence. On les retrouve dans une œuvre exégétique tel quel’/zi Ioannen,. I, xvi (Preuschen, p. 20, I o-i 2) où il assigne comme terme à l’ascension de l’âme la contemplation de Dieu : ri

hyoïxév/i àTOxcTOTT « 7£i. Les origénistes du vie siècle ne rêvèrent pas seulement d’assimilation par la contemplation et l’amour, mais d’un écoulement proprement dit de toute existence en Dieu. Il est sur que le principe origéniste, d’après lequel, en toute chose, la fin doit répondre au commencement, Per/arc/io/i, I, vi, 2, Koetschau, p. 79, peut mener jusque-là, si l’on commence par admettre le panthéisme au point de départ 1245

ORIGENISME

1246

du système. Mais nous ne l’y avons pas trouvé ; on a vu qu’mn conseui- impitoyable comme saint Jérôme ne l’y trouvait pas, dans ses heures d’équité. Ce principe origénisle, du cycle formé décrit par la création, revient par exemple In loa/i., 1. XIII, xxxvii, liii, Preuschcn, p. 263 ; Contra Ce/s » iii, VIII, lxxii, sans les conséquences panthéistes qu’on en tire abusivement.

— HuET, Origeniana, II, i : , q. 6, 3 et q. ii, g (dans ce 2" passage, plus dur que dans le ! « , et peut-être inconséquent). Ici, et ailleurs encore, s’applique la remarque suggestive de Redepennino, Origenes, t. II, p. Sig : Nirgend ist sein System minder abgerundel und loserzusammengesclilossen als an diesen Ausgangspunkten, in der Lehre von den ersten und letzten Dingen ; zum Beweise, dass er niclit von diesen Punkten her, sondern aus der Mille herausbante, wobei sich zuletzt, gleichsam in der Peripherie des Ganzen, unzulanglich erwies, was in seinen Anfangen geniigend gefasst scliien.

II* Les anges dei’enant dénions ou hommes, et iice versa.

Conséquence de la doctrine générale d’Origène sur la déchéance et le relèvement des êtres raisonnables. Le principe de la déchéance des esprits célestes au rang d’hommes est posé Periarchon, I, vi, a (Koetschau, p. 81 ; texte grec conservé par Justinien, ap. Mansi, IX, 628 ; version latine en saint Jérôme, £/)., cxxiv, 3, P. t., XXII, 1061). Le principe du relèvement des démons au rang d’hommes, Periarchon, , vi, ’i (Koetschau, p. 83 ; texte grec, Justinien, ap. Mansi, IX, 629 ; latin, saint Jérôme, ibid., 1062). Le principe général de la migration des êtres raisonnables à travers toute l’échelle, des anges aux démons et des démons aux anges, paraît avoir été formulé plus complètement Periarchon, I, vji, 5 (texte rétabli par saint Jérôme, Ep., cxxiv, 4, P. L., XXII, 1062, 1068). Tous ces textes ont été plus ou moins mutilés ou supprimés par Rufin. — Huet, Origeniana, 11, 11, q. 5, i 1 ; q. 6, i’j.

i^’L’àme du Christ, seule victorieuse de toutes les épreuves, investie de lu fonction créatrice.

Fatal contre-coup de la doctrine de la préexistence des âmes, dans la christologie. Comme toutes les âmes, l’àme du Christ préexistait à la création matérielle ; a fortiori préexistait-elle à l’Incarnation. L’ardeur incomparable avec laquelle cette àme s’attacha au Verbe divin lui mérita le privilège de l’union divine et fit d’elle le nœud de l’Incarnation. Dès lors, l’élévation de l’humanité du Christ au rang divin apparaît comme la récompense de méritesacquis, non comme l’eiTet d’une pure Initiative divine ; et la carrière du Christ commence bien en deçà de l’Incarnation. Periarchon, II, vi, 3-5 ; Contra Celsum, I, XXXII, xxxiii, Koetschau, p. 84. — Huet, Origeniana, II, ii, q. 3, 6.

13" Ce n’est point le Dieu Verbe qui s’est anéanti, mais l’âme du Christ, unie au Verbe. Ainsi faut-il entendre Phil., 11, ^.

Commentant le texte de l’Apôtre Phil., 11, 7, Origène s’est montré dépendant des théories alexandrines sur les intermédiaires divins. Il paraît supposer que, dans l’œuvre de l’Incarnation, l’àme du Christ accomplit une médiation nécessaire, le Verbe divin ne pouvant s’unir directement à la matière ; voir Periarchon, II, vi, 3. Cette idée a été durement relevée par Théophile d’Alexandrie, qui semble ne l’avoir pas bien comprise et la dénature par son commentaire, £p. Paschalis 11, inter liieronyiuianas xcviii, 14, P. /.., XXII, 802. Le 7= anathémalisme de 553 fait écho à "Théophile. — Huet, Origeniana, H, 11 q.3, 8.

14° Le Dieu Verbe n’est pas appelé Christ proprement, mais abusivement.

Ce grief touche de près au précédent. Dans la mesure où il est fondé, Origéne aurait méconnu la communicatiu idiomatum et parlé en nestorien. En pleine discussion des Trois chapitres, une telle accusation ne pouvait manquer de se produire. Mais il est douteux qu’Origène y ait donné prise. — Voir Huet, Origeniana, U, ii, q. 3, 16.

ib’La création matérielle retombera dansle néant.

Encore une conséquence de la théorie origénisle sur les épreuves des âmes. Si la création matérielle n’a d’autre raison d’être que de servir à leurpurilication, il est naturel qu’elleretombe dans le néant, une fois cette purification achevée. Encore faut-il distinguer entre la création purement matérielle et les corps unis à des esprits. La création purement matérielle doit être anéantie, selon Origéne ; les corps unis à des esprits ne retomberont pas dans le néant, mais seront transformés et participeront à la nature des esprits. En somme, Origéne atiirme la conservation de la matière après la résurrection ; mais la raison qu’il en donne est tout à fait inattendue : c’est qu’il estime une certaine matière indispensable à l’existence des êtres immatériels. L’idée d’un pur esprit, autre que Dieu, est étrangère à sa métaphysique, ou n’y entre qu’à titre d’hypothèse invraisemblable. Periarchon, II, i, i ; 11, 1, 2 ; iii, 3 ; x, 1, 8. Donc les corps ressuscitent, du moins pour aussi longtemps que les intelligences créées ont besoin d’un support ; Origéne ne les conçoit pas autrement. Mais le jour où ces intelligences viendront à se perdre en Dieu, selon le rêve origénisle, qu’adviendratil de ces corps ? On ne le voit pas bien, et certains passages donneraient à entendre que ces supports provisoires des âmes retomberont dans le néant. Periarchon IV, xxxvi (Koetschau, p. 361, d’après Justinien, ap. Mansi, IX, 532) ; ’kyy.-/y.r, ^i] T.por, yauii.iyn-j T’y/ ; /av££v Tr : j tCi-j (7wa « r6)y pu^tv, v.).lv.’tx 5( « ^, stfjiui « Twy ûiît’TT « 7-Ov. t dta Tcvy. Tî^[j, 7rr6>jj, « T « yevo’asvK TTî/îi rà o-/ixv. $z6tj.îv « istiVi.v.-Tùjv, /.y-i T.’j./.vi Tï^^ £TravOjo96Jo-£w^ re^Êtw ? yr."3U.£v> ;  ; zi^ rà ii, ï] (ivv.i KVK’/jz70v.t ry.îjTK, f"i<jTî TOxiTO vù yivî’jdv.i. — Huet, OrigB’nj’a/ia. ii, II, q. 9 ; q. 12, a, 3.

16" Tous les êtres raisonnables — anges, hommes, démons — seront enfin purement unis à Dieu, et le règne du Christ prendra fin,

Le rêve du salut universel hante perpétuellement l’esprit d’Origène. Il n’y met qu’une exception absolue : le diable refusera à jamais de se convertir à Dieu, In Rom., 1. VIII, ix, P. G., XIV, 1185B : Istius autem qui de cælo cecidisse dicitur, nec in fine sæculi erit alla conversio. Et dans sa lettre apologétique à ses amis alexandrins, il s’indigne qu’on ait pu lui prêter l’assertion contraire : c’est une folie manifeste. Cf. saint Jérôme, Apol. Adversus libres Rufini, II, xviii, 7’. L., XXIIl, 440 sqq. L’exception concernant le diable, fùl-elle unique, sulFirait à mettre en échec le principe origénisle d’après lequel toute créature fait retour à son état initial. Il est vrai que le diable, comme tel — c’esl-à-dire comme déchu — n’est pas créature, il est tout entier son œuvre, In loan., 1. II, vii, P. G., XIII, 136 (Preuschen, xiii ; p. 69, 5). Mais cette considération vaudrait pour toute autre créature qui se détourne de Dieu. Periarchon, I, vi, 3, il traite la question d’ensemble, et tout d’abord formule une distinction. Certains dénions sont tombés si bas et opposent une telle résistance aux forces d’en haut, qu’il faut, ce semble, entièrement désespérer de leur salut. Mais, en dehors de ces grands coupables, il y a, pour des démons subalternes, chance de parvenir au rang d’hommes ; et même, absolument parlant, tout être raisonnable peut, à force de purilications, s’élever de degrés en degrés, jusqu’à atteindre l’héritage céleste. Une fois tous les élus parvenus à ce rendez-vous

suprême, la médiation du Christ ne trouve plus à s’exercer. Qu’alors le règne du Christ prenne (in, le Christ rentrant tout le premier au sein de Dieu et tous y rentrant avec lui, ce peut être dans la logique du système, à supposer certaines déformations initiales. Mais nous ne trouvons pas cette conséquence expressément déduite dans ses écrits et nous ne voyons pas qu’elle lui ait été reprochée par les ennemis acharnés qu’il comptait à la tin du iv’siècle. Pourtant cette génération connaissait l’hypothèse d’après laquelle le règne du Glirist prend fin à la consommation : saint Cyrille de Jbrusalkm le signale comme ayant fait récemment son apparition en Galatie, Catech., xv, i-), P. G., XXXIX, 909."V : allusion manifeste à l’hérésie de Marcel d’Ancyre. Il ne songe pas à y associer Origène. Si elle fut dénoncée au vi’siècle, c’est moins par le fait d’Origène que des origénisles palestiniens. — Huet, Origeniana, II, 11, q. 3, 30 et q. 11, 24, 26.

l’j" Le Citrist confondu dans la foule des êtres raisonnables. — Si l’on pose en fait que le terme de l’évoluLion cosmique est l’é^’anouissenient de toute personnalité au sein de la monade div.ne, si le Christ tout le premier va s’y perdre et les créatures après lui, la conséquence est fatale. Mais cet aboutissement panthéiste est-il imputable à Origène ? Nous avons vu (sous 10") des raisons de reculer devant une conséquence aussi extrême. Le panthéisme origéniste est éclos au vie siècle.

Si maintenant on se réfère à notre tableau synoptique, on se rendra compte qu’il y eut, au milieu du VI’siècle, plus d’un origénisræ et l’on discernera mieux les divers courants.

L’appellation de WpuTo^.ricicr.t ou de TtToc.ôrTKi, qui, comme on l’a vii, désignait certains origénistes, parait trouver son explication plausible dans le 6’anathématisrae de553. Voici l’étrange christologie visée par cet anathématisme :

Une seule intelligence, de toute l’unité primitive des êtres raisonnables, persévéra immuablement dans l’amour et la contemplation de Dieu, devint Christ et Roi de tous les êtres raisonnables, s’éleva au-dessus de toute nature corporelle, du ciel, de la terre, et de tous les intermédiaires. Ainsi le monde, renfermant les éléments primordiaux de sa substance, sec, humide, chaud, froid, et l’idée d’après laquelle il fut formé, prit naissance ; ce n’est point la très sainte et consubstanlielle Trinité qui forma le monde et en est l’auteur ; mais l’esprit ouvrier, disent-ils, préexistant au monde et lui donnant d’être, est l’auteur du monde.

D’après cette conception — que confirment les anathéraatismes 7 et 8 —, le Christ n’est pas Dieu au sens strict, mais le premier des esprits créés. La fonction créatrice à l’égard du monde est exercée, non par la Trinité divine, mais par le Christ, qui prend ainsi rang — lui quatrième — au-dessus de la création. Cette double condition, de Première créature elve Quatrième personne quasi-diiine, rend bien compte de ces deux appellations que les auteurs anciens n’ont pas pris la peine de nous expliquer.

Quant à l’appellation d’'110’j ; / ; itt-^i, désignant des origénisles plus radicaux, elle traduit la coneeptionrépandue dans les analhématismes 13, 13, 14, 15, d’après laquelle, tout devant faire retour à la monade primitive, toute distinction s’effacerait entre le Christ et les autres êtres raisonnables ; l’égalité la plus parfaite dans l’anéantissement de toute personnalité serait le terme de l’évolution cosmique. Conception nettement panthéiste, sinon nihiliste, qui dépasse en impiété la précédente ; le sixième siècle avait le sentiment très net de cette différence.

Outre ces deux recueils d’anathématismes qui

ont, au regard de l’Eglise, une valeur officielle, nous possédons encore une formule de rétractation imposée à un origéniste impénitent. Cet origéniste était Théodoue db Scythopolis, lévêque de cette même ville palestinienne d’où est sorti le biographe de saint Sabas ; la rétractation qui lui fut imposée dut coïncider, à quelques semaines près, avec les délibérations de V concile sur l’origénisme ; car elle parait dater du commencement de l’année 553. Le 1’libelle de Théodore » comprend douze anathématisnies : sur ce nombre, 9 reproduisent presque mot pour mot les 9 premiers anathématismes de 543 ; les 3 autres sont nouveaux, ce sont les 4, * e’lï’» ils ont d’ailleurs leurs pendants parmi les 15 anathématismes de 553 : ce sont les J2’, 13’etii ». Donc, de toute manière, le libelle de Théodore est une formule de transition ; dans la table de concordance en 17 articles que nous avons dressée ci-dessus, il pourrait être distribué sous les numéros 1° — g° ; 15°

— 17". La doctrine abjurée par Théodore était, en somme, celle des isochrisis.’On trouvera son libelle, P. G., LXXXVI, i, 232-236. Cf. Diekamp, Origenistische Streitigl ; eiten, p. 125-128.

A côté de la lettre de Justinien à Menas, renfermant 24 citations textuelles d’Origène, ! ’£/ ;., cxxiv de saint Jérôme, Ad Avitum, par ses 25 extraits traduits du Periarclion, offre une base solide pour la critique du système origéniste.

La double liste d’anathématismes dressée par ordre de Justinien reflète les préoccupations du sixième siècle. D’autres siècles ont formulé contre Origène d’autres accusations. Au début du quatrième siècle, Pamphile le martyr ramène à neuf chefs le réquisitoire qu’il se propose de réfuter ; P. G., XVlI, 578sqq.

1. Origène aurait enseigné que le Fils de Dieu est inengendré.

2. Il aurait enseigné, selon les rêveries valentiniennes, que le Fils de Dieu a été produit par voie de projection.

3. Par une erreur toute contraire, il aurait enseigné, avec Artémas ou Paul de Samosate, que le Christ Fils de Dieu est pur homme et non Dieu.

4 Par une nouvelle contradiction (la méchanceté est aveugle), il aurait enseigné que les faits attribués au Sauveur n’ont qu’une vérité d’apparence et d’allégorie, non d’histoire.

5. Il aurait admis deux Christs.

6. Il aurait absolument nié la vérité des récits de faits sensibles rapportés dans les diverses parties de l’Ecriture touchant de saints personnages.

7. Sur la résurrection des morts elle châtiment des impies, il aurait-— chose particulièrement grave

— nié les supplices infligés aux pécheurs.

8. Quelques-uns incriminent ses écrits ou ses opinions touchant la condition de l’àme et l’économie du salut.

9. Enlin on le livre à tous les mépris pour avoir enseigné la métensomatose, c’est-à-dire le passage d’âmes humaines, après la mort, dans des animaux muets, serpents, bêtes de somme ou autres, et pour avoir attribué à des animaux muets une âme raisonnable.

Un autre réquisitoire, en quinze articles, est dressé par l’apologiste anonyme d’Origène que Pho-Tiis analyse, Bibt., col. cxvii, I. G., CIIl, 896.

III.

Conclusions

I. Genèse des idées origénistes. — Comment expliquer la genèse de ces idées ? Origène va nous } aider en exposant, dans le prologue du Periarchon, que la révélation venue de Dieu ne dispense pasl’houuiie 1249

ORIGENISME

1250

de réfléchir, d’analyser el d’organiser sa croyance. Præfat., iii, Koetschau, p. 9 :

Il faut savoir que les saints apùtres, prédicateurs de la foi du Cliiisl, ont sur quelques points enseigné très clairement tout ce qu ils crurent nécessaire à tous, même à ceux qui montraient peu d’empresnenient pour l’acquisilion de la divine science, abandonnant l’analyse de la doctrine il ceux qui mériteraient les dons excellents de l’Esprit et recevraient particulièrement la grflce de la parole de la sagesse et de la science par le même Esprit. Sur d’autres points, ils se bornèrent U énoncer le fait, omettant le comment et le pourquoi, afin de donner aux esprits studieux et épris de sagesse occasion de s’exercer et de faire frncliûèr leurs dons naturels ; à ceux, dis-je, qui se prépareraient à recevoir dignement la sagesse.

Là-dessus, Il entreprend de dresser d’une part le catalogue des vérités delà foi, clairement enseign/es par les Apôtres, d’autre part celui des points c^ la réflexion est appelée à réaliser des progrès. L’un et l’autre catalogue nous présenterait quelques sujets d’ctonnement. Ne nous y arrêtons pas, mais allons de suite jusqu’au bout de l’ouvrage, pour en ressaisir tout le dessein. Les articles de ces deux catalogues y reparaissent constamment, développés et encLevêtrés.

La préoccupation de supplémenter la révélation divine authentique par la recherche scientifique, caractérise l’altitude d’Origène, croyant et penseur. Il n’est pas de croyant ])lus soumisà tout ce qui lui parait porter le cachet delà parole venue d’en haut ; il n’est pas non plus de penseur plus audacieux, là où il croit entrevoir une conquête possible pour le travail de l’intelligence.

Or une série de graves problèmes, suggérés par les contrastes et les conflits de la vertu et du vice, du bonheur et de la souffrance, de l’esprit et de la matière, sollicitait son âme religieuse. Au cours du siècle précédent, la gnose s’était attaquée à ces mêmes problèmes, et avait prétendu les résoudre par des constructions vertigineuses, où quelques matériaux chrétiens se mêlaient à beaucoup de mythologie. La réaction, sobre et sensée avec sainllrénée, se Ut plus inventiveavecOrigène : au christianisme authentique dont il puisaitla formule dans les Écritures, le maître du Didascalée s’avisa de superposer un système nouveau d’hypothèses.’Vingt fois pri^ s et reprises dans tout le Periarclion, avec plus ou’^ noins d’outrance, ces hypothèses peuvent se rameneV aux suivantes :

I" Dieu a créé des esprits ; il les p créés tous égaux ;

2° Les différences qui, de fait existent entre eux, procèdent uniquement de l’usaj’ ; différent qu’ils ont fait (le leur libre arbitre ; 1

3" De la même source procède égalementl’assiciation plus ou moins stable de ces esprits à des corps plus ou moins parfaits : corps élhcrés ou aériens, corps humains, corps plus grossiers encore ; la matière n’a été créée qu’en vue des esprits, soit pour les enchaîner et les assujettir à diverses épreuves, soit tout simplement pour les soutenir dans l’existence ;

4° L’établissement de tel esprit dans un certain degré de perfection ou de déchéance n’a rien de définitif : tous restent essentiellement capables de progrès ou de déclin ; tous peuvent, à travers une longue série d’épreuves, soit s’élever au plus haut, soit tomber au plus bas ;

5" Ces transformations dépassent le cadre du monde présent ; elles s’échelonnent sur une série indéfinie de siècles et de mondes, où les mêmes esprits peuvent remplir successivement les rôles les plusdivers : anges, hommes, démons.

Quel degré de consistance prirent, dans l’esprit d’Origène, ces hypothèses ? Comment un croyant si ferme et un penseur si pénétrant a-t-ilpus’en accom Tome III.

moder ? S’il en percevait l’aboutissement, que penser de son christianisme ? Et s’il ne le percevait pas, que penser de son génie ?

Ces questions, posées de tout temps, ont reçu de tout temps des réponses fort dill’érentes. Chaquesiècle, sans excepter le nôtre, à eusesapologistesd’Origéne, résolus à sauver malgré tout l’auteur du /" « ri’erchon. Chaque siècle aussi a eu ses critiques, acharnés à le flétrir. Il semble qu’Origène ait pris soin de décourager les premiers, en protestant contre l’indiscrétion qui avait livré au public une pensée trop peu mûre pourvoir le jour. Et il semble qu’il ait répondu, en quelque mesure, aux seconds, en se dégageant partiellement, dans ses écrits les plus achevés, du réseau d’hypothèses qu’il avait ourdi dans une heure de fièvre métaphysique.

Dès la première page du Periarchon, il écrivait, Præfat., 11, fCoetschau, p. 8, 27, 28 : « On ne doit tenir pour vérité que ce qui ne s’écarte en rien de la tradition de l’Eglise et des Apôtres. » Celte déclaration, qu’il n’a jamais perdue de vue, permet de réduire à leur juste valeur les rêveries plus ou moins ésotériques auxquelles il eut le tort de s’abandonner.

a. Doctrine sur Dieu. — La doctrine sur Dieu échappe, en grande partie, à ces influences perturbatrices. Au sommet de l’échelle des êtres, Origène reconnaît el adore le Dieu absolument spirituel, un en trois personnes. Il repousse les concepts grossiers que des exégèles maladroits prétendaient avoir puisés dans l’Ecriture même. Si l’Ecriture, pour nousdonner quelque idée de Dieu, recourt à certaines métaphores : lumière, /eu, souffle, nous ne devons pas être dupes de l’image matérielle, mais pénétrer jusqu au sens spirituel que le contexte justifie. D’ailleurs, l’essence divine est au-dessus de toute conception, et les images empruntées aux créatures n’en procurent jamais qu’une idée rudimentaire et lointaine. Il faut éliminer de cette idée toute sorte de composition : Dieu est absolument simple. L’âme se révèle aussi indépendante de la matière en ses opérations propres. C’est pourquoi elle peut approcher de Dieu, d’autant plus qu’elle est plus pure. Dieu est, pur nature, invisible, c’est-à-dire qu’il ne tombe pas sous les yeux du corps : en ce sens, on peut et on doit direque le Fils ne voit pas le Père, que lEspril-Saint ne voit pas le Fils. Néanmoins, les personnes de la Trinité se connaissent d’une connaissance spirituelle, et les cœurs purs ont — proportion gardée — le privilège de voir Dieu.

Immuable en son éternité, mais non pas inactif, car l’inaction répugne à une nature si bienfaisante. Dieu crée incessamment. Que l’on remonte par delà le point initial de ce monde, on rencontre Dieu existant, donc déjà créant. Impuissant à comprendre l’éternité, sinon tl’après le type d’une durée successive, l’auteur du Periarchon se refuse à admettre un commencement absolu dans l’œuvre divine, el le voilà déroulant des séries de mondes à l’iniini.

Océan de lumière inlellecluelle, Dieu est pourtant limité comme puissance de connaître, par suiteaussi comme puissance de produire. La raison qu’Origène en donne est que toute connaissance implique distinction et limitation. Donc, sous peine de ne rien concevoir du tout, Dieu n’a pu concevoir les êtres qu’en nombre fini ; ceux qu’il a conçus, il les a réalisés, mais il n’en pouvait réaliser sans mesure.

Les trois personnes de la Trinité, l’ère. Fils el Saint-Es])rit, sont éternelles. Cette affirmation, maintes fois répétée, suffit à mettre un abîme entre le Créateur et ses œuvres même les plus parfaites. Par ailleurs, Origène insiste volontiers sur la prérogative du Père, seul inengendré ; dans son insistance, il pourrait sembler méconnaître la dignité du

40 1251

ORIGENISME

1252

Fils et du Saint-Esprit, car il lui arrive de les mentionner avec les créatures et, jiour ainsi dire, au même rang. Mais les termes dont il use pour désigner leurs processions, les relèvent jusqu’à la divinité. Génération du Verbe, image du Dieu invisible, de qui il procède par la connaissance et l’amour ; non pas image grossière, à la façon d’une statue, mais image parfaite, comme un Fils, Verbe divin lui-même dégagé de toute matière. Procession de l’Esprit-Saint : en quoi elle diffère de la procession du Fils, c’est là, dit Origène, un de ces mystères que l’Ecriture ne nous dévoile pas. Bien qu’il attribue aux trois personnes divines une même science, il leur assigne trois sphères d’action distinctes et, pour ainsi dire, concentriques : au Père, toute la création, comme auteur de l’être ; au Fils, les seules créatures raisonnables, comme Verbe ; à l’Esprit-Saint, les seuls justes, comme auteur de la sanctilication.

Cette attribution, au Père, au Fils et au Saint-Esprit, de sphères d’action inégales, devait heurter l’orthodoxie du quatrième siècle, mise en éveil par la lutte contre l’arianisme. Au reste, ce n’était pas le seul côté par où Origène sembla favoriser l’hérésie. Mentionner le Fils parmi les œuvres de Dieu, au premier rang, pouvait paraître inoffensif, car le langage biblique autorise cette hardiesse ; pourtant, elle ne devait point passer inaperçue dans le Periarckon. Origène s’avise-t il de dire que le Fils ne voit pas le Père, aussitôt saint Epiphane et saint Jérôme lui jettent l’anathcme ; pourtant, il n’entend qu’exclure une vision corporelle. Après avoir affirme que l’opération de Dieu est limitée par sa puissance de connaître, et avoir rangé dans l’objet de cette connaissance le Fils même, il se demande si Dieu est connu du Fils comme lui-même se connaît. II laisse la question en suspens, mais enfin il impute au Fils quelque sorte d’infériorité, puisqu’il veut qu’on prenne en rigueur la parole évangélique : « Mon Père est plus grand que moi. » Ruiin, qui a entrepris de corriger la doctrine trinitaire du Periarclion d’après les autres écrits d’Origène, s’est bien gardé de traduire ce passage, sans doute parce qu’il désespérait de le sauver. Par ailleurs, Origène affirme énergiquemenl l’éternité des trois personnes divines ; il l’allirræ en des termes qui sont la contradictoire exacte d’une proposition capitale d’Arius.

Le moins qu’on puisse dire de cet enseignement sur la Trinité est que, pour l’excuser, il faut nécessairement l’entendre avec indulgence. La doctrine sur l’Incarnation est entachée d’un vice plus indiscutable ; nous le retrouverons en rappelant la théorie d’Origène sur la destinée des âmes.

3. /.fl destinée des créatures raisonnables. — L’hypothèse initiale, de la création d’âmes toutes égales entre elles, s’inspire d’une réaction salutaire contre la conception gnosliqpie des trois catégories d’âmes : âmes pneumatiques (ou spirituelles), orientées par leur nature même vers la vertu et le salut ; âmes hrliques (ou matérielles), orientées vers le vice et la perdition ; entre deux, âmes psychiques, capables de s’orienter par elles-mêmes dans un sens ou dans l’autre.

Réaction d’ailleurs excessive, car, si elle corrige efficacement l’immoralité du concept gnostique, c’est au prix d’une restriction arbitraire apportée an souverain domaine de Dieu, toujours maître de ses dons, soit dans l’ordre de la nature soit dans l’ordre delà grâce, et libre de les départir plus ou moins largement à qui bon lui semble, sans devoir de compte à personne. Celle restriction arbitraire implique encore une idée fausse : celle d’un droit objectif qu’aurait la créature, même inexistante, à être établie dans un

certain degré de perfection. En réalité. Dieu ne doit à aucune créature quoi que ce soit, sinon les moyens nécessaires pour tendre à la fin qu’il lui a marquée.

Liée à cette première hypothèse, la suivante, qui explique par l’exercice du libre arbitre toute la différenciation des créatures raisonnables, dénote une louable intention de rendre hommage à l’initiative de la volonté créée ; mais d’emblée elle dépasse le but, en méconnaissant la diversité essentielle des êtres, diversité expressément affirmée par l’Ecriture et d’ailleurs irréductible dans le champ de notre expérience. La foLproteste contre ce remaniement arbitraire du plan divin, et la raison y dénonce une infiltration étrangère. Car l’idée de rattacher à une vie antérieure la condition présente des âmes n’a pas germé toute seule dans le cerveau d’Origène : encore qu’il prétende ne relever ici que de la Bible, il subit inconsciemment quelque réminiscence platonicienne.

Réminiscence particulièrement inacceptable dans le domaine de la christologie. Apres avoir posé comme loi universelle que chaque âme fait à elle-même sa destinée, Origène y assujettira même le Dieu-homme. Une fidélité intégrale à toutes les indications du bon plaisir divin a mérité à l’âme du Christ l’honneur incomparable de l’union avec le Verbe. Elevée jusque-là pour prix de sa vertu, elle assuma librement une chair sans tache, afin d’opérer notre Rédemption ; pour elle seule, la vie terrestre n’impliqua nulle déchéance, mais libre condescendance. Mais voici une chimère plus extravagante encore : l’âme du Christ aurait préludé à son incarnation terrestre par une série de métamorphoses célestes, se faisant tour à tour chérubin avec les chérubins, séraphin avec les séraphins, pour visiter les divers ordres des puissances supérieures.

L’hypothèse de la préexistence des âmes se complique d’une atitre hypothèse non moins ruineuse, touchant la raison d’être de la matière. Poser en principe que la matière est requise pour corriger les écarts du libre arbitre, et qu’en outre tous les esprits créés ont besoin d’un support matériel, c’est renverser les barrières qui séparent l’angclologie de l’anthropologie ; c’est encore introduire, dans le domaine même de l’anthropologie, un trouble profond. Car, par là, on réduit le composé humain à n’être plus une nature digne de ce nom, mais un produit de rencontre, dont rélément principal peut se dégager des liens du corps, soit pour monter plus haut, soit pour tomber plus bas et pour former, avec d’autres éléments matériels, d’autres unions, peut-être éphémères, peut-être violentes. L’identité de la personne, fondement de toute psj’chologie et de toute morale, périclite, ainsi que le dogme de là résurrection, à travers la série des transmutations possibles. D’autant que l’imagination du théologien ne recule pas toujours devant l’idée d’une lointaine métempsycose.

Il faut d’ailleurs savoir gré à Origène d’avoir proclamé la suprématie de l’esprit et affirmé que la matière existe pour lui. Parmi les conceptions plus ou moins risquées qu’il grefTe sur cette doctrine spiritualiste, plusieurs ne lui sont pas personnelles. Telle la conception des âmes des astres. Après une brillante fortune dans l’antiquité profane et sacrée, cette idée séduira encore des scolastiques, et saint Thomas l’accueillera dans la Somme. Telle encore la conception des corps des anges. Il estime que nul esprit créé ne saurait se passer absolument de corps ; seulement, ces corps seront plus ou moins grossiers, selon le degré de déchéance encouru par les esprits. Il n’appartient qu’à la divine Trinité de dominer toute matière. 1253

ORIGENISMR

1254

Plus grosse de conséquences est l’hypothèse qui supprime le terme définitif assigné à toute vie humaine, récompense pour la vertu, châtiment pour le crime, et y substitue la perspective d’autres migrations possibles à travers d’autres existences. Si l’auffe peut encore déchoir soit au rang d’homme soit au rang de démon, si Judas ou Satan peut s’élever au rang de séraphin, tout vacille dans les conclusions que nous tirons de l’Ecriture ; il n’y a plus rien d’assuré dans l’œuvre de Dieu.

Origène trace d’ailleurs d’excellents tableaux des épreuves terrestres de l’humanité. II montre, d’après l’Ancien et le Nouveau Testament, l’homme aux prises avec les puissances ennemies. Sollicité d’un côté par les esprits du niai, de l’autre par Dieu et ses anges, l’homme demeure libre. Ses fautes ne procèdent pas toutes de tentations extérieures, car il porte en lui-même des instincts très prompts à se dérégler et dont le démon exphïite la complicité. Contre tous les assauts il est assisté par la grâce divine ; il ne tient qu’à lui de vaincre, comme Jacob assisté par l’ange, comme Job dont Dieu soutint la patience.

Le cadre ouvert par Origène peut accueillir, entre bien d’autres idées, celle du péché originel ; mais cette idée n’y occupe aucune place de choix. Et par le rôle discrétionnaire qu’il assigne au libre arbitre, il s’engage dans les voies de l’hérésie pélagienne. Puisque l’exercice du libre arbitra trouve dès cette vie une sanction dans la destinée propre à chaque âme, ce monde présente comme une première ébauche du jugement divin. Origène croit à la réalité du jugement ; il affirme aussi la résurrection des corps. Les uns renaîtront spiritualisés, immunisés par la gloire contre toute corruption ; les autres seront livrés en proie à la souffrance, qui s’acharnera sur eux pour les torturer sans les détruire. Aux justes, Dieu destine des biens ineffables ; non pas ces biens grossiers que rêvent quelques-uns, lisant l’Ecriture, comme les Juifs, avec des yeux de ehaii’, mais des biens spirituels : connaître les choses et les raisons des choses, voir tout dans la lumière de Dieu, avec un regard d’autant plus perçant que l’àme est plus pure. Aux damnés, le feu vengeur allumé par leurs propres péchés. Condamnée à l’ignorance et rivée à la matière, l’àme souffrira jusqu’à ce que les jours de sa purification soient achevés. D’ailleurs, après une expiation convenable, tous, hommes et anges, peuvent reprendre leur rang. Ils semble même que cette réhabilitation soit réservée à tous pour le dernier jour. Selon la conception origéniste, l’entrée des créatures raisonnables en ce monde fut une descente, une déchéance, du milieu invisible et éternel où elles furent créées, vers les réalités sensibles. Après que chacunede ces créatures raisonnables eut, par son libre arbitre, fait sa propre destinée, vers la (in des temps, comme tout, hommes et anges, faiblissait, le Fils de l’homme vint en personne réparer le monde par l’exemple salutaire de son obéissance. Sa soumission volontaire est le principe de la nôtre ; par des voies de persuasion, dont le secret appartient à Dieu, elle nous subjugue et nous conduit à ses fins. Le souverain bien, pour la créature raisonnable, consiste dans le retour à l’auteur de son être. Une fois l’évolution cosmique achevée, la terre renouvelée sera comme le vestibule du ciel pour les élus, qu’elle préparera aux suprêmes révélations. Ils pénétreront dans le ciel et Dieu sera tout en tous.

Ce dénouement suppose que Dieu aura pu remettre plusieurs fois au creuset ses élus pour les parfaire. Appelée par l’hypothèse des épreuves successives, l’hypothèse de la pluralité des mondes est requise

pour fournir à cette sotériologie grandiose le cadre qu’elledemande. Combinée avec l’interprétation spirituelle des Ecritures, dont le quatrième livre du Periarchon développe la théorie, elle produit des pages d’un souffle puissant, dont le malheur est de ne répondre à rien de réel.

Origène distingue trois sens des Ecritures, répondant aux trois éléments de l’homme : le corps, l’âme et l’esprit. (Voir ci-dessus article Exkgèsb par A. DuHAND, t. I, 1823 ; surtout F. Prat, Origène, livre II) Volontiers il négligera le corps, c’est-à-dire le sens matériel, pour s’attacher à l’àme et à l’esprit, c’est-à-dire aux sens les plus élevés. Ainsi se débarrasserat-il de tous les textes gênants. Dès lors qu’il les juge peu convenables à la sagesse ou à la majesté de Dieu, il se croit autorisé à les prendre au sens spirituel, et ce principe d’exégèse le mène fort loin.

Après avoir montré dans l’Israël selon la chair

— dans le peuple juif — la figure de l’Eglise, Isratl selon l’esprit, il élargit cette conception et nous invile à considérer encore selon l’esprit les peuples voisins d’Israël. Pourquoi eux aussi, comme Israël, n’auraient-ils pas leur type céleste ? Et pourquoi, aussi bien que l’Israël terrestre, ne seraient-ils pas quelque tribu exilée du ciel pour des fautes commises dans une existence antérieure, et attendant ici-bas que le mystère de son expiation soit consommé ? Et pourquoi telle page de l’Ecriture, dont le sens nous échappe, ne serait-elle pas, selon le sens spirituel, l’histoire céleste, soit passée, soit à venir, de quelqu’un de ces peuples mystérieux ? Pourquoi enfin l’histoire du Christ, y compris la Passion, ne serait-elle pas la préface d’un évangile éternel, l’image terrestre d’une rédemption meilleure qui doit s’accomplir dans le ciel, pour la ruine des puissances célestes du mal ? Celui qui aime la vérité ne s’arrêtera pas aux mots ; il s’efforcera de percer le voile des réalités sensibles, pour pénétrer les mystères spirituels.

Ainsi le cycle se ferme : selon le programme tracé dès le premier livre, l’état définitif de la créature reproduit l’état initial.

4. le fond de l’origénisme. — Il faut s’arracher à la poésie de ces rêves, pour demander : l’esprit d’Origène s’est-il, en définitive, reposé dans une pensée ferme, et queile est cette pensée ?

Avant tout, on lui doit cette justice que, s’il énonce des idées insoutenables, il ne meta les soutenir aucune opiniâtreté. Au contraire, il ne se lasse pas de redire que c’est là spéculation pure, tâtonnements dans un domaine mal exploré, où il se résigne d’avance à quelques faux pas, la vérité ne progressant qu’à ce prix. S’il ne le dit pas encore plus souvent, et s’il s’oublie parfois à présenter comme vérité acquise ce que, l’instant d’avant, il énonçait avec toute sorte de précautions, on peut croire qu’il agit ainsi par crainte de fatiguer son lecteur, ou plutôt parce que, en la droiture de son àme, il considère comme bien entendu que l’on ne prendra pas cela trop en rigueur. Rien n’est plus facile que de glaner chez Origène les éléments d’un anti-Origène. De là les tentatives d’apologie si souvent renouvelées en faveur du grand Alexandrin. Ses disciples immédiats, instruits par son exemple à donner aux choses leur valeur propre, se sont attachés à ce qu’il y avait de plus durable dans son enseignement, et leur altitude prouve que les échos du Didascalée répétaient autre chose que les excentricités du Periarchon.

Au déclin du quatrième siècle, Rufln, préoccupé de rendre cet ouvrage acceptable à l’Occident, y distingua deux parts : il retoucha les page » relatives 1255

ORIGÉNISME

1256

à la Trinité, en s’inspirant des autres écrits d’Origène ; il laissa le reste à peu près intact. Ce traitement’ne devait pas suffire à désarmer la critique ; et aujourd’hui nous inclinons à croire que les plaies auxquelles Kulin porta remède n’étaient pas les plus profondes. La controverse arienne est passée, volontiers on excuse chez un Père du iii= siècle des incohérences de langage qui, au siècle suivant, ont dû faire scandale. Origène a d’ailleurs trop souvent affirmé la coéternité, la parfaite égalité, et en somme la consubstantialité des trois personnes divines, pour qu’on puisse, à un degré quelconque, le tenir pour un ancêtre d’Arius. Mais le souci d’inculquer, en regard du polythéisme, la prérogative du Père, source de la divinité, devait fatalement se traduire alors par des énoncés peu précis, tranchant la procession du Fils et de l’Esprit-Saint jusqu’à paraître impliquer une réelle infériorité. Il nous en coûte moins aujourd’hui de faire crédit à Origène sur la doctrine de la Trinité, et d’admettre que sa pensée, pour imprécise qu’elle soit, vaut mieux que son expression. Telles ces ébauches de maîtres, où le même détail a été repris vingt fois : les traits s’entre-croisent, cherchant diversement la vérité de l’image ; on ne saisit la résultante que dans un certain recul. Avec un magnifique optimisme, l’artiste a laissé subsister tout le faisceau dans l’œuvre définitive, sans prendre garde aux maladroits qui, en isolant un trait, prendront le change sur l’ensemble. Plus délicat est le jugement à porter sur la doctrine concernant les créatures. A lire le Contra Celsum ou les traités exégétiques, on goûte souvent le plaisir d’une admiration sans mélange, tant la pensée se déroule opulente et saine. De loin en loin quelques détails surprennent, quelques doutes surgissent, mais qui paraissent négligeables devant une si réelle plénitude de sens chrétien. L’impression change si l’on quitte l’œuvre d’Origène pour les Origeniana de Huet : cette vaste compilation, où sont cataloguées et classées méthodiquement les assertions d’Origène, oblige à reconnaître que, durant toute sa carrière, les principales chimères du Periarchon ne cessèrent de hanter son esprit. On ne les reconnaîtrait pas toujours si l’on n’était averti, d’autant qu’elles sont parfois comme voilées. Le christianisme vrai et traditionnel, dont vivait Origène, devait nécessairement l’amener à restreindre ses horizons et à surveiller sa pensée. De ces vastes ensembles où nous Tavons vu prodiguer les siècles et les mondes, il retient surtout l’idée d’une Providence attentive à parfaire ses élus, à travers les vicissitudes de la vie présente. Il lui arrive d’enfermer nettement la destinée humaine dans ses limites réelles et de lui assigner, pour terme définitif, soit l’éternelle vue de Dieu, soit l’éternelle réprobation. Surtout il repousse l’idée d’une conversion du diable, et s’indigne qu’on puisse lui imputer une telle folie. Mais il n’a pas abjuré pour autant l’hypothèse de la préexistence des âmes, et caresse encore le rêve du salut universel. Comme il faut désespérer de l’accorder parfaitement avec lui-même, il faut également renoncer à prononcer sur l’ensemble de son œuvre une sentence toute d’éloge ou toute de blàrae. Le loyal et vaillant Athanase, qui s’en inspire souvent sans s’y asservir, le sage Didyrae, qui le commente et le ramène à l’orthodoxie, paraissent en somme les juges les plus équitables, aussi bien que les plus qualifiés, du grand Alexandrin.

Le geste de Sisyphe, roulant persévéramment un rocher vers une cime inaccessible, symbolise assez bien l’effort du penseur autodidacte que fut Origène, pour amener son bloc d’hypothèses jusque sur les

hauteurs commandées par sa foi. Effort voué à un échec certain. La postérité ne peut se défendre d’admirer l’énergie du géant, mais elle constate la folie de l’entreprise.

Au VI’siècle, les assertions les plus capiteuses du Periarchon montèrent au cerveau de quelques moines palestiniens. Telle fut alors la fermentation malsaine des esprits que l’origénisme parut dégénérer en panthéisme émanatiste. Les textes retenus par le filtre de Justinien ne montrent Origène responsable de ces excès que si on les glose ; mais on comprend que l’Eglise ait jugé nécessaire d’endiguer le flot menaçant. De là les anathènies conciliaires qui associent le nom de n l’impie Origène Il aux noms des Arius, des Nestorius et des Eutychès. Ces anathêmes visent l’œuvre, dont une partie méritait une telle disgrâce. L’homme demeure grand par le génie et plus encore par le cieur.

La conclusion dogmatique est très bien dégagée par Mgr Freppel, Origène, t. II, p. 428 :

Nous tenons pour un fuit certain que l’auteur du Periarchon a été condamné par quatre conciles généraux, et tous les efforts que l’on tentera pour obscurcir cette vérité historique ne serviront qu’à la mettre mieux en lumière. C’est de la mauvaise critique que de vouloir se tirer d’embarras en supprimant les pièces du procès, et en traitant d’apocryphe tout ce qui contrarie une thèse préconçue. En pareil cas, il faut savoir accepter franchement les données de l’histoire, au lieu d’ébranler la certitude du témoignage par des négations peu mesurées. L’essentiel, c est de bien fixer le sens des jugements rendus contre Origène par les pouvoirs de l’Église. Sur ce point, la maxime de Huet restera comme le vrai mot de la question : « Si l’on entend par hérétique un homme qui erre sur un dogme de la foi, il est impossible de ne pas appliquer à Origène cette qualification ; mais si l’on veut désigner par là celui qui manifeste l’intention de persévérer dans son erreur, lors même qu’elle aurait été réprouvée par l’Église, qui oserait dire pareille chose d’Origène ? » C’est dans le premier sens, et nullement dans le second, que les conciles ont condamné l’auteur du Periarchon, Car il est évident qu’un homme ne peut pas devenir plus hérétique après sa mort qu’il ne l’était pendant sa vie. Or. de son vivant, Origène n’avait pas songé un instant à rompre la communion avec l’Église.

Bibliographie. — On ne cherchera pas ici une bibliographie complète d’Origène, que fourniraient d’autres recueils ; mais seulement l’indication des principaux ouvrages à consulter pour l’appréciation des doctrines origénistes. On peut nommer, selon l’ordre des temps : Sixte de Sienne, O.P., dans sa Bihliotheca sacra (Venise, 1566 : renouvelle la tentative paradoxale de Rufin, De adulteratione lihrortim Origenis, pour rejeter sur des faussaires malveillants la responsabilité des écarts doctriaaux d’Origène). — G. Genebrard, O. S. B., éditeur d’Origène, Paris, ib-j !). — P. Halloix, S. J., Origelies defensiis, Leyde, 16^8 fol. Apologiste oulrancier d’Origène. — P. D. Huet, évéque d’Avranches, Origeniana, Rouen, 1668, fol. Ce vaste travail, exempt de parti pris pour ou contre Origène, demeure fondamental pour l’étude détaillée de la doctrine. Il a été reproduit par Delarue dans son édition d’Origène, i 733-1759 ; on le trouvera dans Migne, P. /.., XVII, avec des notes empruntées pour une part à l’évêque anglican Georges Bull, Hefensio fidei Nicænae, Oxford, 1685-1688, qui estime l’enseignement d Origène pleinement conforme à la foi de Nicée, et à Dom P. Maran, Diviniias Domini Nostri Jesu Christi manifesta in Scriptiiris et Traditione, Venise, i’746. — E. R. Redepenning, Origenes. Eine Darstelliing seines l.ebens und seiner Lettre. Bonn, 1841 et 1846, 2 iu-8. Travail olijectif, d’un protestant qui a longuement étudié Origène. — Al. Vincenzi, In S. Gregorii Nysseni et Origenis scripta et doctrinam nova recensio, cum appendice de actis synodi Væcum. Rome, 1864-1865, 4 in-8° ; un 5e volume a paru, 1869. La plus outrancière des apologies d’Origène. — E. Freppel, Origène. Cours d’éloquence sacrée fait à la Sorbonne pendant les années 1866 et 1861. Paris, 1868, a in-8°. Œuvre de grand sens et de large équité. — J. Denis, La philosophie d’Origène, Paris, 1884 (Sur ce mémoire couronné par l'Institut, voir le rapport de A. Franck, Mémoire de l'Acad. des sciences morales et politiques, t. XV, p. 411-447 [1887]). — C. Bigg, The Christian Platonists of Alexandria, Oxford, 1886. — L. Atzberger, Geschichte der christlichen Eschatologie innerhalb der vornicaenischen Zeit, Freiburgi B., 1869, IXier Abschnitt, p. 366-456. — G. Capitaine, De Origenis ethica, Münster i. W., 1898. — Fr. Diekamp, Die origenistischen Streitigkeiten im Vten Jahrhundert und das Vte allgemeine Concil, Münster f. W., 1899 ; voir les objections chronologiques de A. Jülicher, Theologische Literaturzeitung, 1900, p. 173-176, et la réponse de Diekamp, Histor. Jahrbuch, 1900, p. 743-757. — Ch. L. Feltoe, Dionysius of Alexandria, Cambridge, 1904. — J. Brochet, Saint Jérôme et ses ennemis. IIe partie : La querelle de saint Jérôme et de Rutin, p. 103-423. Paris, 1906. — F. Prat, Origène ; le théologien et l’exégète. Paris, 1907 : importante introduction sur « Origène et l’origénisme », pp. i-lxiii. — L. B. Radford : Three teachers of Alexandria : Theognostus, Pierius and Peter. A Study in the early history of Origenism and antiorigenism. Cambridge, 1908. — G. Grützmacher, Hieronymus. Eine biographische Studie, t. III, Kap. x, pp. 1-94 : Der origenistische Streit. Berlin, 1908. — G. Bardy, Didyme l’aveugle, ch. viii : Didyme et les controverses origénistes. Paris, 1910.

A. d’Alès.