Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Marie, Assomption

Dictionnaire apologétique de la foi catholique

5° Assomption

Cet article s’adresse avant tout à des croyants persuadés que la Providence divine veille sur l’Eglise, la préserve de l’erreur doctrinale et l’assiste dans ce travail d’inventaire, de précisions, de déductions où se prépare le développement dogmatique et théologique.

Avec le lecteur étranger à notre foi, nous ne prétendons garderqu’une attitude expectante ; à ce lecteur nous n’offrirons que des solutions négatives, nous bornant à lui expliquer pourquoi, au nom même de l’histoire et de la critique, les dilTicultés formulées contre la tradition de l’Assomption ne nous paraissent pas irréfutables. Le catholique, au contraire, trouvera dans ces pages, nous l’espérons du moins, de quoi rassurer sa conviction, alïerrair sa croyance au privilège de la Sainte Vierge.

I. OiiiET DK l’auticlk. — L’Eglise et les fidèles croient que le corps ressuscité de la Sainte Vierge Marie jouit, par une faveur spéciale, des qualités glorieuses ; que Notre-Seigneur a devancé pour sa mère l’heure de la totale récompense ; en un mot, que Marie est d’ores et déjà dans la situation bienheureuse où seront les élus après le Jugement général.

C’est de cela, de cela seulement qu’il va être question. Nous n’avons pas, en conséquence, à démontrer lamort de Marie, à conjecturer les circonstances de cette mort, à essayer de deviner où, quand et comment s’opéra la résurrection de la Sainte Vierge. Nous ne savons rien de ces détails, et peu importe à notre sujet (cf. Sumnia Aurea, t. XUI, table, au mot Assomption, col. 1083 ; Terrien, La Mire de Dieu t. II, p. 817… les auteurs de théologie, Pbsch, HurlEB, etc.).

Nous allons retracer l’histoire de la doctrine ; en justifier ensuite le développement.

II. Histoire db la doctrine. — 1° Les cinq premiers siècles. — Négligeons les récits qui montrent un disciple de saint Pierre, Crispoldus, consacrant, l’an 58, un ancien temple de Diane à l’Assomption de Marie (Analecta Bollandiana, t. XIV, p. 489) et signalons, sans nous y arrêter, un passage interpolé de la traduction de la Chronique d’Eusi’be (P. L., XXVII 581 ; cf. P. G., XIX, SSg, .^40). Si l’on admet l’interprétation de Dom Lkclercq, nous aurions sur les sculptures d’un sarcophage espagnol du iv’siècle le plus ancien témoignage en faveur de l’Assomption (cf. J)ict. Archéol. chrétienne, t. I, col. 2991, avec une abondante bibliographie).

On a parfois cité aussi un passage curieux de saint Epiphane (P. G., XLIl, 716). Qu’y dit au juste ce docteur ? Soutient-il nettement que Marie n’a pas connu la mort ? Serait-il tout près de faire allusion à l’Assomption proprement dite ? D’un texte plein de réticences, d’obscurs sous-entendus, on ne saurait tirer grand’chose, sinon le fécond principe énoncé déjà en passant par saint Athanase (P. G., XXV, 125) et d’autres, que, par son contact

avec l’incorruptible Verbe, la Vierge échappe aux lois qui régissent la chair (Livii’s, p. 343).

Enlin, et le témoignage est tardif, saint Jea.n Da-MASCÈNB rapporte d’après une source mal connue, l’Histoire Euthymienne, qu’au ve siècle la tradition de l’Assomption corporelle de Marie était courante à Jérusalem, et que l’évêque Juvénal en faisait le récit à Pulchérie en 451 ( P. G., XCVI, ; 48).

Tels sont les principaux documents. On peut y ajouter quelques récits, quelques traditions dont la rédaction primitive est peut-être du ive siècle. C’est peu, et c’est assez obscur.

2° Le Vle siècle. — Au sixième siècle, deux ordres j de faits apparaissent : tout d’abord l’existence d’un I culte liturgique rendu à Marie, et remontant à des’temps plus anciens. On honore sa lioiinésis, ssl paii-’satio, son transitas, sa dorntilio, son assumptio. Les I Syriens célèbrent cette fête le 15 août ; après quelques hésitations les Grecs s’en tiendront à cette date ; jusqu’au ix’e siècle l’Occident adopte le milieu de janvier ; en Syrie, l’évêque monophysite de Saroug, Jacques, compose une hymne pour la circonstance (ZiNGERLE : Prolien Syrische Poésie ans Jacobus von Sarug, dans Zeitschrift fiir deutsclie .Morgent and Gesellscliafl, 1859, t. XII, p. 44 ; et Akbeloos, De vita et scriplis sancti lucobi, liatnarium Sarugi in Mesopotamia episcopi, Louvain, 1867) ; et Grégoire de Toiiis nous raconte qu’il olTicia en ce jour (P. /… LXXI, 71 3).

Autre série de faits : on colporte le récit d’un miraculeux enlèvement de Marie au ciel. Rien là qui en soi puisse surprendre des Chrétiens. La Bible ne cite-t-elle pas des cas aiialoj ; ues ? une tradition l>opulaire n’altribue-t-elle pas cette laveur à saint Jean, l’apôtre vierge ; et des Pères du ive siècle n’avaient-ils pas admis comme possible la présence au ciel, corps et âme, des ressuscites dont parle saint Mathieu, xxvii. 52 ? (Voir des textes dans Livits p. 340 à 348.) Pourquoi Marie n’eût-elle pas été l’objet de pareille faveur ? En tout cas, les textes grecs attribués à un certain Leucius, à l’apôtre saint Jean, à Méliton de Sabiiks, leurs adaptations coptes, syriaques, latines, arabes, leurs remaniements divers ne laissaient rien ignorer des circonstances où s’était accomplie l’.Vssomption (cf. Tischendorf, I. c. p. XXXV et 95 ; R. Duval, La littérature syriaque, p. 97 ; RoBixsoN, dans Texts and Studies, t. IV, a, p. xxiv, 43 à 127 ; 207 à 220 ; voir aussi dans les Dictionnaires archéologiques et bibliques les articles : .4pocryphes).

Ce qu’en des milieux influents on pensa de cette littérature, ou plus exactement, de certaines formes de ces traditions, nous le dirons plus loin.

Il importerait ici de savoir quels rapports existaient alors entre les deux ordres de faits signalés, la fête de la Koimésis et les traditions dont nous venons de parler.

En d’autres termes, qu’honorait-on ? Le simple .atalis de l’àme de.Marie, ou bien l’entrée de son corps dans la gloire ? Ni Jaci ; ues de Sarouo, ni Grégoire DB TocRS qui. personnellement, croyait au privilège (cf. P. L., LXXI, 708, 713 ; et Duchesnb, Origines… p. 278) ne nous renseignent clairement ; certains passages postérieurs de saint Modeste (P. G., LXXXVI 2, 3287. ou de saint.

drb de Cri ; te, P. G.,

XCVII, 1072) invitent à une réserve extrême, et je crois sage de ne ricnconclure.il est juste pourtant de se rappeler que souvent les formules liturgiques sont en retard sur la croyance, et que même, alors qu’un culte otliciel est explicitement admis, les prières, les oraisons ne le disent pas explicitement. Le cas est évident pour les offices de l’Immaculée Conception aux xiv’-xv’siècles. 277

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30.4 partir du VII' siècle. — Brusqiienienl, les voiles se iléchirenliau vu" siècle l’on a oit qu’en Orient l’Assomption reçoit un culte liturj^ique explicite et que les prédicateurs parlent avec clarté.

C’est saint Modeste (f 634), dans un discours lyrique, où se mêlent tliéoloyie et souvenirs légendaires (P. G., LXXXVI, 2, 3297-3312 : on remarquera que Giacomelli ne garantit pas son authenticité) ; saint André de Crète qui énonce les convenances du privilège, sa place dans le plan providentiel (P. G., XCVII, io45 à 1 1 10) ; saint Germain (P. G., XGVIII, 340-372) ; saint Damascène (P. G.. XCVI, 699 à -62 et 13C3) ; Joseph l’Hymnooraimik (P. G., CV, yqn.iooi) ; saint Théodore db Stoidion (P. G., IC, 719-780).

En Occident l’adliésion est plus timide et l’attitude jilus flottante. Je ne sælie pas qu’on ait nié le privilège de Marie ou qu’il y ait eu contre lui un mouvement théologiqiie, mais certains n’osent se prononcer. Le vénérable Bède, sans rien dire sur le fond, malmène les histoires qui rapportent le transilus (P. L., XCII, io14 ; il faut remarquer que l’homélie, P. /.., XCIV, 422, 423 n’est pas authenti(iue).

Même note dans l’Itinéraire de saint Willibuld, (cf. Livius. p. 376) ; chez le pseudo - Ildephonse p. /-., XGYI, 23g, 266, 271) ; dans un capilulaire de Charlemagnb (P. /.., XCVII, 533, cf. Sinding, p. 107, note 94). Les martyrologes d’AooN et d’UsuARD préfèrentj ignorer ce qu’il advint du saint corps de Marie, imitant en cela, disent-ils, l’Eglise qui sagement refuse de se compromettre en compagnie d’apocryphes (P. L., GXXIII, 202 ; — CXXIV, 365). Réserve hautaine à la fois et timide, et qui souvent a l’air de s’excuser.

Elle se prétendait autorisée du nom de saint Jérôme. Depuis le milieu du viii* siècle, circulait une lettre qu’on disait écrite par lui à Eustocliium ; et cette lettre — Doni G. Morin la croit d’AMBROisE AuTPBRT (Etudes, textes et découvertes, p. 28) — accentua chez plus d’un esprit et pour longtemps encore les timidités dont nous parlons.

Il faut bien vite le dire, ce document n’impressionnait pas tout le monde. Ou bien on l’ignorait, ou bien on passait outre. Des papes du viii" ou du IX' siècle ont fait représenter l’Assomption corporelle de Marie, sur des tissus destinés à l’ornementation des églises (Dichesne, I.ili. Pont., t. I, p. 500 ; t. II, p. 14, p. 61) ou sur des fresques d'églises (cf. Dict. archéolog., t. I. col. 2986 et 2988). Du temps du pape .Sergius (687-707), l’Eglise romaine chantait l’oraison Veneranda, où très nettement, quoi qu’en dise Launoy, il est question de la glorification de Marie dans son corps (P. /.., LXXVIII, 133).

Au VII' siècle encore, les liturgies gallicanes priaient Dieu de sauver des enfers les âmes des défunts, comme il avait délivré le corps de Marie des étreintes de la mort (P. L., LXXII, 245-246).

De cette époque enfin daterait un sermon très célèbre, attribué longtemps à saint Augustin et qui constitue une véritable somme de l’Assomption (P. /,., XL, 1141).

C’est donc entre le vii « et le ix'= siècle que la liturgie, la théologie, la prédication de l’Assomption se développent d’une manière notable. Si maintenant nous nous demandons sur quels arguments les partisans de la croyance ont édifié leur thèse, nous pouvons arriver aux constatations suivantes. Plusieurs textes scripturaires sont mis à contribution. Tels surtout Cant., 11, 10 ; vi, 3 (saint Damascénb, P. G., XCVI, 716, 736 ou XCVII, II 00) ; Psalm. XV, 10 : XLiv, 10 (cf. P. G., LXXXVI, 2, 3289 ; XCVII, 1096) ; Psalm. cxxxi, 8 (P. G., LXXXVI, 3288 ; XCVI, 723). (Cf. : Nægel, p. 32.) Mais il y aurait, je crois.

erreur à y voir beaucoup plus que de pieuses accommodations, le contexte le montre assez (Terrikn, p. 36 1). Le R. P. Dora Renaudin me semble donc forcer les choses quand il trouve là l'équivalent d’une interprétation doctrinale (Assomption, p. 153,

154).

L’argument traditionnel, si du moins on entend par là une accumulation de textes, est à peu près nul. Saint Modeste s’en plaint (P. G., LXXXVI, 2, 8280), mais — la remarque est de Lucius — tous a ces auteurs considèrent le fait (de l’Assoniption) comme jiartie intégrante de la tradition générale qui remonte dans l’Eglise aux temps les plus anciens » (cité par Vaoandard, p. 112). Ce que ces théologiens, ces prédicateurs développent le plus, c’est l’argument de convenance ; ils indiquent que l’Assomption se déduit des idées que fournit sur Marie la révélation même : c’est un privilège qui va de soi, parce que Marie étant Mère de Dieu, sanctifiée par son contact (on reconnaît les idées de saint Epiphane et de saint Ati ! an..se), il était impossible que son corps restât ! a proie du tombeau (cf. I'. L., LXXll, 245, 246 ; P. G., LXXXVI, 3824, 8287, 8288, 8298 ; /'. G., XCII, 845, 848, 357, 861 ; — P. G., XCVI, 704, 712, 716, 725, 728, 741 ; P. G., XCVII, io56, 1082, 10C8, io84 ; P. G., 10, 720 ; — P. L., XL, lUi ; /'. /-., LXXVIII, 183. LXXII, 245). S. Damascène tire sa croyance d’un parallèle déjà classique entre le Fils et la Mère (P. G., XCVI, 74') ; l’Assomption corporelle est postulée par la sainteté virginale de Marie (saint Gki.main, P. G., LXXVIII, 346, 72g ; saint André de Crète, P. G., XCVII, ioo4 ; saint Damascène (P. C, XCVI, 710, 716, 728, 729) ; saint TnÉODORE (P. G., IC, 721).

On fait valoir enfin la charité réciproque du Fils et de la Mère, leur union dans la vie et l'éternité, la plénitude de leur commune victoire sur l’enfer (saint Damascène, P. G., XCVI, 704. 728 ; saint Andué de Crète, P. G., t. XCVII, 1079 ; Creg. Tur., P. /., LXXI, 708) ; la Providence toute privilégiée à l'égard de Marie (P. G., XCVII, 1080, 1081).

Ainsi, arguments de convenance, argument traditionnel et d’autorité, comparaisons scripturaires, voilà qui relève la question fort au-dessus des historiettes du transitus et des récits populaires. Ces récits, nos auteurs ne les ignorent certes pas, ils s’en servent même ; mais ils n’y voient que des accessoires : leur raison de croire est ailleurs.

4° Depuis le lA' siècle. — Nous pouvons, à dater de cette époque jusque vers le xiii' siècle, distinguer trois courants d’opinions. Quelques sermonnaires se perdent en généralités et ne posent pas la question du privilège. Souvent ce peut être timidité déliante, mais on aurait tort de conclure toujours en ce sens : on s’exposerait à être démenti par un inédit ou par une étude plus approfondie de leur texte. Dans ce groupe mal défini, je mettrais Raban Maur (P. /.., ex, 55, 433, 485), Àlcuin (Mon. Gerni., Poetæ. I, p. 84) ; Walafrid Strabon (P. /.., CXIV, io84), Raoul Ardent (P. /,., CLV, 1421) ; Gkofi-roi d’Ah-MONT (P. /,., CLXXIV, 974), Bruno de Segni (P. /., CLXV, 890 et 839), Eadmhr (P. /.., Ct.IX, 672) ; Comes-TOR dans les sermons imprimés (P. /.., CXCVIII, 1784), dont il faut rapprocher l’inédit, Ilihl. Atil. 14 590 fol. 25' où l’auteur se réserve formellement, .l’ajoute Maurice de Sui.lv (Ms. Mazarine, 991.1, fol. 33), CuRicTiBN de Chartres (Ms. Bihl. Nat., 12.4 13, fol. 120, 122, 124. J’y lis cette phrase : « Ascendit ad Kilium, sed non nisi per Filium >, , où l'écrivain montre bien clairement le rôle de Jésus, et laisse deviner peut-être qu’il s’agit d’assomption corporelle). RoliEBT PuM.us(P. /,., CLXXXVI, 830) n’est pas un adversaire comme l’a dit Launoy ; il ne s’occupe pas de la question (cf. ih., la note de D. Matiioud, col. io61)279

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Cbez d’autres, la réserve est formelle, avec plus ou moins d’inclination à en sortir en faveur de Marie. Je cite OuiLON i>iî Cluny, qui ren^ oie aux Apolres la solution du problème et admet que la fête de l’Assomption apporte aux damnés un jour anniiel de répit (A". f.., Clvl, 102 ;), GuiBEBT UE Nogent(/’. /.., GLVI, 623 et 1026) ; Alain de Lille (P. L., GGXI, 6/j ; il }" aurait lieu aussi de voir son sermon inédit, Bihl..al., N. acq. lat. 335 fol. 1 1 j^) ; Atton de Vkrceil (P. /,., CXXXIV, 856, 857) ; ’^'^^ de Cuartbks (P. L., CLXXXI, 266) ; Arnauld de Bonnbval (P. L., CLXXXIX, 1733).

Voici enfin ceux qui défendenlneltement l’Assoiuplion corporelle : ce sont des sermonnaires, des théologiens ou des ascètes comme l’auteur de l’Oratio : VirfiO sereiiissima, Dei Genitiix (P. L., CLVIII, 966) ; saint PiiiiiRE Dajiien, dans un sermon très remarquable où il distingue fort bien les privilèges de Marie des droits de Jésus (/’. /.., CXLIV, 717) : Hildebert de Lavardin ou plutôt l’auteur véritable du sermon publié par Beaugendre (P. /.., GLXXI, 628, 630) ; Abi-i.ard, très afiirmatif, estimant que la connaissance de ce privilège de Marie nous vient d’une révélation divine et i)Ostérieure à la mort des Apôtres (P. L., GLXXVIII, SSg, 540) ; l’abbé Absalon (P. L., GGXI, 255) ; Amédée de Lausanne (P. L., CLXXXVIII, 1312) ; Pierre de Blois (CGVIl, 661, 662) ; Geoffboide Saint-Victor (Ms. Maz. 1002, fol. 102’), Hugues de Saint-Victor (P. L., CLXXVlI, 808) ; Jban Beleth, très soucieux de séparer le fait de l’Assomption d’avec les apports d’Elisabeth de Schonau (P. L., CCII, 148) ; Pierre oe Gelles (P. I.., CGH, 848, 8^9, 850) ; le farouche Gauthirhde Saint- Victor, aussi bien dans son traité des Quatre Labyrinthes (P. L., GLXXXVI, 101)2) que dans son sermon inédit (Ms. Bihl. Nat., 14590, fol. 4- ; ’) ; Pierre de Poitiers (P. l., GGXI, 1207) ; SiOARD de Crémone mêle malheureusement à la doctrine des récits légendaires (P. /.., GGXIII, 420).

Que dirons-nous de saint Bernard ? A s’en tenir au texte de ses homélies et de sa fâcheuse lettre GLXXIV, on n’obtient que de vagues généralités. Certaines phrases pourtant n’ont la plénitude de leur sens que dans l’hypothèse d’une Assomption corporelle(P. /.., GLXXXIII, 415etsmv. et GLXXXIl 333).

La position des maîtres du xiii’siècle est bien nette. Que l’on consulte Guillaume d’Auvergne, ou mieux le dominicain Peraldi (O/îera, t. ii, p. 448) ; Ricard de Middleton (in IV, Sent., 43, art. 4) ; Albert le Grand (Opéra, éd. Lugd., iG51, t. XX, p. 87).

Saint Thomas n’a jamais traité la question e.r professa ; mais chaque fois qu’il y fait allusion, c’est pour déclarer cette opinion recevablc (v. g. Summa, 111, q. 27, art. i ; q. 83, art. 5, 8 ; Siipplem., 77, I, art. 1).

Il est désormais superflu de citer des textes ; l’Assomption est généralement admise. Les preuves théologiques ne varient guère ; toujours mômes arguments de convenance, toujours aussi mêmes comparaisons bibliques (cf. : Nægel, p. 68 à 72).

Arrêtons-nous plutôt sur le degré d’adhésion que réclament les docteurs pour r.AssoinpIion, sur la note théologique qu’ils sont conduits’à lui ajipliquer. néclarée admissible, croyable par Hugues de Saint-Victor et saint Tno.MA3, elle est, du temps de Gerson, la croyance « unanime « des fidèles (0/>e ; n, éd. 1702, t. 111, col. 1330). Ainsi parle saint Vincent Fb.irier. Tost.at (f 1455) admet que cette croyance est une opinion libre, il allirme pourtant qu’un bon catholique doit être enclin à l’accepter (Opéra, éd. Venise, 1615, p. 140) ; c’est la position de Glichtove

au début duxvi’siècle (Sernio 11, de Assumptione) ; de saint Antonin (Siimma, Pars IV, Lit. 15. cap. 4 § 5 ; (cf. Renaudin, p. 92).

L’Université de Paris a censuré eu 1497 le dominicain Morcelle, qui déclarait loisible à tout venant de nier l’Assomption, sous prétexte que ce n’est point un dogme défini (Gaudin : Assumptio i-indicata, Paris, 1670, appendice, p. 7 et 10).

Au XVI’siècle, Melchior Cano taxe d’impertinence et de témérité quiconque refuserait de se ranger à la commune croyance (De locis theologicis, lib. XII, cap. x) ; Catuarini alla plus loin et prononça le mol d’hérésie. Suarez l’en blâme et se rattache à l’opinion de Gang (In 111 » "’Partem., q. 33, art. 4, disp. xxi, sect. i). G’est aussi la position des docteurs depuis le xvi"^ siècle (cf. Renaudin p. y3) et des auteurs de manuels (cf. PascH, t. IV, p. 298 ; HuRTER, Thesis clxvi. t. II, p. 521, n° 664 ; l’ANcfUE-HEY, ’/lieolog. Dogmal., t. I, p. 612 ; Janssens, Hiimina theologiae, 1. V, p. g’ii ; on trouvera dans ces auteurs de nombreuses références). Nier l’Assomption de Marie paraîtrait grave témérité doctrinale.

Et maintenant, une déclaration infaillible rangera-t-elle cette croyance universelle parmi les vérités révélées ? C’est ce qu’un bon nombre espère. Dès 1870, l’évcque de J.ien avait proposé au concile du Vatican une définition en ce sens. Il demandait même que l’on procédât par acclamation. On écarta ces termes, mais d’autres postulala motivés furent présentés au Concile, qui se sépara sans avoir pu les examiner (cf. Rhnaudin, 1. c. p. 219, app. 1).

Depuis lors, des revues comme // Rvsarioe la niiûfa Pompei et la toute jeune Assunla de Cônie (1916). des congrès, ceux de Turin et Ce Lyon, servent d’organes aux respectueuses aspirations de plusieurs. M. Cuatain de Vienne, M. le chanoine Crosta de Côme, le B. P. Dom Renaudin, O. S. B., Mgr Vaccari, d’autres encore, travaillent à mettre en lumière certains points de vue théologiques ou historiques qui pourraient préparer le jugement de l’Eglise. Fait plus imposant encore, puisqu’il sanctionne, en une certaine mesiu-e au moins, les actes des fidèles, on continue, depuis le Concile du Vatican, à enregistrer nombre de suppliques épiscopales sollicitant la définition (cf. Renaudin, La doclrine de l’Assomption, p. 163-205).

Nous n’avons pas à conjecturer l’aveiiii" de ce mouvement. Il nous suflira d’avoir montré dans ce qui j)récède les immenses progrès acquis et l’aboutissement possible d’une croyance, à ses origines si humble et parfois si combattue.

Reste à savoir si toute cette fortune fut légitime ; de là notre seconde partie.

111. Conclusions apologétiques. — Les diflîcultés historiques contre l’Assomption peuvent se réduire à ceci : cette tradition est mal attestée, tard venue, mal patronnée ; elle sort de milieux assez troubles, peut-être même païens. Seuls la crédulité et le mysticisme voudraient l’imposer à l’Eglise et n’y ont que trop réussi déjà. A cette objection, on peut apporter une double série de réponses, ressortant des faits exposés.

! < f’ne série de réponses strictement historiques.

— En laissant de côté toute considération théologique, on doit constater :

A. Que ni la fêle, ni la croyance n’ont d’origines païennes. — Nous avons signalé ici même le danger de ces théories trompeuses, vieilles d’ailleurs de deux à trois cents ans (cf. une bibliographie. Revue pratique d’Apologétique, 1906, p. 210). mais passées chez certains à l’état d’idée fixe (cf. ici, col. 819 sqq.) : on veut expliquer le culte chrétien, la doctrine chrétienne par des infiltrations iiaiennes, des survivances 261

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païennes : la Uadilion de l’Assoniplion n’est qu’un reste de la légende de Déméter (Hauuis), d’Aitémis ^Fbazëiî) (cf. Muuih, 1906, II, p. 20Ô).

Pourquoi chercher des divinités grecques ? Il serait sans doute Irop simple, trop obvie, moins précieux de se dire que les chrétiens dévots à Marie n’ont pas pu supposer la Vierge en retard sur saint Jean ou Knoch (cf. P. t., LXXIV, 11 24 ; P. G., XCVII, 1081), que si Dieu a enlevé au ciel ces saints personnages, ii a pu a furtiuri en faire autant pour sa mère, il a dû traiter sa more comme lui-même. Dira-t-on aussi que saint Luc (Ad., i, 9) s’est souvenu de Dénulcr ? Et voilà — abstraction faite de savoir si les dévots chrétiens avaient tort ou raison — qui satisfait plus l’esprit que des hypothèses contournées et parfois contradictoires. Aussi dégagé que quiconqtie de préoccupations dogmatiques, Lucius l’a bien compris, il a laissé de côté les dieux grecs, il a bien fait et l’on serait sage d’imiter sa réserve.

B. Que l’origine toule populaire de lu croyance ne s’impose pas au critique. — Ceci revient à poser, sans essayer de le résoudre complètement, le délicat problème de l’influence des apocryphes sur la croyance de l’Eglise. En sont-ils la sou-ce, l’origine ? Est-ce à cette littérature, médiocre presque toujours, parfois même suspecte, que remonte une iloctrine en voie de s’imposer à la foi ? — Oui, répondent sans hésiter la Healencyklopadie (t. XII, p. 280) ; le Dictionary of Christian antiquities de Smitu (t. II, p. ii^a) ; "TiscHENDORF (1. c, p. 34) ; Rknan, qui d’ailleurs commet à ce sujet une faute énorme de date relevée par Dom Cabrol (Revue pratique d’Apologétique, 1906, 1907, t. III, p. 214) ; bien d’atitres encore.

Il convient de distinguer, de préciser. Que certains prédicateurs, qxie des liturgistes aient emprunté aux traditions populaires, en essayant ensuite d’en coordonner les éléments, le récit de la mort de la Sainte Vierge, ou les détails de sa résurrection, fort bien, c’est un fait, mais qui demeure étranger au fond de la question (cf. Rknaudin, La doctrine de l’Assomption, p. '79). Ce que l’on ne démontre pas, c’est que la croyance à la résurrection de Marie, à sa glorification anticipée, soit, elle aussi, sortie des cycles légendaires.

Quels arguments font en effet valoir les premiers partisans de r.ssomption ? L’autorité des récits courants ? Non, mais surtout des considérations d’ordre théologique, moral, sentimental si l’on veut : ils en ai)pcllent à la dignité de Marie, à sa virginité, à sa maternité divine, à sa victoire sur le péché. Ils admettent l’Assomption, un peu parce qu’on l’admet, mais bien plutôt parce que ce privilège s’harmonise avec l’ensemble des idées qu’ils ont de Marie : c’est un système doctrinal qui, avant tout, conditionne leur adhésion : pour eux, cette croyance n’est pas une isolée, elle rentre dans un tout cohérent, elle y trouve la place qui était faite pour elle et semblait l’attendre (voir P. G., XCVIII, 357 ; LXXXVI, 2, 3308, où saint Modkstk critique quelques traditions ; les réflexions de saint André de Crète, P. G., XCVII, 1060 ; les récits courants semblent jouer chez saint Damascène le même rôle que les histoires naïves et charmantes d’autres apocryphes chez le Psi unoBoNAVENTURE ; que l’on relise sa seconde Homélie, P. G., XCVI, 721).

Forts de cette constatation, des critiques catholii|ues et même anglicans (v. g. Mozlby, cité par Livius, p. 365) ont pu avancer que, loin d'être la source trouble d’une croyance puérile, les apocryphes ne sont f|ue la manifestation poétisée, enjolivée d’une croyance préexistante. Ainsi parlent Le Hm (Etudes liiiliques, t. II, p. 148, 185), JuRGENs (1. c, p. 64 1 et

suiv.) et à leur suite le Dictionnaire de théologie (t. I, col. 2135), le P. Terrien (1. c. p. 354-360).

On dit : C’est là une hypothèse. Peut-être ; mais, hypothèse pour hypothèse, celle-ci a du moins l’avantage d’expliquer lecaractcre sérieux, doctrinal, que prend dès son origine la prédication de l’Assomption.

Que maintenant, et par une sorte d’action en retour, la faveur dont jouissait la légende populaire ait à quelque degré attiré l’atlention des lidèles et de leurs chefs sur une croyance latente, sur ses cotés doctrinaux, ceux-là seuls s’en étonneraient qui ignorent l’extrême complexité des cléments extrinsèques qui concourent au progrès théologique ; que les récils populaires, en développant la dévotion, en attisant la piété, aient servi d’excitant intellectuel, c’est possible, le cas s’est vu ; mais c|ui ne sent que c’est là cause occasionnelle, accidentelle, et non cause essentielle, réellement productrice elellioiente ; qui ne sent que c’est là force de manifestation et non de création ?

Mais, insisle-t-on, d’où vient que la cinquième partie du Décret gétasien prohibe les livres qui répandent cette croyance ? C’est là une preuve que les chefs de l’Eglise la voyaient de mauvais œil ; que c’est le peuple, le peui)le crédule qui a fait sa fortune et non les théologiens.

Tout d’abord, je n’apprendrai rien à personne en rappelant quelles controverses a soulevées l’authenticité d’un document qu’on a pu comparer aux

« Fausses Décrétâtes » (cf. lietue Biblique, ig13, 

p. 602-608, un compte rendu des ouvrages de M. VON Dobscuuetz et de Uom Cuai’man). De la cinquième partie surtout, on a écrit u qu’elle est un extraordinaire fouillis où les renseignements personnels de l’auteur voisinent avec des renseignements tout faits, empruntés à saint Jérôme » (article cité, il/., p. O06). On constatera également que le décret gélasien ne s’est répandu que lentement ; toutes considérations qui rédxiisent sa portée.

Enfin et surtout, que prohibe t-il ? — Deux séries de livres : tous les ouvrages de Leucius et le Transitus(c{. P. /.., LIX, 162). C’est tout, et la condamnation se tient dans le vague. Au nom du texte, on ne peut donc légitimemenlétendre l’anathème aux remaniements, aux retouches, aux corrections ; au nom du texte, on ne peut pas dire que toutes les légendes soient visées. Sindino l’a bien compris (p. ig et 20), et son interprétation se conlirme i)ar la solennité de la fête à Kome du temps de Sergius, par la commande de tissus d’autels faite par des papes du vin" siècle.

Encore bien moins, par conséquent, a-t-on le droit de lire dans le vague du Gelasianum la condamnation de la croyance à la résurrection de Marie. Le prétendre, c’est forcer le texte, c’est tenir pour démontré, prouvé, acquis, que la doctrine de l’Assomption sort des apocryphes et encore des apocryphes condamnés.

Ainsi précisées, les objections critiques perdent de leur force, elles se réduisent. Riches d’hypothèses ou d’allirmations, ou de supposés, elles se dérobent aux preuves. Je ne me datte pas cependant de les avoir résolues complètement ; — ou plutôt d’avoir dissipé les préventions qu’elles font naître ; m’adressant surtout à des catholiques, je dois me placer résolument sur un terrain différent mais plus solide, employer des arguments indirects, il est vrai, mais péremptoires, passer de l’histoire à la théologie, de la discussion à l’autorité.

2" Réponse théologique. — Une première observation : il ne faut pas considérer l’Assomption à la manière d’an simple événement miraculeux, analogue 283

MARIE — ASSOMPTION

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par exemple à une guérison, à une translation comme celle de la Santa Casa. miracles observables par les moyens naturels, justiciables en dernière analyse de la critique historique et scientilique ; miracles dont l’historicité vaut, ni plus ni moins, ce que valent les documents historiques qui les autorisent, miracles auxquels l’approbation ecclésiastique ne confère qu’un brevet de crédibilité humaine (cf. Encyclique Pascendi, ci-dessus citée, col. 22). U y a plus que cela dans l’Assomption, et, faute de l’avoir compris ou pour ne l’avoir pas assez compris, plusieurs et d’excellents — je cite Tillemont parmi les niorts — font traîner la question sur le terrain purement critique où, actuellement du moins, elle ne progressera guère (cf. Dict. Théol. Catli., la querelle du xvn° siècle, I, col. 2131). En même temps qu’un fait historique, l’Assomption est un fait théologique et doctrinal : on peut dire tout d’abord qu’elle constitue une exception à la loi générale, dogmatique et révélée, qui réserve au jugement dernier la résurrection et la glorification de la chair : elle restreint la portée de cette loi, elle y déroge, elle y porte atteinte. Ensuite, et surtout, elle fait partie de toute cette économie de privilèges, impliqués plus ou moins les uns dans les autres, et que, depuis des siècles, la théologie et l’Eglise dégagent des textes scripturaires ou de la tradition, soit par des expUcitations formelles, soit par de simples conclusions logiques. Que depuis des siècles, au vu et au su de l’Eglise, on ait mis un lien entre l’Assomption et les autres privilèges de Marie, c’est évident.

Donc, théologi(iue et dogmatique à un certain degré, dans sa nature, dans les arguments sur lesquels on l'établit, la question de l’Assomption relève de l’autorité ; c’est à une compétence dogmatique et théologique que ressortit la discussion et la solution du problème (cf. Hurter, t. II, n667 ; Terrien, p.340, 390 ; Renaudin, 1. c., p. 50, 74).

Ceci posé et admis, nous pouvons raisonner comme il suit : l’Eglise ne saurait se tromper lorsqu’elle tient pour vrai un fait d’ordre théologique et doctrinal. Or elle tient l’Assomption pour vraie. Il s’ensuit que l’Eglise dans le cas ne saurait se tromper.

La majeure de ce raisonnement est hors de doute pour tout catholique ; elle constitue une sorte de principe premier (Bainvel, De Hlagislerio i/io, p. 60) ; toute la première partie de ce travail fournit la preuve de la mineure : du viii' au xx « siècle, l’Eglise se persuade de plus en plus du privilège de Marie ; elle en autorise odiciellement la croyance dans la liturgie, la prédication, l’enseignement. Ses docteurs en arrivent sans qu’elle proteste à faire de l’adhésion à ce fait une question de conscience ; — l’Eglise laisse dire, laisse affirmer qu’il y a une liaison, plus ou moins étroite, c’est vrai, mais réelle, entre l’Assomption et la maternité divine, la virginité de Marie ; elle laisse dire même que cette liaison pourrait être essentielle, elle laisse prendre corps à cet instinct qui exige pour Marie le privilège comme un du. Elle est donc solidaire de l’enseignement ordinaire de ses liturgistes, de ses prédicateurs, elle le fait sien, elle y consent et donc en l’approuvant, même par son silence, elle l’authentique et en cela elle ne peut errer.

Donc, en s’inclinant, le fidèle agit raisonnablement : il fait un acte de foi pratique à l’infaillibilité du magistère ordinaire ; il fait acte de bon sens surnaturel ; il reconnaît qu’une vérité unique peut nous venir de deux sources ; et que, l’une se tarissant, il est prudent de puiser à plus limpide et plus abondante.

La critique a pu nous découvrir le pays, nous y engager, nous y préserver de quelques faux pas : elle

a été impuissante à faire beaucoup plus ; peut-être même n’a-t-elle pas sulli à surmonter des obstacles qui, de loin et dans un certain mirage, paraissent formidables. Devant eux, hésite le savant incrédule ; le catholique, fort de sa foi en l’Eglise qui lui tient la main, les franchit à coup sûr et comme en se jouant.

Le catholique, le croyant ne doute pas, ne peut douter de la vérité de l’Assomption ; il la croit parce que c’est la croyance évidente de l’Eglise, de l’Eglise infaillible, c’est entendu ; mais que penser du problème que le dernier demi-siècle vient de poser ? L’Eglise croit-elle à l’Assomption par une simple déduction logique, un instinct divinateur, ou bien cette croyance lui vient-elle d’une révélation divine, fait-elle partie du dépôt révélé, clos à la mort des Apôtres ? En un mot, l’Assomption est-elle destinée à rester objet de croyance ecclésiastique, ou bien pourrait-elle quelque jour être déclarée objet de foi divine ?

Quelle attitude intellectuelle et pratique garder devant cette question ? Aucune décision de l’Eglise n'étant intervenue, la liberté reste entière : il est en soi loisible à chacun, pourvu que par avance sa soumission à l’autorité soit acquise, de croire ou de ne pas croire à la probabilité d’une définition dogmatique, ou même de rejeter provisoirement la définibilité de l’Assomption. Et aux nombreux esprits qui sont persuadés de cette définibilité, la plus complète latitude est laissée sur le choix du mojen le plus propre à assurer ce résultat. Les uns, comme le R. P. Dom Renaudin, estimeront que les Apôtres, témoins de l’Assomption, ont fait, sur l’ordre de Dieu, de cette vérité l’objet de leur prédication, que la parole des Apôtres s’est transmise par tradition orale, jusqu’au moment où elle a pris corps dans des documents écrits ; que seule une tradition divinoapostolique peut expliquer la croyance de l’Eglise, et qu’il suffit au magistère de constater la croyance actuelle pour conclure à cette tradition apostolique et divine. Les autres, s’inspiranl des Pustulata an Vatican, préfèrent, comme le suggérait le P. de la ISnoisB (Etudes, juin 1902, t. XCI. p. 605) et le P. Terrien (t. 11, p. 343), s’efforcer d'établir que « la révélation divine nous donne de la Sainte Vierge une idée qui comprend nécessairement la résurrection anticipée de son corps ». Nous avons vu que, depuis le viii » siècle, les théologiens tirent l’Assomption de la notion même de la Vierge mère : il s’agirait de prouver que ce n’est pas simple conclusion logique, mais explicitation formelle ; qu’il suffit de lever un voile. Les deux écoles arrivent au même but, mais par des ^oies diirérentes ; les uns recherchent jusqu’aux Apôtres la tradition explicite ; les autres montrent l’Assomption contenue implicitement mais formellement dans la totale victoire du groupe rédempteur Jésus et Marie sur le péché et sur la mort (Voir les principes dans Bainvel, De Ma^isterio, p. 60, 61).

Ainsi, liberté intellectuelle sur le fond de la question, liberté intellectuelle sur le mode de travail. Dans la pratique, s’il ne faut pas que l’enthousiasme du but estimé tout proche, l’ardeur de la piété fassent tort à la prudence ou à la charité, il importe peut-être plus encore d'éviter cette mentalité chagrine, étroite, qui semble redouter comme une chaîne tout acte du magistère ; ce pessimisme qui pressent ou croit pressentir on toute définition un obstacle à de futures conversions. On doit avoir confiance aux promesses de Notre-Seigneur, assistant l’Eglise et la guidant non seulement à travers le dédale des opinions, mais dans le choix de l’heure opportune. 285

MARIE — INTERCESSION UNIVERSELLE

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BiBLiOGRAt’iiiB : — Se repiirler à celle qui a été donnée au cours Je l’article Makib. Y ajouter : Bellam}’, Histoire de ta théologie catholique au XJX’siècle ; Paris, 190a. — Gaudinus : Astumptio corporea H. V. vindicata, Paris, 1670. — Ilurter : Theologiæ dogniaticæ compendium, Œniponte 1891, t. II, 11° 664 et suivant ; — Jannucci : De Dei parentis Assiimpliune. Taurini, 1884 ; — Pesch : Prælectiones theologiae, Fril)ourg, 1896, t. IV, p. ïqS ; — Jurgens. Zeitsclirift fiir Katholische Théologie, Innsbrucli, 1880 ; — Nægel : L’Assomption, ses harmonies dogmatiques, Lyon, 1908 ; — Doni Renaudin : h’Assomption de la Sainte Vierge (Exposé et Histoire dans la collection « Science et Religion », no 444)j tli niéme : La Doctrine de l’Assomption de la T. Sainte Vierge, sa définibilité, Paris, 1918 ; — Sinding : Mariæ Tod und Ilimmelfakrt, Cbvisiiania, 1908 ; — TiscLendorf : Apocalypses apocrrphae, Leipzig, 1866.

A. NOYON, S. J.