Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Evêques

Dictionnaire apologétique de la foi catholique
Texte établi par Adhémar d’AlèsG. Beauchesne (Tome 1 – de « Agnosticisme » à « Fin du monde »p. 883-901).

ÉVÊQUES. — Comme jadis au temps de la Réforme, on a beaucoup agité et débattu de nos jours la question de l’origine de l'épiscopat.

C’est en effet une thèse fondamentale de la doctrine de l’Eglise catholique que les évêques sont les successeurs des Apôtres et que le corps épiscopal. qui gouverne l’Eglise du Christ dans le monde entier, n’est pas autre chose que la continuation du collège apostolique, dont il a hérité l’autorité et les pouvoirs divins. Les èvèques, supérieurs aux simples prêtres, sont au premier rang de la hiérarchie ecclésiastique.

Les protestants en général rejettent l’autorité de l’Eglise et toute sa hiérarchie, son sacerdoce, l’origine et la succession apostoliques des èvèques et leur supériorité sur les prêtres. Ils proclament le caractère purement laïque de tous les ministres.

Les critiques libéraux ont multiplié les essais et les hypothèses pour exjjliquer la formation de l'épiscopat sans transmission du pouvoir apostolique. A leur avis, la hiérarchie tout entière n’est qu’une institution purement humaine, appelée progressivement à l’existence sous l’action combinée de divers facteurs : le besoin notamment aurait créé l’organe. Non seulement la synagogue, mais surtout les associations religieuses du monde gréco-romain auraient considérablement infiuencé l’organisation des premières communautés chrétiennes, bien que celles-ci ne reproduisent aucun tyj)C déterminé de ces associations. La constitution de l’Eglise primitive serait toute différente de celle de l’Eglise catholique ; en particulier il n’y aurait eu à l’origine ni èvèques, ni hiérarchie.

Allons donc aux sources ; dépouillons les écrits et les documents des deux premiers siècles pour y apj)r('ndre l’origine et le développement de l'épiscopal.

En guise d’introduction, il est utile de se demander si Jésus-Christ a prétendu instituer une Eglise orga1751

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nisée, hiérarchiquement constituée. Cette étude préliminaire a été faite dans l’article Eglise.

Nous pouvons donc directement entamer la question du fait histori(iue, étudier les Eglises fondées par les Apôtres depuis la Pentecôte et recliercher s’il y avait là une hiérarchie, et principalement un épiscopat.

Voici la division de notre travail :

§ I. Les i~LTy.o-ot et les —oi’jt-’j~iç.oi du premier

SIÈCLE.

I. Opinions des auteurs.

a. Les noms avant le christianisme.

3. Les £Tr(’î-/ ; îiTîc chrétiens.

4. L.es ~pîr : Q-jTspoi. chrétiens.

5. Etude comparative des i-iy/.oTroi et des vpî7-Q-Jrspot.

6. Dignité des lûisxo-oi-izpiyQJrîpoi.

§ II. L’organisation des églises par les Apôtres, i

I. Jérusalem. l

II. Eglises de saint Paul.

A. Ephèse.

B. La Crète.

C. Philippe et Thessalonique.

D. Corinthe.

E. Disciples de l’Apôtre.

F. Apôtres, Prophètes et Docteurs. Conclusion sur l’œuvre d’organisation de saint

Paul.

III. Saint Pierre.

A. Eglises d’Asie.

B. Borne.

IV. Saint Jean :

A. Ses écrits : i. L’Apocalypse.

1. La 3’^ Epitre.

B. Tradition historique : i. S. Ignace d’Antioche.

2. 5. Irénée.

3. Fragment de Muratori.

4. Clément d’Alexandrie.

5. Tertullien.

§ III. Les listes épiscopales depuis les Apôtres.

I. Rome.

II. Antioche.

III. Alexandrie.

IV. Jérusalem : A. Eglise judéo-chrétienne.

B. Eglise grecque.

§ IV. L’ÉPISCOPAT AU II’siècle.

I. Grèce. — Corinthe. Athènes. Crète. IL Témoignages de saint Justin et d’Ifégésippe.

III. Asie Mineure.

IV. Controverse pascale.

§ V. La succession apostolique des évêqubs, ou l’origine divine de l’épiscopat.

I. Les Pastorales.

II. Lettre de S. Clément de Rome.

III..S. Ignace d’Antioche.

IV. Hégésippe.

V. S. Irénée.

§ VI. Conclusion : argu.ment théologiquk. Bibliographie.

§ I. — Les irî’jy.OTTOi et les roîToûrciot du premier siècle

Il est incontestable que dès le commencement du second siècle en Asie Mineure et un demi-siècle plus tard dans toute l’Eglise, le titre iT : 17x^noi était réservé

au dignitaire ecclésiastique que nous appelons évoque, supérieur aux prêtres ou -rrp-TQ-Jnpoi. Les lettres de S. Ignace d’Antioche et de Denys de Corinthe, les Mémoires d’HicGÉsipPE, les écrits de S. Irknée, de PoLYCHATE ct de Tertullien en rendent témoignage. Pour ne citer que l’évéque d’Antioche, mort martyr en 107, au plus tard en 11 5, dans les lettres que, au cours de son voyage vers Rome, il adresse aux églises de l’Asie Mineure, nous le Aoyons établir clairement la distinction entre l’évéque, les prêtres et les diacres. Il exhorte les Ephésiens à être soumis à révéque, lj : iiTy.oT : oi, et aux prêtres, TTpt^Qjripioj^Eph.jU) ; il rencontra l’évéque de Magnésie avec ses prêtres et son diacre (Magn., 11) ; il salue affectueusement les Philadelphicns, surtout s’ils restent unis avec leur évêque et ses prêtres et diacres, désignés suivant l’avis du Christ (Philad., inscr.).

Au commencement du 11° siècle les mots sTriVzoTrsî et TTo-rQùripo : avaient donc déjà, au moins dans certaines églises, le sens que nous leur donnons actuellement.

Mais en était-il de même au i" siècle de notre ère ?

I. Opinions des auteurs. — Les auteurs sont divisés à ce sujet en de nombreux aA’is, que nous ramenons à trois classes principales :

1° Les mots, dès les temps apostoliques, ont eu le même sens que depuis lors. L’Anglais Pearson (Vindiciae Ignatianae, Migne, P. G., t. V, col. 434 sqq.) défend cette opinion. Le P. Pbtau (Dissert, eccl., lib. I, c. I, 2 ; De eccl. hier., lib. VI, c. 4. et passim) dans une première opinion, qvie suit aussi Perrone (De Ordine, n. io4), est à peu près du même avis : dans la plupart des églises, tcms les pasteurs étaient à la fois prêtres et évêques ; ils étaient appelés tantôt âriTxonîj : , tantôt r-pi^^-j-vépo-j-, , d’après leur double caractère.

2° Selon l’opinion la plus commune, ces titres s’employaient indistinctement l’un pour l’autre.

Mais les auteurs se séparent dans la signification à donner aux titres.

Les uns croient que leur signification était générale et qu’ils désignaient indifféremment les évêques et les prêtres. C’est l’avis de S. Jean Chrysostome, (Hom. 1 in Phil., i), suivi par Œcumenius (In Act. xx, 17, 28 ; Phil. I, I ; I Tim., iii, 8 ; T’it. 1, 8), Theophy-LACTE {in l. c), les grands scolastiques et notamment S. Thomas (II » II » ", q. 184, a. 6, ad i), et beaucoup de théologiens modernes.

Les autres pensent que les deux synonymes avaient un sens bien déterminé et ne désignaient que les simples prêtres. Telle est l’interprétation de S. Jérôme {in Tit., i, 5 ; Ep. ad Evang., cxlvi al. lxxxv) de Théodore de Mopsueste (Comment, in epist. S. Pauli, ’Tim., m), de Théodoret (in Phil., i, i ; in I Tim., iir, 1), d’AMBRosiASTER (in Eph., iv, 11-12), de Raban Maur (Comm. in I Tim., 11) et de nombreux auteurs contemporains. Le P. Petau fut amené par ses études à abandonner sa première opinion pour embrasser celle-ci.

Les prolestants et les rationalistes jusqu’à Hatch se sont toujours plu à reconnaître l’identité des è7T<’7xo ; rot et des rpiT^-Jzipot ; cette synonymie était même à leurs yeux l’argument principal pour nier la supériorité des évêques sur les prêtres dans la primitive Eglise.

3° Mais depuis la publication du livre de Hatch et sa traduction en allemand par Harnack en 1883, les critiques libéraux partisans de l’évolutionnisme ont pris une nouvelle direction. Les communautés primitives porteraient l’empreinte des institutions sociales du monde gréco-romain et seraient calquées pour l’organisation sur les corporations religieuses con1753

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temporaines. Il n’y aurait pas eu de constitution type, mais au contraire une grande variété de régimes d’église à église. L’unité sérail le fruit d’un long acheminement.

La plupart de ces auteurs remettent en doute ou rejettent l’identité des £7Tt7 ;  : o-ct et des Tipt^Q-^zioci. Ce sont pour eux des titres absolument distincts, désignant des Ibnctions non pas subordonnées, mais diverses de leur nature. Les épiscopes, comme ils aiment à dire, ne sont que des économes, chargés du service d’ordre matériel, de la discipline, du culte, des finances, des relations avec l’extérieur hes presbrtres sont les notables, par suite de l’ancienneté, de làge ou de quelque supériorité d’ordre moral ; le presbytérat n’est pas une fonction proprement dite, mais un rang honorilique. Ni les éj)iscopes, ni les presbytres n’exerçaient le ministère de la parole qui était l’apanage des charismatiques. Dès le second siècle ces divers éléments se fusionnèrent en un seul organisme en faveur surtout de V i-i’7x’ir.oi, qui obtint ainsi tout le pouvoir épiscopal.

2. Les noms assaut le chrislianisme. — LenomcrriTxonî ; se trouve chez les auteurs sacrés et profanes pour désigner des préfets, des gouverneurs dépendants du pouvoir souverain (Homère, Iliade, xxii, 255, Odyssée, viii, 163. —.V ; /7/i., xxxi, 14 ; Jng., ix, 28 ; I Chron., ïiL, 1’5, 20 ; II C/i ; 071., xxxi, 12 ; xxxiv, 12, 17 ; Jsai, Lx, 17 ; I Mach., i, 51). Etymologiquement, c’est un inspecteur, un intendant chargé de certaines fonctions de sui’veillance.

Le mot 7r|0 ; î, î^T£c :  ; , à forme de comparatif, si l’on s’en rapporte à son origine, signifie, quand il est adjectif, âgé, ancien (Luc, xv, 26 ; Act., 11, !  ;  ; I Tini., v, i), de là vénérable ; quand il est employé substantivement v’/t’/Z/arJ, par extension notable. Les -psyiî’^Tspot, car souvent le nom est employé collectivement pour un collège, sont les personnes les plus respectables [)ar l’âge, les anciens du peuple. De la supériorité de l’âge, il est venu à désigner la prérogative de l’autorité, de la dignité, i)arce que les sociétés j)rimitives, ainsi que les aristocraties, sont gouvernées par un sénat ou conseil d’anciens, qui prend divers noms : senatus et senatores à Rome, /s/sîvjik et/e/iwre ; à Sparte, aldernien en Angleterre, cheikh en pays de langue arabe. Chez les Juifs surtout, leur influence dans l’administration publique était grande : au tenqis de Moïse et des Juges, à l’époque des Rois, pendant et après la captivité et même sous la domination romaine, les anciens ne cessent de prendre une partinq)ortante dans le gouvernement de la nation.

Dans le Nouveau Testament les -ç-.7^ùztçoi juifs apj )araissent comme les assesseurs du Grand Sanhédrin à côté des princes des prêtres et des scribes (Matt., XVI, 21).

La notion générale de chacun de ces litres a reçu une détermination plus précise dans l’usage chrétien. Laissons parler les documents du premier siècle.

3. Les irU’j/.or.oi chrétiens. — Les âTTiyxsnst sont mentionnés dans l’adresse de l’épître écrite par S. Paul aux Philippiens durant sa première captivité. « Paul… aux saints dePhili])pesavecles£r17x ; 7ri(et les diacres. »

Dans le discours de Milet, qui se trouve ra|)porlé par S. Luc dans les Jetés, xx, 28, S. Paul dit aux Tr/ ; £T ; 3vT£/ ; 51 ; qu’il avait mandés d’Ephèse : « Veillez sur vous-mêmes et sur tout le Iroupeau, sur lequel l’Esprit-Saint vous a établis surveillants, ÊTriff/onov ; , pour gouverner, rii/t « (>£tv, l’Eglise du Seigneur acfjuise par son sang. »

A son départ d’Ephèse, S, Paul y avait laissé son disciple Timolhée pour veiller à la pureté de la doc trine et au maintien de la discipline ; il lui écrit sa première lettre pour lui renouveler ses instructions et lui faire connaître les qualités requises dans le surveillant, ir.ii/.or.oi. « Si quelqu’un ambitionne Ykni’iMTir.i, il désire une belle œuvre. Il faut donc que TÔv iniaxoT.o-j soit irréprochable… tenant ses enfants soumis en toute vertu, — celui qui ne sait présider à sa famille, comment i)rendra-t-il soin de l’Eglise de Dieu ?)- (I Tint., iii, i ss.)

Ce sont exactement les mêmes avis que l’Apôtre envoie à son autre disciple, Tite : « Je t’ai laissé en Crète avec la mission d’établir les choses qui manquent et de constituer des -pîz^-^-zipo, t dans les villes, comme je te l’ai ordonné : si quelqu’un est sans reproche, … ayant des enfants soumis… car il faut que b t-i-j/.oTxoç, soit sans reproche en sa qualité d’intendant de Dieu…, qu’il soit capable de prêcher la saine doctrine et de réfuter les contradicteurs. » (/’//., i, 6-9.)

S. Pierre, dans la première épître adressée aux chrétiens d’Asie Mineure, v, , exhorte « les anciens, To’jç, Tr/5£T/3jT£/ioj ; , des églises à paitre le troupeau de Dieu confié à leurs soins, à être de bons sun’eiHanls, i~f7xiTiovvTEç » ; il appelle le Seigneur lui-même > chef des pasteurs, à/j>/t-5.(, « / ; v », 4 ; et en un autre endroit « le pasteur et le surveillant des âmes fidèles, tm Trst^a-tva y.y.l £7I(’txî7to> tw ii/yCi’j ùy.w », TI, 25.

La lettre de l’église de Rome à celle de Corinthe, que toute l’antiquité attribue à S. Clkment dk Rome, traite longuement la question de l’autorité des irciay. onoi. Cette lettre est un document de la i)lus haute importance. Non seulement elle nous renseigne sur l’organisation contemporaine des églises de Corinthe et de Rome, mais de plus elle atteste et certilie l’origine apostoliquedu gouvernement et de la hiérarchie dans l’Eglise. Voici comment elle décrit la mission et l’œuvre des Apôtres, fondateurs de la religion chréj tienne : « Les Apôtres, envoyés par le Seigneur Jésusi Christ, nous apportèrent l’Evangile ; Jésus-Christ a été envoyé par Dieu. Le Christ est donc l’envoyé de Dieu, les Apôtres sont ceux du Christ : Tune et l’autre mission se firent régulièrement de par la Aolonté de Dieu. Après avoir donc reçu leiu-s inslruclions, et après avoir été confirmés parla résurrection de Noire-Seigneur Jésus-Christ, pleins de foi en la j)arole de Dieu, ils s’en allèrent avec la conviction tlonnée par l’Esprit-Saint, porter la bonne nouvelle de la venue du royaume de Dieu. Prêchant donc dans les bourgs et les villes, ils établirent leurs prémices (c’est-à-dire, leurs premiers disciples), après les avoir éprouvés par l’Esprit, surveillants et diacres, Ir.n/.o-nc-jt /.’A btoxovovç, des futurs fidèles. Et ce n’était i)as une nouveauté ; car depuis longtemps les surveillants et les diacres avaient été l’objet d’une prédiction. En effet, l’Ecriture dit quelqueparl : J’établirai leurs surveillants, Ti’j ; ir.i’j/.dT.’jJi, en justice et leurs ministres, Tvj ; hiK/.o-jc-ji. en fidélité (c’est-à-dire je leur donnerai des surveillants justes et des ministres fidèles). El quoi d’étonnant si (les Apôtres) à qui cette œuvre a été confiée par Dieu dans le Christ, ont établi ceux cjue je viens de dire ? »

S. Clément trouve alors une confirmation de son enseignement dans les livres de Mo’ise, où Dieu lui-même fait choix d’une tribu, d’une famille, pour lui confier le service divin et la direction de son culte. Après avoir énoncé de nouveau, comme transition, l’institution aposlolico-divine du double ordre des surveillants et des diacres, Clément fait le récit de la verge d’Aaron fleurissant et portant des fruits dans le tabernacle, tandis que les verges des autres tribus y demeuraient stériles. Par ce miracle. Dieu a manifesté en face de tout le peuple, à l’occasion de la comitétition des tribus, le clioix qu’il avait fait de la famille d’Aaron pour le sacerdoce ; désormais, l’oi’dre 1755

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était assui’é, car « Il lit ainsi pour prévenir tout désordre en Israël » (xnii, G).

Avissitôt l’auteur lait Tapplicalion de cetévénement au ministère chrétien ; il établit le principe de sa propagation et les conditions d’authenticité auxquelles on reconnaîtra les pasteurs légitimes : « Ainsi nos Apôtres savaient par Notre-Seigneur Jésus-Christ qu’il y aurait lutte au sujet de la dignité de la sur-A "eillance,-f, -- i-tyy.o-ci. C’est pourquoi, doués d’une prescience parfaite, ils instituèrent les susdits ( : = : les surse niants et les diacres), et ensuite ils établirent en règle qu’à leur mort d’autres hommes éprouvés reprissent leur ministère. En conséquence, ceux qui furent établis par eux (les Apôtres) ou ensuite par les autres hommes illustres avec l’assentiment de toute l’Eglise, et qui ont accompli sans reproche leur fonction auprès du troupeau du Christ, modestement, paisiblement et dignement, et qui depuis longtemps ont reçu de tous un excellent témoignage, ceux-là. il n’est pas juste, à notre jugement, de les destituer de leur fonction. Oui, nous commettrions un grand péché, en destituant de leur surveillance, r^ ; i-17/.07rr, ç, ceux qui ont offert les dons d’une manière irréprochable et sainte. Bienheureux les anciens, ît-pî-^Jr-poi, qui ont déjà achevé leur carrière et qui ont eu une tin pleine de mérites et de perfection ! Ils ne redoutent pas qu’on les chasse de la place qui leur revient. Nous voyons, en effet, que vous en avez éloigné quelques-uns qui gouvernaient bien, de l’office honorable dont ils avaient été régulièrement investis. »

EnlînlesiTTiT/cîTTsi se trouvent également mentionnés avec les diacres dans a.ioy./y, ou Doctrine des douze Apôtres, petit manuel de la religion chrétienne datant des euA’irons de l’an loo, composé selon l’opinion la plus probable pour les fidèles de la Palestine.

a Le jour du Seigneur réunissez-vous, rompez le pain eucharistique après avoir confessé vos péchés afin que votre sacrifice soit pur. Que nul, s’il est en désaccord avec son ami, ne s’unisse à vous jusqu’à ce qu’il y ait eu réconciliation, de crainte que votre sacrifice ne soit souillé. Car le Seigneur a dit : Qu’en tout lieu et en tout temps un sacrifice pur me soit olTert, parce que je suis un grand roi, dit le Seigneur, et mon nomestadmirable parmi les nations. Elisez-vous donc des surveillants et des diacres, k-iyy.s-oji y.y.i ôtv^.d.iojz, dignes du Seigneur, des hommes doux, désintéressés, vrais et éprouvés : car ils accomplissent pour vous, eux aussi, le ministère des prophètes et des docteurs. Ne les méprisez donc pas, car ils sont vos dignitaires avec les prophètes et les docteurs. » (xiv XV.)

La Didaché établit le rapport le plus étroit entre la célébration de l’Eucharistie et les fonctions des surveillants et des diacres : c’est par l’Eucharistie qu’elle est amenée à parler de ces dignitaires ; la connexion des idées est même exprimée par la particule ojj, donc. Célébrez l’Eucharistie le dimanche, votre sacrifice doit être pur, choisissez-vous donc des surveillants et des diacres dignes du Seigneur : tel est l’enchainement dans toute sa simplicité.

4. Les-p17^jz=poi chrétiens. — Voici d’autre part les endroits des écrits du premier siècle où il est fait mention de l’ordre des Tr^iîTîvTîoît au sein des communautés chrétiennes.

Saint Luc, dans les Actes, cite à plusieurs reprises les -îiTovTîîî./ ; de l’église de Jérusalem (xi, 3û ; xv, 2, l, 6, 22, 16 ; XVI, 4 ; XXI, 18), sans jamais les confondre avec les Apôtres ou Jacques le chef.

Paul et Barnabe, revenant de leur premier voyage apostolique, établissent des-y.iZ-^-ip-yji à la tête des églises qu’ils avaient fondées (Act., xiv, 22).

Au ch. XX, 17, S. Paul, avant de s’embai-quer pour

la Palestine, mande à Milet les anciens de l’église d’Ephèse, rsù ;-rpziZ-jripyji rv ;  ; îzx/.yjatV.ç.

Il laisse son disciple Tite en Crète pour y remédier à ce qui manque et établir des-oîtSjte/ssu ; dans les différentes villes (Tit., i, 5).

A son autre disciple Timothée, qui avait reçu l’imposition des mains du corps presbjtéral rjj irp-’y’i-jripio-j (1 Tint.. IV, 14), il écrit, en parlant des anciens : « Que les-c-To../T-oii qui président Ijien soient jugés dignes d’un double honneur, surtout s’ils s’appliquent à la prédication et à l’enseignement » (1 Tini., v, l’j ; cf. 19).

Dans sa première épître, v, i, S. Pierre, nous l’avons déjà dit, interpelle directement les anciens des églises. « Je supplie les rîîTÔvrîîîv ? qui sont parmi vous, moi leur collègue, rjy.-rptr^-^rspoi : paissez le troupeau de Dieu qui est parmi vous, veillant sur lui, irij-xî-iCo—r, non par contrainte mais volontairement, étant les modèles du troupeau. Et à la venue du Pasteur suprême, vous recevrez la couronne de gloire incorruptible. Et vous, jeunes gens, soyez soumis aux anciens. »

Dans les communautés judéo-chrétiennes auxquelles S. Jacques adresse son épître, se retrouvent également les -5£7 svTîîit tout comme dans l’église de la métropole Jérusalem. « Quelqu’un parmi vous est-il malade, dit la lettre, v, 14, qu’il mande les-pz7s-y7- : po-Ji de l’Eglise, afin que ceux-ci prient sur lui, l’oignant d’huile au nom du Seigneur. Et la prière de la foi sauvera l’infirme et le Seigneur le soulagera et, s’il a des liéchés, ils lui seront remis. »

Enfin dans la fameuse lettre déjà citée de Clément DE Rome à la communauté de Corinthe, il est aussi question des anciens de l’Eglise, k II est honteux, frères, et on rougit de l’apprendre ; oui, ce sont des choses indignes du nom chrétien, l’église de Corinthe, si ferme et si ancienne, pour faire plaisir à une ou deux mauvaises têtes, s’est soulevée contre les-ps- : ^jzépo-jz.)) XLVII, 16.)

Plus loin (liv, 2) il dit encore des mêmes dignitaires :

« Celui qui est généreux dira : Si cette sédition

a éclaté à mon occasion, je m’en irai où il vous plaira, et je ferai ce que la communauté voudra m’imposer ; mais il est nécessaire que le troupeau du Christ jouisse de la paix avec les anciens établis

ij.izy. TW za5î7T « //îv£ùy ~pi- : fi-j~ipWJ. »

Voilà les sources dont nous devons déduire le caractère des sTTtaxî-ot et des r.pi’j’i-j-ip’.i. et la nature de leurs fonctions.

quels furent donc les irrtyzsrci et les ~pi- : l-j-ip’^i. du premier siècle ?

5. Etude comparative des i-i-y.’y-’.L et des — c£t5 : /t£oîc.

— Une remarque générale, c’est qu’aucun texte du premier siècle ne nomme ensemble les surveillants et les anciens comme un double ordre distinct. La formule JrtTz ; - ;  ; y.c/À r.piyZjtîpoi., OU une énumération équivalente établissant une distinction, ne se rencontre nulle part. On la lit pour la première fois dans les lettres de S. Ignace, au commencement du second siècle.

Au contraire, chaque fois que ces noms se trouvent ensemble au premier siècle, les auteurs indiquent sullisamment qu’ils désignent les mêmes fonctions. Nous avons donné cinq sources où ces noms se trouvent dans un même contexte. De ces cinq, quatre établissent directement la synonymie, et si la cinquième, la lettre de Timothée, ne met pas les mots en relation directe, elle fournit néanmoins une belle confirmation de notre thèse.

A. — Discours de Milet, Actes, xx, 17 ss. « De Milet envoyant à Ephèse, Paul fit venir les anciens de l’Eglise, n’jç T^p-jZ-yripo-Ji. Lorsqu’ils furent réunis autour de lui, il leur dit : Vous savez, etc. Veillez 175’ÉVÊQUES

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donc sui" vous-inêiues el sur tout le troupeau sur lequel l’Esprit-Saiiit vous a établis surveillants izinx’^zo-^ : , pour gouverner l’Eglise de Dieu. »

L’historien ne fait convoquer que les anciens de TEglise, et cependant il les fait appeler siii-ieillanls par l’Apùtre. Les deux noms sont donc synonymes et désignent les luémes personnages, quelle que soit d’ailleurs leur dignité.

Il ne suflit pas, pour éluder cet argument, d’ailirmer que l’orateur au milieu de son discours, négligeant une partie de son auditoire, s’adresse seulement à ceux des anciens qui sont en même temps surveillants. Cette hypothèse ne repose sur aucun fondement. La phrase est étroitement liée à la précédente par la conjonction oi/v, donc ; il manque même un nom au vocatif, qui serait nécessaire pour montrer que l’orateur ne parle plus que pour une partie de son auditoire, comme par exemple : k Et vous, surveillants, A’eillez… »

B. — Le texte de Vépître à Tite est tout aussi clair, I, 5-7 : « Je t’ai laissé en Crète… pour y instituer des anciens,-ccj « ; ^t£, cî^ç, dans chaque ville… ; si quelqu’un est sans reproche… : car il importe que le san-eillant Ts> îTTiTzi-iv soit sans reproche… »

Il est manifeste que les deux termes sont synonymes dans l’idée de lécrivain. Voulant insister sur les conditions requises pour le candidat à la dignité d’ancien, il donne aussitôt les qualités du surveillant modèle, ayant soin même d’indiquer le lien logique par la particule -/dp. Si les deux titres n’étaient pas sj’nonymes, l’Apùtre ne pouvait s’exprimer ainsi. Qui s’aviserait jamais de parler de cette façon : (( Etablis partout des curés vertueux, car il importe que l’évêque soit vertueux » ? Au contraire il est juste de dire : « Etablis partout des curés irréprochables, car il importe que le pasteur soit irréprochable. » S. Paul s’est exprimé dune manière analogue.

C. — Vers le même temps et sur le même sujet, S. Paul écrit la première lettre à Timotliée : « Il importe, y est-il dit, que le surveillant, rov i-cyy.’.-’yj, soit irréprochable et qu’il sache présider à sa famille, sinon comment prendrait-il soin de l’Eglise de Dieu’.^ >-III, 2, et i)lus loin v, 17 « les anciens, oi-cî70VT£oot, qui président bien, sont dignes d’un double honneur ». Comment ne pas admettre que les premiers, chargés du soin de l’Eglise, sont les mêmes que les seconds, préposés également aux fidèles, vu surtout que la description du surveillantdans cette épître correspond trait pour trait à celle du surveillant-ancien delà lettre à Tite ?

D. — La lettre de Pierre abonde trop clairement en notre sens pour qu’il faille insister. Les deux noms y sont étroitement unis, t : ^cTcv7£co£ izty/.o-yj-.rii, : « Je conjure les anciens qui sont parmi vous faisant les surveillants… »

L’omission du terme s-it/^îttsj^’tî ; par les codices du Sinai et du Vatican ne doit pas nous empéclier de le tenir pour authentique. Du reste l’argument garde sa valeur à défaut de ce mot : les-rpirli-^T-poi de S. Pierre, comme les J7 : <7 ; <î7rit- ; T/ ! £7-5., TtC5t des Actes, XX, sont des pasteurs chargés de gouverner le trou-I )eau du Seigneur confié à leurs soins.

E. — La lettre de S. Clément de Rome nous fournil un nouvel argument. Ecrite pour ramener l’ordre parmi les fidèles de Corinthe et pour rétablir les anciens, nps.T^-jTip’j-j-., indignement chassés de leurs fonctions (xi.iv, 6 ; Liv, 2 ; i.vii), elle prouve longuement la légitimité des ministres qui doivent être réintégrés dans leurs droits. Cette légitimité a son fondement dans l’institution apostoli<pie et divine de ces ministres. Or voici le raisonnement : « Dieu a envoyé Jésus-Christ, Jésus-Christ a eiTV’ojé les Apùlres : ceux-ci ont institué des surveillants, imzxoT-.yji el des

diacres. » Le mot ttîît^îvtîcs ; n’est pas même cité, et néanmoins ce sont eux qui ont été chassés, eux dont il faut prouver le pouvoir légitime. Cela ne s’explique que par l’identité des anciens et des surveillants.

Il y a mievix encore. Lorsque la lettre traite le point de la transmission régulière du pou oir, d’une part elle ne la prouve, encore une fois, que pour les surveillants, et d’autre part, elle emploie indifféremment, les deux noms : anciens et surveillants : « Les Apôtres, prévoyant que des contestations s’élèveraient à propos de la sur"eillancc r- :  ; i-17/.’, - ?, i, instituèrent les susdits (à savoir les siuveillants) ; … ceux donc qui furent établis par les Apôtres ou leurs successeurs. .., ne peuvent être destitués de leur fonction. Ce n’est pas une petite faute pour nous de destituer de la surveillance, t<ç irtî^z-iTrô ; , ceux qui ont bien offert les dons. » Et non sans une triste ironie, elle ajoute :

« Heureux les anciens,-piit-jzîpoi., qui ont eu une

sainte mort : ils n’ont plus à redouter d’être chassés de leur place. » Comment expliquer cette mention des anciens dans ce contexte, s’ils ne sont pas les mêmes que les surveillants ? Il est manifeste que destituer les surveillants, les chasser de la surveillance, c’est la même chose que destituer les anciens et les chasser de leurs fonctions. *> Nous voyons en effet », dit-il, finissant par dénoncer en termes exprès l’injustice commise, « nous voyons que vous en avez destitué quelques-uns de leur ollice)>. Ces quelques-uns sont é^’idemment des anciens, puisque la particule yy-p relie intimement la proposition à la précédente, où ne sont mentionnés que les anciens, et ils sont évidemment les surveillants, i)uisque tout le contexte parle de l’institution apostolique des surveillants, de leur ofiice et de leur destitution.

Concluons. Les textes du premier siècle indiquent clairement l’identité des kr.iz/.^r.oi et des-p17^j- :-p’yi,

G. Dignité des i~.i’7y.^y~oi.-~pi(jZjzîp’yi. — Mais ([ui sont-ils ? Quelles sont leurs fonctions ?

A. — Ce sont les pasteurs des coiuuiunautés, les chefs des églises, généralement établis pur les Apôtres eux-mêmes : on les voit à la tête de l’église de Jérusalem (Act., xi, 30 ; xv, 2, 4. ^, 22, 23 ; xvi, 4 ; XXI, 18), des églises instituées par S. Paul (Act., xiv, 22 ; XX, 17 ; P/iil., 1, 1 ; / Tint., iii, i ss. ; iv, i^ ; v, 17 ; Tit., I, 7 ss.), de toutes les églises d’Asie Mineure {IPetr., V, 2) ; et, au témoignage autorisé de S. Clément de Rome, les Apôtres en ont établi comme chefs dans toutes les communautés qu ils fondaient (Clein. Runt., xLii, xi.iv et liv). On les trouve partout.

Associés aux Apôtres mêmes pour juger un i)oint de doctrine (Act., xv), ils prêchent la parole de Dieu (I Tini., V, 17), sont les intendants de Dieu (1 Tim., iii, 5 ; Tit., i, 7), les luinistres de l’onction des malades {Jac, V, 14), de la liturgie, de l’oirrande, du sacrifice {Clem. Ruin., xlii ; Did., xv).

C’est le moment de citer les passages des écrits apostolicjues où il est question des -^uTra.ajvst ou présidents et des c/î^^awît ou chefs.

« Nous vous recommandons, écrit S. Paul aux chrétiens

de TItessalunique, v, 12, de considérer ceux qui peinent au milieu de vous el vous sont préposés dans le Seigneur. » Ce sont sans doute leurs pasteurs,

leurs STTlTXiTTÎt-TT^CÎTel^TÎOit.

Il ne faut pas hésiter non plus à les comprendre au moins au nombre des supérieurs que Vépître aux J/éhreux nomme à trois reprises, xiii, 7, 17, 24 :

« Souvenez-vous de vos chefs, riv W/’ijij.hwj j ; j.ôfj, qui

vous ont prêché la parole de Dieu » ; « obéissez à vos chefs el écoutez-les. car ils veillent sur vos âmes ayant à en rendre conqtte » ; « saluez tous vos chefs ». Cf. Clkm. Rom., i, iJ ; xxi, G.

1759

EVÉQUES

1760

Le mot Y//cùij.tJci importe un vrai pouvoir, une autorité réelle.

Ces données renversent totalement les systèmes évolutionnistes des critiques libéraux, qui reposent tous sur trois postulats :

I. A l’origine aucun chef ni pasteur, mais seulement des prédicateurs libres.

II. II n’y eut pas d’autorités établies par les apôtres.

III. Il y eut grande diversité d’organisation, notamment distinction des épiscopes et des presbytres.

Et cependant, nous venons de le prouver, à rencontre de ces aflirmations, les documents du premier siècle établissent :

I. Que dès l’origine les églises avaient des pasteurs et qu’elles étaient dirigées par des chefs.

II. Que ces chefs furent établis par les Apôtres quand ils fondèrent ces chrétientés.

III. Que les i-(- : y.^-oi et les Tr/îi^fùrecît de cette époque étaient les mêmes dignitaires.

B. — Maintenant, au point de vue catholique, quelle est cette dignité : est-ce l’épiscopat ou le presbytcrat ? Observons d’abord que nulle part on ne Aoit émerger au sein de ce groupe de pasteurs, qu’on trouve cependant dans chaque communauté, ni un supérieur ni même un président. (Il faut faire exception pour Jérusalem, où les Apôtres et, après leur <lispersion, Jacques ont les honneurs d’une mention spéciale, Act., xv ; xxi, 18.)

Ce qui caractérise les évêques et les distingue d’avec les prêtres, c’est : i" qu’ils sont leurs supérieurs et qu’ils ont le pouvoir de conférer les ordres sacrés, 2° qu’ils ne sont jamais plusieurs à la tête d’une même église.

1° La tradition ecclésiastique est unanime à enseigner que seuls les évêques ont la plénitude de l’Ordre, nécessaire pour créer des prêtres et des diacres et assurer la transmission des pouvoirs apostoliques.

S. Jkax CHKYsosTOME(//om. 1 1, 1, iii ep. lad Tim.), S. Jkrome (Ad E’ang., Ep. cxlvi, i, al. lxxxv), S. EpiPHANK (Ilær., lxxv, 4), les Constitutions apostoliques III, xx) formulent nettement ce jjrincipe. Déjà S. Clkment de Rome, ch. xliv, du moins selon l’interprétation que nous préférons, faisait valoir cette règle de la succession du ministère chrétien. Les Apôtres, qui avaient institué des surveillants et des diacres, sTrtTxorou ; xai Sikzcvov ; , ont légué leur mission et leur pouvoir à quelques hommes éprouvés : c’est pourquoi il y avait à la tête des églises, à la lin du premier siècle, des ministres établis par les Apôtres, et d’autres établis par ces hommes illustres, successeurs des Apôtres.

Mais au témoignage de S. Clément, les surveillants institués par les Apôtres n’avaient pas la puissance d’instituer d’autres ministres ; et il n’y a aucune raison de croire que les iT : 17xcnoi-T : p ! 7 ! ^-Jr£poi des écrits apostoliques aient jamais ordonné d’autres pasteurs ou des diacres par l’imposition des mains.

Un seul texte jiourrait nous être opposé : au témoij, ’nage de S. Paul, Timothée reçut la grâce de la consécration en vertu de prophéties avec l’imposition des mains du collège presbytéral, roù-nps^Q’jreoio-j (I Tini.,

iv, 14).

Mais l’Apôtre a-t-il voulu par là reconnaître à ce collège le pouvoir d’ordonner ou sinqilement celui de prendre part à la liturgie de l’ordination ?

Ce doute semble élucidé ^lar la II’lettre à Timothée, où il est parlé de la même grâce en ces termes :

« Le don de Dieu… est en toi par l’imposition de

mes mains » (i, 6). Si S. Paul, en vertu de la I" lettre, n’est pas le seul qui ait imposé les mains à son dis ciple, ou moins en vertu de la II’est-il le seul qui l’ait consacré. L’imposition des mains de l’Apôtre a été la cause, celle des prêtres n’a été qu’un simple cérémonial, comme l’indiquent assez les conjonctions a-z’J. et StK employées avec le génitif, la première signitiant la concomitance, la seconde la causalité.

2" La seconde caractéristique traditionnelle de l’épiscopat, c’est Vuniié : un seul évêque pour gouverner une église. S. Ignace d’Antioche fait déjà clairement entendre dans ses lettres que l’évéque occupe seul son siège ; citons seulement, Philud., iv : £u ÈTTicrxiKîç v./xv. rrZ TTyîcTcjTtysic ;) xal ôt « xo>ît ;  : il y a un seul évêqiie avec le collège des prêtres et les diacres. S. Ihknék le suppose (y/c ?i’. //aer., III, XIV, 2) ; le concile de Xicée (canon 8), S. Cyprien (De Unitate Eccl., viii) ; S. Jeax Curysostome {/loin il. i. 1 in Phil.), S. Jérôme (C(>m/ ; i. in TH., 1) S.EpiPHANE(//aer., Lxxv), Théodoret (Hist. eccl.. ii, xiv) le disent en termes formels. C’est du reste un principe incontestable. A moins d’une division causée par un schisme, il n’y a pas d’exemple d’église gouvernée à la fois par devix évêques au même titre.

Or les textes du premier siècle parlent de plusieurs £7T(71<c-ii--j ; £-SjT£ ;  :  ; it dans une même communauté et jamais d’un seul. Le livre de^ Actes parle en dilférents endroits d’un semblable collège à la tête des églises de Jérusalem (Act., xv, 2, 4 ; xvi, 4 ; xxi, 18), d’Ephèse (.d(c<., xx, 17, 28), de celles que fonda l’Apôtre (xiv, 28) : c’est le-pe^Q-jzépicv de l’église (I Tiin., iv, 14). Philippes et les villes de la Crète possèdent également le leur {Phil., I. 1 ; Tit., i, 7.) Il en est de même dans les communautés des épîtres de S. Pierre (I Petr.. v, 1 ss.), de S. Jacques (Jac, v, 17) et de la Didaché (Did., xv), en un mot dans toutes les églises que les Apôtres fondèrent.

Ces kr.izy.oT.oi-r.p-z’lùr-p’yi sont donc les prêtres.

Cette interprétation a le mérite d’être constante et uniforme et de reconnaître aux mêmes termes, à la r.i’’)e époque, une seule signification. Elle explique au.st pourquoi les écrits de la littérature apostolique nomment toujoui-s les diacres immédiatement après les ini’jy.or.oi, sans faire mention d’un degré intermédiaire.

Un seul texte demande au point de vue Ihéologique une note spéciale, ])rincipalenient à cause de l’application que le concile de Trente (Sess. xxiii, de Ordine, c. 4)< ?n fait aux évêques : c’est celui des Actes, XX, 28. Est-ce que là le mot iTri^xoTTst ne désigne pas des évêques proprement dits ? « Le Saint Synode déclare… que les évêques, qui sont les successeiu’s des Apôtres, appartiennent en premier lieu à la hiérarchie et à l’Ordre, et qu’ils sont établis, comme dit l’Apôtre, par TEsprit-Saint pour gouverner l’Eglise de Dieu et qu’ils sont supérieurs aux prêtres. » C’était donc bien le sentiment des Pères du concile que l’Apôtre avait adressé ses paroles à des évêques proprement dits. On peut faire remarquer cependant qu’ils n’ont pas eu l’intention de déclarer que le sens qu’ils attachaient à ces paroles des Actes, xx, 28 est celui « que l’Eglise catholique a toujours tenu ».

De fait, S. Jean Chrysostome, S. Jérôme, Tiiéooo-RET, S. Thomas (11^ Il^e, q. 184, a. 6, ad i), et même après le concile, Stapleton (Antid. Apost. in Act. ad h. l.), Cornélius a Lapide et bien d’autres écrivains ont pensé que ces paroles étaient adressées à des prêtres. Qui dira que le concile de Trente ait aouIu définitivement imposer pour ce texte une interprétation donnée en passant, et opposée à l’enseignement d’illustres commentateurs, et notamment à celui de l’Ange de l’Ecole ? Qui ne sait, comme le fait remarquer le cardinal Gotti, que dans les définitions des Conciles est seulement de foi ce qui fait l’objet de la 1761

EVEQUES

1762

(létinition et non pas ce qui en est le motif. Il n’est donc pas défendu de penser et d’admettre queS. Paul à Eplièse s’adressait à des prêtres. « Rien n’empêche de dire, observe à ce propos le Manuel biblique de Bacuez-Vigouroux (t, IV, n. 53g, éd. 9) que les prêtres sont établis pour faire l’office de pasteurs dans lEglise de Dieu. N’est-ce pas pour cette lin qu’ils sont consacrés par le sacrement de l’Ordre et investis de pouvoirs surnaturels ? Il est vrai qu’ils dépen<lent des évêques et que leurs pouvoirs sont moins étendus ; mais l’autorité peut exister sans l’indépendance. .. Ne leur donne-t-on pas communément le titre de pasteurs et recteurs, quand ils ont, comme ceux qui se trouvaient à Ephcse, un emploi déterminé dans le saint ministère ? »

Conclusion. — Les prêtres que les Apôtres mirent à la tête des Eglises s’appellent tantôt sTrux^TTot, tantôt T.r.i^fijTipoi. Ce n’est que dans les écrits du n’siècle que le mot £-(7zs7tî ? prend la signitication (ïé^-êque que nous lui donnons aujourd’hui.

i^ II. — L’organisation des églises par les Apôtres

I. JÉRUSALEM. — Durant la période de formation, cette communauté fut dirigée par le collège apostolique.

De très bonne heure, la hiérarchie y reçut un premier développement par l’institution des sept diacres (Act., vi) ; bientôt après, vraisemblablement à cause du nombre croissant des fidèles et du départ des Apôtres, par la création de prêtres (Act., xi, 30 ; xv). Ces prêtres, sans avoir la plénitude du pouvoir apostolique, en ont cependant une large part : sous la suprématie des Apôtres et notamment de Jacques, ils sont les pasteurs du troupeau du Christ.

Quand les Apôtres se dispersèrent, Jacquesdemeura à Jérusalem et garda tout naturellement le gouvernement de cette église, devenant seul son pasteur en chef. Il a en quelque sorte succédé au collège apostolique, soit qu’il fût lui-même Apôtre, comme nous le croyons, soit ((u’il ait été établi pour les remplacer à la direction de cette église.

Ce sera sans doute son titre de « frère du Seigneur » et du Messie, qui aura déterminé ce choix de Jacques comme chef de l’église judéo-chrétienne. Il fut ainsi le premier évcquc à siège (ixe.

Voir plus loin ! ^ III, les listes épiscopales.

Aucun document du premier siècle ne lui donne ce titre : rien d’étonnant, puisque le mot è-Kiry.cr.ci ne désignait alors que les prêtres.

II. Eglises de S. Paul. — Dès sa première mission, Paul, en compagnie de Barnabe, préposa des prêtres aux églises qu’il fonda (Act., xiv, 22).

A. Ephèse. — Il ne dérogea certainement pas à cette règle en prêchant la foi à Ephèse. En effet, une année environ après son départ, il mande à Milet les prêtres de cette église et leur rappelle qu’ils ont à A-eiller sur leur troupeau (Act., xx, i^, 28).

C’est encore la même organisation vers l’an G/), quand l’Apôtre écrit sa première épître à Timothée, auquel il avait demandé de demeurer àEi)hèse (i, 3). Les qualités requises dans les prêtres et les diacres y sont énumérécs en détail (m, i ss.), apparemment parce que Timothée devait en établir. Celui-ci avait en ciFel le pouvoir d’imposer les mains, de juger les jirétres, et de leur assurer une juste rélril)ulion (v, 1--21). En un mot il instituait le clergé et veillait au maintien de la discipline ; il avait la haute main sur toute la communauté.

Il y avait donc à Ephèse le ministère ordinaire des prêtres et des diacres.

Mais dans la personne de Timothée, nous nous trouvons devant une dignité nouvelle, une fonction temporaire et extraordinaire, celle de délégué de l’Apôtre. Il a le pouvoir épiscopal, seulement il ne l’exerce à Ephèse qu’à titre précaire, pour autant que son maitre l’y laisse. « Je t’ai demandé à mon départ pour la Macédoine de demeurer à Ephèse, afin d’avertir certaines gens de ne point enseigner une autre doctrine. » (I Tim., i, 3.) Bien des fois déjà il avait été chargé de missions semblables, à Thcssalonique, à Corinthe, à Philippes (1 Thess., iii, 2, 3 ; I Cor., iv, 17 ; Pliil., Ti, 19 ss.). Aussi, bientôt l’Apôtre en captivité le rappelle d’urgence : « Hàte-toi de venir à moi sans délai… Amène Marc avec toi… Hàte-toi de Acnir avant l’hiver. « (Il Tint, , iv, 8, 11, 21.) Ce n’est pas là arracher un évêque à son troupeau, c’est mander un compagnon. Se souvenant des larmes versées par ce fils au moment de la séparation, il désire le voir à ses côtés à Rome (i, 4). Et comme l’hérésie est toujours menaçante à Ephèse, l’Apôtre, en relevant Timothée de sa charge, le remplace par un autre de ses disciples, Tj’chique (n-, 12).

L’histoire de cette église se continue sous l’Apôtre S. Jean. (Voir IV.)

B. La Crète. — La lettre à Tite vient pleinement confirmer ces données sur la manière dont l’Apôtre des Gentils fondait les églises.

Tandis qu’il était conduit prisonnier de Césarée à Rome, la caravane avait fait escale sur les côtes de l’île de Crète. Délivré de sa première captivité, S. Paul y vint annoncer l’Evangile. Son labeur fut béni ; il y opéra un grand nombre de conversions. Mais volant à d’autres travaux, il laissa dans l’île son disciple Tite investi de toute l’autorité du fondateur.

« Je t’ai laissé en Crète, se hàte-t-il de lui rapl

)eler par lettre, pour que tu établisses les choses qui manquent, et que tu constitues des prêtres dans chaqueville : c’est ainsi que je te l’ai prescrit. » (i, 5.)

Tite était donc investi de la plénitude de l’Ordre ; comme Timothée, il devait l’avoir reçue par l’imposition des mains, vraisemblablement de son maitre. Néanmoins il n’occupait pas de siège épiscopal, puisqu’il avait pour charge de prendre soin de toutes les communautés de la Crète et d’établir des prêtres dans les diverses villes. Aussi l’Apôtre fait-il déjà entrevoir son rappel procliain ; « Lorsque je t’aurai envoyé Artémas ou Tychique, hàte-toi de me rejoindre à Nicopolis, où j’ai résolu de passer l’hi"er. » (m, 12.) Tite avait reçu la mission d’achever l’organisation des églises fondées par Paul. Aux derniers jours de l’Apôtre, nous le retrouvons en Dalmatie et non plus en Crète (II Tim.. iv, 10). Dans l’île toutefois, il aura été remplacé par un autre disciple chargé sans doute de continuer son œuvre.

Les églises de Crète étaient donc dirigées habituellement par un corps de pasteurs, institués par l’Apôtre ou par son disciple. Le fondateur ou son délégué en gardait du reste l’administration souvcraine.

C. PniLiri’ES ET Thessalomque ont aussi leurs pasteurs (/^//(V., i, 1 ; I Thess., v, 12) « qui les intruisent, étant leurs préposés dans le Seigneur ».

D. CoRiNTUE. — Trois documents du i’^'" siècle nous donnent de précieux renseignements sur les origines historiques de cette église : ce sont les deux épîtresde S. Paul et la (première) lettre de S. Clément de Rome aux Corinthiens. Celle-ci, écrite moins de trente ans après la mort de S. Paul, attribue formel-UMuent l’organisation ecclésiastique aux Apôtres. Dans celles-là, les critiques soi-disant indépendants se vantent de trouver la preuve « d’une démocratie

5C 1763

EYEQUES

1764

complète sans la moindre trace d’une organisation gouvernementale », la preuve de l’inspiration privée, de la « liberté individuelle sans aucune règle, ni autorité ». L’étude de ces documents est donc particulièrement instructive. Il est très intéressant de connaître l’état primitif de cette église de Corintbe, qui ne fut ni une des moins importantes, ni une exception parmi les communautés fondées par l’Apôtre des gentils.

a) S. Paul ne fait aucune mention d’évéques, de prêtres ni de diacres. Ce n’est pas une preuve suffisante pour prétendre qu’il n’y en avait pas. L’argument ex silentio n’a de valeur qu’après qu’il a été prouvé que mention aurait dû être faite de ces dignitaires, au cas où il y en avait. Nous fondant sur le procédé de l’Apôtre, nous pensons qu’ici comme ailleurs il avait institué des prêtres avec des diacres pour diriger la communauté. Du reste un document autorisé, la lettre de S. Clément, l’établira à toute évidence. (Voir b.)

Les « charismes » (I Cor., xiii-xa) n’excluent pas la hiérarchie. Ni le don des langues, ni celui d’intei-prétation, ni laa prophétie », niaucun autre desdons si variés de l’Esprit-Saint ne sont en contradiction avec la charge pastorale.

Prenons en effet le charisme que l’Apôtre considère comme le plus digne (I Cor., xiv), le charisme de la prophétie, doù les critiques libéraux prétendent déduire l’absence d’autorités religieuses. D’après l’épître, il consiste à édifier, à consoler et à exhorter les fidèles, à convertir les infidèles frappés d’étonnement par la faculté de lire le secret des cœurs, de remuer les derniers replis des consciences (ib., i, 24. 25). Ceux qui en étaient doués pouvaient prendre librement la parole dans l’assemblée. En tout cela il n’y a rien qui exclue les pasteurs chargés de la direction, de la i>rédication et de l’administration des sacrements.

Nous en avons la preuve dans le contexte même. L’Apôtre ne se fait pas faute de légiférer pour le bon ordre : il trace des règles pour l’usage des charismes mêmes et pose des lois à l’effusion des dons de l’Espril-Saint. « Quand vous vous assemblez… que tout se fasse pour l’édification. S’il y en a qui parlent des langues (étrangères), que deux seulement parlent, ou au plus trois, et à tour de rôle ; et qu’un seul interprète (c’est-à-dire traduise). S’il n’y a point d’interprète, que chacun se taise. Quant aux prophètes, que deux ou trois parlent et que les autres jugent. Que s’il survient une révélation à quelque autre de ceux qui sont assis, que le premier se taise ; car vous pouvez tous parler en prophétie l’un après l’autre, afin que tous entendent des paroles instructives et édifiantes. » (xi, 26-81.) « Mes frères, employez tout votre zèle à prophétiser, n’empêchez point de parler des langues. Mais que tout se fasse décemment et avec ordre. » (xi, 89-40.) « Que les femmes se taisent dans les assemblées, car il ne leur convient pas de parler. » (xiv, 84.)

Nous reviendrons sur les « Apôtres », les

« prophètes » et les « docteurs » de I Cor., xii, 28.

(Voir F.)

Il nous semble du reste que cette épître mentionne la hiérarchie sous le nom de otooîîwai. Aux charismes du Saint-Esprit elle compare et oppose la Aariété des ministères du Seigneur. « Il y a diversité de dons, mais un seul Esprit, comme il y a diversité de services, mais un seul Seigneur. » (I Cor., xii, 4-5.) Le Seigneur, c’est Jésus ; car il se trouve placé entre Dieu le Père, qui gouverne le monde par la diversité des opérations, et le Saint-Esprit qui sanctifie l’Eglise par la diversité des charismes ; de plus, dans le contexte on lit : « Jésus est (le) Seigneur » (8-6). Ces

fonctions diverses sont donc les divers degrés de l’organisation ecclésiastique.

En outre, S. Paul fait cette recommandation finale :

« ""ous connaissez la famille de Stéphanas, qu’elle

est les prémices de l’Achaïe et qu’ils se sont dévoués au service des saints. Montrez de la déférence à ces personnes-là et à quiconque travaille et peine avec eux. » Il se réjouit de la présence de Stéphanas, de Fortunat et d’Achaïque, parce qu’ils ont achevé l’œuvre de la formation chrétienne à Corinthe, qu’ils ont par là fait du bien à lui-même comme aux autres. Quand on met en regard les recommandations faites aux Thessaloniciens, I Thés., v, 12, à Tite laissé en Crète, I, 5, et surtout ces paroles de la lettre de S. Clément :

« Les Apôtres établirent dans les villes et les bourgs

leurs prémices comme prêtres et diacres de ceux qui allaient embrasser la foi » (xlii, 4), on est bien en droit de considérer Stéphanas et ses compagnons comme des pasteurs de l’Eglise de Corinthe.

Enfin, l’Apôtre revendique hautement pour lui-même l’autorité et la juridiction sur la comnmnauté. A plusieurs reprises il parle de ses commandements (I Cor., vii, 6, 17 ; XI, 17, 34 ; xvi, 1) : « Je mettrai ordre à tout le reste lors de ma visite. » En livrant un grand pécheur à Satan par la puissance du Seigneur Jésus, il exerce le pouvoir disciplinaire (iv, 21). La seconde lettre prend le même ton d’autorité : « Si je reviens, je n’userai pas d’indulgence. » (xiii, 2.) « Je vous écris de loin pour que je ne doive pas user de rigueur lors de ma venue, selon la puissance que le Seigneur m’a confiée pour l’édification et non pour la destruction. » (xiii, 10.)

Si bien que, dans cette fameuse épître aux Corinthiens, qui exalte le plus l’utilité et la dignité des charismes, S. Paul fait le mieux voir qu’il est le chef des fidèles, muni de pouvoirs suffisants pour ])unir toute insubordination (11% x, 4-6) ; ordonnant et dirigeant toute la vie religieuse et ecclésiastique avec une souveraine autorité comme « Apôtre » (l" et II’, I, 1), comme a légat du Christ » (II*, v, 20).

Les dons spirituels n’excluent donc aucunement l’organisation hiérarchique.

h) Et, de fait, l’antiquité nous a transmis et conservé un témoignage clair et irrécusable de l’institution d’un clergé par les Apôtres à Corinthe comme partout ailleurs, la lettre de l’église de Home à celle de Corinthe (I^ démentis), document officiel du premier siècle, dont on ne saurait exagérer l’importance. C’est la première constitution émanée de Rome, trente ans à Ijeine après la mort des Apôtres SS. Pierre et Paul, alors que vivaient encore nombreux les témoins de leur enseignement et de leurs actes. Elle établit péremptoirement l’apostolicité de la hiérarchie et le principe de l’organisation ecclésiastique.

Les fidèles de Corinthe s’étaient soulevés contre leurs prêtres et les avaient démis de leurs fonctions. C’était une occasion et une nécessité de déterminer les rapports entre la communauté et ses supérieiu’s, de rappeler la source et la natm-e de l’autorité de ces derniers La lettre n’y manque point.

« Les Apôtres, envoyés par le Seigneur Jésus-Christ, 

nous apportèrent l’Evangile : Jésus-Christ a été envoj-é par Dieu. Le Christ est doc l’envoyé de DiEr, LES Apôtres sont ceux du Christ ; l’une et l’autre mission se tirent donc régulièrement de par la volonté de Dieu. (C est le droit divin.) Après avoir donc reçu leurs instructions… ils s’en allèrent porter la bonne nouvelle de la venue du royaume de Dieu. Par conséquent, prêchant dans les bourgs et les

villes, ILS ÉTABLIRENT LEURS PREMIERS DISCIPLES… PRÊTRES ET DIACRES DES FUTURS FIDELES (xLIl). (C’CSt

la fondation et l’organisation de r Eglise par les Apôtres.)… Nos Apôtres connurent par Notre-Sei17(35

EVÉQUES

1766

gneur Jésus-Christ, que des divisions éclateraient au sujet de la dignité presbytérale. C’est pourquoi, doués d’une prescience parfaite, ils instituèhent les SUSDITS (les prêtres), et exsuite établirent ex règle que, quand ils (les Apôtres) mourraient, d’autres honiiues éprouvés leur succédassent dans leur fonction. (C est la doctrine de la succession apostolique.) Ceux donc qui furent établis par eux ou après, par d’autres hommes illustres, avec l’approbation de toute l’Eglise… ne peuvent, nous le pensons, être démis de leurs fonctions sans injustice. » (xlii, xliv.)

Il est donc incontestable : i° « jue l’organisation de l’Eglise, en principe, repose sur le droit divin par la mission des Apôtres de Jésus-Christ ; a" que les Apôtres, dès les origines, ont établi une liiérarchie dans chaque communauté ; 3" que celle-ci comj)renait au sein de la communauté les prêtres et les diacres ; /J" que la hiérarchie de l’Eglise avt.it trois degrés, celui des Apôtres, celui des prêtres ou pasteurs, et celui des diacres.

A notre avis, le principe de la succession et de la transmission des pouvoirs apostoliques est également proclamé. Néanmoins, dans cette interprétation, les auteurs ne sont pas d’accord : à jjremière vue la phrase paraît ambiguë et peut prêter à confusion. S. Clément dit littéralement : Les Apôtres, prévoyant des faits comme ceux de Corinthe, « instituèrent les susdits (prêtres et diacres) et ensuite statuèrent que quand //s mourraient, d’autres hommes éprouvés recueillissent leur fonction : iàv y.'^iij.rfiCjziv Siy.Sz(oivTv.i

Quels sont ceux dont on prévoit la mort et par suite la succession ouverte '.* Sont- ce les Apôtres ou les prêtres ? Grammaticalement, ce peuvent être ceuxci aussi bien que ceux-là. Les mots « leurs fonctions » ne sont pas plus clairs. Apôtres et prêtres occupent une /£(Tov/î/ta. « Hommes éproués » les successeurs des uns et des autres doivent l'être. Il faut donc s’en référer au contexte.

Manifestement, les Apôtres furent préoccupés de la nécessité de mettre l’autorité des pasteurs au-dessus de toute contestation. Pour ceux qu’ils établirent eux-mêmes, pas de doute possible sur leur légitimité ; mais pour la suite il fallut un statut : « ensuite ils statuèrent qu'à leur mort… » La mort à prévoir, ce n’est pas tant celle des pasteurs, puisque les Apôtres sont là pour en établir d’autres en leur lieu et place, mais c’est celle des Apôtres, sources du pouvoir ecclésiastique. A la mort des Apôtres, qui leur succédera ? S’ils ont des successeurs, l’autorité ecclésiastique est assurée x>oiir l’avenir ; s’ils n’en ont pas, elle est tarie dans sa source. « Ces hommes éprouvés », qui n’ont pas encore de titre spécial, sont donc les successeurs des Apôtres. Dès lors que les Apôtres se sont assuré des successeurs, aucune contestation n’est possible sur la légitimité des pasteurs établis successivement dans les diverses églises.

Non seulement l’enchaînement des idées dans le contexte, mais aussi la conclusion que Clément luimême formule si nettement, font voir la justesse de notre inter[)rétation. « Ceux donc qui lurent établis par les Apôtres ou ensuite par d’autres hommes illustres… ne sauraient être démis. » Il s’agit uumifestement de la source même du pouvoir presljytéral : des prêtres de Corinthe, les plus anciens sont encore de création ajxjstolique, les autres établis depuis sont tout aussi légitimes et aussi inamovibles parce que institués ensuite par les successeurs des Apôtres.

Ces successeurs, observons-le, ne portent pas encore le nom d'évêques ; la lettre ne sait pas les désigner d’un nom propre : ce sont des « liommes illustres ». Il ne semble pas non i)lus qu’ils occupent un

siège épiscopal, la plupart étant sans doute missionnaires comme les Apôtres. Mais du reste le dogme de la succession apostolique est clairement énoncé.

« Des contestations contre l’autorité des prêtres arriveront nécessairement. L^ Apôtres y ont pourvu.

Après avoir établi eux-mèities les prêtres, ils n’ont pas manqué ensuite de se donner des successeurs avant de mourir : c’est pourquoi les prêtres établis par eux et ceux établis ensuite par ces successeurs ne sauraient être destitués. »

Il est superflu d’insister sur l’absolue certitude de l’existence d’un clergé à Corinthe dès les temps apostoliques. Les preuves abondent dans la lettre. Quoique la fondation de cette église ne datât pas d’un demi-siècle, depuis longtemps, m/ycZi ypd.'-iiç, les prêtres y exerçaient le ministère et plusieurs d’entre eux étaient déjà morts (xliv). « Chefs des âmes des iidèles » (lxiii), ils gouvernaient le troupeau du Christ conlic à leurs soins, prêchaient la doctrine du salut

! et offraient le sacrifice à Dieu (xliv).

Y avait-il un éêque à Corintiie ? Nous ne le pensons pas. Il s agit de hiérarchie dans toute la lettre ; elle y est considérée sous bien des aspects, et pas une seule allusion à l'évêque. « Soyez soumis à vos prêtres », est-il dit ; mais non pas : « Soyez soumis à votre évêque. »

Plusieurs auteurs croient trouver le triple degré de la hiérarchie au chapitre xl : « Au grand prêtre ont été confiées des fonctions propres, aux prêtres, Tcîç Upîij71-j, a été assignée leur place propre, aux lévites incombent des services propres. » Mais les termes employés et le contexte (xli) indiquent clairement que S. Clément a en vue le sacerdoce juif et le temple de Jérusalem.

N’allons pas oublier cependant que les prêtres et les diacres de l’Eglise étaient établis par les successeurs des Apôtres, ce qui nous donne les trois degrés.

E. Disciples de l’Apôtre. — On ne saurait faire l’histoire de l'épiscopat sans consacrer un paragraphe aux disciples de S. Paul.

Dans ses courses apostoliques, le maître était toujours entouré d’un essaim de disciples, qu’il appelait « ses chers tils, ses coopérateurs, ses coserviteurs dans le Christ, ses collègues, ses aides, ses compagnons d’armes »,

Jean Marc, Silas, Timothée etTite ont été des premiers à l’assister dans la prédication de l’Evangile. Les Actes des Apôtres et les Epîtres nomment encore Gaïus de Derbé, Aristarque de Thessalonique, Sopater de Bérée, Tychique et Trophimede la province d’Asie, Luc, Dénias, Epaphras de Colosses, Clément, Lin, Jésus le Juste, Caïus de Corinthe, Artémas, Soslhène, Epaphrodite, Philémon, Archippe, Crescens, et d’autres. Un grand nombre suivaient lidèlement l’Apôtre, quelques-uns résidaient dans une église.

S. Paul leur confiait aussi des missions et en faisait ses délégués aux chrétientés. Ainsi, de bonne heure il députa Timothée aux fidèles de Thessalonique, comme un ministre de Dieu dans l’Evangile, pour les affermir dans la foi (I TJiess., iii, 2, 3) ; il l’envoya aux Corinthiens « pour leur rappeler la doctrine de son maître dans le Seigneur, selon ce qu’il enseigne dans toutes les églises » (I Cor., iv, !  ;), car TimothécH faill'œuvre de Dieu comme lui » (xvi, lo) ; il le délégua encore à Pliilippes (P/iit.. ii, 19 ss.).

Grâce aux épîtres pastorales, nous connaissons la nature de ces missions et la dignité de ces envoyés. Il est certain que Tite et Timothée avaient re(, u la plénitude de l’Ordre, puisqu’il leur est enjoint d’achever l'œuvre d’organisation et de créer des pasteurs et des diacres (I Tim., iii, i ss. ; v, 17-22 ; Tit., i, 5 ss.). 1767

EVÉQUES

1768

Tychique, « fidèle ministre et coserviteur dans le Seigneur s (Col., iv, 7-8 ; Epli., vi, 21-22) remplaça Timothée à Eplièse (II Tim., ix, 12) ; le même ou Alternas aura relevé Tite de son poste (Tit.. III, 12) : encore deux délégués revêtus du pouvoir épiscopal.

Silas ou Silvain occupe une place éminente. « Prophète » de l’église de Jérusalem (Act., xv, 22, 82), il devint, en remplacement de T Apôtre Barnabe, le compagnon de Aoyage de S. Paul. Puisqu’il a coopéré à fonder les églises, il a eu le pouvoir d’organiser et d’imposer les mains (Act., xv, 40 ; xvi, 19, 26, 2g ; xA’ii, 4, 10 ; I et II Thess., i, i ; Il Cor., i, 19). Plus tard il s’est attaché à S. Pierre (IPetr., v, 12).

Lin et Clément (II Tim., iv, 21 ; Pliil., iv, 5) occupèrent successivement le siège de Rome, comme nous allons le voir. On peut bien admettre qu’ils avaient déjà reçu l’épiscopat du vivant des Apôtres.

Epapliras, ami de S. Paul, fonda les églises de Colosses, de Laodicée et d’Hiérapolis (Col., i, 7 ss. ; iv, 12-.’3) : il n’aurait pu organiser ni ordonner des prêtres s’il n’avait reçu la plénitude de l’Ordre. Archippe (Col., IV, l’j ; Philem., i) était peut-être revêtu de la même dignité.

Y a-t-il des raisons de croire qu’après le martyre de leur maître, Timothée soit devenu évêque d’Ephèse et Tite en Crète ? Ils ne l’étaient pas de son vivant, nous l’avons monti’é ; et les conjectures de l’historien EusÈBE (//. E., III, IV, 3) ne sullisent pas pour établir qu’ils l’aient été jamais. Leur histoire finit avec les Pastorales. Peut-être ont-ils continué, à l’exemple de l’Apôtre, à fonder de nouvelles chrétientés.

Un écrivain très instruit du 11’siècle, Denys, évêque deCorinthe, rapporte vers 170 que Denys l’Aréopagite fut le premier évêque d’Athènes aux temps apostoliques (Eusèbe, //. E., III, iv, 11 ; IV, xxiii, 2-3). C’est un témoignage autorisé d’un fait public et facile à constater, rendu un siècle après ; on n’y découvre aucun motif d’erreur. Il est raisonnable de l’admettre.

Disons-en autant de celui d’ORiGÈXE qui atteste, d’après une « ancienne tradition », que Caras, l’hôte de S. Paul à Rome (Rom., xvi, 28), devint le premier évêque de Thessalonique (Comment, in ep. ad Boni., X, xLi). Nous ne savons à quel moment.

F. « Apôtres, Prophètes et Docteurs ». — Ce sont des personnages très intéressants : qui sont-ils ? Lisons d’abord les textes qui les concernent. (Pour les Apôtres, voir l’article de ce Dictionnaire.)

A Antioche, tout à l’origine, on trouve des prophètes et des docteur s, Tip’j-f7, - : c/.i /.où ôtôàjzK/st, parmi lesquels Barnabe et Saul ; is célèbrent la liturgie et imposent les mains à ceux-ci, parce que l’Esprit-Saint les destine aux missions (Act., xiii, i-3 ; cf. xv, 22, 82).

S. Paul leur reconnaît une situation tout à fait éminente.

« Dieu établit dans son Eglise premièrement

des Apôtres, secondement des prophètes, troisièmement des docteurs, puis des forces, ensuite des charismes. .. » (I Cor., XII, 28.) — « Jésus-Christ a fait les uns Apôtres, les autres pro/ ?/iè/es, d’autres és’angélistes, d’autres pasteurs et docteurs… pour l’œuvre du ministère et l’édification du corps du Christ », c’est-à-dire pour l’Eglise (£/ ?/(., iv, 11). — Les fidèles sont édifiés sur le fondement « des Apôtres et prophètes » (ib., II, 10) ; la vocation des Gentils « fut révélée en esprit aux Apôtres et prophètes de Jésus » (ib., iii, 5).

Mais surtout la Didachè (x, 7), ce petit manuel du chrétien datant du premier siècle, revendique pour les prophètes la liberté de célébrer l’Eucharistie selon leur dévotion, privilège que S. Justin reconnaît au

« président des chrétiens » (I Apol., lxxvii) ; elle établit

leur grande autorité et leur droit à un entretien très large (xi, ’j-xii ; xiii) ; elle les proclame les grands

prêtres des chrétiens (xiii, 3) ; elle laisse entendre qu’ils sont estimés plus haut que les prêtres et les diacres et leur assigne les mêmes fonctions (xv, 2) : ’( Choisissez-vous donc (en vue du sacrifice eucharistique du dimanche) des prêtres, èrydzorij ; , et des diacres dignes du Seigneur, des hommes doux et désintéressés et véridiques et éprouvés ; car ils accomplissent pour vous eux aussi le ministère, tWj juTojpyiv.j, des prephètes et docteurs. Ne les méprisez pas : car ils sont vos dignitaires, avec les prophètes et docteurs. »

Distinguant ces prophètes revêtus d’un caractère sacré d’avec ceux qui sont « prophètes » simplement parce qu’ils ont le charisme de la prophétie, c’est-à-dire de la prédication (I Cor., xiv, 28 ss.), nous pensons que ces prophètes-là sont des évéques missionnaires. C’est la clef pour interpréter les divers passages cités.

Avec la. Didachè, distinguons le clergé missionnaire et le clergé local. Celui-ci comprend les iTriVjîsrit-T : p- : 718 :.T-p’yi, prêtres ou pasteurs, et les diacres. Celuilà, composé des Apôtres, des prophètes et des docteurs, s’en va non seulement fonder de nouvelles chrétientés, mais aussi visiter et édifier les communautés existantes. Les Apôtres sont notamment les Douze, auxquels il faut adjoindre Paul et Barnabe, spécialement appelés pour remplacer les deux Jacques (Act., xiii, 2-4 ; xiv, 6, 18) ; les prophètes sont évêques et les docteurs vraisemblablement prêtres.

Le « prophète » en effet vient en dignité au second rang, immédiatement après l’Apôtre ; il a le pouvoir d’ordonner, il est grand-prêtre, il jouit de la plus haute considération parmi les fidèles, étant plus estimé que les prêtres, il est même l’égal de l’Apôtre, car l’Eglise repose sur les deux à la fois.

Quant aux évangélistes, on peut croire qu’ils furent aussi des évêques missionnaires, puisqu’ils se placent entre les prophètes et les pasteurs et que Timothée fait œuvre d’évangéliste (II r/Hi., iv, 5.Cf. yic^, xxi, 8).

En confirmation de tout ceci, on peut lire le xxxvii= chapitre du 1, 11° livre de l’Histoire ecclésiastique d’EusÈBE.

CoxcLUsiox sur l’œuvre d’organisation de saint Paul. — Dès sa première mission en compagnie de Barnabe, aussi bien que dans son second voyage avec Silas et toujours dans la suite, S. Paul organisa les communautés qu’il fonda, et y établit un collège de prêtres assisté de diacres pour les besoins du culte, pour l’Eucharistie, la prédication et la direction du troupeau du Christ. Généralement il choisit le clergé parmi les premiers convertis.

Quand il dut quitter avant d’avoir pu achever l’organisation, il laissa ce soin à un de ses disciples muni des pouvoirs nécessaires.

Pour lîourvoir aux nécessités ecclésiastiques qui réclamaient l’autorité apostolique, il multipliait ses visites personnelles, ou déléguait en son lieu et place un disciple revèlu des pouvoirs épiscopaux.

Il garda ses églises sous sa juridiction immédiate (II Cor., XI, 28), n’y établissant pas d’évêques de son vivant. Pour plusieurs, cette situation se prolongea jusqu’au 11’siècle.

Néanmoins il avait pourvu à la succession du pouvoir apostolique, source du ministère chrétien. A cet effet, il avait, par l’imposition des mains, communiqué la plénitude de l’Ordre à des disciples éprouvés et illustres ; de plus, il avait statué qu’à sa mort, sa mission, son ministère leur serait dévolu. Aussi quelques-uns d’entre eux fixèrent aussitôt leur siège épiscopal, comme Denys à Athènes et Caïus à Thessalonique ; d’autres continuèrent à prêcher l’Evangile 1769

ÉYÈQUES

1770

aux infldèles, à fonder et à organiser de nouvelles églises.

III. S. Pierre. — A. Eglises d’Asib Mineure. — L’épître de S. Pierre aux églises d’Asie Mineure atteste la même organisation. « Je conjure les prêtres qui sont au milieu de vous, moi leur collègue… Paissez le troupeau de Dieu confié à’os soins…, sojez les modèles du troupeau, et à la venue du clief des pasteurs, vous recevrez la couronne de gloire immortelle. » (I Petr., v, i sqq.) A la tête de ces églises se trouvaient établis des prêtres tenant la place de Dieu ; chacune avait ses pasteurs propres. Aucune mention d’évêque. S. Pierre est leur supérieur.

B. Rome. — Comme ce sont les Apôtres Pierre et Paul qui fondèrent l’église de Rome, nous devons bien admettre qu’elle était organisée. D’ailleurs souvenons-nous du témoignage irrécusable de l’épître de S. Clément aux Corinthiens. Au chapitre suivant, nous traiterons de i’évêque de Rome.

Le Pasteur d’HEUMAS, écrit à Rome dans la première moitié du ii’siècle, nomme « les chefs de l’Eglise » (Vis., II, 2, 6 ; 111, 9, 7)’" ^^^ rp7îvT£/ ;  ; t qui gouvernent l’Eglise » (Vis., 11, 4) ; « les Apôtres et les docteurs » qui propagent l’Evangile (V/m., ix. 15, 4 ; 16, 5 : af », 2) ;

« les Apôtres et les iriTziritet les docteurs et les diacres

» (Vis., iii, 5, i) ; « les l7 : (>zsro « pasteurs » (Sim., IX, 27).

IV. L’Apôtre S. Jeax. — Le nom de l’Apôtre Jean occupe une place importante dans l’histoire de l’épiscopat. Non seulement son Apocalypse est le plus ancien écrit qui fasse mention d’évéques dirigeant une église en qualité de pasteurs, mais encore son activité apostolique, selon des traditions dignes de foi, se porta, au moins durant la dernière période de sa vie, sur l’érection de sièges épiscopaix dans les villes d’Asie Mineure.

Au retour de son exil à Patmos après la mort de Domitien, il se fixa à Ephèse, où il vécut jusqu’à un âge très avancé ; il y mourut vers l’an io3, sous le règne de Trajan.

A. Ses écrits, i. L’Apocalypse. — L’introduction de cette Révélation, écrite à Patmos, comprend la vision sur les sept églises d’Asie Mineure : Ephèse, Smyrne, Pergame, Thyatire, Sardes, Philadelphie et Laodicée. Sept lettres sont successivement adressées à l’ange de chacune de ces églises (i-ni).

Qui sont ces anges ? Sont-ce les esprits célestes protecteurs, ou peut-être la personnification de la communauté, ou ne sont-ce pas plutôt les gardiens visibles, les pasteurs en chef, les évcques ?

D’abord, ce ne sont pas les anges gardiens, car aux éloges adressés à ces anges sont mêlés des ])làmes, des exhortations et des menaces, ce qui ne peut aucunement convenir aux esprits célestes. En outre, dans l’Apocaljpse, les visions divines sont manifestées à S, Jean par les anges, et non pas inversement.

Ensuite, les anges ne sont pas les sjinboles des églises, car eux-mêmes sont sj-mbolisés par « les sept étoiles » que Jésus porte dans sa main, de même que les églises sont déjà symbolisées par les chandeliers, entre lesquels il se promène. Comme les chandeliers et les étoiles sont distincts, ainsi, les églises et leurs anges. Les anges sont les pasteurs en chef, vraiment envoyés du Seigneur, au sens premier du mol y//î/î(, qui brillent comme des astres dans les communautés. Peut-être les évêques n’avaient-ils pas encore le titre d’sTTiTzirîj à ce moment.

Enfin il semble que l’on connaisse même le nom d’un d’entre eux, Zoticus. nom d’homme. S. Jean écrit à l’ange de Sardes : « Tu as nom que tu vis cl lu es

mort » : allusion au nom de ^wrtxor, Vitalis, Vital, venant de ^k’w, vivre.

2. Troisième épître. — Diotrèphes, qui aime à dominer sur les fidèles et « ne reçoit pas » S. Jean, pourrait bien être un évêque. Son autorité est telle en effet qu’il peut empêcher l’église de prendre connaissance des lettres de l’Apôtre et de recevoir les frères, qu’il a le pouvoir de « chasser de l’église, iy.rf, ihy.)T, 7(v.i, ceux qui veulent exercer l’hospitalité ».

B. Tradition historique.

Mais de quel droit considérer Diotrèphes et les anges des sept églises comme des évêques proprement dits, plutôt que comme des présidents du collège presbytéral, puisque nous n’avons pas encore établi qu’à cette époque il y avait des sièges épiscopaux dans ces églises ? C’est que nous savons pertinemment que S. Jean a établi des évêques dans les villes d’Asie Mineure tandis qu il résidait à Ephèse. Ce fait est avéré par une tradition sûre et certaine, et par l’existence de nombreux sièges épiscopaux en cette province dès le début du ii siècle.

1. S. Ignace d’Antioche atteste, en 107, que Polycarpe était évêque de Smyrne, Onésime dEphèse, Damas de Magnésie, Polybe de Tralles ; quePhiladeljihie avait le sien. Aux fidèles de cette ville, il parle avec éloge « des églises qui avaient envoyé leiu- évêque » à Antioche en Syrie (Philad., x, 2). C’est un principe pour lui que « sans I’évêque. les prêtres et les diacres, il n’y a pas d’église », et il sait que les fidèles pensent de même (Trall., iii, 1-2).

Comme la plupart des églises d’Asie Mineure, sinon toutes, avaient des sièges épiscopaux tout au commencement du 11° siècle, il faut bien admettre que ces sièges pouvaient exister déjà dix à vingt ans plus tôt, à savoir du vivant de l’apôtre S.Jean. Il suffit de lire les lettres de S. Ignace pour se coua aincre que cette hiérarchie ne datait pas de la veille, qu’on ne venait pas d’innover.

2. S. Irénée rapporte que son maître Polycarpe fut établi sur le siège épiscopal de Smyrne par les Apôtres :

« Polycarpe, non seulement fut instruit (dans

la foi) par les Apôtres, … mais même il fut établi évêque de l’église de Smyrne par les Apôtres. » (Adv. Hær., III, m. 4.) Ce pluriel « les Apôtres » semble une figure de style pour le singulier.

Tertullien, quand il en appelle aux églises apostoliques, qui peuvent <( dérouler l’ordre de leurs évêques en une succession ininterrompue depuis le commencement, à partir du premier évêque établi par un des Apôtres », allègue comme exemple « l’église de Smyrne, qui attribue à Jean l’institution de Polycarpe » (De Præscript., xxxii).

Parmi les évcques créés par Jean, citons encore Papias, évêque d’Hiérapolis en Phrygie. Il fut contemporain d’Ignace d’Antioche et de Polycarpe de Smyrne (EusÈBE, //. E., III, xxxvi, 2). Irénée atteste qu’il fut discii)le de Jean et ami de Polycarpe, qu’il fut » homme

ancien », IIkTTik ; Iwawo-j fxi-j ww^ttï ;  ; , Ilî/uzaorîv 6î ïry.ia’, : ,

yv/o-j(.'>i, v.pyy.t’^i v.v/ip (Adv. Hær., V, xxxvi, 4). On peut raisonnablement supposer qu’il fut. lui aussi, établi sur le siège d’Hiérapolis par Jean son maître.

3. Vers 180, l’auteur du fragment de Mitratori a mis par écrit une très ancienne tradition, probablement celle de l’église de Rome. Elle confirme ce que nous savons au sujet de l’activité apostolique de S. Jean. Voici comment l’origine du quatrième Evangile y est racontée : « L’auteur du quatrième Evangile est Jean, un des disciples. Pressé par ses collègues et ses évêques, eps suis, il dit : Commençons ensemble un jefine de trois jours ; et communiquons-nous ce qui sera révélé à chacun. La même nuit, il fut révélé à André, un des Apôtres, que Jean écrirait tout, en son nom personnel, mais sous les yeux de tous. » 1771

EVÊQUES

1772

Ainsi cette tradition savait que Jean était entouré

d’évcques. I.e sigle eps est mis pour episcopis ; quelques lignes plus loin il revient pour Pie, évêque de Rome. Pourquoi les évêques sont-ils nommés «. ses évêques. episcopissuis », sinon parceque Jean les avait institués. Qu’on ne nous oppose pas que certains détails du récit semblent légendaires, car il reste toujours vrai que, dès le ii’siècle, on se représentait S. Jean entouré d’un grand nombre d’évêques au moment où il composait son Evangile.

4. Clément d’Alexandrie nous fait connaître l’Apôtre S. Jean comme organisateur et créateur de sièges épiscopaux (Quis dii-es sah-etur, ^2 ; Eusèbe, //. /i., III, XXIII, 3-4) : « C’est une tradition au sujet de Jean l’Apôtre, dont le souvenir s’est conservé. Après la mort du tyran, il revint de l’île de Palmos à Ephèse. Quand on l’y invitait, il se rendait aussi dans les pays environnants, au milieu des Gentils, pour v établir des évêques, y fonder des églises, y recruter le clergé parmi ceux que l’Esprit-Saint désignait. Un jour, dans une ville peu distante dont on cite même le nom, il recommanda spécialement un jeune homme à Vés’éque chef de cette église… »

Le témoignage de Clément est de grande valeur, car cet écrivain était très versé dans la connaissance de la tradition. Voici en quels termes il professe, dans le premier livre des Stromates, son admiration et son estime pour les maîtres dont il avait reçu sa science théologique : « Parmi les hommes dont il me fut donné d’entendre les leçons, … un premier. Ionien, originaire de la Célésyrie, hal)itait la Grèce ; un autre, d’origine égyptienne, l’Italie ; deux autres étaient d’origine orientale, soit de l’Assyrie et du fond de la Palestine… Gardant le dépôt de la vraie doctrine et la tradition reçue directement des saints Aiiôtres, Pierre et Jacques, Jean et Paul, ils arrivèrent jusqu’à nous, avec l’aide de Dieu, pour nous transmettre cette semence traditionnelle et apostolique. « (Euskbe, //. ZT., V, XI.)

Si ces maîtres de Clément ont pu lui transmettre fidèlement la doctrine traditionnelle qu’ils gardaient avec un soin jaloux, il ne leur a pas été dillicile de l’instruire de l’organisation établie par les Apôtres. L’institution des évêques par S. Jean était un fait public dont le souvenir était très facile à conserver et dont, à cette époque, l’exactitude était aisée à contrôler. D’une part, Clément comptait parmi ses maîtres un Ionien de la Célésyrie, qui pouvait le renseigner sur la tradition d’Asie Mineure ; d’autre part, Jean est cité nommément parmi les Apôtres dont il avait appris les traditions par l’intermédiaire de ses maîtres.

5. D’après Tertcllien, c’était un fait universellement reconnu de son temps que S. Jean fut le fondateur des sièges épiscopaux dans les églises qu’il dirigea :

« Nous avons encore les églises instruites par

Jean. Que Marcion rejette son Apocalypse, toujours est-il qu’en reconstituant la succession des évêques jusqu’aux origines on établit que Jean en est le fondateur. Habemus et Joannis alumnas ecclesias. Nam etsi Apocalypsin ejus Marcion respuit, ordo tamen episcoporum ad originem recensus in Joannem stabit auctorem. >< (Adv. Marc, IV. v.) Nous avons déjà allégué du même écrivain l’exemple de Smyrne, dont le premier évêque, Polycarpe, fut établi par S. Jean.

Concluons. L’apôtre S. Jean consacra les dernières années de sa vie à l’organisation ecclésiastique. II est historiquement prouvé qu’il donna un évêque à un grand nombre de villes en Asie Mineure,

On peut le considérer comme le principal auteur des siÈGBS épiscopaux.

§ III. — Les listes épiscopales

« depuis les Apôtres » 

Quatre catalogues donnent la succession des évêques sur les sièges de Rome, d’Antioche, d’Alexandrie et de Jérusalem, depuis la fondation de ces églises aux temps apostoliques. Ce sont des documents de la plus haute importance pour les origines de l’épiscopat. Il est absolument requisdeserendrecompte (le leur valeur historique. Si ces listes sont sûres, elles fournissent une preuve nouvelle et péremptoire en faveur tie l’institution apostolique de l’épiscopat.

I. Rome. — La plus ancienne liste des évêques de Rome qui nous soit parvenue, est celle de S. Irknkb. Elle se trouve insérée dans son grand ouvrage Contre les Hérésies, III, iii, écrit vers 180, sous le pontificat d’Eleuthère (i-5-18g).

Voici cette liste qui fut ensuite reprise par Eusèbe, //. E., V, VI. Elle présente la série des noms, sans données chronologiques, sans indication de la durée des épiscopats : « Après avoir fondé et organisé l’église (de Rome), les bienheureux Apôtres (Pierre et Paul) transmirent à 1° Lin la charge de l’épiscopat. C’est de ce Lin que Paul fait mention dans les épîtres àTimothée. A Lin succède 2° ^ « eHc/ef ; après celui-ci et en troisième lieu depuis les Apôtres, l’épiscopat échoit à.3° Clément, qui avait connu les Apôtres. Comme il avait vécu avec eux, leur prédication retentissait encore à ses oreilles et leurs actes étaient présents à ses yeux. Et ce n’était du reste pas le dernier (témoin de l’âge apostolique) ; car, même à cette époque, vivaient encore plusieurs disciples immédiats des Apôtres. Sous ce Clément, et à l’occasion d’une

i grave sédition parmi les lidèles de Corintlie, l’église de Rome adressa aux Corinthiens une lettre de recommandations pressantes pour les ramener à la con-I corde… A Clément succède 4° £"*’ « //. « / ?, à Evariste sucj cède 3° Alexandre. Ensuite vient G° Sixte, le sixième j successeur des Apôtres. Puis successivement 7° Télesi phore, qui souffrit glorieusement le martyre, %° Hrgin, 1 9° P/e, 10° Anicet et 11° Soter. Enfin 12’Eleuthère. actuellement régnant, qui, le douzième depuis les Apôtres, occupe le trône épiscopal. C’est en cet ordre et par cette succession que la vraie doctrine s’est transmise dans l’Eglise depuis les Apôtres, et que la prédication de la vérité est arrivée jusqu’à nous. » Mais si ce catalogue est le plus ancien conservé, il ne fut cependant pas le premier dressé.

Sous le même pontificat d’Eleuthère. parurent les Mémoires d’HiioÉsiPPE (Eus.. H. E., IV. xxii, 3). Malheureusement ce livre est perdu, et il ne nous en reste i que quelques extraits précieux cités par Eusèbe. Hé-I gésippe, au jugement de cet historien, était un chré-I tien de race juive. L’histoire de léglise de Jérusalem, qu’il connaissait dans ses détails depuis l’origine, devait prendre une large place dans ses écrits, à en juger par les extraits conservés. « Dans les cinq livres de ses Mémoires, quinous sont parvenus, écrit Eusèbe (//. E., IV, xxii), Hégésippe laissa un magnifique monument de sa science. Il y fait voir comment il vécut en société de plusieurs évêques, au cours de son voyage à Rome, et comment il trouva partout la même doctrine. Après quelques détails au sujet de la lettre de Clément aux Corinthiens, il ajoute ces paroles remarquables : L’église de Corintlie persévéra dans la vraie foi jusqu’à l’épiscopat de Primus. Parti pour Home, je m’arrêtai à Corintlie et j’y fis un séjour parmi les fidèles, nous édifiant mutuellement dans la vraie doctrine. Arrivé à Rome, je dressai la succession jusqu’à Anicet, dont Eleuthère était le diacre. Et Anicet a pour successeur Soter, auquel succède Eleuthère. En chaque succession (c’est-à-dire dans 1773

ÉVÉQUES

1774

chaque série d’éi’éques) et dans chaque ville, la foi est conforme à la doctrine de la Loi, des Prophètes et du Seigneur.

L’importance de cet extrait d’Hégésippe n’échappera à personne. Il y certifie formellement qu’il dressa la liste des évêques de Rome dès le pontificat d’Anicet, qui régna, à un ou deux ans près, de 155 à 166.

On a ])ien révoqué en doute l’authenticité des paroles d’Hégésippe au sujet de la liste épiscopale de Rome. Selon quelques-uns, il faudrait lire : « Stv.rptli>, v kT.oi.r.-7’y.ixYy : je fis unséjouru^, si bien qu’Hégésippe aurait parlé de son séjour à Rome, et aucunement de liste épiscopale dressée par lui. Mais il reste certain qu’Hégésippe a bien écrit : rîvsys-.î ; h Pwyyj, OMÔoyy.v t-rryir.ic/./xr.v fiéypti Avoc/iTîj, et que ces paroles doivent s’entendre de la composition d’uncatalogue épiscopal. (On peut tromer les réponses aux objections du D Harnack dans ma dissertation sur l’Origine de Vépiscopat, p. Sog.)

Hégésippe portait son attention sur l’unité de la foi. C’est pour s’édifier dans la vérité qu’il avait entrepris la visite des églises. L’intégrité de la doctrine était garantie par la succession des évêques, principalement par celle de Rome, but suprême de son voyage ; aussi était-ce auprès des évêques, qu’il s’enquérait de la foi des communautés ; dans chaque succession, auprès de chaque siège épiscopal et dans chaque ville, il retrouvait intact le dépôt de la révélation.

Les mêmes préoccupations se retrouvent chez Iré-NÉE. Comme Hégésippe, il considère les évêques, principalement ceux de Rome, comme les porteurs de la tradition divine. C’est par la succession apostolique des évêques qu’il établit l’unité et l’apostolicité de l’enseignement de l’Eglise. Voici le contexte.

« La doctrine des Apôtres est répandue dans le monde

entier, et quiconque veut connaître la vérité, peut la trouver dans toute l’Eglise. Nous pouvons énumérer ceux que les Apôtres instituèrent évêques et établir la succession des évêques jusqu’à « o « s. Aucun de ceux-là n’a enseigné ni connu de telles absurdités… Mais comme il serait trop long de donner dans ce livre le catalogue de toutes les églises, nous ne considérons que la plus grande et la plus ancienne, l’église connue de tous, fondée et organisée à Rome par les deux très glorieux Apôtres Pierre et Paul. Montrer comment l’enseignement qu’elle reçut des Apôtres et la foi qui fut annoncée aux hommes, est arrivée jusqu’à nous par la successionde ses évêques, c’est confondre tous les dissidents, n’importe lesquels… Car c’est avec cette église et à cause de son autorité prépondérante, que l’Eglise, c’est-à-dire les fidèles du monde entier, doivent être de toute nécessité en communauté de foi. En elle, les fidèles du monde entier ont gardé la tradition reçue des Apôtres. » (Adv. Hæres., III, m.)

Quelle est l’autorité historique de la listeépiscopale de Rome donnée par S. Irénce ? Le livre Contre les Hérésies fut écrit vers 180, sous le pontificat d’EIeuthère ; c’est-à-dire un peu plus d’un siècle, environ cent vingt ans, après la mort des SS. Pierre et Paul. On peut i)lacer la naissance d’Irénée vers 130, i)uisqu’il fut dans sa jeunesse le disciple de S. Poljcarpe martyrisé en 155. Son traité et les quelques extraits qui nous sont restés de ses autres ouvrages fournissent la preuve de sa grande science théologique. Avant de commencer la.réfutation de l’hérésie gnostique, il en expose longuement les divers systèmes. Il connaît bien les Saintes Ecritures ; il cite l’ancienne littérature chrétienne. Sa grande autorité est attestée par son intervention énergique au[)rès de Victor, évéque de Rome, durant la controverse pascale.

Tel est l’écrivain qiii nous garantit l’historicité de la liste romaine. Comment il la composée et à quelle

source il en a puisé les éléments, il ne le dit pas. A-t-il eu sous la main la liste d’Hégésippe ? A-t-il pris connaissance de la liste à Rome même ? Le silence de l’auteur ne nous permet pas de rien affirmer.

Un fait est certain, c’est que l’évêque de Lyon se montre très au courant des traditions, des usages et de l’histoire de l’église romaine (.-itfr. Hær., l, xxvii, 1, 2 ; III, III, 2, 3 ; IV, 3 ; Eus., H, E., , xx, coll. xv, xxix, 10 SS.). Il fait profession d’être en communauté de foi et de doctrine avec elle, et pose en principe que tous les fidèles doivent recevoir de cette église la tradition apostolique. Qui pourrait donc douter que lui-même, ayant entrepris, à la demande d’un de ses amis, de faire une réfutation solide des erreurs, ne se soit mis en peine de puiser la connaissance de la liste à une source absolument sûre ? Il a l’intime conviction que les hérétiques ne peuvent rien objecter contre la succession ininterrompue des évêques de Rome depuis les Apôtres. C’est un fait reconnu par tous à ce moment.

Objections. — Contre l’historicité de cette liste, on objecte 1° que les plus anciens écrits, notamment l’épître de l’église de Rome à celle de Corinthe, la lettre de S. Ignace aux Romains et le pasteur d’Hermas, ne connaissent pas d’évêque à Rome ; 2° que les catalogues anciens ne sont pas d’accord sur certains noms.

Réponse. — 1. A moins d’établir que la mention de la chose s’imposait au cas où elle existait, l’argument tiré du silence n’a pas de valeur probante. Toujours d’ailleurs il disparait devant des témoignages positifs. Trop souvent les conclusions qu’on en tire reposent sur une impression toute subjective. On oublie que l’auteur a eu d’autres préoccupations, qu’il a envisagé les choses à un autre point de vue, qu’il ne veut ni ne peut tout dire.

Ici même, quelle preuve, dans la lettre de S. Ignace, de la prudence avec laquelle on doit se servir de l’argumente silentio ! Elle ne mentionne aucun chef de l’église de Rome, ni évéque ni prêtres ni diacres. Néanmoins nous savons pertinemment, par le témoignage de la lettre de Clément et du Pasteur, qu’il y avait à Rome des 7r/ : £(r3JT£^5t T : pr, ï7Ty.ficjct, des i : T<-zirî(, des diacres. Qu’on donne la raison du silence que S. Ignace garde sur ceux-ci, et la même raison expliquera son silence vis-à-vis de l’évêque.

N’écrivait-il pas, du reste, au même moment, aux églises d’Asie Mineure, que sans l’évêque, les prêtres et les diacres il n’y a point d’Eglise ? Comment a-t-il pu décerner tant d’éloges à l’église de Rome et lui reconnaître l’autorité de la présidence (titre, et iii, 1), si elle n’est pas même gouvernée par un évoque, à ses yeux l’unique centre de toute la vie chrétienne et le chef des fidèles et des ministres ?

Puis pour l’épître de Rome, dès le second siècle les écrivains l’attril^ient à Clément parce qu’ils reconnaissent en lui révêque de Rome de ce temps. Tels S. Irénée (1. c), Denys, évéque de Corinthe vers i^o, dans sa lettre à l’église de Rome (Eusèbe, //. E.. IV, xxiii, 1 1), Hégésippe (Ib., III, xvi et IV, xxii). D’après Eusèbe, « la tradition est unanime » à lui attribuer cette lettre, si connue par suite de « la coutume très ancienne de la lire en public dans plusieurs églises » (// ;., III, xvi).

Enfin dans le Pasteur d’Hermas « Clément est chargé du soin d’envoyer l’écrit aux villes du dehors » {Vis. II, ’1, 3) : n’avons-nous pas là une allusion à l’autorité et à l’épître de Clément ?

2. Que faut-il penser des divergences dans les listes ? Il est bien vrai que le catalogue « Libérien » ou « Philocalien », rédigé en 35/, , ne donne pas tout à fait le même ordre de succession qu’Irénée et Eusèbe, mais les divergences ne sont ni nombreuses 1775

EVEQUES

1776

ni notables. Il fait succéder Clément immédiatement à Lin et dédouble Anenclet en Clet et Anaclet.

Les critiques les plus érudits, sans excepter ceux qui combattent l’institution de l'épiscopat par les AiJÔtres, ne font aucune dirticultc pour reconnaître qu’il ne faut pas attacher d’importance à ces variantes. Elles doivent manifestement leur origine, non à des traditions qui auraient été dès le début opposées ou hésitantes, mais à des erreurs de copiste. (Voir DucHESNE, Le Liber Pontificalis, Paris, 1886 ; LightFOOT, iS. Clément of Home, vol. I, p. 20I-345 : Early roman succession.)

Voici la preuve que Rome, à la un du n* siècle, ne soupçonnait pas l’existence d’un Clet distinct d’Anenclet. Le Petit Labyrinthe (Eusèbe, //. E., V, xxviii, 3), traité d’un prêtre de Rome contre Arlémon, édité sous l'épiscopat de Zéphyrin, appelle Victor le treizième évêque de Rome à partir de Pierre : T/515XKtÔ£x « To ; « ro VliTpoj îv 'Pùu.r, éTTtTy.cTc :. S’il fallait distinguer Clet et Anaclet, il serait le quatorzième. Le dédoublement n’existait donc pas encore à cette époque dans le catalogue. S. Irénée donne donc la liste exacte.

Enfin il n’est pas rare de trouver, dans les plus anciens écrivains ecclésiastiques, les événements datés d’après le nom du pontife régnant. Qu’il suffise de citer comme exemples la sédition de Corinthe, l’arrivée à Rome des hérésiarques Valentin, Cerdon, Marcion et Marcelline (Irénée, Adi Ilær., 111, iii, 3 ; iv, 3 ; I, XXV, 6 ; xxvii, 1, 2), la venue à Rome de S.Polycarpe (Adw Ilær., III, iii, 4). la rédaction du Pasteur d’Hermas (frag. Murât., II. '^3 ss.). La liste des évêques de Rome était donc un document de notoriété publique.

Les apôtres ne furent pas d’abord mis au rang des cvèques, et S. Paul figure à côté de S. Pierre comme fondateur de l'église romaine. Plus tard, au contraire, S. Pierre fut compté comme premier évêque et S. Paul disparut de la liste.

Cette place à part pour le ou les fondateurs est bien justifiée. En effet, les Apôtres n'étaient pas des évêques au sens ordinaire du mot ; pour mieux dire, ils n'étaient pas seulement évêques, mais ils avaient une mission universelle à remplir dans le monde entier : ils fondaient et organisaient les églises. De ce fait, il leur revenait une place à part : on ne les comprenait pas dans la liste de succession, qu’on dressait à partir des fondateurs, « -à tSiv à.-n’i'j-zo’iwj. Il y a donc lieu de distinguer les fondateurs de leurs successeurs ; ceux-ci sont les héritiers de l’autorité et de la mission des premiers.

Plus tard, on commença à placer le fondateur sur la liste même, comme premier évêque. Comme il ne peut y avoir qu’un évêque par église, la première conséquence de cette manière de voir fut l'élimination de S. Paul, qui dans la plus ancienne littérature chrétienne se trouvait intimement associé à S. Pierre dans l'œuvre de fondation et d’organisation del'église de Rome.

II. Antioche. — Les origines de cette église se trouvent au livre des Actes des Apôtres, xi, xiii-xv, XVIII. L'épître aux Galates, chap. 11, raconte un épisode de la prédication de S. Pierre et S. Paul à Antioche.

Eusèbe nous a conserA'é la liste complète des évêques d’Antioche depuis les origines. La voici pour les deux premiers siècles : i » Evode, 2° Ignace, 3" Héron, 4° Corneille, 5" Eros, 6° Théophile, 7° Maximin, S" Sérapion. L’Apôtre Pierre n’est pas compté dans la liste comme premier évêque, puisqu’Ignace est nommé le deuxième. Cependant le siège épiscopal est nommé le siège de Pierre : « "I/^arto ; zf, i xar'

'Avr16ysiy.-J Tlézpo-j Siv.51y/ji S-Jrspoi t/, v èrt7x^ ::/ ; v x-x/rijiu/jiivi :. » (H. E., III, XXXVI, 2.) Dans sa Chronique, cet historien rapporte pour l’an 2055 d’après la version 1 arménienne, 2058 d’après celle de S. Jérôme, ce qui * correspond environ à l’an 42 de notre ère, que « l’Apô- ? tre Pierre, après avoir fondé l'église d'. tioche, partit pour Rome, y prêcha l’Evangile et devint évêque de cette église » ; et pour l’an 2058, ou 2060, qu' « Evode fut établi premier évêque d’Antioche ». Il y a ainsi, d’après Eusèbe, deux ans d’intervalle entre le départ de S. Pierre et l’institution de son successeur, qui s’est faite avant le concile de Jérusalem, vers l’an 44 Le catalogue des évêques d’Antioche était connu au début du m* siècle. Origène en elTet parle en ces termes de S. Ignace : « Il est un martyr qui dit si bien dansunede seslettres ; je veuxparler d’Ignace, après lebienheureux/'/er/'e le second évêque d’Antioche, riv uîTK Tsv jxy^.y.piov nércsy rvf ; W’jziox-'^i ûvj-ioov £7T('7X5-îv, le même qui durant la persécution combattit les fauves à Rome… » (//om. j « /Hc., vr.) Origène, qui séjourna d’ailleurs à Antioche, vers l’an 226 (Eusèbe, //. E., VI, XXI, 3, 4). connut donc la fondation du siège d’Antioche par Pierre, et le rang d’Ignace dans la série des évêques.

D’ailleurs les lettres de S. Ignace nous fournissent encore un renseignement ti'ès intéressant au sujet de l’ancienne organisation ecclésiastique de son pays. Il est évêque de « l'église de Syrie », r^î i/y.'jT, 'siy : , Tf, i h Sv^tK (Eph., XXI, 2 ; Magn., XIV ; Trall., XIII, I ; Rom., ix, 2). L’emploi constant de l’expression « église de Syrie » ne nous autorise-t-il pas à conclure que toute la Syrie ne formait alors qu’un vaste diocèse, auquel était préposé l'évêque d’Antioche ? Ignace prend le nom à' évêque de Syrie : riv î : t(-zorîv Z-jpiv. : (Rom., II, 2) ; quel autre droit pouvait-il avoir à ce titre que l’extension de sa juridiction épiscopale sur tout le territoire syrien ? Il n’est ni primat ni métropolitain ; il n’est pas un évêque de Syrie, mais il en est Tévêque.

Comme le siège épiscopal était fixé dans la ville d’Antioche, on pouvait également dire « l'église d’Antioclie en Syrie, h ïy : /.r, iiv. /j iv 'Avrioy^iv- t^4 Sj^sik ; » (Philad., X, i ; Polyc., ii, i ; Smyrn., xi, i).

Où Eusèbe trouva-t-il le catalogue des évêques d’Antioche ? De la comparaison des listes de Rome, d’Alexandrie et d’Antioche, M. Harxack (Chronologie der Altchristl. Literatur, I, p. 1 18) se dit en droit de conclure qu’Eusèbe en est redevable à la Chronique de Jules l’Africain, qui finit en l’an 221. Il nous paraît probable qu’HÉoÉsippE le premier donna la liste d’Antioche comme celle de Rome, d’autant plus que, jusqu’au temps d’Eleuthère, Eusèbe fait coïncider l’accession de chaque évêque d’Antioche avec le conmiencement d’un pontificat romain.

III. Alexandrie. — D’après la tradition consignée chez Eusèbe, Marc, auteur du second Evangile et disciple de S. Pierre, se rendit en Egypte pour y annoncer l’Evangile et y fonder, le premier, des églises dans la ville d’Alexandrie : Mkoxîk… f^.yi-j… k/.x)r, 7cy. ; KoCiT’yj £7r' « vrv ;  ; 'A'Ài-yyopuy.z 7-jiTr, iy.zf)v.i (//. E., II, XVl). Malheureusement Eusèbe ne nous dit rien sur la source où il s’est renseigné pour les origines chrétiennes à Alexandrie.

Dans sa Chronique comme dans son Histoire ecclésiastique, cet historien donne le catalogue épiscopal d’Alexandrie depuis S. Mare, le fondateur. Voici la série des noms : i' Anianus, 2° Abilius, 3* Cerdon, 4* Primus, 5* Justus, 6° Eumènes, 7° Marcus, 8° Celadion, 9° Agrippin, lo* Julien, 11° Démétrius, contemporain de Victor de Rome. Eusèbe relate la durée de leur épiscopat et la date de leur avènement. ÉVEQUES

1778

en prenant pour base la chronologie des empereurs.

« En la huitième année du règne de Néron, Anianus, 

le premier après Marc l’évangéliste, fut investi de la fonction (d’évêque) d’Alexandrie » (II E., II, xxiv) ; et ainsi de suite.

Pas plus que les Apôtres à Rome, Marc le fondateur n’est compris dans la série des évêques d’Alexandrie.

Au jugement des critiques, c’est à la Chronique de Jules l’Africain qu’Eusèbe a emprunté le catalogue. Ne devrait-on peut-être pas remonter aussi à Hégésippe et au pontiGcal d’Eleuthère ?

On ne peut contrôler l’exactitude de la liste par ailleurs, mais rien non plus ne vient en inflrmer la valeur.

Beaucoup d’indices et de témoignages font croire que jusqu’au m’siècle Alexandrie fut le seul siège épiscopal de toute l’Egypte. On peut les trouver dans ma dissertation L’Origine de l’épiscopat, p. 34^ ss.

IV. JÉRUSALEM. — C’est cucorc à EusKBE que nous sommes redevables de la conservation du catalogue épiscopal de Jérusalem.

Dans cette église, on distingue une double période bien marquée : la période judéo-chrétienne et la période grecque. La première s’étend depuis le jour de la Pentecôte jusqu’à la dispersion de la nation juive sous l’empereur Hadrien, qui, en 135, défendit absolument à tout juif l’accès du territoire de Jérusalem.

Durant la période judéo-chrétienne, il y eut. depuis et y compris Jacques, une succession de quinze évêques ; durant la période ethnico-chrétienne on compte quinze évêques depuis le premier, Marc, jusqu’à Nacisse, qui prit part à la controverse pascale (//. E., IV, v ; V, XII).

A. Eglise judéo-chrétienne. — Jacques fut, nous l’avons vu plus haut, le fondateur du siège épiscopal de Jérusalem. Qu’il ait été du nombre des Douze Apôtres, comme nous le croyons, ou non, c’est sa qualité de « frère du Seigneur », en quelque sorte successeur du Messie, aux yeux des Juifs, qiii lui a valu une grande autorité sur son peuple et l’a désigné pour gouverner l’Eglise-mère. Il souffrit le martyre avant la guerre de Judée. L’histoire lui reconnut bientôt le titre d’évêque. Hkgésippk rapporte en effet que Syméon lui succéda comme évêque.

« Après le martyre de Jacques le Juste, qui souffrit

pour la même doctrine que le Seigneur (c’est-à-dire pour la messianité de Jésus), de nouveau le fils de son oncle, Syméon (ils de Clopas, fut établi évêque : tous le prirent parce qu’il était un second cousin du Seigneur (ou bien, tous le i>rirent comme second évêque en sa qualité de cousin du Seigneur) : Uy.’/iv 6 h.

éOvjro TTavrî ; àvs’iiiv iVra rîO Kjpt^’j Szjrsoyj. » (Eusèbe,

^. ^., IV, XXII, 4.)

Syméon à son tour est mort martyr, durant le règne de Trajan, sous Atticus, proconsul de Syrie, à l’âge avancé de cent vingt ans. Ainsi l’atteste Hégésippe, cité par Eusèbe (//. E., III, xxxii, 3, 6).

Le témoignage d’Hégésippe fait foi, car il est entouré des garanties nécessaires de science et de véracité. Peu distant des faits attestés, puisqu’il entreprit son voyage à travers le monde romain dès le milieu du n* siècle, enfant de cette église judéo-chrétienne dont ses écrits révèlent une connaissance si parfaite, il fut certainement le contemporain de bien des gens qui avaient connu Syméon, mort au u* siècle seulement. Dans ces conditions, il a pu s’assurer que Jacques et Syméon furent les deux premiers évêques de Jérusalem.

A la mort de Syméon, le siège épiscopal fut occupé par un certain Justus, de race juive comme ses pré décesseurs. Des milliers de circoncis se convertirent au Christ vers cette époque (Eusèbe, ILE.. III.xxxv).

L’historien Eusèbe a consacré un chapitre très intéressant à la liste des évêques judéo-chrétiens de Jérusalem. « Nulle part, écrit-il, je n’ai trouvé conservée par écrit la chronohjgie des évêques de Jérusalem. D’après l’histoire, /syi ; /vréy-i, leur vie fut en effet extrêmement courte. Tout ce que j’ai trouvé dans des documents écrits, c’est que, jusqu’à l’extermination des Juifs sous Hadrien, il y eut une série de quinze évêques dans cette ville. Hébreux d’origine, comme on le dit, j-^^iV, tous ont embrassé sincèrement la doctrine du Christ, si bien qu’au jugement des hommes compétents, ils furent trouvés dignes de la fonction épiscopale. Car ils eurent le gouvernement de l’église entière des fidèles de race juive depuis les Apôtres jusqu’à cette guerre dans laquelle les Juifs, se croyant de force à résister, se révoltèrent de nouveau contre les Romains, mais furent complètement écrasés. Comme il n’y eut plus depuis ce moment d’évêques de la circoncision, riiv-y.-scitouv ;  ; knzy.or’MJ. il est nécessaire d’en recenser le catalogue depuis le premier. Le premier donc est Jacques, appelé le frère du Seigneur ; son successeur Syméon est le second ; le troisième Juste, le quatrième Zachée, le cinquième Tobie, le sixième Benjamin, le septième Jean, le huitième Mathias, le neuvième Philippe, le dixième Sénèque, le onzième Juste, le douzième Lévi, le treizième Ephrès, le quatorzième Joseph, enfin le quinzième Jude. Tels sont les évêques de la ville de Jérusalem depuis les Apôtres jusqu’au temps indiqué : tous appartiennent à la circoncision, i< ttkvtî ; ic rsîtrv/v^ ;.). (//. E., IV, V.)

La liste épiscopale, avec ces courtes observations qui l’accompagnent, constitue un document de très grande valeur pour l’histoire primitive de l’église de Jérusalem. Ce n’est pas Eusèbe qui l’a dressée d’abord ; il l’a trouvée dans un écrit plus ancien, qu’il nomme simplement ï-/-/pv.j.v., sans en indiquer formellement ni la nature ni l’auteur : u’ : // py.-^wj T.’/.y.ur, -.y..

Ce terme désigne habituellement chez lui des livres ou écrits ; plusieurs indices font penser qu’Eusèbe ici encore a puisé dans les Mémoires d’Hégésippe.

B. Eglise grecque. — Au lendemain de la destruction de la nation juive par Hadrien en 135, de nouveaux habitants vinrent peupler Jérusalem, et une nouvelle église s’y forma, composée de chrétiens des nations, dont le premier évêque fut Marc (Eusèbe, //. E., IV, VI, 4). Eusèbe reproduit encore la liste des évêques de cette série et en compte quinze depuis Marc jusqu’à Narcisse vers 185 (fh., V, xii).

Cette succession épiscopale, « < rw « >i$t ôty.ô’ ; -/y.t Eusèbe l’a de nouveau vraisemblablement empruntée à Hégésippe, car elle finit aussi au pontificat d’Eleuthère et l’historien se plaint de ce qu’à partir de ce moment la durée des épiscopats n’a pas été conservée (Chronique, an 21g’ ; , ou 2201). Du reste les documents ne lui ont pas manqué : outre les Mémoires d’Hégésippe il cite les Chroniques de Jules l’Africain, de Jude, de Cassien, de (dénient d’Alexandrie, toutes rédigées vers l’an 200 (//. E., VI, vi, vii, xiii, xxxi).

Concluons. L’église de Jérusalem, comme celles de Rome, d’Antioche et d’Alexandrie fut gouvernée par un évêque depuis les temps apostoliques.

S IV. — L’épiscopat au ir siècle

I. Gni’iCK. — GoiuNTiiK. — Le document très ancien connu sous le nom de Seconde épilre de Clément aux Corinthiens, et qtii n’est qu’un sermon d’un genre particulier, à savoir une exhortation générale, rappelant les grandes vérités morales, qu’on lisait à CoHiNTiiE.le dimanche, après l’Ecriture Sainte, 1779

EVEQUES

1780

ne fait aucune mention de l’évêque. Et cependant, à deux reprises, l’écrit parle des fonctions pastorales des prêtres, r/ ; £7/3 ; /r£/ ; oi, et de l’obéissance qui leur est due. Coiume il s’agit de considérations générales, on aurait attendu la mention de l’évêque, l’expression la plus haute de cette autorité ecclésiastique, s’il y en avait eu un.

Même remarque au sujet de l’église de Puilippes. Polycarpe, cvèque de Sinyrne, adressa une épître auxlidcles de cette ville en réponse à la leur, après le passage de S. Ignace le martyr, en 107. Il nomme plusieurs fois les prêtres et les diacres, mais non l’évêque. Conçoit-on que, demandant expressément le respect et la soumission à l’égard de l’autorité religieuse, il passe sous silence l’évêque seul, qui en est le chef et la source dans la communauté ? Cette omission serait d autant moins concevable qu’à sa lettre étaient jointes celles de S. Ignace, où la nécessité de l’obéissance à l’évêque est si instamment inculquée.

Encore, quand il donne des conseils sur la conduite à tenir à l’égard du prêtre Valens, qui ne prêchait pas d’exemple, comment n’aurait-il fait aucune allusion à l’évêque son chef responsable ?

Pour Philippes, c’est tout. Mais l’histoire de Corinthe nous est mieux connue. Il est certain qu’au milieu du ii’siècle, quand Hégésippe y arriva, sous le pontificat romain d’Anicet (i 55- 166), cette église était goiivernée par un évêque. Il avait nom Phimus (Eus., //. Z, ’.. IV, XXII, 2). Nous ignorons si cet écrivain racontait dans ses Mémoires quand et comment le siège épiscopal de Corinthe fut institué. Dans l’extrait conservé, il n’est rien dit d’une succession épiscopale à Corinthe, bien que l’écrivain y parle de la liste romaine.

Bientôt après, sous le pontiticatde Soter (166-175), Denys illustra le siège épiscopal de Corinthe. Eusèbe a consacré une longue notice aux épîtres que cet évêque adressa à diverses églises. Ainsi nous furent conservés les noms de plusieurs évêques, ses contemporains {H. E., VI, xxiii).

Son successeur Baccuyllus est connu par la lettre qu’il écrivit à Victor de Rome, au temps de la controverse pascale (//. E., V, xxiii, 3).

Athkxes. — D’après la lettre adressée aux chrétiens d’Athènes par Denys de Corinthe, le premier évêque de leur église fut Dexys l’Aréopagite aux temps apostoliques ; l’évêque contemporain se nommait QrADRATUs et son prédécesseur Pcblius, un martyr.

Crète. — Il y avait alors en Crète plus d’un siège épiscopal. Philippe, auteur d’un traité contre Marcion, occupait celui de Gortyne ; Pinytus celui de Cnosse {Denys de Corinthe cité par Eus., //. E., IV, xxi ; xxiii, 5, 7, 8 ; xxv).

II. Tk.moigxages de s. Justin et Hégésippe. — V Apologie I, Lxv-Lxvii, de S. Justin (vers 150) décrit la célébration de l’Eucharistie le dimanche. Comme ministres, elle requiert le célébrant, qu’il appelle le i( président des frères », et ses serviteurs les diacres, chargés de distribuer la sainte Communion. Au président incombe également la distribution des aumônes. Peut-être le mot / ? ; esic ?en< est-il choisi intentionnellement pour comprendre l’évêque et le prêtre, selon les localités (cf. Ignace, Smyrn., viii, i).

Rappelons que, vers le même temps, Hégésippe rendit visite à un ^/’ «  « rf nombre d’évêques, TÙîi : s-’Ai iT.i’7/.dT<’A~ (rvu, u.t ?ii£ », en cours de route de la Palestine à Rome, et en bien des villes il y avait déjà lieu de parler de séries d^ évêques -.h ky.y.’rrr, oiv.lo/f, {Èi^èhe, /I.E., lY,-s.xii).

III. Asie Mineure.

sont plus abondants.

Les souvenirs historiques ici

S. Ignace ouvre dignement la série des témoins contemporains. Non seulement Ephèse, Magnésie, Tralles, Philadelphie et Smrrne, mais d’autres églises encore plus rapprochées d’Antioche (Philad., x, 2) avaient un évêque.

Observons en passant que la hiérarchie est en possession tranquille, qu’elle n’est pas le résultat d’une évolution ou d’une innovation, que la présence de l’évêque est, sinon ancienne et primitive, du moins incontestablement légitime, de l’assentiment de tous les fidèles. C’est une conclusion qui se dégage clairement de ces épîtres. Citons seulement ce principe :

« Sans eux (c’est-à-dire sans évêque, prêtres et diacres

) il n’y a pas d’église : Xupli to-jzwj ïy-/lr, ’71v. ov xa/£(rai » (Trall., ui, i).

A la même époque, nous le dîmes déjà, Papias était évêque d’IIiérapolis dans la province d’Asie (Eus., //. E., III, xxxvi, 2).

Au témoignage de S. Epiphane (//fler., XLii, i), Marcion était le fils de l’évêque de Sinope dans l’Hélénopont. Comme il vint à Rome après le pontificat d’Hygin, donc vers lijo, Sinope devait avoir déjà un siège épiscopal aux premières années du 11’siècle.

Vers le milieu du siècle, un de ses successeurs, Claude Apollinaire s’illustra par de nombreux écrits (//, E., IV, XXVI, I ; xxvii ; V, xix, 2).

MÉLiTON, évêque de Sardes, fut un fécond écrivain sous Marc-Aurèle (161-180). Par lui, nous connaissons Sagaris, évêque de Laodicée, qui souflrit le martyre sous le proconsul Servilius Paulus (//. E., IV, xxvi, 3 ; cfr. V, XXIV, 5).

L’auteur de l’ouvrage contre l’hérésie montaniste, dédié à Abircius Marcellus quatorze ans après la mort de l’hérésiarque Maximilla (-|- vers 170). nomme les évoques ZoTicus de Comane et Julien d’Apamée, contemporains de Maximilla ; il mentionne aussi des prêtres de l’église d’Ancyre en Galatie et appelle Zo-Ticus d’Otrène son collègue, rcù a’jjxr^pî’^fi-jzir.c.-j r./xûv ZoiTix’^ù-cù Orpr/joù (H. E., V, XVI, 5, 17 ; xviii, 13).

Dans une lettre de Sérapion, évêque d’Antioche vers la fin du siècle, Eusèbe lisait les noms de plusieurs évêques contemporains, notamment d’Aurélius de Cyrène, d’^îlLius Publius Julius, évêque de Develte, colonie de la Thrace, et de Sotas d’Anchialis {II. E., V, xix).

A cette époque, Polycrate, évêque d’Ephèse, âgé alors de soixante-cinq ans, en appelait à sept de ses parents, qui furent évêques avant lui et dont il avait connu quelques-uns seulement en vie, i^ /.y.î T : upr, xow^6r, sd TK^iv o-i-Tojv. Les plus anciens devaient donc avoir exercé les fonctions épiscopales au commencement du 11’siècle. Outre Polycarpe de Smyrne, Méliton de Sardes et Sagaris de Laodicée, il cite encore Papirius et Thrasée, évêque d’Euménie (II. E., V, xxiv, 3-7).

Mentionnons encore Abercius, évêque d’Hiéropolis en Phrygie, fameux par son cpitaphe récemment découverte.

Observons, en passant, combien est antique l’usage de dénommer les évêques du nom de la ville où se trouve fixé leur siège épiscopal.

IV. Controverse pascale. — Sous le pape Victor (189-199) surgit la controverse pascale, et des synodes d’évêques fiu-ent tenus en diverses provinces. Ces conciles envoyèrent des lettres circulaires dans toute l’Eglise. Eusèbe connut encore la lettre du synode de Palestine, présidé par Théophile de Césarée et Narcisse de Jérusalem ; celle du synode de Rome, tenu sous la présidence de Victor ; celle du synode des évêques du Pont, présidé par leur doyen d’âge Palma, évêque d’Amastrasie ; celle des églises de la Gaule, administrées par Irénée ; celle des églises et des villes d’Osroène ; enfin des lettres de Bacchyllus 1781

ÉVEQUES

1782

de Corintlie et de plusieurs autres évoques particuliers (//. £., V, xxiii).

PoLYCRATE écrivait à Victor et à l’église de Rome :

« Je pourrais en appeler aux évêques réunis autour

de moi, que j’ai convoqués selon votre désir. C’est assez d’énuniérer leurs noms pour montrer combien ils sont nombreux. >- (//. E., V, xxvi, 8.)

A côté des noms de Narcisse de Jérusalem, de Théophile de Césarée, la lettre du synode de Palestine comprenait aussi les noms de plusieurs autres évêques, et notamment ceux de Cassius de Tyr et de Clarus de Ptoléuïaïde (//. E., Y, xxv).

Le vrai président de cette réunion fut l’évêque de Césarée, Narcisse de Jérusalem étant à ses côtés comme chef d’une église, que le canon ^ du concile de Nicée dit indépendante et honorable. C’est un indice en faveur de la haute antiquité du siège de Césarée : au moins semble-t-il antérieur à l’an 135, sinon l’église de Jérusalem rétablie par les chrétiens des nations serait devenue la métropole de la Palestine. La littérature pseudo-clémentine, dont la forme primitive est, au jugeaient des critiques, une production de la première moitié du m’siècle, attribue à S. Pierre la fondation des sièges épiscopaux de Césarée en Palestine, de Tripolis et de Laodicée en Phénicie. Il y aurait établi respectivement comme évêques Zachée, l’ancien publicain, Maraones, son hôte, et un de ses disciples (I{econn., ni, 66, ^4 ; ^’i.’ô ; x, 58 ; ctr.Ilom., 111, 66 ss. ; vii, 5, 8, 12 ; xi, 36 ; 20, 28).

Pour les églises de la Gaule, les paroles d’Eusèbe semblent faire entendre que toutes se trouvaient sous l’autorité d’Irénée, évêque de Lyon. « Les églises de Gaule qu’lrénée, gouvernait comme évêque : « z ;

(-acîtzt ! / ;) Eipr, yy.tOi i-î^yo-na. » (II. E., V, XXIII, 2 ; cfr. XXIV, I 1.)

Son prédécesseur immédiat fut Pothin qui souffrit le martjre en i ; ^, comme nous l’apprend la Lettre des Eglises de Vienne et de Lyon (Ih., V, i, 29). (Cfr. DucHKsxK, Fastes épiscopaux de l’ancienne Gaule, t. I, Paris, 1894, p. 29 ss.)

§ V. — La succession apostolique des évêques ou l’origice divine de l’épiscopat

Pour coiu’onner l’histoire de l’origine et du développement de l’épiscopat, il nous reste à exposer la doctrine de la succession apostolique des chèques. Ce dogme se dégage du fait même de la constitution de l’Eglise et se trouve d’ailleurs formellement enseigné par les Pères des deux premiers siècles.

S. Clément délinit l’aposlolicité de la hiérarchie ; S. Ignace, Hégésippe et S. Irénée se fondent sur l’aposlolicité de l’épiscopat pour établir l’aposlolicité de la doctrine catholique.

1. Les Pastorales. — Nous ne trouvons pas dans les livres du Nouveau Testament un enseignement direct et précis sur la succession apostolique. Ce fut un fait, avant d’être une théorie.

Toutefois d ; ins la II" épître à Timothée. S. Paul se montre préoccupé de la transmission de l’enseignement évangélique cl traite son disciple en successeur. En prévision de sa mort prochaine, il contie son o-uvre à des discii)les de choix qu’il a élevés lui-même à la plénitude de l’Ordre, qu’ila formés durant de longues années. Ceux-ci à leur tour conlieront à des hommes lidèles, capables d’instruire les autres, ce qu’ils ont entendu de l’Apôtre devant de nombreux témoins. (Cfr. II Tim., i. 6, 13, 14 ; ii, 1-2 ; iv, 1-7.)

A la base de la doctrine catholique se trouve l’autorité de la tradition apostolique : « Demeure ferme dans ce que tu as appris et dans ce qui t’a été confié, sachantdequi tu l’as appris. » (II Tim., iii, i.) Ce prin cipe est radicalement opposé à tout système qui prétend expliquer l’épiscopat par l’évolution et la variation.

En fait, nous l’avons vu. S. Paul avait élevé nombre de ses disciples à l’épiscopat, leiu" communiquant ainsi rai)titude requise pour fonder des chrétientés, les organiser et les diriger, pour exercer le pouvoir doctrinal et la juridiction, et pour conférer les sacrements. Mais il les gardait avec lui comme de précieux auxiliaires dans ses courses apostoliques, il ne leur donnait aucune mission propre et ordinaire, ni ne leur assignait un troupeau à conduire, mais leur conliait, selon les besoins, des délégations temporaires en diverses églises.

Ces hommes étaient tout désignéspour recueillir sa succession. Mais l’histoire nous laisse ignorer à peu près complètement comment se lit le partage des fondations pauliniennes. Plusieurs parmi eux continuèrent sans doute de mener la vie de missionnaires, comme le nom d’  « évangélistes « l’insinue.

IL Lettre de S. Clément de Rome. — Cette épître définit clairement l’instilulion de la hiérarchie par les Apôtres et le droit di^in de l’autorité ecclésiastique ; de plus, à notre avis, la succession apostolique des évêques.

Dieu envoj’a Jésus-Christ, Jésus conûa sa mission divine aux Apôtres. Les Ajjôtres, investis du pouvoir divin, conformément aux ordres reçus, prêchèrent l’Evangile et fondèrent des églises : partout ils établirent des prêtres et des diacres pour diriger les fidèles. Le droit de ceux-ci est patent.

Mais en outre, pleins de prévoyance et instiniits par le Maître, les Apôtres voulurent assurer la continuation de l’œuvre. Après avoir organisé les églises et y avoir préposé des pasteurs, ils prirent soin de se donner des successeurs à iqui reviendrait à leur mort le pouvoir d’instituer les ministres de Dieu. La légitimité de ceux-ci n’est pas moins sûre.

La source de la hiérarchie se perpétvie donc dans le pouvoir apostolique de ceux que S. Clément ne sait encore nommer que par une circonlocution, mais qui portent le litre d’évêques depuis le n" siècle.

111. S. Igxace d’Antioche. — En Asie Mineure et en Syrie, les principes du gouvernement ecclésiastique n’étaient pas autres qu’à Rome et dans toute l’Eglise.

S. Ignace, écrivant à des chrétiens qui ne songeaient aucunement à contester l’autorité de leurs supérieurs, les exliorte simplement à la pratique de la soumission.

Au sujet de l’origine de l’épiscopat, il ne fournit pas de renseignements explicites.

De l’ensemble des lettres il ressort que la forme de gouvernement commune à toutes ces églises est légitime et seule légitime. Ceux-là seuls sont les disciples de Jésus-Christ qui sont avec l’évêque (Eph., v ; Magn., iii, vi ; TralL, 11, vi, vu ; Philad., 11, m. vii, VIII ; Smrrn., vn-ix). c En dehors de l’évêque, des prêtres et des diacres, il n’y a pas d’église. » (Trall., m.) Ce n’est pas par l’usurpation, ni par les qualités personnelles, ni par les charismes, ni par une tlélégation de la communauté que l’évêque et ses prêtres conduisent les lidèles, mais c’est comme représentants de Dieu nuinis d’une mission divine. « Quiconque est envoyé par le père de fauiille pour gouverner sa maison, doit être reçu par nous comme celui-là même qui l’envoie. Il est donc manifeste qu’il faut considérer l’évêque comme le Seigneur même. » (Eph., vi.) Voilà, pourquoi aux yeux de S. Ignace, l’évêque occupe la place de Dieu le Père ou de Jésus-Christ.

S. Ignace demande l’obéissance à l’évêque, aux 1783

EVEQUES

1784

prêtres et aux diacres « comme à un précepte de Dieu et de Jésus-Christ » (Magn., ii ; TralL, xiii ; Sniyru., viii), parce qu’il les sait voulus par le Seigneur. Qui plus est, nous croyons l’institution divine clairement aflîrmce dans l’adresse de la lettre aux Pliiladelphiens :

« L’évcrpie, ses prêtres et les diacres désignés dans

la pensée de Jésus-Christ, h y^oiur, I. X., ([ui, selon sa i’olonté propre, les a établis et confirmés par l’Esprit-Saint. » Ces ministres sont ordonnés conformément à la pensée du Christ, c’est-à-dire d’après son ordre, d’après la constitution qu’il donna à son Eglise. Voilà pourquoi l’évêque n’a obtenu sa charge k ni de lui-même, ni par les hommes… mais de la charité de Dieu le Père et du Seigneur Jésus ». Voilà pourquoi cette hiérarchie appartient à l’essence même du christianisme, d’où cette atrirmation si énergique : « Que tous vénèrent les diacres comme Jésus-Christ, aussi bien que l’évêque, car celui-ci est la figure du Père, et les prêtres comme le sénat de Dieu et le collège des Apôtres : en dehors d’eux il n’y a pas d’Eglise : y/j>ph TîJrwv iyy.// ; 71y. îù /.y.’jîX-yi. J’ai l’assurance que VOUS partagez mes sentiments à cet égard. » (Trall., m.) La succession apostolique des évêques, si elle n’est pas énoncée, est à la base de toutes ses pensées. Car cette autorité supérieiu’e des évêques, les Apôtres l’ont autrefois exercée, l’ajant reçue de Jésus-Christ. Suivre les évêques ou suivre les Apôtres, c’est suivre le Seigneur.

IV. Hkgésippe. — Guidé par le même principe qu’Ignace, qui tenait l’évêque comme la règle de foi pratique et vivante de son église, Hégésippe, dans le but de s’édifier dans l’unité de la foi, entreprit un voyage à travers les églises, avec Rome comme terme de son enquête. « L’église de Corinthe, écrit-il dans le livre de ses Mémoires, persévéra (depuis la lettre de S, Clément) dans la vraie doctrine jusque sous l’épiscopat de Primus de Corinthe : au cours de mon voyage à Rome, je vécus dans cette église et y fis un séjour prolongé, m’édifiant sans cesse dans la vraie doctrine. Arrivé à Rome, je dressai la succession jusqu’à Anicet, auquel Soter succéda et ensuite Eleuthère. En chaque succession et en chaque ville, on garde la doctrine… du Seigneur. » (Eusèbe, //. £., IV, XXII.)

Cette succession que l’écrivain revendique pour les évêques de son temps, c’est bien la succession apostolique. Ce serait un non-sens de parler d’orthodoxie si on ne remontait pas régulièrement la série des évêques jusqu’au point d’attache de la tradition, c’est-à-dire jusqu’aux Apôtres et par eux à Jésus-Christ.

V. S. Iréxke. — II serait dilTicile d’exprimer plus clairement que l’illustre évêque de Lyon la succession apostolique des évêques. Dans son admirable traité Adsers II s Hæreses, il propose ce dogme comme un principe fondamental de l’Eglise du Christ. « Il faut chercher, dit-il III, m), la tradition des Apôtres auprès des évêques. Nous pouvons produire la liste de ceux qui ont été institués évêques par les Apôtres et de leurs successeurs jusqu’à nous… Ils voulaient que ceux qu’ils établissaient comme successeurs en leur transmettant leur propre fonction du magistère, fussent tout à fait parfaits. Mais comme il serait trop long d’énumérer dans ce livre les successions de toutes les églises, nous ne considérerons que la plus grande et la plus ancienne, celle de Rome, fondée et organisée par les deux très glorieux Apôtres Pierre et Paul. En indiquant comment la tradition qu’elle reçut des Apôtres… est arrivée jusqu’à nous par la succession de ses éiéques, nous confondons tous les hérétiques. « Puis, après avoir donné le catalogue épiscopal de Rome jusqu’à son temps, Irénée écrit ces

remarquables paroles, sous forme de conclusion :

« C’est dans cet ordre et par cette succession qu’est

arrivée jusqu’à nous la tradition des Apôtres dans l’Eglise et la prédication de la vérité. Par là nous démontrons pleinement que c’est une seule et même vivifiante foi qui s’est conservée dans l’Eglise depuis les Apôtres jusqu’à nos jours et s’est transmise en toute vérité. »

La succession apostolique des évêques c’est la substitution légitime, publique, nécessaire, continuelle et permanente du corps des évêques en lieu et place des Apôtres à la tête de l’Eglise, avec mission de la gouverner et de l’enseigner. En vertu de cette succession régulière et inintei-rompue, l’épiscopat contemporain forme comme un seul corps moral avec les Apôtres fondateurs et se trouve investi de leur pouvoir divin.

Cette doctrine, il importe d’y réfléchir, n’est pas le sentiment personnel d’un homme, c’est l’attestation de l’enseignement de l’Eglise de son temps aussi bien que de l’Eglise primitive, c’est la doctrine traditionnelle.

§ VI. — Conclusion : Argument théologique

L’origine de l’épiscopat prouve que le corps épiscopal est le dépositaire de la succession apostolique.

Jésus a fondé son Eglise en envoyant aux nations le collège des Apôtres choisis par lui avec la mission divine d’enseigner l’Evangile, d’administrer les sacrements et de diriger les iidèles.

Les Apôtres ont prêché la foi, groupé des fidèles et préposé des prêtres et des diacres aux églises qu’ils fondaient, en gardant la haute direction par devers eux. Ces prêtres, sans lesquels la vie chrétienne ne se conçoit pas, portaient indifféremment au premier siècle les noms d’sTrtV/rsrîi et de -psT^Crso^ji.

Cependant les Apôtres communiquèrent bientôt la plénitude de l’Ordre à des disciples d’élite. Ceuxci, à de rares exceptions près, embrassèrent également la vie de missionnaires. Plusieurs, ce sont les prophètes, se détachèrent de leurs mandants et s’en allèrent de leur côté fonder et organiser des chrétientés nouvelles : c’est pourquoi S. Paul rappelle aux chrétiens dans la lettre aux Ephésiens qu’ils sont édifiés sur le fondement des Apôtres et des prophètes (il, 20). D’autres restèrent attachés aux Apôtres et se firent leurs aides dans le ministère d’évangélisation, d’organisation et de direction ; ils ne furent ni fondateurs ni pasteurs, mais souvent délégués.

Le premier siège épiscopal fut celui de Jacques à Jérusalem.

De très bonne heure Antioche eut le sien : c’est sans doute parce que cette église n’avait pas de fondateur en titre que S. Pierre lui donna un évêque en la personne d’Evode.

A Rome, S. Pierre fonda et organisa l’église et en devint ainsi le chef. De concert avec S. Paul, qui vint apporter sa pierre à cet édifice, il y établit Lin comme évêque. De l’évêque de Rome il fit son successeur dans la Primauté.

S. Marc, fondateur de l’église d’Alexandrie, y établit un évêque à demeure.

Avant de mourir, les Apôtres prirent des dispositions pour assurer la transmission régulière de leur autorité sur les églises fondées, car il n’y a aucune trace de différend à ce sujet. S. Clément de Rome, du reste, le dit nettement. L’histoire ne nous rapporte pas comment les successions furent partagées.

Enfin, vers lafindu 1" siècle. S. Jean multiplia les sièges épiscopaux et organisa l’administration des diocèses dans les diverses villes d’Asie Mineure, exactement comme l’institution épiscopale fonctionne 1785

ÉVOLUTION CREATRICE

1786

sous nos yeux. On peut supposer que le principal motif qui le détermina à préposer un seul pasteur à la direction de chaque troupeau, gouverné jusque-là par un collèj^e de prêtres, fut le besoin dune plus grande unité. Ayant sous les yeux des églises gouvernées par des évêques, et d’autres dirigées par ua corps presbytéral, il a pu apprécier les effets des deux régimes, etil a jugé que l’institution d un évêque dans chaque ville était la meilleure sauvegarde de l’orthodoxie et de l’union.

Il fallut dès lors désigner le pasteur en chef par un titre propre. Comme les prêtres étaient appelés de deux noms, dont un surtout servait à exprimer leur qualité de recteurs des églises, on lui réserva celui-ci pour exprimer le mieux sa supérioi-ité et sa fonction ; il devint s £7 : (7>'.ir ;  ; , Véi’êque.

En résumé, les documents de la primitive Eglise prouvent que les Apôtres ont institué la dignité hiérarchique supérieure connue plus tard sous le nom d’épiscopat, en élevant certains disciples à la plénitude de l’Ordre et en leur communiquant, soit immédiatement soit avant de mourir, le pouvoir de juridiction ou la mission divine dont ils étaient dépositaires. D’entre ces évêques, les uns fondaient et organisaient de nouvelles églises exactement comme les Apôtres ; les autres, coopérateurs et suivants de quelcjue Apôtre, étaient appelés à recueillir sa succession comme évêques régionnaires ; d’autres encore étaient promus à un siège épiscopal et établis comme pasteurs à la tête d’une église particulière. Les évêques sont donc institués pour continuer la mission et les pouvoirs dont Jésus-Christ, en vertu de sa puissance divine, avait investi le collège apostolique. Ils sont les successeurs des Apôtres.

Bibliographie. — Les histoires des Origines chrétiennes et de l’Eglise primitive, les commentaires de la littérature chrétienne primitive, les traités sur l’Eglise, les dictionnaires de théologie donnent des aperçus de cette cpiestion.

On trouvera une abondante bibliographiedu sujet juscpi’en l’an 1900 dans ma dissertation sur « L’origine de Vépiscopat », Louvain, 1900, aux pages xi-XIII, 128-141- Nous citons ici les principaux ouvrages, en y ajoutant d’autres qui ont paru depuis.

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A. MicniELS.

ÉVOLUTION BIOLOGIQUE. — Voir Transfor MIS.ME.