Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Curie romaine

Dictionnaire apologétique de la foi catholique
Texte établi par Adhémar d’AlèsG. Beauchesne (Tome 1 – de « Agnosticisme » à « Fin du monde »p. 434-457).

CURIE ROMAINE. — La Curie romaine, au sens premier du mot, désigne le lieu ordinaire delà résidence du Pape et de ceux qui sont à son service.

Dans un sens dérivé, cette expression indique l’ensemble des magistrats, ofliciers, congrégations, collèges ecclésiastiques, qui aident le Pape dans l’administration de l’Eglise universelle.

Dans un sens plus large, elle comprendrait même les personnes qui forment la coiu- du Pape, considéré comme prince civil, la corte di Roma (cf. Bouix, De judiciis, t. I, p. 345 sqq.).

La Curie romaine se distingue du Vicariat de la Ville, Vicariatus Urbis, qui assiste le Pape dans l’administration du diocèse de Rome, — et de la famille pontificale, qui forme comme sa maison souveraine. Elle comprend les cardinaux, les prélats et les officiers inférieurs, et comme personnes morales ou collèges, les Congrégations, les Tribunaux, les Offices, et les collèges de Protonotaires, qui secondent le Souverain Pontife dans le gouvernement de l’Eglise.

Nous parlerons ici d’abord du Sacré Collège des Cardinaux, puis des Congrégations romaines, enlin. brièvement, des Tribunaux et des Offices. Donner une idée exacte de ces divers dicastères (grec ôiy.v.7T/, f>tv., ital. dicasteri, tribunaux), c’est préparer une juste appréciation du gouvernement pontifical.

Cardinaux. — I. Origine du nom. — IL Origine et déyeloppement de l’institution cardinalice. — III. Prééminence des cardinaux lomains. — IV. Composition et organisation du Sacré Collège. — V. Ses droits et ses devoirs. — VI. Son utilité. — VIL Erreurs et objections diverses.

Les cardinaux sont, après le Souverain Pontife,

les premiers dignitaires de l’Eglise. Sans appartenir à la hiérarchie de droit divin, le cardinalat, par ses antécédents historiques, se rattache au temps des Apôtres. Tel qu’il existe aujourd’hui, il se présente à l’historien comme le résultat d’une évolution graduelle dont on peut indiquer les phases les jjlus caractéristiques.

I. EtVMOLOGIE ET SIGXIFICATIOX ORIGINELLE DU NOM.

— Le nom de crt/’c ?/Ha/esté"idemment dérivé du latin cardo. Voici comment. Piimitivement, un évéque, un prêtre, un diacre s’appelait cardinalis quand il se trouvait, par ses fonctions, attaché de façon stal)le et permanente à une église ou à un titre ecclésiastique quelconque. Ce terme était synonj’ine de cardinatus, intitutatus. Pour le titulaire, l’église ou l’établissement en question devenait son cardo. c’est-à-dire son point d’appui et d’attache, le centre et le foyer de son activité. Telle est du moins l’interprétation préférée par la plupart des canonistes et des érudits, notamment parHixscHius, Thomassix, Mura-TORi. D’autres ontvoulu, il est vrai, ne voir ici qu’une application particulière de l’adjectif cardinalis, pris dans le sens de principal. Ils allèguent surtout quelques passages des lettres de S. Grégoire I (-^-604), où cette acception serait la plus conforme au contexte. De fait, ce pape appelle l’évêque de Naples episcopum cardinalem, ne visant, semble-t-il, que sa (pialité d’archevêque ; il appelle également des évcques établis par lui en Sardaigne et ailleurs, soit cardinales sacerdotcs, soit cardinales presbyteros, et cela, apparemment, parce que l’évêque prime parmi les prêtres ; et c’est par le même qualificatif qu’il distingue l’archidiacre ou premier diacre, comme tel, lorsqu’il écrit à l’évêque Janvier (Ep. lxxxiii, P. L., t. LXXXVII, col. 536) de reléguer au dernier rang dans la catégorie des diacres un certain Liberatus, coupable d’avoir brigué trop ambitieusement le grade de « cardinal diacre ». Mais en réalité cette seconde explication ne contredit pas l’explication historique proposée ci-dessus. Elle la conhrme plutôt, en la dé^eloppant. Cai’, suivant la juste remarque de Hinschius, l’épithète de cardinalis, interprétée d’après l’ensemble des monuments, implique dans ceux à qui on la donnait, outre une situation stable et conséquemment à cette situation, une certaine importance ou prédominance dont l’idée paraît être en connexion avec l’acception générale et plus usuelle du mot. Quant à tirer, comme on l’a aussi prétendu (cf. André, Cours alphabet, de droit canon), le substantif cardinalis du verbe cardinalare employé au sens de précéder, surpasser, c’est non seulement méconnaître les règles ordinaires de la dérivation lexicologique, mais encore attribuer au verbe de basse latinité cardinalare une signification qui ne se rencontre pas dans les sources.

Des textes juridiques recueillis par Phillips, Kirchenrecht, t. VI, p. 43 suiv., il semble résulter qu’au viii^ siècle la dénomination de cardinalis ne s’appliquait qu’au clergé des églises cathédrales ou épiscopales ; mais rien ne prouve, pour les temps antérieurs, l’existence de pareille restriction à la portée étymologique de ce nom. Plus tard, la spécialisation du mot alla encore s’accentuant : peu à peu les cardinaux devinrent l’ai)anage exclusif de l’Eglise romaine, de cette Eglise qui est pour toutes les autres, pour tout le clergé et pour tous les fidèles, ainsi que l’observait déjà S. LÉON IX, le cardo et le fondement de l’unité ecclésiastique. C’est Pie V qui réserva définitivement l’honneur de cette appellation aux premiers conseillers du pape.

II. Origine et dételoppement du cardinalat. — 853

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Les origines historiques de l’inslitution cardinalice se confondent avec celles du preshyterium dans la priuiitiAC Eglise. Dès Tcpoque initiale du christianisme, nous trouvons en chaque communauté vm groupe, un organisme connu sous le noiu de piesbyLeiiuin. Il était formé de prêtres et de diacres, sous la présidence d’un évêque, qu’ils avaient pour mission comnuine d’aider de leurs conseils et de seconder dans la conduite de son troupeau. Saint IcxACKd’Antioche fait souvent mention de ce groupe ou presbytère, auquel les fidèles doivent respect et soumission. Il enseigne aux E^ihésiens, c.ii, 2, Patres (ipustolici, édit. Funk, t. I, p. 21 4, à « pratiquer l’obéissance parfaite dans la su[)ordinalion à l’évéque et au presljytère » ; il félicite les Magnésiens, c. 11, iùid., iJ. 232, « d’être soumis à l’évéque, comme à la bonté de Dieu, et au presbytèi-e, connue à la loi du Christ » ; il exhorte les Tralliens, c. iii, i. ibid., ). 2 ! ^ ! ^, à « révérer les presbytres, comme le sénat de Dieu et le conseil des Apôtres » ; aux Philadelphiens il écrit, c.iv, ibid., p. 36^, de tout faire en union « avec l’évéque, le presl)ytère et les diacres », et, c. vii, i. ibid., p. 270, il leur « crie à hante voix et au nom de Dieu : Obéissez à l’évéque, au presbytère et aux diacres ». Dès lors donc il existait un conseil épiscopal, dans la composition duquel entraient des prêtres et des diacres. Chez Ignace, il est rsà, la dénomination de presbytère est encore généralement réservée aux premiers ; mais nous savons par ailleurs qu’elle ne tarda i^as à être étendue de façon à embrasser l’ensemble des conseillers de l’évéque.

Plus que tout autre, l’évéque de Rome, à raison de la gravité de sa tâche et de sa responsabilité, dut tôt sentir le besoin d’un corps choisi de conseillers et d’aides. Aussi bien le Liber poutificalis, édit. Duchesne, t. I, p. 126, nous montre déjà autour du pape EvARisTE (de 99 à 107 environ), un groupe de sept diacres, évidemment ainsi constitué en mémoire des sept élus dont il est question au chap. vi des Actes des Apôtres. Saint Pierre même aurait déjà ordonné sept diacres, ibid., p. 118, pour assister l’évéque à la messe. Plus tard, les diacres furent chargés, dans Rome, du soin des pauvres, ceux-ci ressortissant à sept diaconies ou régions, instituées par le pape Fabien (Liber pontif., t. I, p. 148) et groupées autour de sept églises déterminées. Ces diacres, les diaconi regiuitarii, sont à distinguer d’autres, plus nombreux, qui leur furent adjoints dans la suite, avec la qualification de statiunarii, et qui n’avaient comme tels aucune église à administrer, mais dans les rangs desquels se recrutaient habituellement les regionarii. Ceux-ci, par leurs relations nécessaires et constantes avec la personne du pape, acquirent naturellement une très réelle influence dans ses conseils et un grand prestige aux yeux du public, et ils devinrent ainsi. à la longue, les cardinaux-diacres. Mais même sous cette nouvelle dénomination, leur nombre septénaire fut d’abord maintenu. Ce n’est qu’au xi’= siècle que ce nomljre fut doublé, en même temps <|ue l’était celui des diaconies, j)ar suite de la multitude toujours croissante des nécessités auxquelles il fallait subvenir. Peu après, il fut i)orté à dix-huit. Ce chilFre. d’après Maiullon, avait déjà été atteint, sinon dépassé, sous HoxoRirs II (1 124-1 130) ; mais Sixte-Quint, en 1586, le ramena à quatorzc, et cette règle est encore observée de nos jours.

Le Liber poiiti/icalis, ibid., p. 122, rapporte aussi que Clet, qui fut le second successeur de Pierre, aurait, du vivant même et sur l’ordre de celui-ci. ordonné vingt-cinq prêtres, à qui Evariste aurait ensuite distril>uc les églises paroissiales, //v/V/., p. 126. Il est, en tout cas, certain que, de bonne lieure, le pape eut besoin de nombreux assistants ou sup pléants pour ses fonctions sacerdotales. Parmi les prêtres qu’il dut s’associer, les uns s’acquittaient de leur ministère dans l’église même du pontife et, pour ainsi dire, sous ses yeux ; aux autres étaient assignées diverses églises, qui prirent la dénomination de titres, tituli. Suivant l’auteur du Liber pontificalis, t. I, p. 164, le pape Marcel en aurait institué vingt-cinq. Au concile du 1*" mars ^99, les prêtres romains signent avec l’indication des vingt-cinq titres auxquels ils étaient attachés. Ces titres se multiplièrent et acquirent de riniportance. Au xii’siècle, il y en avait certainement vingt-huit. Cf. Jean Diacre ijiiniur), De Ecclesia Luterancusi, P. /.., t. CXCIV. col. 155^, et SoLLERius, Acta Satictorum, Junii, t. VI, p. xlvi. On peut même remonter un siècle plus haut, car la Descriptio sanctuarii Lateranensis, de la lin du xi* siècle, contenait déjà le passage de Jean Diacre svir les vingt-huit prêtres titulaires des principales églises de Rome. Ceux-ci en vinrent peu à jieu à exercer sur les églises voisines une sorte de juridiction épiscopale. Distribués en quatre catégories, ils dépendaient directement des quatre grandes églises patriarcales et, par leur intermédiaire, ils se rattachaient tous à la basilique de Latran, la Mater et magistra oianium Ecclesiarum, le cardo totius iirbis et orbis. Comme les diacres dont il a été question, ils étaient dits cardinaux, cardinales. Ils sont devenus nos cardinauxprêtres.

Ajoutons qu’aux réunions du presbytère romain on vit fréquemment, dès les premiers temps, se mêler les évêques étrangers qui se trouA’aient par hasard à Rome, amenés par le désir soit de rendre leurs tlevoirs au successeur de Pierre, soit de recourir à sa direction suprême. Les sources historiques mentionnent clairement le cas déjà sous le pontificat dç saint Corneille (261-253). Bientôt la coutume s’introduisit d’inviter à ces assemblées les évêques des cités les plus voisines. Leur présence, ajoutée à celle des prêtres et des diacres url)ains, finit par constituer dans la ville des papes une sorte de petit concile plus ou moins permanent, une manière de tî^koSî ; jvô/ ; / » ! ^ ? ! /., analogue à l’organisme connu et fonctionnant sous ce nom à Constantinople. De là à ranger les évêques

« suburbicaires » au nombre des conseillers ordinaires

du pontife suprême, à en faire des membres de son sénat, des cardina ux-éi-èques, il n’y avait qu’un pas, et, avec le temps, ce pas fut accompli.

III. Situation spéciale des carihnaux romains. — De la similitude d’origine et de ce que le nom de cardinal a été, à une certaine époque, attribué également au haut clergé romain et au liant clergé des autres villes, on aurait tort de conclure, comme l’a l’ait MuRATORi, qu’à ce nom répondaient, dans l’un et l’autre cas, des prérogatives identiques. Si pareille déduction était fondée, il faudrait retendre bien au delà de ces limites, puisque, ainsi que nous l’avons constaté, même des églises rurales, du moins avant le VIII’siècle, avaient leurs clerici cardinales. D’ailleurs, l’appellation de pape se donnait jadis indistinctement à tous les évêques, et il n’est jamais venu à l’esprit d’aucun catJiolique de les mettre tous, pour cette raison, sur le même rang. Ainsi en va-t-il du nom de cardinal : il était d’abord générique, indéterminé, n’impliquant nul rôle précis, nulle obligation ou puissance uniforme ; sa valeur exacte se déterminait suivant les circonstances. Les cardinaux d’un diocèse particulier autre que celui de Rome n’ont jamais pu recevoir de leur évê(iue et partager avec lui qu’un pouvoir renfermé dans les bornes de ce diocèse ; mais les dignitaires associés par le souverain pontife à l’administration des aflaires qui lui incombent acquirent par là même, naturellement et CURIE ROMAINE (CARDINAUX)

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nécessairement, un certain pouvoir et une influence s’exerçant sur l’Eglise entière. Cette situation se traduisit en fait dès le m’siècle. Pendant la vacance du siège apostolique qui suivit la mort de saint Fabien et qui ne dura pas moins d’un an, nous vojons les prêtres et les diacres de Rome adresser à saint Cyprien et au clergé de Carlhage plusieurs lettres (cf. DucHESNE, Hist. ancienne de l’Eglise, 3’éd., t. I, p. 400)> parmi lesquelles une surtout très importante et très significative. Celle-ci avait trait aune fquestion alors vivement débattue, au mode et aux conditions de la réconciliation des apostats ou tombés. Elle fut, selon le témoignage de saint Cyprien (Epist. lv, 5, P.L., t. IV), « envoyée dans tout l’univers et portée à la connaissance de tous les fidèles et de toutes les Eglises ». L’illustre évêque de Carthage. dans sa réponse, rend un éclatant hommage à l’autorité du clergé romain, et il se montre aussi heureux que reconnaissant de pouvoir s’y appuyer pour justifier sa ligne de conduite à l’égard des la psi.

IV. Composition et oRGANiSATio.v DU sacré collègi ;.

— On peut déjà comprendre en quel sens et avec quelles restrictions il faut entendre ce que quelques auteurs disent de l’institution récente du cardinalat romain. Ce qui est rigoureusement vrai, c’est que le corps des cardinaux a subi des modifications successives dans le nombre et la qualité de ses membres, ainsi que dans ses attributions et ses pouvoirs.

Nous avons montré comment le presbytère romain acquit insensiblement ce caractère tout particulier de réunir dans son sein des évêques à côté des prêtres de second rang et des diacres. C’étaient les sept évêques « suburbicaires », c’est-à-dire les é^êques des sept diocèses les plus rapprochés de Rome : Ostie, Albano, Porto, Siha Candida ou Sainte-Rufine, Sabine, Préneste (Palestrina) et Tusculum ou Frascati. Il leur appartenait d’accomplir certaines fonctions ou solennités épiscopales à la place et au nom du pontife suprême. Une ordonnance d’Etienne III, en 76g, les suppose chargés à tour de rôle et par semaines du service divin dans la basilique de Latran. A propos d’ETiEXXE III, le Liber ponlificalis, édil. Duchesne, t. I, p. 4^8, dit : Hic statuit ut omni die dominico a septem episcopis cardinalihiis hebdomadariis, qui in ecclesia Sah’atoris obsen-ani inissar-um solemniu, super altare B. Pétri celebraretitr et Gloria in e.rcelsis Deo ediceretur. C’est la plus ancienne mention expresse des sept cardinaux-évêques que nous connaissions. Calixte II, en réunissant le diocèse de Sainte-Rufine à celui de Porto, réduisit à six les sièges suburbicaires et, par conséquent, les cardinaux-évêques. Ce nombre fut maintenu par Sixte-Quint, qui ramena, de plus, définitivement celui des cardinaux-diacres à quatorze et celui des cardinauxprêtres à cinquante. Le collège cardinalice comprend donc en droit, depuis lors, soixante-dix membres ; mais les cadres sont rarement pleins. L’influence et la considération exceptionnelles dont il jouit dans l’Eglise datent de plus haut ; elle sont dues surtout au droit d’élire le pontife romain, qu’il détient comme élément absolument prépondérant depuis le décret d’un concile romain sous Nicolas II, en 1069, et comme facteur unique, à l’exclusion du clergé inférieur et du peuple, en vertu d’un canon du IIP concile œcuménique de Latran (1179).

Les trois catégories ou classes de cardinauxévêques, cardinaux-prêtres et cardinaux-diacres ne sont point fondées sur le pouvoir d’ordre, comme leur nom pourrait le faire croire ; elles dépendent uniquement du titre ecclésiastique assigné à chaque élu au moment de sa promotion. Leur ensemble constitue le Sacré Collège, sorte de corps

moral dont l’organisation interne est assez analogue à celle d’un chapitre canonial. A sa tête se trouAC un doyen, qui préside les assemblées collégiales et a qualité en général pour représenter le collège. C’est régulièrement le cardinal-éA’êque le plus ancien et le titulaire du siège suburbicaii-e d’Ostie. En cette dernière qualité, il a l’honneur de donner la consécration épiscopale à un pape élu qui ne serait pas encore évêque. A côté du cardinal doyen, il y a le cardinal caniérier. Désigné annuellement par ses collègues, il est chargé de l’administration et de la répartition des revenus communs.

V. Devoirs et prérogatives des cardinaux. — Les principaux droits et devoirs des cardinaux se peuvent résumer dans cette aflîrmation : leur mission habituelle est d’assister le pape de leurs conseils et de lui prêter aide sous toute autre forme pour le gouvernement de l’Eglise. Aussi bien la législation canonique statue qu’ils auront toujours libre accès auprès de lui. Pour la même raison, la plupart résident et sont tenus de résidera Rome, les cardinaux-évêques étant dispensés de la résidence auprès de leurs églises. Font exception à cette règle les cardinaux qui sont évêques de diocèses étrangers à l’Italie ou situés en Italie, mais éloignés de la Ville éternelle.

Le pape a le droit de demander, d’exiger même, en toute circonstance, l’avis des cardinaux, mais il n’est jamais lié par leur réponse ; lui seul reste juge des conditions dans lesquelles il doit suivre l’avis exprimé. Dans l’intérêt et pour la sauvegarde de l’autorité suprême, il est défendu aux membres du sacré collège de se réunir en vue soit de délibérer ensemble soit de célébrer ensemble une solennité religieuse, sans y avoir été invités ou autorisés par le chef de l’Eglise.

A la mort d’un pape, c’est aux cardinaux exclusivement qu’il appartient de choisir son successeur, avec cette restriction que ceux-là ne sauraient prendre part au conclave, qui n’auraient pas encore reçu le diaconat. Pendant l’interrègne, le sacré collège, à la difl’érence des chapitres des cathédrales, n’est pas investi de la juridiction intégrale du pontife défunt ; car la primauté n’a pas été promise à un corps moral, mais seulement à Pierre et à ceux à qui son siège est dévolu après lui. L’asseml)lée des cardinaux ne peut donc rien innover dans la forme du gouvernement ecclésiastique, ni édicter des lois universelles, ni déroger aux saints canons, ni s’ingérer dans des afl’aires épineuses, ni conférer des bénéfices, ni modifier des décisions ou des mesures prises antérieui’ement. Elle doit se borner à parer aux dangers iiuminents qui menaceraient l’Eglise et à défendre, au besoin, le domaine temporel du Saint-Siège. Il faut que toute sa sollicitude et toute son activité se portent, se concentrent sur un seul objet : hâter l’élection d’un nouveau pontife. Voilà pourquoi ceux d’entre les cardinaux qui sont chargés de fonctions personnelles non éteintes par la mort du pape, les évêques suburbicaires, par exemple, le cardinal-vicaire, le grand pénitencier, les préfets et membres des diverses congrégations, ou sont momentanément exemptés de ces obligations particulières, ou sont tenus d’y pourvoir par les suppléants que le droit détermine.

En temps ordinaire, c’est principalement dans les consistoires et les congrégations que les cardinaux prêtent leur concours habituel au souverain pontife. Les consistoires, c’est-à-dire les réunions générales des cardinaux présents à Rome, se renouvelaient jadis deux ou trois fois par semaine, et l’on y traitait presque toutes les affaires importantes ; ils sont devenus beaucoup plus rares et ne se tiennent qu’à des intervalIes irréguliers. Ils sont publics ou secrets.

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Aux premiers assistent, outre les membres du sacré collège, d’autres prélats et des représentants des princes sécidiers ; le pape préside en personne. C’est dans ces assemblées très solennelles qu’on promulgue, s’il y a lieu, les décisions prises en consistoire secret. Elles peuvent aussi avoir pour objet ou occasion une canonisation, la réception d’un ambassadeur, le retour d’un légat a lateve. Les cardinaux seuls sont admis aux autres consistoires, et en cas d’empêchement du pape, c’est le doyen du sacré collège qui dirige les débats. On y discute la création de nouveaux cardinaux, les nominations, confirmations, translations, renonciations et dépositions d’évéques, la désignation de coadjuteurs, la concession du pallium ou d’autres faveurs importantes, rérection, la délimitation, l’union et la division des diocèses, les approliations des ordi*es religieux, en un mot, toutes les causes qui intéressent grandement l’Eglise et qu’on appelle conslstoriale.f. Les cardinaux n’ont que voix consultative. Quel que soit du reste leur avis, il ne leur est pas loisible d’en refuser la manifestation au Saint-Père.

Mais les affaires ecclésiastiques sont trop nombreuses et trop variées, pour qu’il soit possible de les régler toutes dans des consistoires. On a senti depuis longtemps la nécessité de diviser une lâche si ardue et si conqilicjuée. Voilà pourquoi on a établi des congrégations, des tribunaux et des offices particuliers, en assignant à chacun de ces groupes un département propre. On comptait naguère jusqu’à douze congrégations et au delà. La constitution Sapienti consilio, édictée par Pie X le 29 juin 1908, ne maintient que onze congrégations proprement dites, outre les trois tribunaux de la Sacrée Péiiifencerie, delà Bute, delà Signature apostolifjue, et les cinq offices ou bureaux de la Chancellerie apostolique, de la Daterie aposiolicjue, de la Chambre apostolique, de la Secrétairerie apostolique et de la Secrétairerie des brefs. Tous ces corps, la congrégation du Saint-Olficc exceptée, sont sous la présidence et la direction d’un cardinal, et c’est aussi dans le collège des cardinaux que sont pris les membres proprement dits des congrégations, j’entends ceux qui ont voix délibérative.

A la dignité et aux fonctions essentielles du cardinalat se rattachent ses privilèges juridiques ou honorifiques et ses insignes extérieurs. C’est au xiii « siècle que les cardinaux commencèrent à prendre le pas sur tous les autres dignitaires ecclésiastiques, même srr les archevêques, les primats et les patriarches. Cette préséance a été officiellement reconnue et ratifiée par EuGiïxE III et par Léon X. Innocent IV assigna le chapeau rouge, comme marque distinctive, aux cardinaux pris dans le sein du clergé séculier, et Grkgoiri ; XIII généralisa la mesiu’c. L’usage du manteau de pourpre est d’introduction postérieure ; il a été, croit-on, décrété par Paul II. Enfin, Ukbain VIII, en 1630, vovdut que les cardinaux fussent appelés Eminences ou Enii/ientissiines Seigneurs,

Au point de vue des relations sociales et politiques, il est entendu que les cardinaux sont sur le même rang et qu’ils reçoivent les mêmes honneurs que les princes non souverains. Dans l’ordre des choses ecclésiastiques, nombreuses sont les prérogatives qui leur ont été octroyées. Lors même qu’ils ne seraient pas évêques, ils ont droit de séance et de Aote dans les conciles œcuméni(pies, et ils sont en outre appelés, depuis le xiii’siècle, à émettre leur avis les premiers. Un cardinal-prêtre ou un cardinal-diacre revêtu du caractère sacerdotal peut toujours conférer la tonsure et les ordres mineurs à ses familiers, ainsi qu’aux personnes remplissant une fonction dans son église. Tous jouis.scnt d’une inviolal)ilité à laquelle on ne saurait porter atteinte sans commettre un crime de

lèse-majesté et encourir l’excommunication. Euxmêmes ne sont justiciables que du pape et n’encourent que les censures qui ont été décrétées ou comminées avec mention expresse d’eux. Ils participent à tous les privilèges des évêques.

VI. Utilité du cardinalat. — Cn conçoit suffisamment, par ce que nous avons dit des devoirs inhérents au cardinalat, le rôle capital des cardinaux dans l’Eglise, le concours multiforme et très efficace que le premier pasteur en attend et en reçoit, bref, l’utilité de leur institution. Ajoutez que la création des cardinaux choisis parmi le clergé des différentes nations établit des liens plus étroits entre elles et le centre de la catholicité, et assure au Saint-Père un précieux et légitime moyen d’influence sur les gouvernements. Chacun de ceux-ci tient avec raison à être représenté au sein du sacré collège par un ou plusieurs de ses sujets. Sans doute, c’est au pape seul qu’il appartient de créer de nouveaux cardinaux, après avoir demandé, s’il le juge à propos^ l’avis des anciens ; mais il le fait parfois à la prière et sur la présentation des princes ou des Etats catholiques. Ceci a lieu surtout pour les cardinaux de curie, qui représentent et ont charge de défendre auprès du Saint-Siège les intérêts de telle ou telle nation en particulier. Quatre pays spécialement peuvent, en Aerlu d’une coutume plusieurs fois séculaire, obtenir un cardinal de curie : c’est l’Autriche, la France, l’Espagne et le Portugal. Mais il est clair qu’actuellement la France, par la dénonciation brutale du Concordat de 1802, a renoncé à l’exercice de ce privilège.

Les cardinaux sont les princes de l’Eglise, sa plus haute noblesse. Leurs fonctions propres, cjui en font les organes directs et comme les représentants-nés du pontife suprême, le rang qu’en conséquence ils tiennent dans la hiérarchie ecclésiastique, immédiatement au-dessous de lui, le respect de leur dignité dont l’éclat rejaillit sur le Siège apostolique, les relations indispensables qu’ils ont ou iieuvent aA’oir avec les ijrinces séculiers, dont ils sont réputés les égaux, les mettent dans la nécessité de s’entourer d’un certain apparat ; il ne leur est pas permis en principe de se départir d’un train convenable. On aurait tort de considérer comme un luxe superflu ce qui, exigé par les conventions et les bienséances sociales, contribue en définitive au prestige et à l’influence bienfaisante de la religion. Depuis que Rome a dû subir l’invasion du Piémont, les cardinaux qui y résident paraissent beaucoup moins en public et font en un sens moins grande figure qu’auparavant ; force leur a été de diminuer leur état considérablement. Mais cette diminution, qui prive le Saint-Siège d’un relief aussi légitime que favorable au rayonnement de son action religieuse, n’est qu’un des maux nombreux que l’invasion a causés à l’Eglise de Dieu.

VIL Erreurs et objections diverses. — Nous relèverons d’abord, concernant l’origine du cardinalat, deux erreurs diamétralement opposées. On a cherché cette origine et trop haut et trop bas.

Quelques gallicans semblent avoir considéré la dignité cardinalice comme une institution de droit strictement divin. Gerson a écrit qu’elle fait partie de la hiérarcliie établie par Jésus-Christ. Au concile de Constance, Pieruk d’Ailly aflirmait que si, du temps de saint Pierre, le titre de cardinal était inconnu, la chose du moins existait déjà : « Les Apôtres, disait-il, ont été cardinaux avant d’être évêques, cardinaux de Home lorstpi’ils n’étaient pas encore cardinaux de l’univers : prias cardinales L’rbis quant orbis. Le sacré collège cardinalice succède au sénat 850

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apostolique », en tant que les Apôtres remplissaient auprès de saint Pierre le rôle de conseillers et de coadjuteurs que les cardinaux remplissent maintenant auprès du pape. Vers la même époque, l’Université de Prague exigeait de tous ses gradués qu’ils reconnussent dans les cardinaux les successeurs des Apôtres. — Pas n’est besoin de longues réflexions pour démêler dans ces assertions la part du vrai et du faux. L’histoire atteste, comme la tliéologie catholique enseigne, que ceux des pouvoirs de l’apostolat qui étaient ordinaires, c’est-à-dire inhérents à la hiérarchie ecclésiastique, se sont perpétués dans l’épiscopat, et non point sous une autre forme. Rien n’empêche de rattacher, si l’on veut, ou, mieux, de comparer le corps des cardinaxix au corps des Apôtres ; néanmoins, suivant toutes les données liistoriques et traditionnelles, le premier est, non pas l’héritier, la continuation proprement dite, mais une imitation partielle du second ; entre les deux il y a analogie, non identité juridique. Encore l’analogie se borne-t-elle au concours apporté de part et d’autre au chef de l’Eglise par le groupe qui l’entoure ; le droit, si important et si caractéristique, qui concerne l’élection du pape, reste en dehors du point de comparaison. C’est en ce sens, assurément, qu’EuGÈXE IV, dans sa constitution A’un mediocri^ affirme que l’office des cardinaux est, par ses commencements, contemporain du bienheureux Pierre. C’est une ressemblance du même genre que Sixte-Quixt a en vue et fju’il applique à la situation des Apôtres par rapport au divin Maître, lorsqu’il écrit, constit. Postquam {eriis : « Les cardinaux de la sainte Eglise romaine représentent les Apôtres servant le Christ notre Sauveur durant sa prédication du royaume de Dieu et son accomplissement des mystères du salut de l’humanité. » Autrement, il faudrait admettre non seulement que l’institution des cardinaux est aussi ancienne que l’Eglise, mais qu’elle lui est antérieure, puisque l’Eglise et sa hiérarchie visibles n’ont été véritablement établies qu’après la résiu-reclion du Christ.

Les presbytériens et des jansénistes ont avancé une théorie qui va à rencontre de la précédente en se jetant dans l’excès contraire. D’après eux, les cardinaux seraient purement et simplement les successeiu’s des curés, et leur situation actuelle se présenterait comme le produit de l’ambition et des empiétements successifs des officiers de la cour romaine.

— Il suffirait, pour réfuter cette thèse, de rappeler ce qui a été dit plus haut de la signification et de l’emploi primitifs du nom de cardinal. Il en résulte, en effet, que les ministres ainsi qualifiés se rencontraient d’abord dans toutes les églises, tant urbaines que rurales, tandis qu’il est généralement admis que les villes, sauf peut-être Rome et Alexandrie, n’ont pas été dotées du régime paroissial avant l’an looo. Notre observation ne perdrait évidemment rien de sa force, au contraire, si l’on voulait prétendre, avec le savant Phillips, que les cardinaux n’ont jamais existé que dans les villes. Mais, sans aller jusque-là, nous devons bien convenir, sur la foi des monuments, qu’au viii’siècle l’antique dénomination était restreinte, dans son application, au clergé des églises cathédrales. On en serait donc venu, à une certaine époque, à réserver le nom propre des curés aux seuls lieux où il n’y avait ni curés ni paroisses ! Qui admettra la vraisemblance d’un pareil processus ? Pourtant le fait et la date de la restriction indiquée nous sont garantis par des témoignages d’une clarté parfaite. En voici quelques-uns. Le pape Zacharie, dans une lettre de’j/S ii Pépin le Bref, parle d’un canon du concile de Néocésarée, qu’il résume ainsi : De presbyteris agrorum, qiiam obedientiam debeant exliibere episcopis et presbyteris cardinalibus. P. L.,

t. LXXXIX, col.933 ; 3aifé, Begesfa pontificum, n. 22’J7. Au siècle suivant, le diacre Jean (l’ancien), Vie de saint Grégoire le Grand, l. III, n. ii, P. L., t. LXXV, col. 135, écrit : /tem cardinales violenter in parochiis ordinatos forensibus in pristinum cardinem Gregorius reyocahnt. Dans un diplôme de Gauzelin de Padoue, qui porte la date de q’jS, nous lisons : Dum Dominas Adilbertns, Patas-iensis Ecclesiæ episcopus, resideret in cathedra siii episcopii, in donio S. Mariae matris ecclesiae, convocata sacerdotum, levitaruni, reliqiioriinique caterva, tum ex cardine urbis ejusdem quamqiie ex singulis plebibus in synodali conventn. Ces textes et d’autres semblables établissent une opposition entre le clergé des campagnes, presbyteri agrorum, parochi forenses, plehani, et le clergé de la cité épiscopale, celui-ci seul continuant, par certains de ses membres, la lignée des presbyteri cardinales. Qu’un changement de ce genre se soit produit dans le langage canonique, c’est chose cjiii se comprend, si. la synonymie de cardinalis et de incardinatus admise, on considère que les ecclésiastiques de l’entourage de l’évêque étaient, par suite de leur situation plus élevée, moins sujets à déplacement ; mais elle ne se comprendrait pas si l’épithète de cardinalis avait été antérieurement propre aux curés.

L’élévation progressive des cardinaux romains s’explique tout naturellement sans qu’il soit besoin de faire intervenir comme facteur décisif des vues ambitieuses et intéressées. L’évolution historique de la puissance du souverain pontife ne pouvait manfjuer d’entraîner un mouvement parallèle d’ascension pour ses conseillers ordinaires. Nous avons vu comment, partiellement d’abord, par Nicolas II, puis plus complètement, par le IIP concile œcuménique de Latran, le droit d’élire le pape leur fut réservé. De là évidemment, pour eux, une nouvelle cause d’accroissement d’influence. Du reste, rien de mieux justifié historicjuement et juridiquement, rien de plus conforme à l’analogie de la discipline ecclésiastique que l’attribution de ce droit. De même que, dans la plupart des diocèses, après la querelle des investitures, la participation du peuple et du clergé inférieur au choix de l’évêque dut être écartée, tandis que la législation des Décrétales, notamment au II concile de Latran (i 189), posait comme règle l’élection par le haut clergé, c’est-à-dire, le plus souvent, par le chapitre de la cathédrale (cf. ^^’ER^z, Jus Décréta linm, t. II, p. 891), de même pour Rome. Une différence pourtant est à signaler ici : c’est que le corps électoral, romain par sa fonction et sa dignité, représente en réalité, grâce à ses membres originaires de divers pays, l’Eglise entière ; et ceci encore est très rationnel, puisque ce n’est pas pour un seul diocèse, mais pour toute l’Eglise qu’il s’agit d’élire un pasteur. Ajoutons qu’à Rome, comme ailleurs, plus qu’ailleurs, l’exclusion de l’élément populaire, au xi" et au xii « siècles, s’imposait, à raison des factions, des troubles, des schismes même et des antipapes, dont son intervention avait été la cause ou l’occasion, et qui tendaient alors à passer à l’état de mal chronique.

On a reproché spécialement aux cardinaux de s’être arrogé, même pour ceux d’entre eux qui ne sont pas évêques, la préséance sur tous les évêques et arche-A’êques étrangers à letir collège. Mais ce point encore est une conséquence de leur union perpétuelle et intime aA’cc le Saint-Siège. En vertu de cette union, les cardinaux devaient apparaître et sont apparus dans l’Eglise comme les ministres du pape, bien plus, comme une représentation, une sorte de dédoublement de la personne du pontife. Or c’est une règle, admise aussi dans l’ordre civil, qu’à celui qui représente un prince on accorde les mêmes honneurs et les mêmes pré861

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séances qu’au prince dont il tient la place. Il est vrai que les cardinaux-prêtres et les cardinaux-diacres sont, comme tels, pour ie pouvoir d’ordre, inférieurs aux évêques ; c’est ce qui a fait dire parfois que leurs prérof^atives renversent et détruisent la hiérarchie. Le savant Thomassin a rencontré cette objection, et il y répond que ce n’est pas de l’ordre que dépend la préséance, mais plutôt de la juridiction ; les archidiacres, dit-il, qui jadis ne recevaient généralement que le diaconat, précédaient cependant les prêtres, parce qu’ils étaient les ministres immédiats de l’évêque. Et n’est-ce pas par application d’un principe analogue qu’un simple prêtre, dûment promu à un siège épiscopal, a le pas, déjà avant sa consécration, sur tous les dig’nitaires et fonctionnaires ecclésiastiques du diocèse ?

Pour comprendre enfin la participation des cardinaux non revêtus du caractère épiscopal aux délibérations et aux votes d’un concile œcuménique, il est indispensable d’avoir présente à l’esprit la doctrine catholique sur le caractère de la primauté romaine, d’une part, et des conciles, tant universels que particuliers, d’autre part. Nul concile n’est jamais absolument nécessaire. Quand le pape, librement, pour mieux assurer la réalisation du bien 6u combattre plus eflicacement les abus pratiques et les nouveaulés doctrinales, réunit des conciles, rien ne lui interdit de poser à leur réunion, à leurs débats et à leurs décisions, telles conditions et telles limites qu’il juge convenables. Ce serait une erreur capitale de voir dans un concile, fùt-il œcuménique par la convocation, le nombre et la qualité de ses membres, quelque chose comme le parlement d’une république ou d’une monarchie constitutionnelle ; il ne saurait même être comparé à ces assemblées législatives qui, libéralement octroyées sous un régime de monarchie absolue, peuvent toujours, en droit strict, être dissoutes et congédiées par celui qui les a établies. Si légitime et si étendu que soit son pouvoir, un souverain temporel ne le tient point de Dieu seul ; la forme du gouvernement et la désignation du dépositaire de la puissance gomernementale supposent une intervention du peuple. Mais le pouvoir du pape est non seulement la plénitude du pouvoir ecclésiastique, il est tel de droit divin positif et immédiat. Le successeur de Pierre est, en vertu dece droit divin, la seule tète nécessaire à la vie et à l’activité essentielle du corps de l’Eglise universelle ; les autres évêques, bien que l’épiscopat existe lui aussi de droit divin, ne sont pasteurs que de diocèses particuliers ; ils ne peuvent donc intervenir directement dans le gouvernement ou l’enseignement dogmatique de toute l’Eglise que par association avec le pape. Celui-ci, libre de donner ou de ne donner pas à cette association la forme spéciale qu’elle revêt dans un concile, ne fait proprement tort à personne quand il y accorde une place et une part active à quelques-uns de ses conseillers. Au pointde vue des principes donc, au point de vue du droit constitutif de l’Eglise, la conduite des pontifes romains est inattaquable. Et qu’on ne dise pas que, cette pratique admise, un concile ne sera plus une image fidèle et l’expression de l’Eglise enseignante. Les cardinaux n’ayant pas reçu la plénitude de l’ordre n’ont jamais été qu’une fraction très petite, une quantité presque négligeable dans l’ensemble d’un concile œcvmiénique. Celte observalion a aujourd’hui plus de force que jamais ; car, on le sait, en dépit des qualifications historiques et ofTicielles de caidiiiaux-prrtres et cardinaux-diacres, presque tous les cardinaux sont en réalité évêques. Tout ceci, sans compter que l’oL-cuménicilé formelle d’un concile, c’est-à-dire la valeur définitive et universelle de ses décrets, soit doctrinaux, soit discipli naires, dépend avant tout du concours y apporté par le souvei-ain pontife. Je ne puis du reste que rappeler ici ces vérités, dont l’importance est capitale dans la question. Pour les détails, voir l’art. Conciles, ci-dessus, col. G21 scqq.

Bibliographie. — Pour les principes théologiques, cf. Palmieri, De Romano Pontifice, Prato, 1891, et Franzelin, Thèses de Ecclesia Christi, Rome, 1887,

— Pour la pai’tie historique, outre plusieurs noms cités dans le corps de l’article : Thomassin, Vêtus et nos-a disciplina, part. I ; Martigny. Dict. des antiquités chrétiennes, Paris, 1877, art. Titres ; Phillips, Kirchenrecht, t. VI ; Hinschius, System des hatholischen Kirchenrechts, Berlin, 186g, t. I ; Vacant-Mangenot, Dict. de théologie cath., Paris, 1906, art. Cardinaux. — Pour la partie canonique, les grands canonistes en général, surtout Ferraris, Prompta bibliotheca, Mont-Cassin, 1845, art. Cardinales, et Wernz, Jus decretalium, Rome, 1899, tom. II, tit. XXXV.

J. FOUGET.

Des Congrégations romaines

I. — Des Congrégations romaines en général. — I. Définition. — II. Division. — III. Histoire. — IV. Constitution. — V. Autorité. — VI. Compétence. — VII. Manière de procéder. — VIII. Valeur juridique des divers actes ou décrets des Congrégations (décrets disciplinaires).

II. — Congrégations spéciales. — I. Sacrée Congrégation du Saint-Office (ou de l’Inquisition) : Institution, Nature, Constitution, Compétence, Manière de procéder. Valeur juridique de ses décrets doctrinaux. — II. Du Consistoire et de la Sacrée Congrégation consistoriale. — III..S. Congrégation de la discipline des Sacrements. — IV. -S. Congrégation du Concile. — V. S. Congrégation des Religieux. — VI. S. Congrégation de la Propagande. — VII. iS. Congrégation de l’Index. — VIII. ^^ Congrégation des Rites. — IX..S. Congrégation cérémoniale. — X. -S. Congrégation des affaires ecclésiastiques extraordinaires. — XI. S. Congrégation des Etudes.

Appendice : Sacrées Congrégations supprimées.

Commission pour les Etudes bibliques. — Institution. — Nature. — Valeur de ses décisions.

I. Des Congrégations romaines en général. — Les Congrégations sont des collèges de cardinaux, institués par les Souverains Pontifes pour l’examen et la décision des causes, des alTaires ecclésiastiques, qui rentrent dans leurs attributions respectives.

Les unes sont ordinaires, les autres extraordinaires. Celles-là sont permanentes ; celles-ci, créées en vue d’un besoin sjiécial et transitoire, cessent d’exister dès que leur objet est rempli. C’est des premières seulement que nous parlerons dans cet article.

Les unes sont indépendantes, principales, générales, les autres dépendantes, subsidiaires, particulières. Celles-ci sont rattachées et subordonnéesàune congrégation générale, principale ; ce sont des congrégations annexes ; telle, par exemple, la congrégation spéciale ou section pour les affaires des Rites orientaux, réunie à la Propagande ; la Congrégation de Lorette, jointe à celle du Concile.

Histoire. — Dans les premiers siècles, les causes ecclésiastiques plus dilHcilcs, plus importantes, majeures, furent soumises au Saint-Siège. A raison de sa juridiction suprême et universelle, le Souverain Pontife aurait pu, à lui seul, les traiter. Pratiquement. 863

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cependant, le Pape prenait le plus souvent lavis de son presbytère, et même, si TalFaire était très grave, réunissait un concile particulier. De ce fait, les synodes romains acquirent une grande autorité.

Toutefois, il faut l’avouer, ce mode d’administration était précaire, difficile, et ne favorisait guère la prompte expédition des affaires.

Or, à partir du douzième siècle, les conciles romains devenaient plus rares, et les cardinaux commençaient à avoir la prééminence sur les évêques et autres prélats supérieurs. Aussi, rien d"étonnant à ce que le collège stable et permanent des cardinaux ait été apl)elé à prendre part de plus en plus au gouvernement de l’Eglise. En effet, les affaires ecclésiastiques ardues, plus graves, furent en partie discutées par le collège entier des cardinaux, réunis en consistoire, en partie confiées à des commissions de cardinaux, établies spécialement et prosisoirement dans ce but.

On peut dire, à bon droit, que ces commissions spéciales temporaires de cardinaux ont préparé la Aoie aux congrégations proprement dites, qui furent enfin instituées au seizième siècle.

L’hérésie luthérienne venait de faire son apparition. Les papes jugèrent vite la gravité de la situation. Paul III, pour mieux combattre l’erreur et en préserver les fidèles, institua la Congrégation du SaintOtrice ou de l’Inquisition. Cette tentative était heureuse ; mais elle restait isolée. Sixte-Quixt généralisa cette manière de procéder, et par sa bulle Immensa, du 22 janvier iSS^, institua quinze congrégations de cardinaux, chargées de l’expédition des affaires ecclésiastiques. Il divisait les matières entre elles, et leur attribuait, pour les traiter, une autorité ordinaire et convenable. Dans la suite. Clément VIII, Grégoire XV, Urbain VIII, Clément IX, Pie VII, établirent d’autres congrégations. De même. Pie IX, LÉON XIII et Pie X (Coiist. Romanis pontlficibiis du '^ décembre igoS ; Quæ in Ecclesiae, du 28 janvier igo^ ; Sacræ Con gregafioni, du 26 mai 1906 ; Sapienti Consilio, du 29 juin 1908), firent quelques modifications, sans cependant changer substantiellement la disciiiline ecclésiastique (voir Bétails sur la fondation et la compétence ancienne des Congrégations, dans G. Goyau, Le Vatican, 2^ partie, etc. ; Stremler, Bangen, card. de Luca, Lega, etc.).

Constitution. — La constitution des congrégations est collégiale. Seuls, les cardinaux constituent la congrégation proprement dite. Un d’entre eux remplit la charge de préfet ; le Souverain Pontife se la réserve pour quelques congrégations. Le nombre des cardinaux dont est composée chaque congrégation n’a rien de bien fixe ; il déiiend de la volonté du Pape. Un secrétaire, nommé par le Pape, assiste le préfet, et prépare les affaires à traiter. La plupart des congrégations ont leurs consultears et des employés subalternes. Les consulteurs émettent leur avis {<, >otum) dans les questions plus difficiles ; ils ont voix consultative.

Les cardinaux, membres de la Congrégation, ont A’ote délihératif, et ils doivent voter coUégialement, c’est-à-dire que les décisions sont prises à la majorité des voix. Pour qu’une décision soit valide, il faut qu’il y ait au moins trois cardinaux présents, à moins que le Souverain Pontife, par un induit spécial, n’ait permis de trancher la question, même lorsqu’il n’y a que deux cardinaux.

Autorité. — Les congrégations romaines constituent autant d’organes officiels et permanents du SaintSiège, et procèdent au nom et par l’autorité du Pape (cf. Santi-Leitner, 1. I, fit. 31, n. 4'^, p. 301). Cependant, elles ont pouvoir ordinaire pour juger les afîïdres de leur compétence (cf. Fagn. , in 2 » ™

part., 1. I. Décrétai., c. Cum olim, 14, De majoriiate et Obedientia, fit. 33, n. 03, 64 sqq. ; Stremler, Des congrégations romaines…, p. 150 sqq.). Ce sont elles qui, de leur autorité propre, rendent les sentences ou les décrets, dont elles sont, en conséquence, les auteurs juridiquement responsables. Chaque congrégation, pour les affaires de son ressort, jouit d’un pouvoir suprême, et tous les fidèles lui doivent obéissance, sans en excepter les évêques, les primats ou les patriarches. C’est pourquoi, de l’univers entier, on peut toujours appeler d’une décision, ou mesure extrajudiciaire, d’une autorité ecclésiastique quelconque, à une congrégation romaine'. Bien plus, les congrégations ayant un pouvoir suprême, leurs sentences ou décrets sont sans appel proprement dit, quoiqu’elles aient coutume de consentir quelquefois elles-mêmes à la revision d’une affaire, sur la demande des intéressés. Elles accordent, dans ce cas, << le bénéfice d’une nouvelle audience ».

Quand une sentence aura été publiée, la partie qui succombe peut, dans les dix jours qui suivent, demander une nouvelle audience. Il appartient au Cardinal Préfet, après avoir pris l’avis du Congresso-, d’agréer ou de refuser la demande, selon les circonstances. Si au sujet d’une affaire, la Congrégation ajoute cette clause : Amplius non proponatur, il n’est plus loisible de demander le bénéfice d’une nouvelle audience, ou du moins, pour l’obtenir, il faudrait le consentement de toute la Congrégation (cf. Normae peculiares, cap. iv, n. 10, Acta Ap. Sedis, p. 68, I jan. 1909 ; Analecta eccl., p. 450, noA 1908).

Cependant, Pie X le déclare formellement dans sa Constitution Sapienti consilio, quelles que soient l’autorité et la compétence des congrégations, il est entendu qu’elles ne peuvent rien traiter de grave et d’extraordinaire sans en avoir référé au Souverain, Pontife. Même observation pour les tribunaux et les offices.

De plus, toutes les sentences de grâce ou de justice doivent être approuvées par le Pape, à l’exception de celles qui ont pour objet des affaires pour l’expédition desquelles les congrégations, tribunaux ou offices, ont reçu des facultés spéciales : excepté également les sentences des tribunaux de la Rote et de la Signature apostolique, portées sur des matières de leur compétence.

Compétence. — Pour éviter toute confusion, tout retard, les affaires ont été réparties, selon leur nature, entre les diverses congrégations. La compétence de chaque congrégation s'étend donc au genre d’affaires qui lui a été attribué par le Somerain Pontife. Avant la Constitution Sapienti de Pie X, une congrégation pouvait être compétente, pour une cause, concurremment avec d’autres : c'était la compétence cumulative. Ainsi, les causes relatives aux évêques, aux religieux, étaient traitées soit par la Congrégation des évêques et réguliers, soit assez fréquemment par la Congrégation du Concile. Pie X a supprimé cet inconvénient. Dorénavant, chaque congrégation est exclusivement compétente pour les affaires de son ressort. S’il y a un doute ou un conflit à ce sujet, il sera tranché par la Congrégation consistoriale ; toutefois, le Saint-Office résout lui-même les doutes relatifs à sa compétence (cf. A’ormæ peculiares, cap. v, art. i, n.6, ^c/ « Ap. Sedis, p. '^9 ; Anal, eccl., nov. 1908, p. 452).

1. Désormais, s’il s’agit d’une sentence judiciaire portée dans les formes canoniques strictes, l’appel, s’il a lieu, de-, vra se faire à la S. Rote (voir plus loin, tribunal de la Rote).

2. Le Congresso se compose ordinairement du caudinal préfet, du secrétaire, du sous-secrétaire et de l’auditeur de la congrégation. 865

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S’JG

Dans la discipline ancienne, cette répartition n’était pas tellement rigoureuse, et il n’y avait pas entre les attributions des différentes congrégations une ligne de démarcation si profonde, qu’il n’y eût certaines affaires qui fussent à la fois du ressort de plusieurs congrégations. Dans ce cas, celle-là connaissait de l’affaire, qui en avait été saisie la première. Pour obvier à tous les inconvénients et empêcher que les soUicitem’s n’obtinssent d’une congrégation ce que l’autre leur aurait refusé, le pape Innocent XI, par sa Constitution Ut occurratur, du 4 juin 1693, avait défendu expressément de recourir frauduleusement à deux congrégations diverses, et annulait d’avance toute grâce ou i*escrit ainsi obtenu. Cf. Stkemler, Des congrégations…, p.513 ; Wernz, oj3. cit., t. II, n. 654 ; Lega, ï)e judic, t. II, n. io5.

Par mesure de prudence, cette dernière loi est maintenue dans la discipline actuelle. Quoique la compétence cumulative ait été abolie, et que les attributions de chaque Office aient été nettement déterminées, cependant, dans les cas particuliers, il peut y avoir lieu à des doutes, ou des erreurs peuvent se produire. C’est pourquoi en matière soit de grâce, soit dg justice, les parties, après s’être adressées à un Office, ne peuvent d’elles-mêmes recourir pour la même cause à un autre Office ; pour transmettre l’affaire à un autre Dicastère, il faut la permission de l’Ollice qui a commencé de la traiter, ou un décret de la Congrégation consisloriale.

Toute concession émanée d’un autre Office en contravention avec cette loi, est nulle de plein droit (cf. yormæ peculiaies, cap. i, n. 2, Acta Ap. Sedis, p. Go, I jan. 120<^ ; Analecta eccl., ). 448) nov. 1908). Pour prévenir toute erreur ou tout retard, dans les’recours au Saint-Siège, si la supplique est adressée à 1 la Rote, le Doyen et les deux plus anciens auditeurs, si elle est adressée à une congrégation, le Congresso, examinent l’affaire et décident si elle doit être traitée I par voie administrative ou judiciaire, et, suivant les cas, la cause est retenue ou envoj’ée au dicastère compétent (cf. A’ormæ peculiares, cap. i, n. 2, 3. Acta Ap. Sedis, p. 61, i jan. 1909 ; Analecta eccl., p. 448, nov. 1908).

Si, après examen, un doute persiste, ou si l’une des parties réclame auprès du Souverain Pontife contre la solution du Congresso, par commission du Pape lui-même, il appartiendra à la S. Congrégation consistoriale d’étudier cette question de compétence et de la trancher définitivement (S. C. Consistorialis ; Romana ; Dubia de competentia judicandi et de jure advocandi ; ad m et iv, Acta Ap. Sedis, p. 515 sq., I juil. 1909).

En ce qui concerne la compétence des congrégations, _{ le Saint-Office excepté, PieXa fait une autre réforme très importante. Jusqu’ici, certaines congrégations étaient en même temps de véritables tribunaux ; elles avaient pleine autorité pour résoudre les questions litigieuses et porter des sentences judiciaires obligatoires. De plus, elles étaient cours d’appel : on pouvait toujours en ai)pcler à une congrégation dune sentence d’un tribunal quelconque dans le monde entier.

Dans la nouvelle discipline, il n’en est plus ainsi. ^ Toute cause qui devra être traitée et jugée dans les 1 formes strictes d’un procès canonique, tous les appels proprement dits, l)ref, toutes les affaires judiciaires sont réservées aux tribunaux. Les congrégations ne pourront connaître et décider d’une affaire que dans la ligne disciplinaire, c’est-à-dire qu’elles traitent plutôt

Eles questions par voie administrative. Sans s’astreindre à suivre dans leurs jugements ou sentences le droit rigoureux, elles décident non ad apices juris, mais ex aequo et bono. Voilà pourquoi elles clierchent

des moyens de conciliation, des solutions à l’amiable, et parfois terminent une affaire difficile par des mesures de prudence.

Dans l’expédition des affaires, il y a donc une grande différence entre les congrégations et les tribunaux. Lorsque le tribunal de la Rote, par exemple, est saisi d’une affaire, il doit la traiter et la résoudre dans la forme juridique stricte (/m/7s ordineservato et ad apices juris) ; tandis que les congrégations visent plutôt, par leurs solutions équitables, l’utilité plus ou moins générale de l’Eglise, de la vie religieuse, de la discipline ecclésiastique *. Elles continuent cependant à faire fonction de cours d’appel pour tout jugement, toute décision qui n’est pas une sentence judiciaire proprement dite.

On pourra donc recourir aux congrégations toutes les fois que, à raison de la personne, de la nature de la cause, le juge n’est pas tenu à suivre la forme juridique stricte, ou lorsqu’on voudra en appeler" d’une décision quelconque d’un Ordinaire, prise sans. procédure judiciaire, ou encore lorsque les deuxpai-ties peuvent et veulent céder de leur droit strict. La Rote, au contraire, et, d’une manière générale, les tribunaux proprement dits, sont incompétents pour ces mêmes recours.

Cependant, lorsqu’une question a été soumise à une congrégation et que les parties ont accepté, ou au moins n’ont pas récusé cette manière de procéder par voie administrative et disciplinaire, il ne leur est plus permis d’exiger pour la même cause une action strictement judiciaire. A plus forte raison, cela serat-il défendu lorsque, après délibération, la Congrégation aura rendu sa décision. Néanmoins, la Congrégation peut toujours, à quelque moment que ce soit de l’instance, renvoyer l’affaire aux juges ordinaires (cf. Norniæ peculiares, cap. iii, art. 11, n. 10, Analecta eccl., p. 449 » nov. 1908 ; Acta Ap. Sedis, p. 65, I jan. 1909).

Manière de procéder. — Pour l’expédition des affaires, on observe la procédure suivante :

1" Parmi les affaires de moindre importance, quelques-unes sont claires, n’exigent aucune discussion ou délibération préalable. Ces affaires sont expédiées par des officiers ou employés de la secrétairerie, qui rédigent un rescrit dans les formes voulues, lequel rescrit devient autltentique, lorsqu’il est contresigné par le secrétaire, le cardinal préfet, et muni du sceau de la congrégation (furniiter).

2" Cependant, certaines affaires, sans être graves, présentent des difficultés ; celles-ci sont remises au Congresso. Ce Congresso se compose ordinairement du cardinal préfet, du secrétaire, du sous-secrétaire et de l’auditeur de la congrégation. Il se réunit une ou deux fois par semaine. Régulièrement, on ne définit dans ces réunions hebdomadaires que les choses de peu d’importance, on y donne les permissions d’usage courant, et on prépare la matière qui doit être soumise au travail de la Congrégation générale. Si dans le cours d’une discussion, d’une délibération, une affaire a paru grave, importante, elle est réservée, et le secrétaire la présentera aux cardinaux, qui la discuteront en séance plénière.

3’J Enfin, les causes graves, majeures, sont traitées par les cardinaux eux-mêmes en assemblée plénière : ce sont les séances ordinaires des congrégations, qui ont lieu à peu près tous les mois (cf. Normæ pecu 1. C’est ce que le cardinal df. Luca, si expert en ces matières, met bien en relief, lorsqu’il compare la conipetenco du tribunal de la Rote avec les pouvoirs des tJongrég-ations romaines. (Dk Luca, op. cit., pari. 2, li’latio romaiiæ curiac forensis, Disc. 32, n. l et 2, p. 319 ; <[. Mgr. Lega, op. cit., t. II, n. 98, p. 101 sq.) 867

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l lares, cal », ii, n. i, 2, AnaIecta eccl., p. 448, nov. 1908 ; Acta Ap. Sedis, p. 61 sq., i jan. 1909).

Dans les cas où la Congrégation peut expédier l’aflaire en vertu de ses pouvoirs ordinaires, on met dans le rescrit cette clause : Vigore fucultatum, ou même simplement Vigore^ qui est le premier mot de la phrase consacrée, à savoir : Vigore faciiltatum qiiihus pollet S. Congregatio, conceditnr, etc.

S’il s’agit d’une question très grave ou d’affaires pom* lesquelles il faut l’assentiment du Souverain Pontife, le secrétaire ou même le cardinal préfet soumet la délibération ou la décision des cardinaux à l’approbation du Souverain Pontife, et dans les rescrits, on ajoute la clause -.Ex aitdientia SSmi, etc., ou Facto verbo ciiin SSino. Cette dernière clause se met surtout lorsqu’il s’agit d’une faveur ou d’une ordonnance, pour lesquelles la S. Congrégation est sûrement incompétente, ou du moins, n’est pas cei-tainement compétente. Cette approbation du Souverain Pontife prévient tout doute sur la compétence de la S. Congrégation. S’agit-il, au contraire, d’un cas de dispense exclusivement réservée au Souverain Pontife, par exemple d’une dispense Pro inatrimonio ruio et non consummato, la Congrégation traite toute l’atTaire, et quand il y a lieu de concéder la dispense, elle la demande au Pape, qui l’accorde. On met alors la clause : « Consulendum SSmo pro dispensatione in casit. »

4" Enfin, l’approbation du Souverain Pontife est donnée in forma commiini, ou in forma specifica(}oii’ci-dessous).

Valeur juridique de ces différents actes. — Comme on le voit, une affaire peut être expédiée par le cardinal préfet, par le Congresso, ou par les cardinaux réunis en assemblée plénière. Mais cet acte, quelle qu’en soit la source immédiate, peut-il être dit un acte de la Congrégation, peut-il être attribué à la Congrégation ?

Voici la réponse que donne Mgr Lega à cette question. Après avoir distingiié les affaires expédiées par les officiers de la secrétairerie, le Congresso, et la Congrégation plénière des cardinaux, il ajoute {De judiciis, t. II, n. 96, p. 100) : soit dans le Congresso, soit hors du Congresso, toutes les affaires sont résolues et définies au nom et pai- l’autorité de la Congrégation, ou des cardinauxqui la constituent ; c’est pourquoi tous les actes contenant une réponse, une solution, une décision, sont attribués à l’autorité de la Congrégation, non du simple Congresso ou du cardinal préfet. Cette solution nous i)arait juste.

On demande un privilège, une faveur à la Congrégation. L’affaire est expédiée i^r un oiricier inférieur, qui a l’autorité suffisante pour la traiter, et cet officier nous remet un rescrit contresigné par le secrétaire et le cardinal préfet. Sans contredit, c’est un acte de la Congrégation, une faveur accordée par elle.

Une cause est proposée à la Congrégation. Le cas est clair, et la solution ne fait pas de doute ; ce n’est pas, d’ailleurs, une question bien importante. La réponse, solution ou décision, est donnée par le Congresso. Assurément, c’est une réponse de la Congrégation.

Enfin, c’est une cause grave, majeure ; elle est traitée, discutée, résolue en congrégation plénière des cardinaux ; c’est un acte de la Congrégation.

Toutefois, ces actes, quoique justement attribués à la Congrégation, n’ont pas la même valeur. Le Souverain Pontife écrit des bulles, des brefs, des encycliques, des lettres à un prince, des lettres d’approbaion à un auteur pour ses ouvrages… : ce sont des actes du Souverain Pontife, mais tous n’ont pas la

même autorité, parce que le Pape a différentes manières de procéder. De même ici.

Quelle est donc exactement la valeur juridique de chacun de ces actes ? — 1° La question d’infaillibilité ne se pose jamais, quand il s’agit d’un acte d’une congrégation, quelle qu’elle soit, eût-elle pour président ou préfet le Pape lui-même ; nous disons, tant qu’il s’agit d’un acte de la Congrégation. Le privilège de l’infaillibilité n’appartient pas aux Congrégations. (Voir ci-dessous, à propos de la valeur des décisions doctrinales dvi Saint-Office.)

2° Les Congrégations ont pouvoir ordinaire pour expédier les affaires de leur compétence.

y Les réponses, concessions, solutions, décisions ^ émanant du cardinal préfet ou du Congresso, sont données par ^oie administrative ; le rescrit authentique fait autorité pour celui qui le reçoit, et il faut s’en tenir à la teneur du rescrit pour l’interprétation du privilège, de la faveur.

4" Cependant, on peut toujours appeler d’unedécision ou d’un décret du Congresso à la Congrégation plénière des cardinaux. Cet appel est extrajudiciaire, puisque le Congresso traite toutes les affaires par voie administrative.

C’est pourquoi il ne faut pas citer ces décisions du Congresso comme des décrets ayant la même i^ortée, la même valeur que les sentences judiciaires ou décrets rendus par la Congrégation plénière des cardinaux, où toute l’atTaire est traitée dans les formes juridicjues.

5^ Restent les décisions de la Congrégation plénière des cardinaux, qui sont, par excellence, les décisions de la Congrégation, parce qu’elles émanent d’elle directement, et qu’elles ont une autorité spéciale. Ce sont celles-là que les auteurs citent ou doivent citer.

Quelle est leur valeur juridique ? — Cette question s’impose, parce que toutes ces décisions n’ont pas la même portée.

Avant tout, il faut distinguer les décrets doctrinaux ou dogmatiques, et les décrets disciplinaires. Les premiers renferment les décisions par lesquelles la S. Congrégation définit un point de doctrine catholique, une question théorique relative à la foi ou à la morale, ou condamne un liA^re comme contenant des liropositions qu’elle qualifie d’erronées, téméraires, hérétiques, etc. — Seule la Congrégation du Saint-Office est compétente j)our rendre ces décrets. Nous en parlons plus loin. Toutefois, en vertu du Motu proprio « Præstantia » (18 nov. 1907), de Sa Sainteté Pie X, la Commission biblique a vraiment autorité pour porter des décisions sur les différentes questions afférentes aux choses bibliques, soit sur les doctrines elles-mêmes, soit sur les faits relatifs aux doctrines. Voir ci-dessous, col. 892. Comm. biblique.

Les seconds comprennent les autres décisions de la S. Congrégation.

En effet, avec les décisions doctrinales, le Saint-Oflice porte aussi des décrets disciplinaires ; et ceux-ci sont de beaucoup les plus nombreux et les plus fréquents, parce que la plupart des affaires soumises à la Congrégation sont d’ordre pratique, regardent plutôt la discipline ecclésiastique.

Les décrets par lesquels la S. Congrégation de l’Index condamne et prohibe un livre sont simplement disciplinaires. Elle ne définit jamais un point de doctrine ; elle ne déclare pas authentiquement qu’une proposition doit être admise ou rejetée, etc. ; elle peut motiver sa sentence par des considérants d’ordre doctrinal ; mais la sentence elle-même est purement disciplinaire et non dogmatique. Et, d’une 869

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manière générale, les décrets édictés par les autres congrégations sont purement disciplinaires.

Nous ne parlons ici que des décrets disciplinaires.

Une division est à signaler.

! « Décrets formellement généraux. — Les décrets

des congrégations sont formellement généruu.v ou uni’ersels, quand ils sont adressés à l’Eglise tout entière. Si le décret est intitulé : Décret général : ou s’il y a cette formule L’rbis et Orbis ; ou s’il contient la clause suivante ou une autre analogue : ce décret doit être gardé partout, dans toutes les Eglises, etc., c’est signe qu’il s’agit d’un décret formellement général. Pratiquement, de semblables décrets sont rendus par la sacrée congrégation, en vertu d’un mandat spécial du Pape, ou ne sont jamais publiés avant que le Pape, expressément consulté, les ait approuvés (cf. Werxz, t. I, not. 62, p. 178 ; Santi-Leitxer, 1. I, tit. 31, n. 47> P- Soa ; Bocix, De Ciiria romana, p. 358).

2’^ Décrets formellement particuliers. — Mais les décrets disciplinaires peuvent régler des questions spéciales, des affaires qui regardent cp^ielques personnes en particulier : telles sont les sentences portées pour terminer un différend… etc. Ces décrets sont dits formellement particuliers.

3° Décrets formellement particuliers et équivalemment universels. — Il y a cependant des décrets qui sont formellement particuliers, mais équivalemment généraux. C’est-à-dire, ces décrets sont adressés à des particuliers, mai ? ils règlent une question d’ordre général qui regarde toute l’Egli^^e ; ou la réponse de la congrégation est formulée en termes généraux, abstraits, qui peuvent s’appliquer à tous les cas du même genre ; ou ce sont de simples déclarations ou interprétations du droit commun en vigueui".

Quelle est la valeur juridique de ces différentes sortes de décrets ?

Voici les principes communément admis en cette matière :

1° Autorité des décrets formellement généraux. — Le ? décrets formellemetit universels, légitimement promulgués, ont force de loi dans toute l’Eglise ; et tous les fidèles sont tenus de s’y conformer. Ils ne sont autres, en effet, que des actes du Saint-Siège, publics et solennels, par lesquels l’autorité compétente interprète autlientiquement une loi ancienne ou édicté une loi nouvelle. Tel est par exemple le décret de la sacrée Congrégation du Concile, du 13 mars 187g, approuvé par Léon XIII, le l’y du même mois, par lequel il est statué que le mariage civil ne constitue pas l’empêchement de mariage dhonnètelé publique.. Tels sont les décrets Vigilanti (25 mai 1893), ^7 débita (i i mai 1904), de la même congrégation : le premier approuvé par Léon XIII, et le second par Sa Sainteté Pie X ; tous les deux sont relatifs aux messes manuelles… etc. (Santi-Leitxer, L I. lit. 31, n. /( ; , p 30’.>.)

Au sujet des catiiolifpies orientaux non latins, les auteurs font généralement observer qu’ils ne sont atteints j)ar les constitutions pontificales, les décrets générauxémanantdelionie.que dans lescas suivants :

a) Si ces documents ont rapport à la foi, à la doctrine catholique : la foi est essentiellement une ;

b) Si ces docunu’nts, bien que disciplinaires en lin certain sens, déclarent et prescrivent le droit naturel ou le droit divin positif : toutes les prescriptions de droit naturel ou de droit divin positif, sont absolument « tt ; icrse//e.s. Ainsi le Saint-Siège a expressément déclaré que les évêqueset les curés orientaux sont tenus de dire la messe pro populo : toutefois, la manière de remplir cette obligation divine est de droit purement ecclésiastique ; c’est pourquoi ils

peuvent, avec l’agrément de Rome, adopter un mode spécial.

c) Si les documents, bien que traitant de choses purement disciplinaires et de droit ecclésiastiqvie, sont expressément adressés aux Orientaux, ou leur sont étendus, ou encore si les décrets font mention expresse des Orientaux. Ainsi la sacrée Congrégation de la Propagande a déclaré que les Orientaux étaient soumis à la Constitution de Benoît XIV. Sacramentum pænitentiae, aux constitutions relatives à la franc- maçonnerie, et à d’auti’es semblables (cf. Collectanea S. C. de Prop. Fid., n. loio, édit. 1893 ; et édit., 1907, n. 396, 44, P- 262, t. I ; n. iS^S et 1640. t. II). L’autorité du Saint-Siège s’étend à tous les fidèles du monde entier.

2° Autorité des décrets formellement particuliers.

— Les décrets strictement particuliers créent un véritable di-oit ou devoir pour les personnes qu’ils concernent, mais ne constituent pas des lois universelles : tels sont les décrets par lesquels une Congrégation accorde un privilège, une dispense, tolèi-e une pratique à raison de circonstances spéciales.

Telles sont les sentences judiciaires des tri])unaux. Ces décisions lient incontestablement les parties intéressées ; mais, par elles-mêmes, elles n’ont pas force de loi universelle. Cela est vrai, même dans le cas ovi le Souverain Pontife prononcerait personnellement la sentence. En rendant un jugement pour trancher une difficulté dans un cas particulier, le Pape n’a pas l’intention de faire une loi qui oblige tous les fidèles (cf. c. 19, X, 1. ii, tit. 27) ; il remplit l’office de juge, et non celui de législateur. Et cette décision ne deviendrait une loi universelle, que si le Souverain Pontife, en la portant, manifestait clairement sa volonté d’obliger toute l’Eglise et la promulguait suffisamment.

Cf. ScHMALZGRUEBER, liv. I, tit. 2, n. 2.J ; Zech, Præcogaita juris canonici… Ingolstadii… 1749, lit. 10, g 208, p. 14’i sqq. ; Wernz, t. I, not. 54, p. llfi.

Cependant, des décisions judiciaires, répétées dans le même sens, peuvent donner naissance à une jurisprudence, à une véritable coutume qui a force de loi dans les tribunaux ecclésiastiques : c’est ce qu’on appelle le style de la Curie, vraiment obligatoire pour les tribunaux inférieurs. Si cette coutume détermine une procédure spéciale à suivre dans les causes ecclésiastiques, c’est proprement le style de la Curie : si elle se rapporte à la matière des jugements qui ont été uniformément portés sur une même question, c’est l’autorité des c/ioses semhlabtement jugées (auctoritas rerum similiter judicatarum). Cf. Wernz, 1. 1, n. 146, II, et n. 187, II, c. ; Zech, Præcognita…, g 382 sqq.

3° Autorité des décrets formellement particuliers et équivalemment universels. — S’il s’agit des décrets formellement particuliers, mais équivalemment généraux, la question est plus complexe. Sans contredit, ces décrets obligent les personnes auxquelles ils sont adressés, mais ont-ils, par eux-mêmes, force de loi universelle ? — On peut faire trois hypothèses :

Ou ces décrets sont vraiment extensifs, c’est-à-dire, contiennent une disposition nouvelle ; et alors, pour qu’ils obligent tous les fidèles, il faut qu’ils soient, comme toute loi nouvelle, légitimement promulgués.

Ou ces décrets sont purement comprêhensifs, c’est-à-dire, sont une simple déclaration authentique d’une disposition déjà claire du droit commun, et, dans ce cas, ils valent sans conteste pour l’Eglise universelle.

Ou enfin ces décrets contiennent une interprétation authentique d’un point de droit commun objectivement douteux, obscur, sur le sens duquel les auteurs ont disputé dès le commencement. 871

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Dans ce cas, il y a une vive controverse entre les docteurs. Ce débat concerne principalement la sacrée Congrégation des Rites et celle du Concile.

Les uns prétendent que de semblables décrets ont par eux-mêmes, sans promulgation nouvelle, force de loi universelle ; les autres aflirment qu’ils équivalent à des lois nouvelles, et, par conséquent, doivent être promulgués et adressés à l’Eglise universelle, pour qu’ils aient force de loi générale. Saint Alphonse de LiGUORi regarde ces deux opinions comme probables. Cependant, observe Mgr Lega, dans l’index que le saint docteur dressa des opinions qu’il crut devoir réformer, il semble préférer la première opinion.

Et spécialement les décrets de la sacrée Congrégation de l’Index concernant la prohibition ou la censure des livres sont, comme ceux du Saint-Office, obligatoires pom- tous les lidèles du monde entier. Ce pouvoir d’obliger tous les fidèles a été conféré à la S. Congrégation de l’Inquisition, en 1542, par Paul III (const. Licet), et, en 1588, i)ar Sixte Y à la S. Congrégation de l’Index (const. luimensa). Benoît XIV, dans son bref Qiiæ ad catliolicae, du 28 décembre 1707, a formellement déclaré que les décrets rendus parla Congrégation de l’Index avaient force de loi universelle, et Léon XIII, dans la Constitution Officiorum (1897), qui fait loi en l’espèce, renouvelle expressément cette déclaration : « Les livres, est-il dit à l’article 45, condamnés par le Siège Apostolique, seront considérés comme prohibés dans le monde entier et en quelque langue qu’ils soient traduits. »

« Libri ab Apostolica Sede damnati, nbique gentium

prohibiti conseantur, et in quodcumque vertantur idioma. » Cf. Périès, l’Index, p. 21 4 ; Bargilliat, Prælect. jur. can., t.I, n° 463, p. 829 ; Aichner… /ws ecclesiasticum, p. ôSg ; Mgr Lega, De jiidiciis, t. IV, n » 537, p. 548. Romae, 1901.

« Cette disposition, remarque très justement

M. BouuiNHON, jointe aux clauses dérogatoires qui terminent la bulle, suffirait à faire rejeter, si tant est qu’elles fussent encore soutenables, les prétendues coutumes, qui exempteraient certains pays de l’observation des lois de l’Index, et du respect des condamnations portées par la sacrée Congrégation’. »

Pour la justilication de cette législation, voir l’article Index.

Le décret Lamentahili a condamné la proposition suivante : « Ab omni culpa immunes existimandi sunt qui reprobationes a S. Congregatione Indicis aliisve Sacris Romanis Congregationibus latas nihili pendunt. »

II. Congrégations spéciales. — Remarquons d’abord que la Constitution Sapienti détermine la compétence des divers dicastères soit pour le territoire, soit pour la matière.

1° Ainsi le Saint-Office, l’Index, les Rites, les Affaires ecclésiastiques extraordinaires, la Cérémoniale, les Tribunaux (Pénitenceric, Rote, Signature), et les Offices ont autorité dans toute l’Eglise. 2° En ce qui concerne le mariage, la Congrégation de la discipline des Sacrements a juridictionuniverselle ; pour tout le reste, sa compétence ne s’étend qu’aux pajs de droit commun, et nullement aux régions soumises à la Propagande. 3° De même, la compétence de la Congrégation des Religieux est absolument universelle

1. Cf. BouDiNHON, l’Index.., p. 273, 274, Paris, 1899 ; ARNDT, /)e Ubris prohibais commentarii, tract. I. n. 87 sqq., Ratisbonae, 1895, p. 101 sqq. Dans cet ouvrage, l’auteur prouve précisément l’autorité de l’Index ; Gard. Gen-NARI, Costituzione Officiorum, p. 115, Roma, 1903 ; Mgr Lega, De judiciis, t. III, n" il4, p. 482. Romae, 1899 ; Vermeersch, De prohibitione et Censura librorum, n. 23, 62, 95, 123, Romae, 1906.

en ce qui concerne la tj’e religieuse ; mais elle es restreinte aux paj’s de droit commun pour tout ce qui regarde le ministère apostolique ; dans les pajs de mission, les religieux, comme missionnaires, relèvent de la Propagande. 4° La compétence de la Congrégation consistoriale, du Concile, de la Congrégation des Etudes ne s’étend qu’aux pays de droit commun (cf. Normæ peculiares, cap. I, i, Analecia eccl., p. 448, nov. 1908 ; Acta ^ipost. Sedis, jan. 1909, p. 59 sqq.).

La juridiction des dicastères a donc un caractère territorial.

Le Pape ne détermine pas seulement le nombre et la compétence, mais encore Vordre, c’est-à-dire, sans doute, la. préséance des divers dicastères. Comme dignité, les Congrégations sont au premier rang, les Tribunaux au second, et enfln viennent les Offices.

Pour les tribunaux, la Constitution Sapienti (Jeta Ap. Sedis, i jan. 1909, p. 15) les énumère dans l’ordre suivant : la Pénitencerie, la Rote, la Signature ajiostolique. Evidemment, cette énumération va du moins digne au plus digne. Le premier rang appai’tient, sans contredit, à la Signature apostolique, qui est la cour de cassation à l’égard de la Rote ; le second, à la Rote, qui est constituée cour d appel pour toutes les ciu’ies ecclésiastiques ; et enfin, le troisième, à la Pénitencerie, dont la juridiction s’étend exclusivement aux affaires de for interne.

Xous allons étudier les divers dicastères dans l’ordre où ils sont énumérés par le Souverain Pontife.

1° Saint-Office. — (Cf. Plettexberg, A’otitia Congregationnm et l’ribunalium curiæ romanae, Hildesii, 1698 ; D"" J. B. Sægmueller, Lehrbuch des Katholischen Kirchenrechts, %%<^, Die Kurie. Die Kardinalskongregationen, p. 325 sqq. ; Laurentius, Institut, juris eccl, , n. 143 sqq. ; Devoti, Institut, canonic, t. II, lib. IV., tit. 8, De hæreticæ pravitatis inquisitoribus, p. 295 sqq., Gandav., 1852.) La plus ancienne et la première par l’importance de ses attributions, est la Sacrée Congrégation du Saint-Office ou de Y Inquisition. Cette congrégation conserve sa manière propre de procéder ; sa compétence est donc d’ordre administratif et judiciaire ; elle résoudra elle-même les doutes relatifs à sa compétence ; cf. Normæ peculiares, cap, VII, art. i, Analecta etc/., p. 452, nov. 1908 ; Acta Ap. Sedis, ca).ii, a.ri. 1, 6°, -p.’^8 sq., jan. 1909 ; elle garde substantiellement toutes ses attributions.

Pour comprendre la valeur des décisions doctrinales rendues parleSaint-Olfice.et le genre d’adhésion quelles requièrent, il faut de toute nécessité connaître sa constitution elle mode de son fonctionnement.

La Congrégation de l’Inquisition a une origine tout à fait distincte du Saint-Office ou de l’Inquisition du mojen âge. C’est même la première congrégation proprement dite établie par les Souverains Pontifes. Voyant les ravages causés par l’hérésie de Luther et de Calvin, le Pape Paul III songea à établir une congrégation de cardinaux, chargée de préserver, de conserver et de défendre la foi dans l’Eglise universelle. C’est de fait Paul III qui, par sa constitution Z(cef, du 21 juillet 1542, a institué la Congrégation de l’Inquisition. Pie IV (Const. Pflsfo/-fl//s o/^cn, 14 oct. 1562 ; Const. Romanus Pontifex, 7 apr. 1563 ; Motus propr. Cum Nos 1564, Cum inter, 27 aug., 1564), saint Pie V (Motu propr. Statuit 1566, Inter multipliées, 21 dec. 1566 ; Cum felicis, 1566 ; cf. Wernz, Jus Décrétai., t. II, n° 658, et not. 203), complétèrent l’œuvre heureusement commencée par leur prédécesseur, et Sixte V l’acheva par sa célèbre constitution Immensa, du 22 janvier 1587. Il augmenta ses pouvoirs, ses privilèges, et lui donna son dernier perfectionnement, qu’elle a, depuis, substantiellement gardé (cf. Card. 873

CURIE ROiMAINE (CONGREGATIONS^

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De LrcA, Theatium eriiatis et jitstitiae, lib. 15, part. i ; Rclatio Romanæ Cii riæ forens is, discnrsus 14, n° 6, p. 267, Yenetiis, 1726).

Par conséquent, le Saint-Ofïice est avant tout une congrégation proprement dite. Son but premier, fondamental, n’est pas la répression des crimes ; c’est la préservation, la conservation, la défense de la foi et de la discipline ecclésiastique (cf. Mocchegiani, Jurispriideiitia, t. III. n" 65 sqq.. p.31. Freih.i.B.. 1906).

Sans doute, pour atteindre cette fin, il a fallu lui donner juridiction et compétence sur les délinquants. Son autorité eût été purement illusoire, s’il n’avait eu le pouvoir de réprimer les contempteurs de la foi et des saints canons. Et en effet, secondairement, mais véritalvement, le Saint-Oirice est un tribunal proprement dit, ayant un réel pouvoir judiciaire. Il peut, par voie d’inquisition, conformément à la procédure canonique usitée, juger et condamner les coupables. Bien plus, et ceci est particulier à cette congrég’ation et la différencie des autres, dans le for contentieux, fe Saint-Office jouit d’un véritable pouvoir coercitif ; il peut emploj’er des moyens coactifs (cf. Mgr Lega, De judiciis, t. II, n. 28, p. 22, 28, Romae, 1898).

À la tête de la congrégation, il y a un préfet. A raison de l’iiriportance de cette congrégation, le Souverain Pontife s’est réservé cette charge. Vient ensuite le secrétaire, nommé par le Pape. D’après l’usage, c’est le cardinal le plus ancien dans la congrégation qui en fait les fonctions. Enfin viennent les cardinaux, qui, comme inquisiteurs généraux, font partie de la congrégation. Leur nombre varie. Sixte Y l’avait fixé à cinq pour chaque congrégation, et à sept pour le Saint-OfTice. Aujourd’hui, la chose est laissée à la prudence du Souverain Pontife. Ils sont ordinairement huit ou dix.

Tels sont les membres qui composent la congrégation proprement dite, ou collège (collegiuni jurisdictionis).

Après les cardinaux, vient Vassesseur. C’est la première charge du Saint-Office, ordinairement attribuée à un prélat séculier. Pratiquement, l’assesseur est au Saint-Office ce que le secrétaire est aux autres congrégations. Il prépare les affaires qui doivent être soumises à la congrégation, préside l’assemblée des consulteurs, a le pouvoir d’accorder un certain nombre de dispenses, etc. (cf. Mgr BxrrxyDiEB, Annuaire pontifical, 1899. p. 398). Sous ses ordres, à la manière des anciens tribunaux de l’Inquisition, il y a le commissaire du Saint-Office avec deux compagnons, tous les trois de l’ordre de saint Dominique. Le commissaire aide l’assesseur, prépare et instruit les causes criminelles, qui doivent être traitées devant la congrégation, s’occupe de tout ce qui a trait aux procès qui se déroulent devant ce tribunal. Le rôle d’accusateur public est rempli j)ar un promoteur ou un avocat fiscal, qui veille à 1 observance des lois ecclésiastiques (cf. Mocchegiani, Jurisprudentia, t. III, n. 70 sqq., p. 82).

A cause du secret, le Saint-Office n’admet pas d’avocats étrangers ; aussi, pour sauvegarder les droits de l’accusé, y a-t-il d’office un avocat des accusés. Enfin il comprend un notaire pour rédiger les actes et d’autres officiers inférieurs.

A cette congrégation sont adjoints des consulteurs et des qualificateurs.

Les consulteurs, appelés à donner leur avis dans des séances particulières, sont nommés par le Souverain Pontife. Le Supérieur général de l’ordre de saint Dominique, le Maître du Sacré Palais, également dortiiiiicain, et un prêtre profès des mineurs conventuels, sont consulteurs de droit de la congrégation ; les autres sont choisis parmi les prêtres séculiers ou réguliers (cf. De Llca, /. cit., n. 7 sqq., p. 267, 268).

« Les qualificateurs, dit Mgr Battandier (op. cit., 

p. 898) viennent après les consulteurs, mais cette charge n’indique pas une subordination à la précédente. Elle est simplement différente. Les qualificateurs sont chargés de faire des rapports théologiques sur les doctrines, en spécifiant, en qualifiant, pour nous servir du mot propre, le caractère téméraire, erroné, hérétique, etc., de chaque proposition. Ils étudient une question déterminée, et leur travail, qui sera imprimé, servira de base à la réunion des consulteurs et des cardinaux. Les qualificateurs n’assistent point à la réunion des consulteurs, sauf quand celle-ci traite la matière qui leur a été confiée. On comprend, en effet, qu’ils puissent fournir utilement un supplément d’informations, donner des éclaircissements ou répondre à quelque difficulté » (cf. Mgr Lega, Be Judiciis, t. IV, n. 682, p. 54 1 sqq., Romae, 1901 ; Wernz, Jus décrétai., t. II, n. 658 ; A. Pillet, Jus canonicum générale, n. 588, Parisiis, 1890).

La compétence du Saint-OlTice est d’ordre administratif e judiciaire. D’une manière générale, ce tribunal est compétent dans toutes les questions de doctrine catholique, dans toutes les causes touchant la foi et les mœurs. C’est à lui qu’il appartient exclusivement (privative) de porter des décrets dogmatiques (voir plus loin ce que nous disons de la compétence de la Commission biblique), de qualifier le caractère téméraire, erroné, hérétique, etc., des propositions doctrinales, de définir un i)oint de doctrine, de résoudre un doute en matière de foi. Il a plein pouvoir pour juger et condamner les mauvais livres. Dans ce cas, quand le Saint-Office a rendu sa sentence de condamnation, celle-ci est enregistrée et publiée par la sacrée Congrégation de l’Index. C’est précisément ce qui est arrivé dans une condamnation récente. « C’est le Saint Office, écrit Son Eminence le cardinal Perraud, qui a rendu la sentence du 16 décend >re 1908, sanctionnée dès le lendemain par le Souverain Pontife, puis, conformément aux règles et traditions de la cour de Rome, immédiatement enregistrée et publiée par la sacrée Congrégation de l’Index, interdisant sous les peines de droit de lire ou de garder les livres censurés. » (L’Univers, 17 février 1904. Le Cardinal Perraud, Les erreurs de M. l’abbé Loisy, p. 10, Paris, Téqui, 1904.)

A ce tribunal ressortissent tous les crimes d’hérésie, de schisme, les graves délits contre les mœurs, tous les cas de sortilège, de magie, de spiritisme…

A ce titre, il s’occupe de condamner les sociétés secrètes. C’est lui qui accorde, quand il y a lieu, les dispenses de l’empêchement dirimant de disparité de culte et de l’empêchement prohibant de religion mixte. Il interprète le privilège dit paulin, qui concerne les époux infidèles dont un se convertit au christianisme. Enfin, il traite une nuiltitude de graves affaires du for externe, u En un mot, tous les crimes, qui, en réalité ou par une présomption de droit, impliquent une erreur contre la foi catholicjue, sont du ressort du tribunal de la suprèmeet universelle Inquisition (cf. Stremler, Traité des peines ecclésiastiques et des congrégations romaines, p. 514, Paris. 1860 ;

— A. Pillet, Jus canonicum générale, n. 589, Parisiis, 1890 ; Sanguineti, Juris ecclesiastici institutiones, n. 829, 5 I, p. 266, Romae, 1890). Récemment, en vertu de la Const. Sapienti consilio de Pie X, au Saint-Office seul a été dévolue toute la question des indulgences, tant au point de viu^ doctrinal qu’au point de vue pratique. Ce qui concerne les jeûnes, les al)slinences, appartient désormais à la Congrégation du Concile.

Tous les cardinaux et les divers officiers delà Congrégation, y compris les consulteurs et les qualifica875

CURIR ROMAINE (CONGRÉGATIONS)

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teurs, prèlcnt le serinent solennel de garder toujours et en tout ce fqui concerne les affaires traitées au Saint-Office, le secret le plus rigoureux, appelé par antonomase le secret du Saint-Office. Ce secret oblige sous les peines les plus graves (cf. c. xx, De Hæreticls, 1. V, tit. 2, in-6° ; Décréta Clementis XI, a. 170g, et Cleuicntis Xlll, a. 1759, Aiialecta EccL, dec. 1897, p. 498 sqq. ; Monitore ecclesiastico, oct. 1897, p. 177 sqq.). Les décrets menacent les Aiolateurs de ïexcommunication lalæ senteniiae, exclusnement réservée au Souverain Pontife ; et, hors l’article de mort, personne excepté le Pape ne peut en absoudre, pas même le cardinal grand pénitencier. Si quelqu’un avait encouru cette censure, il n’y aurait qu’un seul moyen d’en être relevé, c’est de recourir à la sacrée Pénitencerie, et alors le grand pénitencier demande au Pape les pouvoirs nécessaires pour absoudre. Ce secret du Saint-Office atteint les évoques, les vicaires généraux, les chanceliers…, qui auraient à s’occuper des causes traitées au Saint-Office ; de même les médecins et tous ceux auxquels ces affaires auraient été communiquées. L’accusé, les témoins eux-mêmes sont tenus au secret et prêtent serment de le garder ; mais ils n’y sont pas tenus sous peine d’excommunication. Le secret oblige même après l’affaire terminée. Il n’y a d’exception que pour les choses publiques de leur nature, ou pour celles qui ont été publiées par la sacrée congrégation, la cause unie (cf. Mgr Lf.ga, De Jiidir., t. IV, n. 530, p. 587 sqq.).

Actuellement, ce tribunal tient deux séances par semaine au palais du Saint-Office. La première a lieu le lundi ; c’est la séance des consulteurs, présidée par l’assesseur. Ils sont avertis à l’avance des questions qu’ils auront à traiter. Le jour venu, ils discutent et décident les affaires, qui doivent être soumises à la congrégation des cardinaux. Leur suffrage est simplement consultatif.

La seconde réunion a lieu le mercredi. C’est la séance des cardinaux. L’assesseur leur fait part des affaires à traiter, du vote des consulteurs ; et les cardinaux délibèrent et résolvent les questions à la majorité des voix (co//e^/a/t7er). Toutes les questions soumises aux cardinaux dans ces séances, leur ont été communiquées auparavant, et ils ont pu les étudier à loisir ; ce n’est qu’après un mûr examen qu’ils viennent discuter, donner leur avis dans ces réunions, où l’assesseur leur fournit encore un supplément de lumière en résumant la discussion, les observations des consulteurs, et communiquant leur suffrage. C’est donc en parfaite connaissance de cause qu’ils agissent et prononcent leur sentence. Le suffrage des cardinaux est décisif, et c’est ce vote seui, qui, à la majorité des voix, constitue la sentence juridique proprement dite et fait autorité.

Le lendemain, jeudi, l’assesseur, dans une audience spéciale, communique la décision du Saint-Office au Saint-Père, qui ordinairement l’approuve in forma communi. La sentence est ensuite publiée.

Si le décret est simplement approuvé in forma communi, le décret est et reste un décret de la sacrée congrégation, ni plus, ni moins. Une semblable approbation, venant de si haut, accroît sans doute la force morale de la sentence, et, même au point de vue juridique et légal, lui donne une plus grande valeur, en ce sens que la sentence ainsi approuvée a plus de fermeté, parce qu’elle offre plus de garantie, mais ne la transforme pas en un acte strictement papal c’est un acte du Saint-Siège, mais non rigoureusement un acte du Souverain Pontife lui-même. Le décret vaut et oblige tous les fidèles, en vertu de l’autorité de la sacrée congrégation elle-même. C’est vraiment elle qui est cause efficiente de la loi, et la congrégation n’est pas un instrument passif ; les car dinaux ne sont nullement les secrétaires du Souverain Pontife, ils sont véritablement juges et leur vole est libre, délibératif.

Acta Sanctne SeJis, t. XII, p. 165, initio ; Weisnz, Jus Décrétai., t. I, n. 115, p. 135. L’n décret d’une congrégation doit être distingué d’un acte strictement ci directement papal. Il y a une très grande différence, au point de vue juridique, entre un acte qui émane directement du Souverain Pontife et un acte qui vient directement d’une congrégation, même approuvé par le Pape in forma communi :

« Secundi generis acta, dit avec raison.Mgr Lkga, 

sunt quæ expediuntur a Congregationibus per poteslateni sibi prupriam, sive anlecedat jussujn Pontificis decernentis it edotur quædam dispositio, sive subsequalur sola contirmatio aut approbatio decisionis editæ vel ex officio a Congregatione, vel ad instantiam partis. Hujusmodi décréta vel decisiones cere sunt Conqrcgationiim acta, quamvis passim appellentur décréta Papae, acta Ponlificia, acta vel décréta S. Sedis, et etiam dicantur édita a Papa. Confirmatio auteni Papæ accedens hujusmodi Congregationuni decretis est in forma communi, quæ scilicet actum relinquit in suo primigenio ralore, ctsi confuniatio detur per Utteras apostolicas. « De Judiciis, t. II, n. 285, p. 348.

La Congrégation a pouA^oir ordinaire pour juger. Cf. Fagnan, in 2-’parte, 1. I, Décrétai., c. Cum olim, ï !. De Majoritate et Obedientia, tit. 33, n. 63, 64 sqq.

Bien plus, si l’acte ainsi approuvé in forma communi, pour un vice quelconque de forme ou de fond, était entaché de nullité, la confirmation pontificale ne le rendrait pas Aalide ; elle ne change pas intrinsèquement sa nature, elle ne crée pas un nouveau droit, parce que, dit ScnMALZGRUEBEu, une semblable approbation est pour ainsi dire conditionnelle ; elle suppose, en effet, fjue l’acte posé a été A^alide, et ce n’est qu’à cette condition, qu’au point de vue extérieur, elle peut le corroborer, lui conférer une plus grande autorité : confirmât in eo statu in quo antea fuit, L. II, tit. 30, n. 3 et 4.

Les paroles souvent citées : Facto’erbo cum Sanctissimo, indiquent une approbation in forma communi. Cf. Werxz, Jus Décret., t. II, n. 661, III, b, 3.

Une telle approbation n’est certes point inutile. Outre la force morale et juridique qu’elle donne au décret ainsi approuvé, elle a l’avantage de prévenir tout doute sur la compétence d’une congrégation dans un cas particulier ; elle offre une sérieuse garantie au point de vue doctrinal. Dans les controverses, elle constitue une forte présomption en faveur du décret, et, d’une manière générale, elle en rend l’exécution beaucoup plus facile ; et surtout parce moyen, au point de vue administratif, aucune mesure importante n’est prise sans l’agrément du Souverain Pontife.

Ordinairement, uneapprol)alion /// forma communi est simplement indiquée dans le décret. La formule généralement emploj’ée pour une approbation in forma communi est la suivante : … « In solita audientia R. P. D. Adsessori S. O. impertita, facta de suprascriptis accurata relatione SS. D. N. Leoni PP. XIII, Sanctitas sua resolutionem E’" Patrum approbavit et confirnun-it. » Cf. Analecta eccl., an. 1901, p. i/J. 15. Telle est l’approbation donnée par le Souverain Pontife PiK X au décret Lamentabili du Saint-Office (4 juillet 1907). Cf. Analecta eccl., jul. 1907, p. 276 sqq. ; Etudes, 5 août 1907, p. 305 et p. 413 sqq. ; et 5 janvier 1908, p. 1 19 sq.

Benoît XIV, dans sa C^onstitution Apostolicæ servitutis, 1 4 mars 1743, cite même un cas, où, avec une lettre personnelle du pape Alexandre III, il n’y a qu’une approbation in forma communi, précisément parce qu’on ne trouve pas, dans la lettre pontificale, les signes, les caractères de l’approbation in forma specifica (cf. Mgr Leoa, op. cit., t. II, n. 286, p. 348 ; Werxz, op. cit., t. I, § 2, p. 122 ; Bullar. Bened. XIV, 877

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t. I, p. 151) ; car, jusqu’à preuve certaine du contraire, une approbation pontificale est censée donnée // ; forma commiuii (cf. Piruixg, I. II, tit. 30, n. 5 ;

SCH.MALZGRUEBER, 1. II, tit. 30, U. 5).

Il en est de même, par exemple, pour les conciles particuliers, soit nationaux, soit provinciaux, qui peuvent être approuvés in forma commuiii. Même avec cette approbation, ces décrets sont et restent des décrets conciliaires, et ils ont force obligatoire en vertu de l’autoi’ité propre des conciles, et nullement en vertu de l’approbation du Saint-Siège. Toutefois, comme nous venons de le dire, cette approbation ne laisse pas d’a’oir sa grande utilité.

Or, quand il s’agit d’un décret d’une congrégation, l’infaillibilité pontificale n’est nullement en jeu ; il ne peut pas même être question d’infaillibilité, puisque ce privilège ne convient pas aux congrégations. Cette prérogative appartient à l’Eglise, au Souverain Pontife, mais elle est personnelle au Pape et incommunicable ; elle est inhérente à la personne même du chef de l’Eglise en tant que tel, et le Pape ne peut la communiquera personne. Cf. Suarez, Deleg., lib. IV, c. VI., n. 22 ; FuAXZELix, De Traditione et Scriptura. Corollarium 2, p. 128 ; Werxz, Jus Décrétai., t. I, n. 92 ; WiLMERS, De Ecclesia, L. IV, c. iii, a. iii, prop.’J2, p. lhi, Ratisljonae, 1897.

Mais le décret peut être approuvé in forma spécifie a.

L’approbation en forme spéciale a lieu, quand l’acte de l’inférieur est confirmé après l’examen minutieux et approfondi de l’affaire et de toutes ses cix-constances.

Il y a des caractères auxijuels on peut facilement reconnaître qu’il s’agit d’une approbation in forma specifica. Par exemiile, s’il y a dans le décret ces clauses consacrées, ou d’autres équivalentes : « de notre propre mouvement, de science certaine…, dans la plénitude de notre autorité apostolique… nous statuons…, etc. (Ex motu proprio, ex scientia certa, … de apostolicæ auctoritatis plenitiidine declaramus, statuinius… ; vel : A’^on obstante qiiacamque lege seu consiietudine in conirarium… ; mullo magis, si addatur clausula illa : snpplenles omnes juris et factidefeclus. .. — Cf. PiRuixG, 1. II, tit. 30, n. 8 ; Reifi’exs-TUEL, 1. II, tit.30, n.8 ; Bariîosa, De clansulis, 82, 177 ; ScuMALZGRUEBER, 1. II, tit. 30, u. 6 ; Sanïi-Leitner, 1. ii, tit. 30, n. 4 sqq.) Ou encore, si le Pape reprend les paroles du décret, ou le cite expressément et le déclare formellement obligatoire en sa teneur premièi-e (Cap. Venerabilis, 8, X, 1. II, tit. 30 ; Téthany, Exposition de droit can., t. II, p. 196).

Par ces formules et autres semblables, le Souverain Pontife manifeste clairement sa volonté de commander, de décider par lui-même, de sa propre autorité. Une telle conlirmalion a sans contredit une grande force.

Ce qui est d’abord certain, c’est que l’approbation in forma specifica transforme la décision delà congrégation en un acte proprement et strictement papal, émanant directement de l’autorité suprême du Souverain Pontife. Le suffrage des cardinaux, qui a précédé, n’a plus qu’une valeur consultative. Le Pape fait cette décision sienne, et elle vaut, elle oblige par sou autorité innnédiate. Le décret cesse d’être un décret de la sacrée Congrégation, et devient une loi portée, une sentence prononcée par le Souverain Pontife lui-même, qui eu est a.insiVanle.ur juridiquement responsable. Et même si l’acte, pour une raison cjuelconcpie, de lui-même était sans force légale, invalide, la confirmation m /o/7 ; (c/.sY ; <><///’<rt, misa part certains cas prévus par le droit, qu’il faut nécessairement excepter (cf. SCUMALZGHUEHER, 1. II, tit. 30, U. 7), lui

donne toute sa valeur au point de vue juridique.

crée un nouveau droit, bref, en fait un acte du Souverain Pontife. Tel est l’enseignement unanime des docteurs, anciens et modernes. Et ce point est d’une importance capitale.

Le P. Wernz précise très nettement cette doctrine (Jus Décrétai., t. I, n. 115). Voici ses paroles : « Confirmatio in forma commiini /ion mutât naturam s/o^f/// confirmali, sed in propria sua specie, v. g. statutoruni capituli, vel synodi dioecesanae, deccetorum concilii provincialis, decisionum SS. Gongregationum relinquit. Neque valorem statutis tribuit, si illa forte sint invalida, sed extrinsecus i[)sis conciliât majorera auctoritalem, quatenus removet dubia et obloculiones et faciliorcm reddit executionem. E contra confimatio in /brwa specifica transmutât decretum inferioris logislatoris, V. g. concilii provincialis vel S. Congregationis, in legeni superioris, v. g. Homani Pontilicis. Jnsupcr si lex inferioris ex sese non est ralida, per con*firmationem in forma specifica vini atque valorem oblinet, nisi in noimuUis casibus necessariô excipiendis. » — Cette distinction est classique depuis les temps les plus anciens. Elle est déjà contenue dans les décrétales de Grégoire IX ( 123’4), et les Souverains Pontifes en font un constant usage. Cf. cap. I, -2, 4, 7, 8, X, 1. II, lit. 30, juncta Glossa in cap. 1. huj. tit. ; c. 29, X, liv. V. tit. 33, juncf. Glossa ; — c. 1, X. liv. I, tit. 36, junct. Glossa fin. ibid. ; c. 10, X. 1. I. tit. 2, junct. Glossa in voc. «.ib Ecclesia ». — Pirhing (1606-1679), 1. II tit. 30. n. 2 ; B.vkbosa (1589-16’» 9, Collectan. Doct. in lib. II, Décrétai, lit. 30, n. 6, 7, 8 ; Garcia, De Benefic. ecclesiasticis, part. 3, cap. 2, n. 231 sqq., Gæsaraugustae, an, 1609 ; Fagnanus (1.598-1678/, in cap. Si quis, 1, 1. II, tit. 30 ; Gard. De Lrc< (1614-1683). De Judic. part., 1 diseurs. 35, n. 62 sqq. ; Suarez, De leg.,. YIII. c. xviii. jier totum, et citât Panormitanum…, Joan..x-DREAE. . : Reiffenstuel, lib. ii, tit. 30, n. 4 sqq. ; Lel’Re-Nius, lib. II, tit. 30, quæst. 1172 ; Bexed. XIV, De Synodo dlocc, 1. XIII, c. 5, n. Il ; Santi-Leitker. 1. IL tit. 3 », n. 2 sqq. ; Lucidi, de Visitatione… t. ii, p. 115, n. 10. Romae, 1866 ; Ojetti, Synopsis…. voc. Confirmatio legis, j). 437, édit. 2^, Romæ 1904 ; Piat, Prælect. juris regularis, t. II, quæst. 15.->, 1, 56, k 120, édit. 3^, Parisiis, 1906.

— Exemples de bulles donnant une confirmation in forma fpecifica : Gonst. EIsi mcndicantiiim.., Sixti Y, 3 oct. 1587 ; Rullarum… colleetio, Romae, 1747, t. IV, p. 5, i>agc 357, i 3. — Gonst. liatio pasloralis…, Cle.mextis VIII, 20 déc. 1597… t. V, p. H, page 119, ^3, ermeersch, De religiosis… t. II, p. 496, 497, 4, g 3… Nos igitur etc. Gonst. « Duduin » Leo.ms X, 10 dec. 1519, g 1, in fin., Vermeerscli, op. cit. t. II, d. 495 ; Bulla Militantis EcclesiæBEyE.D. XIV, 20 nov. 1752, BuUarium Bened. XIV. Romae, 1754.

Est-ce à dire que le Pape prononce chaque fois une définition ex ca/Aerfra.^ Il serait évidemment excessif de le prétendre.

Bouix sans doute soutient que les décrets dograati (iues du Saint-t)nice, ainsi approuvés par le Souverain Pontife, sont infaillibles (cf. Bouix, De Curia romana, part. 3, c. 7, § 2. p. ! -i sqq.. Paris, 185g ; De Papa. t. II, p.2, c.5, §2, pag. 468 sqq. ; Paris, 1869). Cette opinion est certainement exagérée ; elle n’a jamais été le fait c}ue de quelques docteurs, et, malgré l’autorité du docte canoniste, on ne peut la regarder comme probable. Il peut y avoir, et il y a, en fait, beaucoup de décrets, approuvés in forma specifica, qui ne sont pas des définitions ex cathedra, parce que le Saint-Père, tout en donnant une décision, une direction rigoiweusemcnl et universellement obligatoire, n’a pas entendu prononcer un jugement définitif et absolu sur la question.

Comme exemples d’approitations in forma specifica, on peut citer les lettres apostolicpies de Pie IX « Multiplices iuter « du 10 juin 1851 ; < Eximiam » du 15 juin 1857 ; « Gravissimas » du Il décembre 1862 ;

« Jd Apostolicæ Sedis » du 22 août 1851, etc… (Acta

PU IX ; Recueil des Allocutions consisforialcs, Paris, 1865 ; Cnourix, Valeur des décisions du.’<aint-Siège, p. 52-50).

Mais quelle est l’autorité propre des décrets doctri871)

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naitx du Saint-Office, approuvés dans la forme commune ?


Proportion gardée, nous deA’ons aux décisions doctrinales du Saint-Office, même approuvées dans la forme commune, un assentiment religieux du même genre que celui que nous devons aux décrets pontiticaux non infaillibles.

Proportion gardée, disons-nous, car les décisions qui émanent directement du Souverain Pontife ont une plus haute autorité que celles qui proviennent des tribunaux inférieurs, des congrégations romaines.

Cette réserve faite, hàtons-nous d’ajouter que notre assentiment est parfaitement raisonnable, justifié.

La Congrégation du Saint-Office a pleine autorité pour porter ces décrets ; nous lui devons donc respect et obéissance. Ses membres ont grâce d’état pour remplir leur office, une science théologique et canonique qui garantit leur compétence. Les questions sont longuement et consciencieusement étudiées. La prudente lenteur du tribunal le met en garde contre les surprises, et permet un mûr examen de la question ; enlin, toute la discussion de la cause est soumise au contrôle du Pape. Il y a là réunies toutes les conditions qui assurent une sentence parfaitement juste (cf. MoccHEGiANi, Jurisprud entiu, t. III, n. ^3, p. 33 ; WiLMERS, De Ecclesia, lib. IV, cap. iii, a. 3, prop. 72, 2, p. 45 1 sq., Ratisbonae, 1897).

Ces sortes de décrets relatifs à la doctrine expriment donc une direction obligatoire, à laquelle tous les fidèles doivent se conformer.

Par de semblables décisions, le Saint-Siège veut pourvoir à la sécurité de la doctrine, prévenir les dangers de perversion de la foi, plutôt que prononcer directement un jugement sur la vérité ou la fausseté absolue de la proposition elle-même.

D’ailleurs, qui dit sécurité, suppose que le contraire n’arrivera pas ; mais, absolument parlant, ce n’est pas impossible. Sous ce rapport, il y a une grande différcnce entre une définition ex cathedra et une décision doctrinale non infaillible.

Le sens d’une définition ex cathedra est celui-ci : cette proposition définie ex cathedra est absolument vraie ; cette proposition condamnée ex cathedra comme erronée, hérétique, est absolument telle, erronée, hérétique… C’est un jugement absolu, définitif, garanti contre toute erreur, de soi irréformable, immuable, qu’on doit donc admettre dans le sens où il a été porté, avec une certitude absolue, une soumission pleine et entière.

Le sens d’une décision doctrinale, qui provient de l’autorité du magistère suprême, mais qui cependant n’est pas garantie par le charisme de l’infaillibilité, est celui-ci :

Etant donné les circonstances, l’état de la science, il est prudent et sûr de regarder cette proposition comme vraie, conforme à la sainte Ecriture… etc. Ou, il est prudent et sur de regarder cette proposition comme erronée, téméraire, contraire à la sainte Ecriture, etc. (cf. Billot, De Eccl., t. II, p. 118 : Sicut igitur quando infallibile Ecclesiæ magisterium, etc. D Philipp Kneib, Wissen und Glauben, 2" édit., Mainz, 1906).

Assurément, dans l’espèce, il s’agit d’une adhésion intérieure, intellectuelle. La proposition suivante a été condamnée par le Saint-Office (décret Lamentahili ) : (( Ecclesia, cum proscribit errores, nequit a fidelibus exigere uUum internum assensum, quo judicia a se édita complectantur » (Prop. 7). Toutefois, ce n’est pas un jugement définitif absolu, de soi irréformable. Le P. Billot, dans son traité De Ecclesia (t. II, p. 1 17-1 18), exprime très clairement cette distinction fondamentale. Voici ses propres paroles. « Fit igitur distinctio intcr décréta quibus veritas specu lativa infallibiliter deûnitur, et décréta quibus securitati doctrinæ prospicilur, quin deveniatur ad formales definitiones quæ non semper expediunt, aul certe non sunt semper necessariae… Sane, distinguunt omnes in re morali speculativam veritatem vel falsitatem alicujus propositionis ab ejus securitate vel non securitate practica ; aliud quippe significo cum dico sententiam moralem esse veram vel falsam, aliud vero cum dico eam esse practice tutam vel non tutam. Et similis distinctio locum quoque habet circa doctrinas in ordine ad legem credendi.

« Dico ergo nos exinde manuduci posse ad intelligenduin

quid sit edere decretum quo non speculativa veritas definitur, scd securitati doctrinæ prospicitur : nihil aliud est quam decernere authentice aliquam doctrinam esse tutam, h. e. consonam regulæ fidei ea saltem probabilitate quæ sulficiat ut quis possit illam amplecti ; vele contra aliquam doctrinam non esse tutam, seu esse discordcm a régula fidci, idque iterum tali saltem probabilitate quæ non habeat adjunctam sufficientem probabilitatem de opposito. Et quia in hujusmodi ipsa decisio legitimæ auctoritatis semper aft’ert pondus prævalens, doctrina quæ declaratur non tuta, ipso facto evadit vere talis, amittitque innocuitatem, etiamsi aliunde illa non destitueretur. Atque hinc tandem lit ut ex natura rei non requii’atur infallibilitatis auctoritas ut jure meritoque exigatur interior mentis obedientia. » Cf. Devivieu, Cours d’apologétique chrétienne, le procès de Galilée, v. p. 52 1, 17" édit., Paris, 1904 ; Etudes, 5 juillet, 1904, p. 56.

Pour que nous soyons en effet tenus d’obéir, il n’est pas nécessaire qu’une autorité infaillible intervienne, il suffit qu’il y ait une véritable autorité, Bouix, De Curia romana, prop. 4> P- 486, Parisiis, 1859. Et très certainement nous sommes strictement obligés d’adhérer aux décisions doctrinales oy ; disciplinaires du Saint-Siège, même lorsqu’elles ne sont pas garanties par le charisme de l’infaillibilité. Par exemple, si le Saint-Office par une sentence authentique déclare une proposition vraie ou erronée, je dois dire et croire intérieurement, non pas que la proposition est vraie ou erronée absolument, comme s’il s’agissait d’un jugement définitif, de soi irréformable, mais qu’il n’est pas imprudent, qu’il est sûr de regarder cette proposition comme vraie ou erronée, ou plutôt que cette proposition est siu’e, ou n’est pas sûre.

L’assentiment religieux est sans contredit une adhésion interne, intellectuelle, au jugement porté, et il est parfaitement sincère.

Est-il ferme ? — Un assentiment ferme est celui qui est certain et exclut tout doute. Dans ce sens, l’acte de foi, qui repose sur l’autorité divine, est absolument ferme ; il est métaphysiquement certain. La foi ecclésiastique est également ferme ; la définition infaillible de l’Eglise donne une garantie entière contre toute erreur.

En est-il de même lorsque la décision n’est pas garantie par l’infaillibilité ? Dans l’espèce, notre assentiment n’est pas métaphysiquement certain : la décision, en effet, n’étant pas garantie par l’infaillibilité, la possibilité de l’erreur n’est pas exclue ; mais il est moralement certain : les motifs d’adhésion sont si plausibles, qu’il est parfaitement raisonnable de donner son assentiment à ce jugement de l’autorité compétente. Mais cette certitude morale doit être entendue dans un sens large, lorsqu’il s’agit du jugement spéculatif auv la vérité ou la fausseté de la doctrine ; c’est une probabilité très grande ; théoriquement, ce n’est pas la certitude proprement dite, la fermeté qui exclut, de soi, tout doute. Pratiquement, cependant, elle équivaut à la certitude pour la masse des fidèles ; ceux-ci, entendant la décision de l’auto881

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rité compétente, et n’ayant aucune difficulté, aucune objection contre ce jugement, y adhèrent pleinement, sans arrière-pensée, sans aucune crainte d’erreur, ou même sans songer à un péril de ce genre.

Le savant lui-même, la plupart du temps, adhère aussi de la même manière, sans crainte d’erreur, soit parce que l’autorité compétente a prononcé, soit parce que, loin d’avoir des diilicullés contre cette décision, il en perçoit au contraire le hien-fondé et la vérité, et a même résolu les objections qu’on fait ordinairement contre cette doctrine.

Toutefois, on insiste et on dit : une décision doctrinale, dès lors qu’elle n’émane pas d’une autorité infaillible, n’exclut pas par elle-même toute possildlité d’erreur. Que penser donc d’un lidèle qui aurait des difficultés, des doutes concernant la fausseté des propositions condamnées, ou même croirait avoir une vraie certitude de la vérité de telle proposition réprouvée ? Pour plus de clarté et de précision, distinguons les cas.

1" Dans le cas de simple difficulté, de doute, la présomption est toujours en faveur de l’autorité, et conséquemment, si le Saint-Olfice, par exemple, déclare une proposition vraie ou erronée, on doit dire et croire intérieurement, non pas précisément que la proposition est vraie ou erronée absolument, comme s’il s’agissait d’un jugement irréformable, mais qu’il est imprudent de ne pas la croire telle, tju’on ne peut pas en sécurité s’y refuser, ou i)lutôt que cette proposition est sûre ou n’est pas sure. Le jugement de l’autorité compétente lui donne ce caractère, et on la croit telle. En définitive, notre adhésion est ferme, tant que prudemment nous n’avons pas de motifs plausibles de douter ou de croire le contraire, et notre assentiment est parfaitement raisonnable, justitié.

2° Si, exceptionnellement, nous avions des raisons sérieuses de douter, Inimblement et respectueusement nous pourrions les présenter à l’autorité compétente, par exemple, à la Congrégation, qui les pèserait. Mais, même dans ce cas, nous continuons à admettre le décret porté ; nous adhérons encore à la décision, quoique avec une certaine crainte d’erreur. Nous inclinons notre jugement du côté de l’autorité ; nous préférons la décision de l’autorité à l’opinion contraire. Notre assentiment est intérieur, sincère, sans être ferme, certain, c’est-à-dire sans exclure toute crainte d’erreur. Nous ne suspendons pas notre jugement ; il y a un assentiment positif à une opinion qu’on regarde comme probable, ou plus probable, en tout cas parfaitement sûre, tant que l’autorité maintient sa décision.

3" Enfin, nous n’examinerons pas le cas où tel fidèle s’imaginerait avoir Vévidence de la vérité d’une proposition réprouvée ou de la fausseté d’une proposition jugée vraie. Il est clair ([ue le sens propre est trop enclin à cet acte d’indépendance, à l’illusion sur ce point, et que, lorsqu’il entre en confiit avec les directions de l’autorité, on a le devoir strict de s’en défier toujoui-s. Conséquemment, on peut tenir à peu près pour chimérique, ou du moins infiniment rare, le cas où le devoir d’un fidèle, en présence d’une décision de ce genre, se réduirait au silence respectueux (cf. Etudes, 5 août 1907, p. ^’0 sq([. ; Valeur des décisions du Saint-Sir<, ’e, j). Go).

Tel est l’assentiment inl(’rieur, sincère, non absolument fcrnu ; comnu> l’acte de foi, mais cependant ferme (comme nous l’avons expli(iné), que nous devons aux décrets doctrinaux du Saint-Ollicc, de la f’.ommission i)iblicque, et dans un degré supérieur aux décrets pontificaux, non garantis par l’infaillibililé (cf. Etudes, 5 janvier 1908, p. 120 sqq.).

Il y a donc une obligation grave pour tous les fidèles de se soumettre aux décisions du Saint-Siège

garanties ou non par l’infaillibilité. « Les catholiques, disait Pie IX dans une célèi)re lettre adressée à l’archevêque de Munich (21 décembre 1863), sont obligés en conscience d’accepter et de respecter non seulement les dogmes définis, mais ils doivent en outre se soumettre, soit aux décisions doctrinales qui émanent des congrégations pontificales, soit aux points de doctrine, qui, d’un consentement comnuin et constant, sont tenus dans l’Eglise comme des vérités et des conclusions thcologiques tellement certaines que les opinions opposées, bien qu’elles ne puissent être qualifiées tï’hérétiques, méritent cependant quelque autre censure tliéologique. « Cf. Denzinger-Bann-Avart, n. 1684 (b3-).

f « Nous ne pouvons non plus passer sous silence, dit encore Pie IX dans l’Encyclique Quanta cura, l’audace de ceux qui, ne supportant pas la saine doctrine, prétendent que cjuant aux jugements du Siège Apostolique et à ses décrets ayant pour objet évident le bien général de l’Eglise, ses droits et la discipline, dès qu’ils ne touchent pas aux dogmes de la foi et des mœurs, on peut refuser de s’y conformer et de s’y soumettre sans péché, et sans aucun détriment pour la profession du catholicisme. Combien une pareille prétention est contraire au dogme catholique de la ])leine autorité, divinement donnée parNotre-.Seigneur Jésus-Christ lui-même au Pontife romain, de paître, de régir et de gouverner l’Eglise universelle, il n’est personne qui ne le voie clairement et qui ne le comprenne.

« 

Le concile du Vatican lui-même, à la fin des canons sur la foi et la raison, rappelle expressément ce devoir aux catholiques : k Quoniam vero satis non est hæreticam pravitatem deA’itare, nisi ii quoque errores diligenter fugiantur, qui ad illam plus minusve accedunt, omnes officii monemus servandi etiam constitutiones et décréta, cjuibus pravæ ejusmodi opiniones, quæ istic diserte non enumerantur, ab hac Sancta Sede proscriptæ et prohibitæ sunt. » Denzinger, n. 1666 et 1820 ; cf. Acta et décréta Concilii plenarii Americæ latinae, n. 3, p. 9-10, Romae, 1902. Le décret Lavientabili réprouvc la proposition suivante : <( Ab omni culpa immunes existimandi sunt qui reprobationes a S. Congregatione Indicis aliisAC Sacris Romanis Congregationibus latas nihili pendunt » (prop. 8). Denzinger, n. 2008.

Et qu’on ne dise pas qu’il est immoral d’obliger quelqu’un à rejeter une opinion, cjui, absolument parlant, pourrait être a raie.

« Le fondement de ce droit que réclame l’autorité

ecclésiastique, et le motifderol)ligation qu’elle impose, c’est la nécessité de protéger la A’érité catholique, d’écarter des esprits les idées qu’elle estime être nuisibles à la foi. La prudence l’oblige à défendre à ses enfants de regarder comme certainement Araies, ou comme probables, les opinions qui lui paraissent être en contradiction avec laA-érité religieuse. Cette appréciation peut, il est vrai, absolument parlant, se trouver erronée, lorsqu’elle n’appartient pas à l’enseignement orclinalie de l’Eglise ou ne fait pas l’objet d’une flécision doctrinale irrévocable ; mais elle est moriilt’iiient certaine, et la certitude morale sufiilpour constituer une règle de conduite i)r « )visoire. C’est ce que l’on Aoit dans tout le domaine de la morale. Les I)arents, les nuigislrats, les nuutres ont le droit d’interdire, à ceux dont ils ont la direction, les choses qu’ils considèrent comme dangereuses ou funestes, bien qu’ils n’aient, sur l’objet de leur défense, qu’une certitude morale ou même une sérieuse probabilité. Les inférieurs, de leur côté, sont tenus à l’obéissance, bien qu’ils n’aient qu’une certitude morale de la justice des conunandemenls ou même des droits de ceux qui connnandent. Accrtiluxle morale suffit halutuelle883

CURIE ROMAINE (CONGREGAÏIONS)

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ment pour fonder le droit des supérieurs et l’obligation des inférieurs dans la société civile ; elle sullit pour fonder le droit de l autorité ecclésiastique et l’obligation des fidèles. » (Jaugey, /, e Procès de Galilée, p. 117. Paris, Lyon, 1888 ; cf. Sortais, Le Procès de Galilée, p. 36, Paris, igoô.)

2’^ Du Consistoire et de la Sacrée Congrégation consistoriale.

A) Consistoire. — D’après la discipline actuelle de l’Eglise, on appelle Consistoire la réunion solennelle de tout le sacré collège des cardinaux en présence du Souverain Pontife, pour traiter de quelque all’aire de grave importance (voir ci-dessus. Cardinaux, col. 856 sq.).

B) Congrégation consistoriale. — Dans les consistoires il n’y a pas de discussion, de délibération proprement dite. Mais, évidemment, les actes solennels accomplis dans les consistoires ont été préparés à l’avance ; ils ont été préalablement examinés, discutés. Ce soin est généralement confié à la Sacrée Congrégation consistoriale, établie par Sixte-Quint (Const. Jnimensa), à moins que le Souverain Pontife n’ait remis ce travail à une congrégation particulière, ou à la Sacrée Congrégation des affaires ecclésiastiques extraordinaires.

Pie X vient de donner à la Congrégation consistoriale une nouvelle et très grande importance. D’après la constitution Sapienti consilio, cette Congrégation comprend deux parties distinctes.

A la première il appartient, non seulement de préparer ce qui doit être traité en consistoire, mais en outre d’établir, dans les pays qui ne sont pas soumis à la Propagande, les nouveaux diocèses et les chapitres, tant ceux des églises cathédrales que les collégiaux ; de diviser les diocèses déjà établis ; d’élire les évêques, les administrateurs apostoliques, les coadjuteurs et auxiliaires des évêques ; d’instruire les examens ou procès canoniques sur les candidats, et, une fois instruits, de les discuter scrupuleusement, d’éprouver la doctrine des candidats. Mais si les hommes à élire ou les diocèses à établir ou à diviser n’appartiennent pas à l’Italie, ce sont les services de rOlIice des affaires publiques, soit la Secrétairerie d’Elat, qui recevront eux-mêmes les documents, établiront la « position » et la soumettront à la Congrégation consistoriale.

La deuxième pai-tie comprend tout ce qui se rapporte au gouvernement de tous les diocèses, à l’exception de ceux qui sont soumis à la Congrégation de la Propagande. Ils dépendaient jusqu’ici des Congrégations des Evèques et du Concile, et sont maintenant attribués à la Congrégation consistoriale. C’est donc à elle qu’il appartiendra désormais de veiller sur l’accomplissement plus ou moins iidèle des obligations auxcjuelles sont tenus les Ordinaires ; de connaître des rapports écrits par les évêques sur l’état de leurs diocèses ; de prescrire les Aisiles apostoliques, de les examiner une fois terminées, et, après un exposé précis de la situation qui, chaque fois, devra être présenté au Saint-Siège, d’ordonner les mesures nécessaires ou opportunes. A cette Congrégation, enlin, est contié tout ce qui concerne la direction, la discipline, l’administration temporelle et les études des séminaires.

C’est aussi à cette Congrégation que reviendra, en cas de conflit de juridiction, le droit de résoudre les doutes sur la compétence des Sacrées Congrégations, à l’exception du Saint-Odice, qui décidera lui-même de sa propre compétence (cf. Normæ peculidres, cap. VII, art. i, n. 6, et art. 2, n. 6, Acta Ap. Sedis, p. 79 et p. 83, I jan. 1909 ; Analecta eccl., p. 452, et p. 453, nov. 1908 ; Romana, Dubia de competentia

judicandi et de jure advocandi, 3 et 4^’^- Congreg. Consistorialis. Il juin 1909, Acta Ap. Sedis, 1 jul. 1909, p. 515 sq.).

Le Souverain Pontife continue de présider ce sacré Conseil. En seront toujours membres d’office le cardinal secrétaire d’Etal, et en outre ceux qu’il plaira au Pape d"v ajouter.

Il y aura un cardinal secrétaire choisi à cet effet par le Souverain Pontife, et, distinct de lui, un prélat nommé assesseur, qui remplira les fonctions de secrétaire du Sacré Collège des cardinaux, et, sous ses ordres, des officiers en nombre sulUsant.

Les consulteurs de cette Congrégation seront l’assesseur du Saint-Olîice et le secrétaire de la Congrégation des alFaires ecclésiastiques extraordinaires, tant qu’ils garderont ces charges ; d’autres leur seront adjoints, au choix du Souverain Pontife (Const. Sapienti).

3"^ Congrégation de la discipline des Sacrements.

— Cette nouA’elle Congrégation a été fondée par Pie X sous le nom de Congrégation de la discipline des Sacrements. Elle aura pour but de trancher toutes les questions disciplinaires relatives aux sacrements. On laisse intact le droit du Saint-Office de juger les points de doctrine, et la Sacrée Congrégation des Rites continuera de décider ce qui regarde les cérémonies en usage pour la confection, l’administration et la réception des sacrements.

Aussi, la nouvelle Congrégation a-t-elle pour objet des affaires traitées jusqu’ici par d’autres congrégations, tribunaux ou otiices. Relativement au mariage, c’est elle qui est chargée d’accorder les dispenses publiques, pour les pau^res comme pour les riches, les sanationes in radiée, les dispenses de mariage non consommé ; elle règle tout ce qui concerne la séparation des époux, la légitimation des enfants. De même, toute la partie disciplinaire des autres sacrements est de sa compétence, comme les dispenses pour les ordinations, sauf pour les religieux, les concessions pour la communion, la célébration de la sainte messe, la réserve eucharistique, etc.

Elle résout également les questions de validité du mariage ou des ordinations… Toutefois, si ces affaires sont traitées judiciairement, la Congrégation les renverra à la Rote.

Cette Congrégation, ainsi que toutes celles qui suivent, a pour préfet un cardinal.

4° Congrégation du Concile. — La Sacrée Congrégation des Cardinaux interprètes du saint concile de Trente a été érigée par le Motu proprio « Alias nos » de Pie IV (2 août 1564). Elle eut d’abord jiour mission de faire exécuter et observer par toute l’Eglise les décrets du concile de Trente. Mais souvent l’exécution des décrets dcmandail préalablement une interprétation sur leur sens précis et véritable, et la Congrégation fut forcément amenée à donner quelques explications. Comme Pie IV ne lui avait pas expressément donné ce pouvoir d’interprétation pour toute l’Eglise, il y eut un moment d’hésitation ; des doutes naquirent sur la légitimité de son plein exercice. Pour enlever toute incertitude ou inquiétude, saint Pie V donna à la Congrégation le pouvoir ordinaire de décider les cas qui lui paraîtraient clairs, sauf à en référer au Pape pour les cas douteux. Grégoire XIII et Sixte V (const. Inimensa) conOrmèrent à la Congrégation ce pouvoir ordinaire d’interpréter et de faire exécuter les décrets disciplinaires du concile, en maintenant l’obligation de consulter le Pape pour les cas difficiles. L’interprétation des décrets dogmatiques est réservée au Souverain Pontife (cf. Zamboxi, Collectio declarationum 885

CURIE ROMAINE (CONGREGATIONS)

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S. C. C, Introductio, § 5. De ereclione S. C. C, t. I, p. XXIX sqq., Viennae, 1612 ; "WiiRNz, / « s Décrétai., t. II, 11.661 ; Stremlkr. />es congrégations, ^.oib. sqq. ; Parayrk, l.a Sacrée Congrégation du Concile, son histoire, sa procédure, son autorité).

Mais coiiiiiie le concile de Trente a touché à peu près à tous les points de la disripline ecclésiastitpie, la Conji : régatioii se trouva être linterprète authentique de presque tout le droit canonique. Elle doit veiller, dit Benoit XIV (histitutiones ecclesiasticae, Instit., y n. 2 et De sacrosancto Missæ sacrificio, lib. III, cap. XXII, n. 5), à ce que la loi soit parfaitement observée dans l’Ejrlise ; elle procurera ainsi la régularité du clergé séculier et régulier, la piété et la pureté des mœurs du peuple lîdèle.

Pie X vient de préciser la compétence de cette Cougrégation. Elle j)ortera le nom de Congrégation du Concile : elle perd sa note caractéristicjue, qui était d’interpréter les décrets disciplinaires du concile de Trente. « Amissa nota characteristica, quani a formali disciplinæ Tridentinæ interpretatione acceperat, breviorem nominis rationcui (sollemnius enim dicebatur.S. C. Cardinaliuni S. Concilii Tridentini interpretuni) servat maxime ob causam historicam. » Vermekrsch, De lieligiosis…, Periodica…, p. 206, 4. 15 sept. 1908.

Désormais, elle aura pour objet tout ce qui concerne la discipline générale du clergé séculier et des (idèles. En conséquence, c’est à elle de veiller à ce que les préceptes de l’Eglise soient l)ien observés, comme le jeûne (excepté le jeûne eucharistique, qui appartient à la Congrégation do la discii^line des sacrements), l’alistinence, les fêtes ; relativement à ces lois, elle aura la faculté d’accorder aux (idèles les dispenses opportunes.

Elle réglera tout ce qui regarde les curés, les chanoines, les pieuses associations, les pieuses unions, les legs, les fondations, les œuvres pies, les honoraires des messes, les bénélices ou ollices ecclésiastiques, les biens ecclésiastiques, tout ce qui a rapport à l’immunité des clercs, aux irrégularités, au titre d’ordination (cf. Analecta eccl., p. 183, mai 1909. E. S. C. Consist.). Elle seule a le droit de recevoir à composition les ac<piéreurs ou détenteurs de biens ecclésiastiques, et spécialement des biens ravis aux eommunautés religieuses (5. Congreg. Consistor., 8 jul. 1909, Jeta Ap. Sedis, i aug., 1909, p. 676 sqq.).

Elle s’occupera de tout ce qui concerne la célébration, la revision des conciles particuliers, les assemblées, réunions ou conférences épiscopales. Toutefois, la Propagande reste compétente pour les conciles particuliers célébrés sur le territoire ! - : ouiiiis à sa juridiction (cf. Acta Ap. Sedis, S. C. Gonsistorialis, Dubia de Clompctentia, ad ; , p. 150 sqq., 15 jan. 1909 ; Analecta eccl., p. 49 « q., febr. 1909 ; Yer-MEEUSCii, De lieligiosis, Periodica, p. 316 sqq., 15 inart. 1909). La Congrégation spéciale, chargée <Ie la revision des conciles provinciaux, est supprimée.

Celle Congrégation juge toutes les aflaircs cpii touchent à ces olijets, mais seulement dans la ligne disciplinaire ; tout ce qui serait jtrojircment conlciitieux devra être renvoyé au tribunal de la Ilote.

La Congrégation spéi-ialc de Lorelle est icuuic à cette Congrégation.

5° Sacrée Congrégation des Religieux. — L’ancienne Congrégation des Evoques cl Réguliers devient, par la Constitution Sapienti de Pik X, la Congrégation des lieligieu.r ou pour les ad’aires des religieux (Congregatio negotiis religiosorum sodaliuin præposita).

Cette congrégation, depuis son origine jusqu’à nos jours, a subi plusieurs modilications. Grégoire XIII

fait déjà mention expresse de la Congrégation des Evèques (Fagnax, in cap. Quoniam id, x, L. I, lit. 2, 11. 37). Toutefois, Sixte V, par sa constitution Inimensa, fixa d’une manière plus précise les attributions de cette Congrégation, ainsi que de celle des Réguliers. Ces deux Congrégations furent d’abord distinctes ; mais la connexion, qui se rencontre fréquemment dans les affaires, fit bientôt réunir les deux Congrégations en une seule, sous la dénomination de Congrégation des Evéques et liéguliers. C’est à cette Congrégation que ressortissaient les causes des Evéque

« i., celles des religieux, les démêlés entre les uns et

les autres, les affaires pendantes entre les mêmes personnes et des tiers.

Par son Mutu proprio n Sacræ Congregationi y> du 26 mai 1906, Pie X a supprimé les Congrégations sur la Discipline régulière et sur V Etat des ordres réguliers, et a attribué tous leurs pouvoirs à la Congrégation des Evèques et Réguliers (cf. Acta PU A, t. III. p. 136 sq., Roiiiae, 1908 ; Analecta ecclesiastica, mai 1906, p. 196 sqq.). Celle-ci avait donc pleine autorité i)our examiner et résoudre toutes les controverses, causes et affaires concernant les evèques et les religieux. Telle était l’ancienne discipline.

Dans la discipline actuelle, en vertu de la Constitution Sapienti, cette Congrégation s’appellera Congrégation des Religieux. Sa compétence ne s’étend I)lus aux questions de discipline générale, elle est restreinte aux alfaires qui concernent les religieux des deux sexes, à vœux solennels ou simples, aux communautés, aux groupes, qui ont la vie en commun à la façon des Religieux{c{. Vermeersch, De Religiosis. .., Periodica, 15 sept. 1908, p. 267), et aux tiers ordres. Toutes les causes qui intéressent les religieux, soit dans leurs rapports avec les évêques soit avec d’autres personnes, sont de son ressort ; elle les juge, mais dans la ligne disciplinaire seulement, les affaires proprement contentieuses ressortissant au tribunal de la Rote. Enfin, c’est à cette Congrégation <pi’est réservée la faculté d’accorder les disl )enses dont les religieux auraient besoin, excepté celle du jeûne eucharistique, qui ressortit à la Congrégation de la discipline des Sacrements (cf. Xormae peculiares, cap. vii, art. 3, n. 10, L., Acta Ap. Sedis, p. 87, 1 jan. 1909 ; Analecta eccl.. p. 454. nov. 1908).

6" Sacrée Congrégation de la Propagande. — Tous les papes se sont occupés de la propagation de la foi. Grégoire XIII. le premier, créa à Rome des collèges poury élever les futurs missionnaires ; ilinstitua une commission de trois cardinaux dans le but île conserver la foi aux catholiques du rite grec i-l île con-Acrlir lesschismaticiues. (]’estlà le premier germe de la Congrégation de la Propagande. Clément VIII réunit plusieurs cardinaux pour s’occuper avec eux des missions. Enfin Grégoire XV, par sa constitution Inscrutabili, du 2 juin 1622, établit la Congrégation proprement dite de la Propagande, qui existe encore aujourd’hui.

Comme son nom l’indique, elle est établie pour propager la foi parmi les infidèles, les hérétiques, toutes les sectes dissidentes.

Elle envoie des missionnaires dans les différentes régions. Pour aider, secourir les missions, elle recueille et distribue les aumônes. Elle dirige cl encourage les ouvriers aposloli<pies, les soutient dans leurs travaux, résout leurs dillicultés. répoml à leurs doutes. Pour éviter la confusion et les coullils, clic lixc les limites des diverses missions. Il faut son consentement pour établir ou fonder une congrégation religieuse dans un pays qui lui est soumis. Elle propose au Pape les evèques, les vicaires apostoliques ; elle accorde 8h7

CURIE ROMAINE (CONGRÉGATIONS)

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aux missionnaires tous les pouvoirs spéciaux, les dispenses dont ils ont besoin.

La juridiction de la Propaj>'ande s’étend aix pays de missions, aux régions où la hiérarchie catholique n’est pas encore complètement constituée. Aussi,

« Nous décrétons, écrit Pie X (const. Sapienti), que

les pays suivants seront soustraits à la Propagande et soumis au droit commun : en Europe, l’Angleterre, l’Ecosse, l’Irlande, la Hollande et le diocèse de Luxembourg ; en Amérique, le Canada, Terre-Neu^e et les Etals-Unis ». Toutes les affaires concernant ces provinces ecclésiastiques seront désormais traitées, non par la Propagande, mais, selon leur nature, par les diverses congrégations compétentes. Les autres provinces ecclésiastiques et diocèses qui, jusqu’à j)résent, dépendaient de la Propagande, restent sous son autorité. Sont également sous sa juridiction les vicariats et préfectures apostoliques, même celles qui dépendaient jusqu’ici de la Congrégation des affaires ecclésiastiques extraordinaires.

Dans l’ancienne discipline, la Propagande était à elle seule comme un ensemble de toutes les autres congrégations réunies, à l’exception du Saint-Office ; elle les suppléait pour tous les pays qui lui étaient subordonnés ; toutes les questions qui, en d’autres régions, étaient adressées aux diverses congrégations romaines, devaient lui être soumises.

Dorénavant, pour qu’il y ait plus d’unité dans l’administration, la Propagande devra transmettre aux autres congrégations, selon leur compétence, toutes les affaires des pays de missions, qui regardent la foi, le mariage et les rites.

Les religieux travaillantdans les missions relèvent de la Propagande en tant que missionnaires ; mais comme /e//g’ie(W, soit individuellement, soit en corps, ils dépendent de la Congrégation des Religieux.

Il y a aussi une Congrégation spéciale pour les affaires des rites orientaux. Elle a été établie par Pie IX (bulle Romani Pontifices du 6 janvier 1862), et annexée à la Propagande. C’est une section de la Propagande. Le même préfet les dirige ; mais elle a son secrétaire, ses consulteurs et ses propres officiers. Comme son nom l’indique, cette Congrégation s’occupe uniquement des Eglises orientales. Elle a pour but de conserver et de propager la foi catholique parmi les nations chrétiennes qui suivent les divers rites orientaux, de favoriser l’union des Eglises dissidentes avec la véritable, l’Eglise romaine.

La Constitution Sapienti de Pie X ne change rien à cette Congrégation spéciale pour les affaires des rites orientaux. Cette Congrégation garde donc toute son autorité sur les religieux de rite oriental (cf. A’^er-MEERSCH, De Religiosis… Periodica, S. C. Consistorialis Responsa, 12 nov. 1908 et 7 jan. 1909, 15 mart. 1909, p. 31g, 6) ; elle peut accorder à ses sujets les dispenses des empêchements de religion mixte et de disparité de culte ; toutefois ce qui concerne le privilège paulin est réservé au Saint-Ollice (cf. Acta. Ap. Sedis, S. C. Consistorialis, Dubia de competentia, 15 janv. 1909, ad 6, p. 1^9 sqq. ; Analecta eccL, fel)r. 1909, p. 49 sq.).

La Propagande possède à Rome un séminaire, où l’on forme tous ceux qui se destinent aux missions. On y admet des jeunes gens de tous les pays. C’est une Araie pépinière d’apôlres. h’imprimerie de la Propagande est également un puissant moyen d’action, d’apostolat. Ce A’aste établissement reproduit dans les diverses langues la Bible, les livres de liturgie, de sciences sacrées, et une multitude d’autres livres, qui peuvent contribuer au progrès de la foi et de la civilisation.

7° Congrégation de V Index. — La constante préoc cupation de l’Eglise, gardienne et protectrice de la foi et des mœurs, écrit LÉoxXIII dans sa Constitution Officiorum (jan. 1897), « a été de détourner les hommes, autant qu’il était en elle, de ce terrible poison qu’estla lecture des marnais livres. Au quinzième siècle, après l’invention de l’imprimerie, non seulement elle s’occupa des mauvais écrits déjà parus, mais on commença à prendre des mesures pour empêcher dans la suite la publication d’ouvrages de ce genre. Ces précautions étaient nécessitées… par le besoin absolu de protéger l’honnêteté publique et d’assurer le salut de la société… C’est donc très sagement qu’Alexandre VI et LÉON X, Nos prédécesseurs, établirent des lois précises, fort appropriées au temps et aux mœurs de l’époque, pour maintenir les libraires dans leur devoir. Bientôt s’éleva une tempête plus redoutable, et il fallut s opposer avec une vigilance et une énergie croissantes à la contagion des hérésies. C’estpourquoi le même Léon X, puis Clément X, interdirent, sous les peines les plus grades, de lire ou de conserver les livres de Luther… »

Le mal grandissant, Paul IV dressa un catalogue des écrits et des livres interdits aux fidèles. « Peu de temps après, les Pères du concile de Trente mirent un nouveau frein à la licence croissante des écrits et des lectures. Sur leur ordre, des prélats et des théologiens désignés pour cela augmentèrent et perfectionnèrent l’Index édité par F’aul IV, et établirent les règles à suivre dans l’édition, la lecture et l’usage des livres. »

Pie IV, par sa constitution Bominici gregis, du 24 mars 1564, contîrma ces règles de son autorité apostolique.

Saint Pie V institua une Congrégation de cardinaux, préposée à la correction, à la censure, à la condamnation des mauvais livres. Grégoire XIII, par sa constitution Lt pestiferarum, du 13 septembre 1572, augmenta ses pouvoirs, et Sixte V (const. Immensa) compléta l’œuvre de ses prédécesseurs.

Dans le cours des siècles, les Pontifes romains, notamment Clément’VIII, Alexandre VII, Benoît XIV, connaissant les besoins de leur époque et tenant compte des lois de la prudence, publièrent des décrets ex{)liquant les règles de l’Index et les appropriant aux circonstances.

Dans la discipline actuelle, la Congrégation de l’Index, comme celle de l’Inquisition, pour la revision, censure, correction, prohibition ou condamnation des livres, doit se conformer à la célèbre Constitution Sollicita, du 9 juillet i^SS, de Benoît XIV, et à la constitution Officiorum et munerum de Léon XIII (janvier 1897). [Wernz, Jus Décrétai., t. 11, n. 660 et t. III, n. 100 sqq. ; Vermeerscii, De Prohibitione et Censura lihrorum (Romae, 1906) ; Boudinhon, La Nouvelle Législation de l’Index (Paris, 1899) ; Card. Gennari, La Costituzione Officiorum (Romae, 1908) ; PÉRiÈs, L’Index… ; Acta Léon. XIlI, vol, XVIII, p. 17 sqq. (Romae, 1898).]

La Congrégation de l’Index s’occupe directement des écrits et imprimés, en examine la doctrine, et si elle la trouve contraire à la foi, aux mœurs, ou simplement dangereuse, à raison de circonstances spéciales, elle proscrit le livre qui la contient et en défend la lecture. Ce n’est qu’indirectement qu’elle peut s’occuper parfois des peisonnes. La personne même des hérétiques et propagateurs de mauA’aises doctrines relève, pour ce crime, du Saint-Office, qui, seul, peut connaître du crime d’hérésie (cf. Strem-LER, Z>es congrégations, p. 53 1 sqq.).

A cette Congrégation, il appartiendra désormais, non seulement d’examiner avec soin les livres qui lui seront déférés, de les proscrire, s’il y a lieu, mais encore de rechercher d’office, par les moyens jugés 889

CURIE ROMAINE (CONGRÉGATIONS)

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les plus opportuns, les écrits de toute espèce qui seront publiés et seraient susceptibles d'être condamnés ; de rappeler aux Ordinaires leur devoir rigoureux de sévir contre les livres dangereux et de les dénoncer au Saint-Siège, conformément à la Constitution Ofjiciorum du 20 janvier 1897.

Comme l’interdiction des livres a le plus souvent pour but la défense de la foi catholique, et que telle est aussi la fin de la Congrégation du Saint-OfTice, à l’avenir, pour tout ce qui concerne la prohibition des livres, et povir cela seulement, tous les membres des Congrégations de l’Index et du Saint-Office, cardinaux, consulteurs, olficiers, pourront librement communiquer entre eux, et, sur ce point, seront astreints au même secret.

La Congrégation de l’Index a plein pouvoir pour accorder les dispenses nécessaires ; les permissions de lire ou de retenir les livres condamnés sont de son ressort (voir l’article Index).

8" Sacrée Congrégation des Rites. — La Congrégation des Rites doit sonoi-igine à Sixte V, qui, dans sa bulle Immensa, fixa son rôle et délimita ses attributions. Dans la discipline actuelle, elle s’occupe, dit Pie X (const. Sapienti), de tout ce qui concerne plus directement les rites sacrés, les cérémonies de l’Eglise latine ; les affaires qui se rapportent d’une manière plus éloignée à la liturgie ne sont plus de sa compétence, telles sont les questions de préséance et autres du même genre.

Il appartient donc à cette Congrégation de veiller à ce quon suive fidèlement, à ce qu’on accomplisse religieusement les rites et les cérémonies dans la célébration de la sainte messe, des offices divins, dans l’administration des sacrements et en tout ce qui concerne le culte dans l’Eglise latine ; elle a la faculté d’accorder les dispenses convenables, de concéder les insignes, les privilèges d’honneur, qui se rapportent aux rites sacrés et aux cérémonies ; elle doit prévenir et réprimer les abus qui se glissent facilement en ces matières.

Elle s’occupe également des Reliques. Cependant, elle n’est pas chargée de distribuer des reliques. Cette fonction appartient, à Rome, au Cardinal Vicaire, qui les tire de la Lipsanotlièque du vicariat. Mais elle traite toutes les questions qui se rattachent, soit à l’authenticité des reliques des Saints, et spécialement des corps que l’on extrait des catacombes romaines, soit au culte qui leur est attribué. Notamment, la concession d’offices concernant ces reliques est directement de son ressort.

Les causes de béatification et de canonisation lui sont toujours réservées.

A cette Congrégation sont jointes trois commissions : la Commission liturgique : ii Commission historico-liturgique, et la Commission pour le chant sacré.

Décret (lu 9 décembre l’JOS. — De|)uis 18 ; 0, la compétence du tribunal de la Rote était d’ordre purement ecclésiastique. Ce tribunal traitait les causes de moindre importance, relatives à la béatification et à la canonisation des Saints. Avant d’arriver à la béatification, il y a bien des étapes à franchir. Les auditeurs de Rote s’occupaient spécialement du procès super non cultu, c’est-à-dire sur rai)sence de culte public rendu au serviteur de Dieu, du procès sur la réputation de sainteté, de la validité et de la valeur des procès instruits dans les curies épiscopales et d’autres affaires de ce genre. Par sa constitution Sapienti, Pie X a pleinement restauré le tribunal de Rote, et les auditeurs, avec leurs nouvelles fonctions, ne peuvent plus faire ce travail qui leur incombait. Sur la proposition du Cardinal Préfet de la S. Congrégation

des Rites, le Pape vient de créer une congrégation particulière, qui aura pour mission de traiter ces causes secondaires, qui se rapportent à la béatification et à la canonisation des Saints.

Cette congrégation se composera de quelques-uns des membres etolTiciers de la Congrégation des Rites : du Cardinal Préfet, du Cardinal ponent quge rapporteur de la cause), et de cinq autres cardinaux, qui seront désignés par la S. Congrégation des Rites ; et comme prélats, ofliciers ou employés, elle comprenc^pa le protonotaire apostolique, le secrétaire, le Promoteur et le sous-promoteur de la foi. Ce décret du Souverain Pontife a été rendu à Rome le 9 décemcembre 1908 (cf. Acta Apost. Sedis, 15 jan. 1909, p. 160 ; Analecta eccl., jan. 1909, p. 12).

9° Congrégation cérémoniale. — Cette Congrégation s’occupe des cérémonies pontificales, des fonctions spéciales qui se font au palais apostolique, de la réception des ambassadeurs, etc. Elle décide les questions de préséance et tout ce qui concerne l'étiquette.

Elle demeure sans changement.

lO'^ Congrégation des Affaires ecclésiastiques extraordinaires. — Depuis la Révolution, les Etats ont plus ou moins répudié les antiques traditions et les principes qui servent de base à la société. Aussi l’Eglise se trouve-t-elle souvent, avec les pouvoirs humains et les sociétés civiles, dans des rapports très ditliciles et des situations fort critiques, où les règles ordinaires de l’administration ecclésiastique ne suifisent plus. C’est pourquoi « Sa Sainteté, écrit Pie VII, réfléchissant que les nombreuses années de troubles et de désordre ont été cause de notables désaccords dans les matières qui regardent la religion ; considérant, en outre, qu’il appartient à sa sollicitude apostolique d’y porter un salutaire remède, a pris la détermination de créer une Congrégation nouvelle. Elle sera composée de huit cardinaux, les plus remarquables dans les sciences ecclésiastiques, d’un secrétaire avec droit de vote, et de cinq consulteurs. Ils devront examiner toutes les affaires qui viennent du monde catholique au Saint-Siège et qui lui seront transmises pour avoir son vote. Sa Sainteté sera ainsi en mesure de donner ces réponses et de prendre ces décisions, qui seront dictées par des principes droits et sûrs, et conformes à la dignité pontificale ».

Cette Congrégation, instituée par Pie VII, reçut le nom de Congrégation des Affaires ecclésiastiques extraordinaires. Le Pape s’en réserva la présidence ou préfecture.

Elle tint sa première séance le iG août 1814 Elle s’occupe des affaires que le Souverain Pontife lui soumet par le Cardinal Secrétaire d’Etat : ces affaires sont principalement celles qui regardent les lois civiles, les concordats conclus ou à conclure avec les divers gouvernements.

H faut cei)endant le remarquer avec le P. Wernz (Jus Décrétai., t. ii, n. 606, § iii, p. 420, Editio altéra, Romae, 1906), dans la phqtart des affaires qu’elle traite, cette Congrégation n’a qu’un voie consultatif ; la décision proprement dite appartient au Pape.

11° Sacrée Congrégation des Etudes. — Sixte V, en étal)lissant la Congrégation des Etudes (const. Jniinensa), lui confia la direction de l’Université romaine de la Sapience et la surveillance de toutes les Universités catiioliques. Dans la discipline actuelle, cette Congrégation a la haute administration sur toutes les Universités et Facultés catholiques du monde entier. Elle règle ce qui regarde leur 891

CURIE ROMAINE (CONGREGATIONS)

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fondation, la collation des grades académiques ; elle veille à la pureté de la doctrine qui y est enseignée, et s’occupe de promouvoir les études sacrées.

Appendice. — Congrégations supprimées

Révérende Fabrique de Saint-Pierre. — Les origines de cette congrégation remontent à Clément VII, qui établit un collège de soixante personnes, pour surveiller l’érection et l’entretien de la basilique de Saint-Pierre. Clkment VIII supprima cette commission, et lui substitua, sous le nom de Rév. Fabrique de Saint-Pierre, une congrégation de cardinaux, dont le préfet serait le cardinal-archiprètre de Saint-Pierre pro tempore.

Cette congrégation avait donc pour premier but de surveiller l’administration de la basilique vaticane. Elle s’occupait également de toutes les alfaires concernant l’exécution des legs pieux, les fondations de messes ; elle réglait toutes les questions qui touchaient à l’accomplissement des conditions mises à la célébration des messes ou des fondations pieuses. Elle avait plein pouvoir pour concéder, s’il y avait lieu, au sujet de la célébration des messes, des réductions temporaires ou perpétuelles, ou même des dispenses, suppléant ex thesauro Ecclesiae… : elle pouvait aussi accorder une composition à celui qui n’avait pas exécuté les dispositions testamentaires dont il était chargé, mais sans lésion des droits des tiers (cf. Wernz, Jus Décrétai., t. II, n. 668 ; Battaxdier, Annuaire… 1899, p. 435 sq., et 1907, p. 613 ; Saxti-Leitner, /*r « electiones jiiris canonici, I. I, lit. 31, n. 119 sqq.).

Dans la discipline actuelle, la Fal)rique de Saint-Pierre continuera à s’occuper de l’administration de la basilique de Saint-Pierre et de ses biens ; mais toutes les affaires concernant l’exécution des legs, des fondations, les réductions ou condonations de messes, etc., lui ont été enlevées ; c’est la Congrégation du Concile qui en est chargée.

La Fabrique de Saint-Pierre cesse donc d’être une congrégation proprement dite.

La Congrégation de la Visite apostolique est supprimée ; toutes ses attributions sont rattachées au Vicariat.

Congrégation des Indulgences et des Reliques. — D’après une déclaration de Pie IV, du 7 novembre 1662, la concession des indulgences devait être gratuite. Clément VIII établit, mais provisoirement, une Congrégation des Indulgences. Clément IX, par sa bulle In ipsis, du 6 juillet 1669, en fit définitivement une congrégation spéciale, stable et indépendante, ayant son objet et son autorité propres.

On comprend facilement le but de cette congrégation. Elle accordait les nouvelles indulgences, résolvait toutes les difficultés, répondait aux questions qui étaient faites, touchant les indulgences et les reliques des saints. Par son motu proprio : Quæ in Ecclesiae, du 28 janvier 1904 (Acta PU A’, p. 141 sqq., t. I, Romae, 1906), Pie Xavaituni //jy^e/’/^e/Hf// » cette Congrégation des Indulgences à la Congrégation des Rites. Mais si les deux Congrégations étaient unies, leurs officiers et leurs bureaux restaient distincts. Au point de vue réel et pratique, la modification se bornait à ce que le même cardinal était préfet des deux congrégations et les gouvernait suivant les règles propres à chacune d’elles. Cette Congrégation est définitivement supprimée ; ce qui regarde les Indulgences a été dévolu au Saint-Office, et ce qui concerne les Reliques, attribué à la S. Congrégation des Rites.

Sont maintenues sans changement les Commissions pour les Etudes bibliques, pour les Etudes historiques, pour l’administration du Denier de Saint-Pierre et pour la préservation de la foi à Rome.

A raison de son importance spéciale, nous ajouterons quelques mots sur la Commission biblique.

Commission biblique. — Institution. Nature. Autorité de ses décrets. — Depuis longtemps, la question des études bibliques préoccupait le Saint-Siège. LÉON XIII, par l’encyclique Providentissimus du 18 novembre 1898, avait déjà tracé les lois selon lesquelles les interprètes, les savants catholiques devaient étudier et résoudre ces problèmes difficiles. Mais s’il appartient aux exégètes catholiques d’expliquer et de défendre les saints Livres, il convenait cependant, à cause de tant d’erreurs répandues, de les aider et de les diriger ; l’interprétation authentique de la sainte Ecriture ressortit, en effet, à l’Eglise, au Souverain Pontife. Aussi Léon XIII, par le bref Vigilantiae, du 27 septembre 1902, institua-t-il une Commission biblique. Elle devait être son auxiliaire dans l’application pratique de l’encyclique Providentissimus ; son rôle serait de promouvoir les études bibliques et de les protéger contre l’erreur et la témérité. Néanmoins, le Pape ne créait pas une nouvelle congrégation, mais une simple commission. Au point de vue juridique, c’était sans doute un organe officiel du Saint-Siège, mais d’un rang inférieur aux congrégations, donc aussi d’autorité inférieure, quoique déjà considérable (cf. Nouvelle Réunie théol., mai 1907, p. 243, Article de M. Castillon, Sur une décision de la Commission biblique). Ses décisions avaient assurément une force spéciale, une haute valeur morale et scientifique ; elles constituaient, pour tous les catholiques, une direction doctrinale autorisée, ou, comme s’exprime la Commission biblique elle-même, une norme directive officielle. S. S. Pie X, par son motu proprio « Præstantia », du 18 novembre 1907, vient d’élever l’autorité des décisions doctrinales de la Commission biblique, de l’égaler à celle des décrets doctrinaux des congrégations romaines, et, par conséquent, de leur donner une force vraiment préceptive, strictement obligatoire.

L’occasion et les raisons de cet acte, l’histoire, le rôle, la manière de procéder de la Commission biblique, l’autorité propre de ses décisions doctrinales, tel est l’objet de la première partie de la lettre pontificale.

Voici le passage concernant V autorité des décisions de la Comjnission biblique :

« Quaproter declarandum illud præcipiendumque

videmus, quemadmodum declaramus in præsens expresseque præcipimus universos oinnes conscientiae obstringi officio sententiis Pontificalis Consilii de re biblica, ad doctrinam pertinentibus, sive quae adhuc sunt emissae, sive quæ posthac edentur, perinde ac decretis^sacrarum Congregationum pertinentibus ad doctrinam probatisque a Pontifice, se subjiciendi. .. » (cf. Acta S. Scdis, 1907, p. 724 ; Nom’. Rev. théol., nov. 1908, p. 676).

Comme le déclare le décret pontifical, la Commission biblique « est formée d’un certain nombre de cardinaux, illustres par leur doctrine et leur prudence )). Ils sont clioisis par le Souverain Pontife. Un d’entre eux, désigné par le Pape, est président de la Commission. Les cardinaux seuls constituent la Commission biblique proprement dite ; seuls, ils sont juges de toutes les questions d’Ecriture sainte, soumises à leur examen.

A la Commission, sont adjoints des consulteurs, nommés par le Pape, « et choisis parmi les savants dans la science théologique des Livres saints, hommes différents de nationalité et dissemblables par leurs méthodes et leurs opinions en fait d’études exégétiques ». Mesure très sage. « Le Pape juge utile et conforme aux besoins des études et du temps, de donner. 893

CURIE ROMAINE (CONGRÉGATIONS)

89^

dans la Commission, accès aux opinions les plus diverses, pour qu’elles y soient, en toute liberté, proposées, développées et discutées. » (Motu proprio.)

— Les consulteurs doivent ainsi donner leur a^is sur les différentes questions soumises à la Commission. Ils ont simplement voix consultat’ue. Ils rédigent des rapports (vota), qui sont communiqués aux cardinaux, membres de la Commission, ou, dans des séances spéciales, ils sont appelés à discuter librement certains points et à présenter leurs observalions motivées.

Les questions ainsi ])réparée3, éclaircies par ces études ou discussions libres, sont ensuite décidées, tranchées par les cardinaux réunis en séance plénière.

« Ces conclusions ou jugements de la Commission

doivent être soumis au Souverain Pontife, pour être puljliées après avoir reçu son approbation. «  L’approbation est ordinairement donnée dans la forme cominatie.

En vertu du motu proprio « Præstantia », la Commission biblique a donc vraiment autorité pour porter des décisions sur les différentes questions afférentes aux choses bibliques, soit sur les doctrines elles-mêmes, soit sur les faits relatifs aux doctrines. Au point de vue juridique, ces décisions ont exactement la même valeur que les décrets doctrinaux des Sacrées Congrégations approuvés par le Pape. (Voir ce que nous avons dit plus haut sur la valeur des décisions doctrinales du Saint-Otlice ; cf. Valeur des décisions doctrinales et disciplinaires du Saint-Siège, p. 44 sqq., Paris, 1907.) « Tous, sans exception, sont tenus, par devoir de conscience, de se soumet tre aux décisions du Conseil pontifical des études bil)liques se rapportant à la doctrine.)> Et il s’agit d’une obligation grave.

Aussi, c( ceux qui, par leurs paroles ou leurs écrits, s’élèveraient contre ces décisions, ne sauraient éviter la note de désobéissance et de témérité, ni, en conséquence, être exempts de faute grave ; et cela, indépendamment du scandale qu’ils donneraient et des autres péchés dont ils pourraient avoir à répondre devant Dieu, à raison des autres erreurs et témérités, dont s’acconqiagnent le plus souvent des résistances de cette espèce ». (Motu proprio.)

Toutes les décisions de la Commission biblique, se rapportant à la doctrine, aussi bien celles qui avaient été rendues avant le Motu proprio, que celles qui seront portées â l’avenir, ont une force vraiment préceptive, sont strictement et universellement obligatoires ; c’est pour tous les fidèles sans exception un devoir grave de conscience de se soumettre à de semblables décisions.

Des tribunaux romains

1° Sacrée Pénitenccrie. — La juridiction de la Pénitcnceric s’étend exchisivement aux alfaires de for interne, njême non sacramentel. La concession des dispenses matrimoniales pour les pauvres, <[u’ellc avait l’habitude d’accorder jusqu’ici sans restriction, appartient, du moins pour les concessions pul)liques, à la Sacrée Congrégation de la discii)line des Saci-emenls. Désormais la Pénitencprie aura la faculté de concéder les grâces, altsolutions, disjjcnscs, commutations, condonations, sanations, qui regardent le for interne. C’est ce tribunal qui examine et résout les cas de conscience.

2° Tribunal de la « Rote » (Sacra romana Rota). — Avant rinslilulion des Congrégations romaines, la multituiU" l()ij()urs croissante des alfaires portées au tribunal du Saint-Siège ne permettait i)as de les traiter toutes dans h^s trois consistoires hcl)domadaires. Le Pape jugeait celles de moindre importance

dans sa chapelle privée, assisté de ses clercs ou chapelains, qui lui servaient de conseillers, et qui, pour cette raison, étaientappelés auditeurs du sacré palais. Sous les papes d’Avignon, cette chapelle pontificale fut transformée en tribunal séparé, en dehors du sacré palais, sous le nom de tribunal de la Sacrée Rote (Sacra Rota), et les auditeurs du sacré palais s’appelèrent désormais auditeurs de la Sacrée Rote (dénomir^.tion ])rise, suivant les uns, de la forme ronde delà salle où siégeait ce tribunal, suivant les autres, de la manière de procéder par tours, usitée pai’les auditeurs. Cf. Werxz, t. II, n. 669).

Jean XXII, par saconstitution7 ? « //o/ « r/s(an. iSaG), compléta l’organisation de ce tribunal, qui est ordinaire, et les auditeurs de la Rote furent constitués juges délégués, ayant pouvoir de juger et de terminer de leur autorité propre certaines causes.

Pour diverses raisons, le tribunal de la Rote, si célèbre autrefois, avait cessé de fonctionner depuis iS’^o. Aussi les Congrégations étaient-elles surchargées d’affaires. Pie X lui rend une nouvelle vie et le rétablit comme tribunal proprement dit et cour d’appel. Les Congrégations ne pourront plus traiter les causes, civiles ou criminelles, au for contentieux ; toutes les affaires qui exigent ou pour lesquelles on veut un procès canonique en règle, appartiennent en propre au tribunal de la Rote ; les causes majeures sont cependant exckies de sa compétence, et ce tribunal est absolument incompétent dans toutes les alfaires non contentieuses.

La Roteestainsi constituée co ; (7*c ?’a/ ; ^eZ pour toutes les curies ecclésiastiques du monde entier. En cas d’appel légitime, elle juge en seconde, et, si cela est nécessaire, en troisième instance, toutes les causes du for contentieux traitées par les Ordinaires.

Toutefois, la Rote juge en première instance toutes les affaires que le Souverain Pontife lui confie de son propre mouvement, ou sur la demande des parties ; et même, s’il y a lieu, elle juge ces mêmes causes en deuxième et troisième instance, à l’aide des tours, conformément à la règle douzième (cf. Const. Sapienti, Lex propria sacræ Romanæ Rotae, can. 12).

Rappelons-nous que tous les fidèles ont le droit absolu de demander à être jugés à Rome ; on peut toujours recourir au Souverain Pontife, qui est le Père commun de tous les chrétiens.

Les fidèles jouiront donc, comme par le passé, du droit de porter leurs différends devant le Saint-Siège. Toutefois, ils devront s’adresser non à la Rote, mais au Pape, qui appréciera s’il convient d’admettre leurs recours, ou de les renvoyer devant les juges ordinaires de première instance. Cependant. lasupplique. adressée au Souverain Pontife, pourra, sans doute, être déposée au greffe de la Rote, comme cela se pratiquait juscpi’ici pour les (Congrégations.

Le tribunal de la Rote est régulièrement compétent en première instance pour toutes les affaii-es contentieuses des religieux (Const. Sapienti).

S’il y a lieu à appel, il se fait d’un tour au tour suivant. Si la seconde sentence contirme la première, elle est définitive ; si elle est différente, la cause est reprise par le tour suivant, qui rendra une troisième sentence, et ce jugement sera définitif. D’une manière générale, une décision de la Rote, qui contirme une sentence antérieure, est définitive, que ce jugement soit le premier ou le secojul rendu en l’affaire.

Enfin, la Rote est compétente pour les cas de restitution intégrale, pourvu, néanmoins, cpic le recours n’ait pas pVmr objet une sentence portée par ce tribunal. Dans ce’dernier cas, c’est le tribunal de la Signature a|)()stoli(iue qui serait couq)étent. « Outre la r<’stilution « in integrum », les parties lésées peuvent solliciter la revision du procès. Ni la Rote, ni la 895

CURIE ROMAINE (CONGRÉGATIONS)

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Signature n’ont qualité pour en recevoii- la demande ; elle doit donc être adressée au Souverain Pontife {Nouvelle Resnie théol., La réorganisation de la Curie romaine, par M. Bessox, p. 86, février 1909).

En vertu de la Constitution Sapienti de Pie X, les juges ou auditeurs de la Rote sont au nombre de dix ; ils sont nonnnés par le Souverain Pontife.

Ils forment un collège présidé par leur doyen. Pour juger, ils procèdent par tours de trois auditeurs, excepté dans certains cas plus importants, où ils doivent être au complet. « Les tours se succèdent suivant l’ordre d’arrivée des affaires devant le tribunal. » Le premier tour est composé des trois derniers auditeurs (10, 9, 8) ; le second, des trois qui précèdent immédiatement (j, 6, 5) ; les trois qui viennent ensuite (4, 3, 2), composent le troisième tour ; le quatrième tour comprend le doyen et les deux derniers auditeurs (1, 10, 9), et ainsi de suite, de manière à avoir un roulement A’ai’ié.

Les auditeurs prononcent coUégialement à la majorité des suffrages. Ils sont obligés de juger toujours conformément aux jjrescriptions rigoureuses du droit, ad apices juris. Leurs jugements, formulés en latin, doivent être motivés, sous peine de nullité.

Les plaideurs peuvent agir par eux-mêmes devant ce tribunal, mais ils jjeuvent à leur gré prendre un avocat. (Utrum adjutores auditorum S. Rotæ agere possint munus advocati in aliqua causa, quæ agitur apud S. llotam, vel apud Apostolicam Signaturam. — Resp. : Négative in utroque casu. S. C. Consistorialis, Il juin 1909 ; Acta An. Sedis, 1 jul. 1909, p. 515 sq.)

Valeur juridique des décisions de la Rote. — Les décisions de la Rote sont assurément fort respectables ; elles ont toujours eu une grande autorité dans l’Eglise, à cause de la réputation bien méritée de science, de compétence spéciale et de prudence des membres de ce tribunal. Toutefois, elles ne doivent pas être considérées comme des sentences papales ; elles ne font pas loi dans l’Eglise ; elles ne sont pas obligatoires pour les tribunaux inférieurs ; elles ont la valeur d’une interprétation doctrinale delà loi, et à ce titre, elles sont grandement utiles pour aider à déterminer le véritable sens de la loi ; elles ont une haute autorité morale, doctrinale, mais elles n’ont pas d’autorité ie’^a/e ; elles ne sont pas des interprétations authentiques de la loi. « Les juges inférieurs peuvent s’y conformer et les suivre, s’ils les trouvent exactes, mais ils ne sont pas tenus de s’y soumettre comme à l’explication authentique delà loi(cf. Strem-LER, Des congrégations romaines…, p. 489). C’est ce qu’exprime très clairement le cardinal de Luca dans aaBelatio romanæ Curiæ forensis, lorsqu’il parle de la Rote (De Luca, Theatruni…, lib. XV, pars IL Relatio rom. Curiæfor., Diseurs. 82, n.66 sqq., p. 826, Venetiis, l’jaô).

3° Tribunal de la Signature apostolique. — Les anciens tribunaux delà Signature papale de grâce et de la Signature papale de justice sont supprimés ; à la place, le Pape établit le ti-ibunal de la Signature apostoli(/ue.

Ce tribunal suprême est composé de six cardinaux, nommés par le Pape, dont l’un, désigné par le Souverain Pontife, fait les fonctions de préfet. Il y a un secrétaire, également nommé par le Pape.

La signature apostolique est la cour de cassation à l’égard de la Rote. Pie X détermine avec précision sa compétence.

Ce tribunal traitera principalement, comme lui appartenant en propre, les affaires suivantes : 1° les cas où une partie voudrait récuser un auditeur suspect ; 2° où on accuserait un juge d’avoir violé le secret, ainsi que les demandes en dédommagement des torts causés i)ar un acte nul ou une

sentence injuste ; 3° « il reçoit les recours en cassation de jugements attaqués pour vice de forme, et les demandes en revision » (cf. Boudinhox, Revue du clergé français, i" septembre 1908, p. 586 sqq.), mais il ne juge pas l’affaire au fond ; il la renvoie à la Rote qui doit la traiter, les juges étant au complet {y’identibus omnibus) ; 4° enfin, il connaît de tous les cas de restitution intégrale, quand l’appel a lieu contre une sentence rotale, passée à l’état de chose jugée.

Des Offices

1° Chancellerie apostolique. — A V Office de la Chancellerie préside un cardinal qui, désormais, prendra le nom de Chancelier et non de Vice-chancelier. Selon une ancienne coutume, le chancelier fait les fonctions de notaire dans les consistoires.

A l’avenir, l’office propre de la chancellerie sera d’expédier, sur l’ordre de la Congrégation consistoriale ou du Pape, les lettres apostoliques, les bulles avec le sceau de plomb (suh plumbo), relatives à la provision des bénéfices consistoriaux, à l’institution des nouveaux diocèses, chapitres, et à d’autres affaires majeures. Le seul mode conservé pour l’expédition de ces bulles, c’est la « voie de chancellerie > ; les autres modes, per yiam sécréta iii, de caméra et de curia, sont abolis (cf. Petra, Comment, ad Co71st. ap., t. I, p. 5, n. I sqq., Venetiis, 1741 ; Bouix, De principiis jur. can., p. 277 sqq., Parisiis ; Baxgex, Die romische Carie, j). 440 ; Morom, Dizionario di erudizione, t. V, p. 280 sq. ; Vermeersch, De Religiosis, Periodica, p. 332, 15 mai’t. 1909 ; Grimaldi, op. cit., p. 437 sqq.).

Le collège des prélats dits : Abréviateurs du Parcmajeur et du Parc-mineur, est supprimé ; leurs fonctions seront remplies par le collège des Protonotaires participants.

2° Daterie apostolique. — A la tête de cet office, il y a un cardinal qui ne s’appellera plus Pro-dataire, mais portera désormais le nom de Dataire.

A la Daterie, il appartiendra en propre de régler toutes les questions concernant les bénéfices non consistoriaux réservés au Saint-Siège ; elle expédiera les lettres apostoliques pour la collation de ces bénéfices, accordera, s’il y a lieu, les dispenses nécessaires ; elle s’occupera des pensions, des charges que le Souverain Pontife voudrait imposer à ces bénéfices.

3" Cliamhre apostolique. — A la Chambre apostolique est atti-ibuée l’administration des biens et droits temporels du Saint-Siège, principalement pendant la vacance du siège. Le Cardinal Camerlingue (camerarius), qui préside à cet office, devra, lorsque le siège deviendra vacant, se conformer, dans l’exercice de ses fonctions, aux règles Qxées par Pie X dans sa Constitution Vacante Sede apostolica du 25 décembre 1904 (Acta PU X, vol. III, p. 239 sqq., Romae, 1908 ; Analecta eccl., mart. et april. 1909, p. 106 sq.).

4° Secrétairerie d’Etat. — Cet Office, dont le chef est le Cardinal Secrétaire d’Etat, comprend trois secrétaireries ou sections :

1. La. Section des Affciires ecclésiastiques e.rtraordinaires, qui aura à sa tête le Secrétaire de la Congrégation des Affaires ecclésiastiques extraordinaires ;

2. ha Section des Affaires ordinaires, dirigée par le Substitut pour les affaires ordinaires ;

3. La Secrétairerie des Brefs, dont le chef portera le titre de Chancelier des brefs apostoliques.

De ces trois chefs de section, le premier en dignité est le Secrétaire de la Congrégation des Affaires ecclésiastiques extraordinaires ; le second, le Substitut pour les affaires ordinaires, et enfin le troisième, le Chancelier des brefs apostoliques.

5" Secréfaireries des Brefs aux princes et des Let ; 197

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très latines. — Les deux secrétaireries des Brefs aux Princes et des Lettres latines sont maintenues comme par le passé, sans modification.

Dorénavant, toutes les lettres apostoliques, expédiées soit par la Chancellerie, soit par la Daterie, seront datées non suivant l’ère chrétienne, qui fait commencer l’année le 25 mars, mais selon les années civiles, qui commencent le premier jam’ier (Const. Sapienti).

Appendice. — Const. Promulgandi. — Une réforme vivement désirée était la création d’un bulletin officiel, qui nous garantît le texte authentique et la promulgation des actes du Saint-Siège. Pie X, par la Constitution Promulgandi {"ifj septembre 1908), vient de faire cette heureuse innovation. Ainsi met-il le couronnement à cette grande réforme des Congrégations, Tribunaux et Offices de la Curie romaine.

Sources et Auteurs à consulter

I. Sources. — Constitutions apostoliques citées ; Collectanea S. C. de Propagunda Fide, 2 vol. Romae, igo’j ; Acta Apostolicæ Sedis, 1909 ; Analecta ecclesiastica, 1908, 1909 ; Questions actuelles, t. XCVUI, p. 130, 258, 290, sqq. ; t. XCIX, p. 68, 98, 130 ; 1908, 1909.

II. Auteurs. — Aichner, Jus ecclesiasticuni, édit. 9, Briiinae, 1900 ; Alphonsi de Ligorio (S.), Theologia moralis…, éd. Gaudé, Romae, 1905, 1908 ; Angelis (Philippus de), Prælectiones juris can., Romae, Parisiis, 18^8 ; Arndt, S. J. De libris prohibitis commentarii, Ratisbonae, 1895 ; Bangen, Die rômisçhe Curie, Miinster, 1854 ; Barbosa, Collectanea Doct. in libr. Décrétai., Lugduni, 1716 ; Bargilliat, Prælect. jur. can., 2 ol. Paris, 1904 ; Battandier (Mgr), Annuaire pontifical, Paris, 1909 ; Besson (J.), dans Nouvelle Revue théol., 1908, 1909 ; Boudinhon (A.), La nouvelle législation de l Index, Paris, 1899 ; Bouix, De Curia romana, Parisiis, 1859 ; Brabandère (Petrus de), Juris canonici et juris canonico-civilis compendium, 2 vol., Brugis, 1898 ; Bulot (A.), S. J., Compendium Theol. mor. ad menteni P. Gury, 2 vol., Paris, 1906 ; Choupin (Lucien), Valeur des décisions doctrinales et disciplinaires du Saint-Siège, Syllabus, Index, Saint-Office, Galilée, Paris, 1907 ; Devoti, Instilutiones can, , 2 vol. Gandae, 1802 ; Fagnani, Commeataria in libros quinque Decretalium, Romae, 1661 ; Ferraris, Prompta bibliotheca, Venetiis, 1778 ; Forget, article Congrégations rom., Dictionnaire théol. Vacant-Mangenot ; Gennari(Card.), /, « Costituzione Officiorum, Romae, 1908 ; Goyau (G.), Le Vatican, Paris, 1896 ; Çrimaldi, Les Congrégations romaines. Sienne, 1890 (à l’index) ; Laurentius, Instilutiones juris eccl.. Fribourg, 1908 ; Lega (M ri’Michæle), De Judiciis ecclesiasticis, 4vol., Roma, l’joô : Lehmkuhl, Theologia moralis, 2 vol. Fribo ::; ’g ; Leurenius, Forum ecclesiasticum, Moguntiae, 1719 ; Lingen et Reuss, Causæ selectæ in S. C. C, Ratisbonae, 1871 ; Luca (Cardinal J. B. de), Theatrum veritatis et justitiae, Venetiis, 1726 ; Luca (Marianus de), Prælectiones juris can., 5 vol., Romae, 1897 ; Mocchegiani (P.), O. F. M., Jurisprudentia ecclesiastica, 3 vol., Fribourg, 1904, 1905 ; Ojetti (B.), S.J., Synopsis rerum moralium et juris canonici, 2 vol., Prati, 1904, 1905 ; Parayre, ia S. Congrégation du Concile, son histoire, sa procédure, son autorité, Paris ; Periès, L’Index, Paris, 1898 ; Pignatelli, Consultationes canonicae, Venetiis, 1722 ; Pirhing, Jus canonicum, Venetiis, 1709 ; Plettenberg, S. J., Xolitia Congregationum et tribunalium Curiæ rojnanae, Hildeaii, 1693 ; ReiCfenstuel, Jus canonicum, Venetiis, 1702 ; Sagmiiller, (D"" J. B.), Lehrbuch des katholischen Kirchenrechts, Fribourg, 1900 ; Sanguineti, S. J., Juris eccl. instilutiones, Romae, 1890 ; Santi-Leitner, Prælectiones juris canonici, 5 o., Ratisbonae, 1898 ; Schmalzgrueber, In Décrétai. Greg. IX, Ingolstadii, 1758 ; Sebastianelli, Prælectiones juris canonici, 3 vol., Romae, 1897, 1906 ; Soglia(Card.), Institutiones juris publici eccl., Paris, 1849 ; Stremler, Traité des peines eccl. et des Congrégations romaines, Paris, 1860 ; Vecchiotti, Institutiones can., 3 vol., Taurini, 1867 ; Vermeersch, S. J., De prohibitione et Censura librorum, Romae, 1906 ; Ward, The authority of doctrinal Décisions, London ; Wei’nz (Fr, Xav.), S. J., Jus Decretalium, 4 vol., Romae, 1905, 1906 ; Zamboni, Collectio declarationum S. C. C, Viennae, 1812 ; Zech (Fr. Xav.), Præcognita juris can., Ingolstadii, 1749.

L. Choupin.