Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Conciles

Dictionnaire apologétique de la foi catholique
Texte établi par Adhémar d’AlèsG. Beauchesne (Tome 1 – de « Agnosticisme » à « Fin du monde »p. 302-322).

CONCILES. — I. Notion et division. — II. Conciles oecuméniques. — III. Leur convocation, leur présidence et leur confirmation. — IV. Leur utilité et leur nécessité. — V. Leurs résultats. — VI. Difficultés doctrinales et historiques.

I. Notion et division. — Pour pouvoir porter sur les conciles un jugement quelconque, la première condition est assurément de savoir non seulement quel est le sens exact du mot, mais aussi quels sont les l)rincipes théologiques et canoniques qui règlent le but, la nature, les droits et les devoirs des organismes conciliaires. Nous commençons donc par définir et diviser.

Un concile, appelé indifféremment concilium ou synodus par les anciens auteurs, est proprement une réunion d’évéques solennellement assemblés pour délibérer et légiférer sur des questions doctrinales ou disciplinaires ressortissant au domaine religieux. Il faut se garder de confondre les conciles ecclésiastiques, les seuls dont nous ayons à nous occuper ici, avec d’autres qui sont connus dans l’histoire sous le nom de conciles royaux. Ceux-ci étaient des réunions mixtes, concilia mixta, auxquelles prenaient part, outre les évêques et les prélats ecclésiastiques, des comtes, des ducs, les princes séculiers en général, et où tous édictaient, d’un commun accord et sous la direction du souverain, des mesures d’ordre tant civil que religieux. On en rencontre en Espagne à partir du milieu du vu siècle. Thomassin, dans son traité De vetere et nova Eccl. disciplina, part. II, l. 11, c. 36, constate que les conciles mixtes furent de bonne heure fréquents à Constantinople ; mais, selon la remarque de Baluze (Capitularia Regain Francorum, t. II, col. 1028), ils furent encore plus fréquents en France, car les rois très chrétiens avaient l’habitude de ne prendre aucune décision grave sans consultation préalable des évêques et des grands du royaume ; c’est ce qu’atteste cette formule, très usuelle dans leurs diplômes : Nos una cum apostolicis viris patribus nostris episcopis^ optiniatibus cæterisque palatii nostri ministris, etc.

On divise les conciles en universels ou œcuméniques et particuliers, suivant qu’ils représentent, par le nombre et la qualité de leurs membres, l’Egliso entière ou une partie seulement de l’Eglise. Les conciles particuliers se subdivisent spécialement en diocésains, provinciaux et nationaux. Inutile de nous arrêter aux conciles diocésains, plus communément dits synodes, d’autant plus que l’évêque seul y a 589

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voix délibéralive et qu’ils ne vérifient donc pas strictement la définition donnée ci-dessus.

Un concile provincial est l’assemblée délibérante des évêques d’une province ecclésiastique, sous la présidence de leur métropolitain. L’origine des conciles provinciaux est antérieure au concile de Nicée ; mais celui-ci, dans son 5’canon, en prescriA’it la réunion deux fois par an. La même prescription se trouve renouvelée dans le 18’canon du concile de {^lialcédoine, et, au témoignage de Benoit XIV (De Sxiiodo dioeces.. lib. L c. vi, i), elle était encore suivie au viii= siècle dans la plupart des provinces. Cependant plusieurs textes du vi*" siècle, tel le 2*" canon d’un concile d’Orléans, en 533, demandent simplement que les pasteurs d’une même province s’assemblent au moins une fois chaque année ; et Innocent III, au IV concile œcuménique de Latran(12 15), étendit cette règle à toute l’Eglise. Suivant la discipline actuelle, sanctionnée par le concile de Trente, sess.xxiv, cap. 2, De reform., les conciles provinciaux ne sont plus obligatoires que tous les trois ans. Un projet déposé auconcile du Vatican (.-/c^fle/ décréta sacr. concilioruni recentioriiin, l.YH, col. 6/(4)proposaitde porter le terme fatal à cinq ans. De fait, la pratique de ces assemblées a été, pendant longtemps, fort négligée dans plusieurs pays, et même complètement interrompue dans quelques-uns. Mais, en 1848, Pie IX, alors réfugié à Gaëte, éleva la voix en faveur du retour à l’antique et salutaire coutume, et merveilleux fut l’effet de cet avertissement du pontife exilé : dans l’espace de peu d’années, on vit un grand nombre de conciles provinciaux se succéder en Autriche, en Italie, en France, en Allemagne, en Angleterre, en Hongrie, en Hollande, dans les deux Amériques et jusque chez les Maronites du Liban. Cf. Acta et décréta sacr. coiicil. recentioruni, t. VII, col. 6^9, 1006 suiv. Le rôle naturel et utile des conciles proA’inciaux est, en respectant les prescriptions du droit commun, d’aviser aux mesures les plus propres à en promouvoir l’application, à en assurer et développer les effets dans chaque province. Leur compétence était jadis fortétendue, soitpour élaborer et porter des lois, soit pour examiner et juger des causes, même criminelles, soit pour régler tout ce qui touchait à l’administration ecclésiastique. Bien des points y ont été soustraits dans la suite, par exemple l’érection de nouveaux diocèses, l’approbation des évêques élus, etc. Mais, renfermé en des bornes plus étroites, leur pouvoir, dans l’ordre législatif, judiciaire, administratif et coercitif, reste un véritable pouvoir ordinaire, c’est-à-dire un pouvoir qui est fixé de façon stable par le droit et que les membres de l’assemblée exercent en leur nom propre. Le plus souvent, il en est fait usage à l’égard des personnes et des choses de discipline. Néanmoins, si ses détenteurs n’ont qualité ni pour trancher souverainement des discussions intéressant la foi, ni pour définir infailliblement la vérité, il peut être aussi utile que légitime qu’ils rappellent et i)roclainent les points de doctrine admis ou à admettre par tous. C’est donc à tort que IIi.Nscnius (SYstem des katholischen Kirchenrechts, t. III, j). 6^5) accuse d’empiétement ceux qui, avant le concile du Vatican, avaient affinnéel proposé comme certaine l’infaiHihililé pontificale. Leurs actes et décrets ont été longtemps reconnus et fmbliés comme pleinement valables par eux-mêmes. Actuellement, en vertu d’une disposition <le la constitution Inimcnsa (1588) de Sixte-Quint, ils doivent être envoyés à Home et soumis ou à la S. Congr. du Concile, ou à la S. Congr. de la Propagande, s’il s’agit d’une province ecclésiastique cpii reste dépendante de celle-ci. La congrégation les exaiiiine et, au besoin, les corrige avant leur promulgation. Oltc revision ne leur confère d’ailleurs en

général aucune autorité nouvelle. Les corrections ou additions ainsi introduites et surtout la publication obligatoire, sous le nom et comme œuvre du concile provincial, du texte amendé ou augmenté, ont donné lieu, pendant le concile du Vatican, aux réclamations de quelques évêques français (Acta et décréta, t. VII, col. 839) ; et il n’est peut-être pas téméraire de conjecturer que la réforme imminente du droit canon apportera quelque modification à ce point de la pratique romaine. Cf. Werxz, Jus decretalium, t. II, p. 1079 sqq.

Les conciles nationaux, réunions légitimes de tous les évêques d’un même pays pour délibérer et statuer sur ses intérêts religieux, furent jadis assez fréquents. Ils sont relativement rares à l’époque moderne. Des princes ont parfois manifesté une tendance à se les asservir et à s’en faire une arme contre le pouvoir central de l’Eglise. Ainsi les rois de France, après l’époque du grand schisme, ont revendiqué, comme une des fameuses libertés gallicanes, le droit de convocation des conciles nationaux, et Napoléon, en 181 1, tenta de les imiter. Ces prétentions ont naturellement été encouragées par le fébronianisme et par le synode dePistoie(1786), quiy trouvaient leur compte. D’après le droit actuel, la présidence des conciles nationaux est réservée à un représentant ou délégué immédiat du Saint-Siège. Nulle disposition canonique n’en exige la périodicité. Le siècle passé en a vu plusieurs se tenir, avec les encouragements de Pie IX et de Léon XIII, aux Etats-Unis, en Autriche et en Irlande. Ceux qui se sont réunis à Baltimore en 1852, 1866 et 1884, et surtout le dernier, marquent dans les annales religieuses de l’Amérique septentrionale : par une législation sagement appropriée au milieu et au temps, ils ont infusé au catholicisme un surcroît de vitalité dont les faits témoignent éloqueniment. Les conciles nationaux sont essentiellement distincts des comices généraux du clergé, que les souverains temporels ont parfois convoqués de leur propre autorité, mais qui, sans l’intervention du souverain pontife, n’ont jamais pu avoir le caractère de conciles ni, par conséquent, porter des lois ou règlements ecclésiastiques obligatoires pour toute la nation. Si, dans certains monuments anciens, on trouve le concile national désigné comme universel, ceci ne peut évidemment s’entendre que d’une universalité toute relative. Il semble qu’à la dénomination de concile national, qui a comme un relent de particularisme cadrant assez mal avec la notion de catholicité, on préfère généralement aujourd’hui celle de concile plénier.Cetie seconde expressionest du moins exclusivement employée dans les textes otïiciels du concile du Vatican (Acta et Décréta, t. VII, col. 81g, 1006). Ajoutons cependant que le nom de conciles pléniers est parfois attribué à des assemblées conciliaires qui nous apparaissent historiquement avec un cachet tout particulier, en ce sens qu’elles ont été plus que provinciales et moins que nationales. Tels nous rencontrons, au IV et au v^ siècle, plusieurs conciles de l’Afrique occidentale. S. Auoustin, Epist. ccxv, (id Valent., P. L., t. XXXIII, col. 972, applique cette épithète au II* concile africain qui eut lieu en 4’8, sous le pontificat de Zozime. Comme les conciles nationaux, ceux-ci sont quelquefois dits universels dans une acception restreinte et relative ; ainsi faut-il comprendre le terme dans ce passage du II* concile de Carlhagc. à propos des réunions annuelles des évêques d’Afrique : i^in autem nec ad concilium uiiiversale anniversariuni occurrere voluerit. Dans la même catégorie, une place spéciale revient à ces conciles, assez fréquents pendant le moyen âge, qui, à Rome ou en d’autres lieux, furent réunis sous la présidence du Souverain Pontife ou de ses légats : tels 591

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le concile romain de loSg, le concile de Clermont, en 1095, le concile de Tours, en 1163. Cf. Wernz, loc. cit., p. 1084.

Les conciles dits pléniers dans l’un ou l’autre sens, à savoir nationaux ou simplement régionaux, ne sont actuellement ni obligatoires, ni même permis sans plus, ni soumis à une réglementation propre. C’est au Saint-Siège seul qu’il appartient de provoquer ou d’autoriser leur réunion et de diriger leur organisation et leur action ; c’est le Saint-Siège aussi qui désigne quelqu’un pour les convoquer et les présider en son nom et pour promulguer leurs décisions. Enfin, Rome détermine et le territoire dont les évoques devront être invités et les objets dont l’assemblée aura à s’occuper. Et parce qu’aucun de ces points n’est fixé par la législation canonique, parce que tous dépendent de la prudente appréciation et de la libre concession du pape, le pouvoir du concile pai' rapport au territoire dont il s’agit nous apparaît comme un pouvoir délégué plutôt que comme un pouvoir ordinaire. Les décrets qui en émanent l’emportent, en tant qu’expression de la volonté d’une assemblée plus nombreuse, sur ceux des conciles provinciaux ; il est toutefois des matières spécialement réservées à ces derniers, pour lesquelles les autres sont incompétents.

L’histoire connaît aussi des conciles généraux soit de l’Orient soit de l’Occident, et cette double appellation complexe se comprend d’elle-même. Parmi les conciles généraux de l’Orient, on peut noter le P"" et le II « de Constantinople, qui ont pris rang depuis, comme IP et V^, dans la série des conciles œcuméniques, mais qui n'étaient œcuméniques ni au point de vue de la convocation, ni au point de vue de la célébration. Le concile in Trullu (en 692) est un autre concile général de l’Orient. L’Occident a eu également quelques conciles généraux : par exemple, à Arles, en 314 ; au Latran, en 6^9 ; à Rome, en 680.

Certains auteurs qualifient absolument de généraux des conciles qui, exceptionnellement remarquables par la solennité de leur convocation et par le nombre des membres qui y représentaient les diverses parties de l’Eglise, ont cependant manqué de l’une ou l’autre condition nécessaire à l'œcuménicité, au moins certaine et intégrale. Tels les conciles de Sardique, en 3441 de Pise, en i^og, de Bàle, en 1431-1433, et, pour une partie, celui de Constance, en 1414-14ï8.

IL Conciles œcuméniques. — Le concile qui, surpassant de loin tous les autres en importance, doit surtout retenir notre attention est le concile œcuménique ou universel. Il est tel lorsqu’il se présente comme l’assemblée solennelle des évêques de tout l’univcrs, réunis à l’appel et sous l’autorité et la présidence du pontife romain pour délibérer et légiférer en commun sur les choses qui intéressent la chrétienté entière. On l’appelle aussi parfois général ; mais après ce que nous avons déjà dit. le lecteiu* comprend que les deux premiers qualificatifs sont préférables, parce que plus clairs et d’une application plus exclusive. Pour être œcuménique sans restriction aucune, il doit l'être à la fois par sa convocation, son mode de célébration et la plénitude du pouvoir exercé.

Un concile est œcuménique au point de vue de sa convocation quand tous les évêques du monde catholique y ont été officiellement appelés. 1° De droit divin et ordinaire, doivent être convoqués tous les évêques (archevêques, primats, patriarches) ayant juridiction actuelle sur un diocèse déterminé ; la raison en est que ce sont surtout ces évêques qui, comme successeurs des apôtres, constituent avec le souverain pontife l’Eglise enseignante et dirigeante, dépositaire tout ensemble de l’autorité suprême et de

l’infaillibilité doctrinale. Il est naturel et convenable, mais nullement obligatoire, de convoqpier les évêqpies titulaires, vicaires apostoliques ou non ; une fois convoqués et admis, ils ont voix délibérative aussi bien que les autres. — 2° Aujourd’hui, par privilège et en Aertu de la coutume, sont également convoqués et admis avec droit de vote, à raison de leur participation au gouvernement des âmes et de la responsabilité qui en découle : les cardinaux, ne fussent-ils que prêtres ou diacres ; les abbés et autres prélats régTiliers ayant juridiction quasi-épiscopale avec territoire séparé ; les abbés généraux de monastères groupés en congrégations et les supérieurs généraux d’ordres. Telles sont les diverses catégories de membres qu’on a vus siéger encore comme autorités dans le concile du Vatican.

En dehors des membres proprement dits, les princes catholiques peuvent être et sont généralement invités à titre honorifique. Anciennement ils assumaient en outre le rôle de protecteurs du concile, et leui- présence fut souvent utile pour le maintien de l’ordre extérieur et même pour la marche paisible des discussions. Si des théologiens et des canonistes sont admis aux séances ou associés d’autre façon aux travaux conciliaires, ce n’est qu’en qualité de consulteurs et de rapporteurs ou pai- quelque office qui ne leur confère ni voix délibérative ni aucun pouvoir.

Pour qu’un concile soit également œcuménique du côté de sa célébration, il faut, tout d’abord et sans parler de la libre et régulière évolution des débats, que l’appel adressé à tout le corps épiscopal ait été entendu et qu’on s’y soit rendu de partout. Mais comme il n’arrivera jamais que beaucoup d'évêques ne soient pas empêchés, il est clair que l'œcuménicité ne saurait être subordonnée à la pai-ticipation effective de tous ou de presque tous. Il n’est pas même requis que le chiffre des présents l’emporte sur celui des absents ; l’histoire de plusieiu’s conciles incontestablement œcuméniques, celle du concile de Trente, par exemple, est là pour le prouver. Quel nombre de présences sera donc nécessaire et suflira ? Ni la raison théologique ni les textes du droit ne fournissent sur ce point une réponse mathématique et uniformément applicable. Il est nécessaire de s’en tenir à l’indication générale du bon sens, qui peut se traduire ainsi : après la convocation universelle, il faudra à la réu* nion des évêques de divers pays en telle quantité et telle variété que l’ensemble constitue vraiment, eu égard aux circonstances et moralement parlant, une représentation de toute l’Eglise enseignante. Les monuments relatifs aux conciles des neuf premiers siècles nous apprennent qu’alors les métropolitains seuls étaient directement convoqués, avec chai’ge pour eux d’amener quelques-uns de leiu’s suffragants. Par-dessus tout on estimait nécessaire la présence des patriarches ou du moins une représentation de chaque patriarcat. De fait, durant cette période des conciles orientaux, à cause de la longueur et des difficultés du voyage à accomplir, le patriarcat d’Occident ne fut le plus souvent représenté que par les légats du pape. En cas de doute sérieux sur le caractère œcuménique de tel ou tel concile, il appartient à l’Eglise elle-même de trancher péremptoirement la question, comme toutes les questions de fait dogmatique. Sa déclaration ne vise évidemment pas à créer l'œcuménicité de convocation ou l'œcuménicité de célébration, là où elles auraient manqué ; mais elle les constate authentiquement et infailliblement, si elles existent ; elle peut, en outre, s’il en est besoin, les suppléer en produisant Vœcuménicité d’autorité, l’universalité de force obligatoire.

Cette dernière forme d’a'cuménicité, qui résulte 593

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liabiluellement du concours des deux premières, qui ne peut faire défaut où elles se rencontrent, est leur but essentiel. Elle seule est absolument indispensable pour constituer le concile œcuménique comme tel ; dans ce sens, elle en est, pour ainsi dire, l'élément formel, pai* opposition à ses conditions extérieures et matérielles ; elle est susceptible de remplacer les deux autres, sans que rien puisse la remplacer. Aussi bien faut-il rejeter le langage des auteurs qui, distinguaiat entre œcuménicité et universalité, supposent un concile méritant la qualification d'œcuménique par le nombre et la variété de ses membres, abstraction faite de la présence et de la coopération du pape. Suivant l’appréciation et la terminologie traditionnelles, un concile n’est pas plus tviuménique qu’il n’est universel, s’il n’est la représentation juridique, l’organe autorisé de toute l’Eglise, et sans le souverain pontife, nulle assemblée épiscopalc, si nombreuse soit-elle, ne saurait vérifier ces deux dénominations, puisqu’elle ne sera jamais quun corps acéphale. En revanclie, l’intervention du pasteur suprême suftira souvent pour suppléer ce qui pourrait manquer d’ailleurs à l'œcuménicité, parce qu’elle garantira l’autorité absolue et universelle des décisions.

De là vient que certains conciles soiU considérés comme œcuméniques pour une partie seulement de leurs décrets, le concours ou l’approbation du SaintSiège n’ayant pas été étendue au reste. Nous avons un exemple célèbre dans le concile de Chalcédoine, dont le 28 « canon est resté caduc, parce qu’il fut voté contre le gré des légats de saint Léon et que celui-ci refusa de le ratifier. Et parmi ceux que tous les théologiens et tous les canonistes s’accordent à regarder comme œcuméniques, il en est deux, le Ile et le V*' de la série chronologique, qui ne l'étaient pas en euxmêmes, du fait de leur convocation et de leur célébration, et qui le sont devenus uniquement grâce à la ratification subséquente et supplétive du pape : au l""" concile de Constantinople (381)iln’y eut d’invités et de présents que les évoques orientaux ; quant au II' (553), le pontife romain, bien que prié de s’y trouver, préféra s’abstenir complètement ; dans un cas comme dans l’autre, l'œcuménicité de convocation et l'œcuménicité de célébration tirent également défaut. Mais, postérieurement. Home se rallia à la condamnation des Pneumatomaques par le concile de 38 1, ainsi qu'à celle des Trois-Chapitres, prononcée en 553. Depuis lors ces décisions conciliaires ont été réputées et sont en réalité décisions de l’Eglise universelle ; les conciles dont elles émanent primitivemont sont, de ce chef et dans ce sens, mis au nombre des conciles œcuméniques. Encore faut-il observer que l'œcuménicité du concile de 381 est, comme la ratilication pajiale, restreinte au décret dognuitique, à l’exclusion de la disposition qui revendiquait pour le siège patriarcal de Constantinople le premier rang après celui de Rome.

Du reste, l’usage communément reçu quant à cette attribution rétrospective d'œcuménicilé comporte quelque chose de conventionnel, quelque chose du moins qui ne s’explique que parliellemenl par les circonstances et influences locales : il a toujours refusé l’honneur de cette appellation à plusieurs conciles régionaux dont les décisions ont i » ourtant acquis force de lois souveraines et universelles, ayant été adoptées comme règle de foi par le Saint-Siège et par l’Eglise tout entière. De ce nombre est le concile plénicr tenu à Carthage en 418. Il reprit et fit sienne, ((nu-ernant h- péclié originel et la grâce, la doctrine dcja formulée, deux ans auparavant, par un concile de Milève et approuvée par Innocent l=^ Ses huit canons furent, à leur tour, conlirmés pat le i)ape

ZoziME, qui, dans une Eplstula tractoria célèbre, les intima à tous les éA'êques. Le concile d’Orange de 529 (Araiisicanuin II"'") doit être rangé dans la même catégorie. Il sanctionna, contre les semi-pélagiens, vingt-cinq propositions dogmatiques qui lui avaient été transmises par Félix III et qui étaient extraites presque mot pour mot des écrits de saint Augustin. Ratifiées de nouveau, l’année suivante, par BoxiFACE II, successeur de Félix, ces propositions sont devenues, au témoignage de Quesxel même dans son livre sur la Traditio Ecclesiæ Roinanae, une norme de croyance ol)ligatoire pour tous, quam non sequi nemini permissuni eral.

III. Convocation, présidence, confirmation des conciles œcuméniques. — A jjart le nombre et la qualité de ceux qui y siègent, un concile œcuménique, pour justifier les deux parties de son nom, c’est-àdire pour être une véritable expression de ïautorilé ecclésiastique uni^'erselle, doit remplir certaines conditions relatives à sa cons’ocation, à sa présidence et à sa confirmation. A ce triple point de vue on a soulevé des difficultés historiques contre la légitimité ou la régularité des grands conciles orientaux. Il importe donc de rappeler les principes qui régissent ces côtés de la question et d’en montrer l’application dans les faits.

X.Comocation. — i" Principes théolugiques. — C’est au pape seul, à l’exclusion de toute autre personnalité soit ecclésiastique soit séculière, qu’appartient proprement et en soi le droit de convoquer un concile œcuménique. Cette affirmation du droit absolu et exclusif du souverain pontife est commune à tous les théologiens ; elle est pour eux un corollaire immédiat de la doctrine sur la distinction des deux pouvoirs et sur la primauté romaine. Leur sentiment n’est que l'écho de celui de l’Eglise elle-même, que rend manifeste la pratique constamment suivie depuis le xm^ siècle. Tous les conciles œcuméniques d’Occident ont été convoqués par les papes agissant dans la plénitude de leur indépendance spirituelle. Rien de mieux fondé en raison et dans la nature des choses que ce sentiment et cette pratique.

Car 1) il s’agit d’une assemblée essentiellement ecclésiastique par ses membres et par son objet, d’une assemblée dont les délibérations et les décisions, qu’elles concernent directement des personnes ou des choses, qu’elles visent la discipline ou le dogme, sont ilordre strictement religieux. Il n’appartient qu'à l’Eglise de décider et d’organiser une entreprise de ce genre ; et seul, dans l’Eglise, le successeur de Pierre, le pasteur des pasteurs, a, de droit divin, qualité et puissance pour obliger les évêques du monde entier à se réunir en un lieu et un temps déterminés et à y aviser, de concert avec lui, à telle ou telle difficulté, à telle ou telle question intéressant la chrétienté, que lui-même désigne et délimite selon les circonstances. Nul prince temporel ne pourrait, sans sortir de ses attributions légitimes, sans empiéter sur la juridiction spirituelle, prétendre à intimer i)areil ordre. D’ailleurs, à quel titre le ferait-il ? L’Eglise, grâce à sa catholicité, dci » asse les limites de n’importe quel Etat ; déjà à l'époque du concile de Nicée, ses frontières dél)ordaient de toutes parts celles de l’enq)ire romain. Il est inutile d’ajouter que, sauf l'évêque de Rome, aucun membre du corps épiscopal ne saurait prétendre, et pour cause, iiiq)oser à tous ses collègues indistinctement la présence et la participation à une réunion conciliaire.

2) Les théologiens, tels Palmieri (De lîomano Ponlifice, part. II, cap. ii, thesi 28) cl Ma/zklla (De lieligione et Ecclesia, disp. v, art. 5) établissent la même thèse en prenant comme iioinl de départ le mode d’ac595

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tion et le fonctionnement intime d’un concile œcuménique, la véritable portée de ses décisions. Là, chaque évêque concourt à un même acte d’autorité universelle ; cliacun devient réellement juge, législateur et docteur, non plus pour ses diocésains seulement, mais pour l’Eglise entière ; l’exercice de sa juridiction se trouve, de fait, étendu extraordinairement à toute la catholicité. D’où lui peut venir cette compétence sans limite locale ? Elle ne lui appartient ni en vertu de sa consécration, ni en vertu de sa nomination à un siège déterminé, il ne la détient pas de droit divin ; de droit divin, il n’est pasteur que d’un unique diocèse. D’autre part, s’il y a dans la législation ecclésiastique des dispositions permanentes et des coutumes qui expliquent les pouvoirs et les privilèges des métropolitains, des primats et des patriarches, il n’en est aucune qui fonde ou prévoie une extension, même momentanée, de l’autorité de chaque évêque à tous les diocèses et à tous les fidèles. Celui-là seul qui possède en propre semblable autorité petit y faire participer ses frères dans l’épiscopat. Cette conclusion est d’ailleurs indépendante de toute théorie spéciale sur la genèse de la juridiction épiscopale ordinaire. Que celle-ci descende directement de Dieu sur ses détenteurs ou qu’elle leur soit transmise par l’intermédiaire du souverain pontife, toujours est-il certain qu’elle demeure restreinte à un diocèse particulier ; pour l’élargir au point qu’elle puisse atteindre l’Eglise du Christ dans son intégrité, l’intervention du successeur de Pierre est indispensable. Or, cette intervention se produit quand le pape réunit les évêques en concile œcuménique ou quand, les trouvant réunis de fait pour une cause quelconque, il se les associe en vue de légiférer avec leur coopération active pour l’Eglise entière. Et qu’on n’objecte pas l’opinion de quelques auteurs d’après laquelle les évêques, une fois assemblés en nombre sufRsant, possèdent par là même ou reçoivent immédiatement du Saint-Esprit le caractère d’œcuménicité : cette théorie se concilie mal avec le dogme de la primauté, qu’elle met en péril ; elle introduit dans l’Eglise, à côté et en dehors du pape, une seconde forme de pouvoir suprême, elle affirme équivalemment que des lois partout obligatoires pourraient être portées validement sans le concours et peut-être contre le gré de celui qui est le fondement cîe tout l’édilice ecclésiastique, de celui à qui, selon la définition du concile de Florence, « N.-S. J.-C. a donné pleine puissance de paître, de régir et de gouverner l’Eglise universelle ».

3) Enfin, on peut encore faire appel à l’analogie théologique et canonique. De même, en effet, que la convocation d’un synode diocésain appartient sans conteste à l’évêque du diocèse, celle d’un concile provincial au métropolitain, et celle d’un concile plénier, sous réserve des dispositions du droit canon, au primat ou au patriarche, de même la convocation d’un concile œcuménique ne peut appartenir qu’au chef de l’Eglise. On ne saurait le nier sans nier aussi la primauté du souverain pontife. Quant à revendiquer pour le pouvoir civil un droit propre et inné de convocation, ce serait confondre l’ordre religieux et l’ordre civil, refuser à l’Eglise le caractère de société parfaite et indépendante, faire d’elle la servante et l’esclave de l’Etat.

2° Difficulté historique. — Les principes exposés sont d’une évidence lumineuse. Ils doivent paraître inattaquables à quiconque admet l’existence de l’Eglise comme société spirituelle et distincte, fondée paf le Christ. Pourtant on en chercherait vainement la confirmation positive dans l’histoire des huit premiers conciles œcuméniques. Les documents sont nombreux, qui nous présentent ceux-ci comme convoqués par la puissance impériale. Non seulement les empereurs

les convoquent, mais, ce faisant, ils déclarent remplir un devoir et user d’un droit propre et inhérent à leur charge. Bien plus, ce droit semble leur avoir été reconnu, et le plus souvent sans restriction exprimée, par le clergé contemporain, par les évêques, par les conciles eux-mêmes, par les papes aussi. En présence de ces faits et de ces déclarations, que deviennent les principes ? oîi sont l’autonomie et la dignité nécessaires à des assemblées qui prétendent régler souverainement les questions religieuses et imposer leurs déci’ets au respect de tout l’univers ?

Nous répondons que les empereurs de Constantinople ont eu assurément une grande part à la convocation des conciles dont il s’agit, et que cette part, résultante naturelle et inévitable des circonstances spéciales de temps et de lieu, souvent ils l’ont élargie à plaisir et avec excès ; mais nous ajoutons que les papes y ont eu la leur aussi, laquelle, pour être demeurée parfois assez effacée et assez modeste, n’en a pas moins été toujours réelle, toujours indispensable, et d’ailleurs proclamée par les empereurs eux-mêmes. Auteurs de ce qu’on peut appeler la convocation matérielle, les princes ont expressément réservé à lEglise la convocation formelle. Ceci veut dire cpie, si les premiers ont rendu possible, s’ils ont procuré et parfois imposé le fait de la réunion des évêques en un lieu et à une date déterminés, le pape, en s’associant à leurs vues, en les inspirant ou en les agréant, en contribuant de plus à leur réalisation par l’envoi de délégués chargés de représenter sa personne, en conférant ainsi aux évêques réunis l’autorité que lui seul pouvait leur conférer pour délibérer et statuer sur les intérêts généraux de l’Eglise, transformait l’assemblée de fait en assemblée juridique et conciliaire. Les mêmes raisons historiques qui justifiaient, disons mieux, qui rendaient nécessaire dans une certaine mesure l’intervention du pouvoir civil, expliquent pourquoi les pontifes romains s’en sont longtemps accommodés sans protestation, en allant jusqu’à fermer les yeux ordinairement sur ce qu’elle pouvait avoir d’excessif.

i) Tout d’abord, nous ne manquons pas de textes anciens qui établissent la participation du pape à la réunion, à l’acte constitutif des conciles. Le Liber pontificalis, édit. Duchesne, t. 1, p. 76, dit du l" concile de Nicée : Hujus (Sylvesti’i) temporibus factum est concilium cum ejus consensu ifi Nicæa : et le VI « concile (680). dans son /s/s ; 7 : , ciaj ; wv/ ; T£i<£ ; (Mansi, Conciliorum amplissima coHeciio, t. XI, col. 661), affirme que « Constantin et Sylvestre assemblèrent (Tjve>r/ov) le concile de Nicée ». Concernant le concile de Chalcédoinc, saint Léon, sous le pontificat de qui il s’est tenu, a écrit, Epist. cxiv (Mansi, t. VI, col. 227 ; P.L., t. LIV, col. 1029) : Générale concilium et ex præcepto christianorum principum et ex consensu apostolicæ sedis plaçait congregare. Un peu plus tard, les évêques de Mésie rappelaient à l’empereur Léon l’^r qu’à Chalcédoine le corps épiscopal s était réuni per jussioneni Leonis Romani pontificis, qui vere caput episcoporum, et venerabilis sacerdotis et patriarchæ AnatoUi (Mansi, t. VII, col. 546). Si, à l’exemple de plusieurs autres, le VIP’concile, dans toutes ses sessions, à l’exception de la dernière, se déclare simplement et absolument convoqué par autorité impériale, nous lisons, en revanche, à son sujet, dans une lettre d’HAoniEN I" à Charlemagne (Mansi, t. XIII, col. 808) : Et sic synodum istam secundum nostram ordinationem fecerunt. Relativement au VHP concile œcuménique, Hadrien II écrivait à l’empereur Basile (Mansi, t. XVI, col. 22) : Nous voulons que, par les efforts de votre piétéy un nombreux concile soit assemblé à Constantinople ; et Anastase LE Bibliothécaire, s’adressant à Hadrien II, disait 597

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<Mansi, t. XVI, col. 7) : Vous as-ez ordonné qu’un conc le se tint à Constantinople.

Ces témoignages semblent bien impliquer, de la part du pape, un concours effectif à l’acte de convocation. Les deux derniers surtout sont aussi clairs et aussi catégoriques qu’on pourrait le désirer ; pour en décliner la force probante, il ne suffit pas d alléguer, comme on l’a fait, que le caractère spécial du VIII « concile et l’époque tardive à laquelle il appartient expliqueraient ces façons nouvelles de parler et en diminueraient la signitication. Mais les témoignages antérieurs ne sont pas non plus sans valeur comme indices de l’opinion publique et de la pei-siiasion des papes. Quand même nous devrions admettre que le Liier pontificalis est une source peu sûre pour l’époque du concile de Nicée, quand même les Pères du VI^ concile se seraient trompés touchant le fait particulier qu’ils atlirment, nous savons du moins ce que le rédacteur du Liber pontificalis et de nombreux évêques orientaux de la (în du vue siècle pensaient sur la question de fond. Dans la lettre des évêques de Mésie, nous saisissons 1 opinion reçue parmi eux dès le v’siècle. Du reste, il n’est pas admissible qu’on rejette les allirmations si importantes de saint Léon et d Hadrien lei" ou qu’on les détourne complètement de leur sens naturel, sous prétexte qu’elles seraient erronées et en opposition avec d’autres témoignages qui attribuent la convocation aux empereurs. Les règles de la critique historique ne permettent pas, sauf le cas de nécessité absolue, d’accuser de fausseté ou de réduire à rien deux textes si olficiels et en soi si expressifs ; or, dès qu’on les entend d’une ratitication subséquente par les papes des actes des empereurs, cette ratification eût-elle été rendue nécessaire par la suite des événements ou motivée par la crainte d’un plus grand mal, ils ne contiennent absolument rien de contraire aux faits certains d’ailleurs, et ils attestent dans leurs auteurs la conscience d’un droit à exercer concernant la convocation des conciles. Toutefois, parce que, dans l’ensemble des monuments conciliaires, les témoignages analogues à ceux dont nous arguons sont comparativement rares, parce que le plus souvent ni les conciles ni les papes n’ont affirmé ou revendiqué la part de coopération qui revient de droit à l’Eglise, jtarce f(ue surtout les empereurs nous apparaissent constamment persuadés qu’ils convoquent de leur initiative propre et indépendante, nous n irons pas, avec certains théologiens, jusqu’à dire que les princes ont agi de fait comme instruments ou délégués du jtouvoir spirituel, que leur convocation acte simplement ( ministérielle » ; il nous suffit qu’elle n’ait été que matérielle, au sens déjà indiqué, que nous allons préciser davantage.

2) Les circonstances historiques expliquent, nous l’avons dit, et la conception des princes, et l’abstention ou tolérance extérieure observée généralement par l’autorité ecclésiasti([ue. Funk les a exposées dans une excellente esquisse (A7/v7/eM^esc//. Ahtnindlungen, t. I, p. 71 suiv.). dont nous reproduirons la substance. Tout d’abord, les premiers conciles ne comprenaient en somme que des évêques de diocèses renfermés dans les limites de l’empire romain ; du nu)ins les autres évèqucs n’y furent jamais qu’en très petit nombre. Uiu- fois tombés, au vu" siècle, sous la domination des Arabes, même les patriarcats d’Orient ne furent jilus représentés aux assemblées conciliaires que par quelques prélats. On conçoit que, dans ces conditions, les empereurs se soient habitués à ne voir <lans la convocation des conciles (ecumcniques<|u’une affaire de leur ressort i)ropre, tout comme d’autres souverains prirent parfois riiiilialivc de conciles nationaux ou provinciaux. Puis, il faut le reconnaître.

les empereurs étaient peut-être les seuls qui disposassent d’une autorité effective assez forte et de ressources assez étendues pour réunir un concile universel et soutenir les charges de son entretien. Sans doute, les pontifes romains ont toujours pu en droit ordonner aux évêques de toute la chrétienté de s’assembler en un même lieu ; mais leur voix serait-elle parvenue à se faire obéir en toutes circonstances ? surtout, comment eussent-ils triomphé des obstacles matériels ? Qu’on songe aux distances que les évêques avaient à parcourir, à la dilliculté des déplacements, à l’insécurité des routes, aux frais considérables du voyage et du séjour à l’étranger. Qu’on remarque en outre que tous les anciens conciles ont eu lieu à des époques spécialement troublées et dans des milieux orientaux exceptionnellement agités par des erreurs qu’il s’agissait de condamner ou par des dissensions et des controverses qu’il fallait apaiser. Se rendre à un concile était ou pouvait être chose aussi dangereuse que pénible. Ces dangers et ces inconvénients n’eussent-ils pas paralysé souvent, dans le corps épiscopal, les meilleures volontés et servi comme prétexte d’abstention aux tièdes et aux récalcitrants ? Ce n’est pas sans raison que la convocation impériale au III concile œcuménique proteste d’avance et en termes comminatoires cohtre les absences non justifiées. Ajoutons que les réunions nombi-euses étaient interdites par la législation de l’empire, qu’une dispense y)araissait nécessaire pour la célébration d’un concile, il ne faut donc pas trop s’étonner de voir les papes laisser aux empereurs le privilège si exclusif de la convocation matérielle : ils abandonnaient aux mains du pouvoir séculier ce pour quoi ils se sentaient en fait impuissants, se bornant à cette part d’intervention qui ne pouvait venir que d’eux et que résume l’expression de convocation formelle.

3) Malgré leur habituelle tendance à s’ingérer plus que de raison dans le domaine religieux, les empereurs eux-mêmes faisaient suffisamment la distinction de cette double forme de convocation ; ils se défendaient, à l’occasion, de toute idée de convocation formelle, qui eût impliqué l’usurpation d’un pouvoir essentiellement spirituel. En ordonnant aux évêques de se réunir, les princes n’entendaient pas constituer, créer seuls le concile selon toute l’ampleur de la définition donnée plus haut, c’est-à-dire le créer comme assemblée juridique, lui conférer l’autorité propre à un concile universel. Les textes nous sont garants de leur pensée. Dans une lettre adressée à Dioscore en vue du concile d’Ephèse de 4^9, Théodose remarquait (Mansi. t. VI, col. 687) que « le soin de la religion, de la vérité et de l’orthodoxie dans la foi appartient pleinement aux évê(]ues » ; et antérieurement, en députant le comte Candidien au III* concile, pour y veiller à l’ordre extérieur, il lui avait expressément défendu toute participation aux délibérations touchant le dogme, parce que « à ceux qui ne sont pas évêques il est interdit de s’immiscer dans des débats ecclésiastiques « (Mansi, t. IV, col. i i i<j). Les empereurs réunissaient donc l’assemblée conciliaire, mais sans prétendre l’investir de son pouvoir. Ce pouvoir lui devait venir d’ailleurs ; et d’où lui serait-il venu, sinon des pontifes romains ? C’est parce que les papes se savaient la source ])r()pre de l’aulorilc des conciles (pi’ils se sont attribué aussi le droit de la délimiter et d’en régler souverainement l’usage. Ce point sera établi ex professo un i » eu plus loin, sous la rubrique présidence des conciles. Contenions-nous pour le moment de quelques brèves indications. En envoyant SCS légats au concile d’Ephèse, Cklestin I’-^ leur trace, ainsi qu’aux autres Pères, une ligne de conduite obligatoire, il enjoint à tous de se conformer aux décisions déjà prises par lui (Mansi, t. IV, col. 1287) : 599

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Quæ a nohis antea statuta sunt exseqitatitur. Quibiis præsiandum a Vestra Sanctitate non aiibitamus assensum. Il y a là, on le voit, une consigne impéralive, et sa portée comme telle est nettement confirmée j)ar la teneur des instructions remises aux délégués de Célestin (P. L., t. L, col. 503) : Aucloritaieni Sedis apostolicæ custodiii debere inandamus… Ad disceptationeni si fiierit ventuni, vos de eorum sententiis judicare debeatis, non sitbire certamen : elle l’est encore par la manière dont les députés interprétèrent leur mandat aupi’ès du concile et par la façon dont le concile procéda, disant anatlième à Nestorius (Mansi, t. IV, col. 1211), « parce que les saints canons et la lettre de Célestin l’y obligeaient ». On a nié que l’attitude du pontife et ses prescriptions aient quelque importance par rapporta la question présente, a Cette consigne, dit Funk (pp. cit., t. I, p. 61), n’a rien de commun avec une convocation ou une conmumication de plein pouvoir ; elle est d’ordre matériel, tandis que la convocation est d’ordre formel. » Ce qui signifie, sans doute, que la consigne pontificale concerne directement les objets soumis au concile, et non sa puissance considérée en elle-même. Mais la puissance sans son objet n’est qu’une piu-e abstraction ; celui donc qui règle l’objet règle la puissance et montre que celle-ci, aussi bien que celui-là, dépend de lui. Nous concluons que c’est du pape que vient l’autorité des conciles œcuméniques, et que c’est à lui qu’autrefois, comme maintenant, on la rapportait. Dans ce sens, nous disons que, pour les huit premiers conciles, la convocation matérielle a été le fait des empereurs, mais que la convocation formelle a toujours eu les papes pour auteurs ; et, répétons-le, la convocation formelle est l’acte par lequel celui qui possède la plénitude de la juridiction assemble les évêques ou approuve leur assemblée, de telle sorte que son intervention même confère à levir réunion plus ou moins nombreuse l’autorité suprême, l’érigé en un corps juridique ayant qualité pour discuter et édicter des lois, soit dogmatiques, soit disciplinaires, qui obligent l’Eglise tout entière. Cette explication, conforme aux principes théologiques, n’est pas nouvelle parmi les théologiens ; elle rentre bien dans la théorie de Bellarmin disant du pape : Quia etiam satis sit si indictionem factam ipse postea ratam habeat et confirmet ; et, ce qui importe plus, elle se concilie parfaitement avec le sens obvie des déclarations de saint Léon, des évêques de Mésie, du Liber pontificalis, d’Hadrien I’"', d’Hadrien II et d’Anastase le Bibliothécaire. Cf. Funk, Kirchengeschichtliche Abhandlungen iind Untersuchungen, t. I, p. 39 suiv.

B. Présidence. — 1" Les principes. — Réuni et investi de sa mission par l’autorité du chef de l’Eglise, c’est dans cette même autorité qu’un concile œcuménique, pour agir comme tel, doit trouver la règle eflicace et constante de son action. Le pape en est nécessairement le président. Ceci s’entend toutefois de la seule présidence effective, non d’une simple présidence de protection ou d’honneur. La présidence d’une telle assemblée peut, en effet, recevoir ces trois qualificatifs, comme elle a revêtu historiquement trois formes essentiellement différentes. La présidence effective ou </’aH/o/77e consiste à gouverner les débats, en leur imprimant, en leur imposant même une direction et une forme déterminées ; elle ne se conçoit pas, surtout dans une société monarchiquement constituée, sans une certaine appréciation et une certaine influence du président sur le fond même des discussions. Il y a de plus une présidence de protection qui, sans ingérence dans les matières à discuter, se borne à assurer la possibilité et le succès des délibérations communes, en maintenant la tranquillité au dehors et l’ordre au dedans ; c’est le droit de police extérieure

et intérieure. La présidence d’honneur comporte simplement, poiu- celui qui l’exerce, des égards et des attentions de pure forme, par exemple le privilège d’occuper la première place.

Si nous nous en tenons à ces définitions, il est clair que la présidence d’autorité, dans les conciles œcuméniques, appartient exclusivement au pape ; car, d’une part, l’Eglise seule a qualité pour réglementer des débats d’ordre spirituel, et, d’autre part, dans l’Eglise, il n’y a que le pape pour commander à tous les évêques, soit dispersés, soit réunis. Il sei-ait d’ailleurs incompréhensible qu’ayant seul pouvoir pour les convoquer formellement, pour les investir de la dignité de conciles œcuméniques, il ne conservât pas le droit exclusif de diriger impérativement leurs délibérations. Cette présidence, les papes peuvent l’exercer par eux-mêmes ou par leurs envoyés. De leur côté, les empereurs ont, personnellement ou par leurs représentants, rempli dans la célébration des conciles un rôle qu’il est permis d’appeler présidence d’honneur et de protection, mais qui ne s’est jamais confondu avec la présidence d’autorité. La distinction a été respectée et explicitement formulée tant par les princes que par les conciles et les papes. Les annales conciliaires le prouvent abondamment. Contentons-nous d’y signaler quelques textes dont les uns touchent explicitement notre question et dont les autres établissent directement que souvent les pontifes romains ont prescrit obligatoirement aux conciles des décrets à adopter. Le pouvoir de commander quant au fond implique évidemment le pouvoir de diriger autoritairement les débats.

2° Les faits et les textes. — Nous avons déjà constaté que les empereurs ne s’arrogeaient nul droit d’intervenir dans l’objet luême ou d’influencer le résultat des discussions, et que, par conséquent, ils ne s’attribuaient aucune présidence d’autorité. Leur attitude et leur fonction sont très clairement délimitées, en opposition a^ec celles du souverain pontife, dans la relation ofTicielle que les Pères de Chalcédoine adressaient à saint Léon. Nous y lisons (Epist. xcvii, P. L., t. LIV, col. 961 ; Mansi, t. VI, col. 1^7) : " Par ceux que votre bonté a envoyés pour tenir votre place, vous gouverniez les évêques à la façon dont la tête gouverne les membres (ô>i y.ffVJh u.ùw r, y-acivsjïi) ; quant aux empereurs fidèles, ils présidaient pour le bon ordre (~pii vjy.o^uty.-j i^f, pyoJ), et, comme d’autres Zorobabels, ils exhortaient à la reconstruction dogmatique de l’Eglise, qui est comme une autre Jérusalem. » Voilà bien les deux formes de présidence nettement distinguées : l’une qui est celle de la tête à l’égard des membres, qui comporte donc une influence réelle à laquelle les membres ne sauraient se soustraire pour les actes propres à l’organisme vivant ; la seconde qui ne va qu’à assurer le bon ordre et par là la liossibilité des délibérations. Ce témoignage si précis et si significatif peut tenir lieu de beaucoup d’autres. Relevons pourtant encore, dans les Actes de plusieurs conciles orientaux, une série d’attestations parallèles, de celles surtout qui nous montrent une consigne obligatoire envoyée par Rome et docilement exécutée par le corps épiscopal. Avant le concile d’Ephèse, le pape Cklkstin I^"", répondant à Cyrille d’Alexandrie, avait déjà condamné, de sa propre autorité et sans condition, le nestorianisme ; il avait en outre ordonné de déposer,

« en son nom et en vertu du pouvoir de son siège », 

Nestorius, s’il n’abjurait son erreur dans les dix jours (Mansi, t. IV, col. 1019). En envoyant ensuite ses représentants au concile, il leur remit des instructions écrites et précises, où il était dit (P. L., l, L, col. 503) : Nous ordonnons que l’autorité du Siège apostolique soit respectée… Si quelque discussion se produit, vous devrez, non vous soumettre à la discussion, mais juger les opinions émises. La consigne fut strictement comprise et strictement exécutée par l’assemblée, comme il ressort des termes de la condamnation fulminée dans la 1re session (Mansi, t. VI, col. 1211) : Contraints par les saints canons et par la lettre de notre très saint Père et collègue l’évêque de l’Eglise romaine, du reste tout baignés de larmes, nous en venons nécessairement à prononcer contre lui (Nestorius) la lugubre sentence. Au cours de la IIe session, Firmus, évêque de Césarée, parla absolument dans le même sens (Mansi, t. IV, col. 1287) : Célestin, dit-il, nous avait à l’avance prescrit une sentence et une règle que nous avons suivies et mises à exécution. Enfin, la relation conciliaire adressée à l’empereur concernant la déposition de l’hérétique obstiné atteste également que l’assemblée n’a fait que se conformer à l’exemple et au jugement de Célestin.

Dans une lettre au concile de Chalcédoine, le pape saint Léon constate que Marcien, en convoquant le concile et en l’y invitant lui-même, a rendu au siège de Pierre l’honneur et le droit qui lui revenaient : Beatissimi Petri jure atque honore servato. Ce droit et cet honneur semblent bien, d’après le contexte, consister dans le pouvoir d’assister au concile en exerçant la présidence d’autorité. En tout cas, Léon entend exercer cette présidence, car il indique impérativement les décisions qu’on devra prendre. Il écrit, Epist. xciii ('P. L., t. LIV, col. 937) : « Que Votre Fraternité en soit persuadée, je présiderai votre concile dans la personne de mes frères les évêques Paschasinus et Lucentius et les prêtres Boniface et Basile. Vous ne serez donc pas privés de ma présence, puisque je suis au milieu de vous par mes remplaçants et que, depuis longtemps, je ne manque pas de vous assister dans la prédication de la foi. Ainsi, ne pouvant ignorer ce que nous croyons d’après l’ancienne tradition, vous ne pouvez non plus douter de ce que nous désirons. C’est pourquoi, Frères bien-aimés, qu’on rejette loin de soi l’audace de contester la foi divinement inspirée, et que les vaines erreurs de l’infidélité disparaissent. Il n’est pas permis de soutenir ce qu’il n’est pas permis de croire : et en conformité avec l’autorité des Evangiles, en conformité avec les enseignements des prophètes et avec la doctrine apostolique, la lettre que nous avons adressée à l’évéque Flavien, de bienheureuse mémoire, a explique très longuement quelle est la vraie et pure croyance touchant le mystère de l’Incarnation de N.-S., Jésus-Christ. Dans la 1re session, l’orthodoxie du patriarche Flavien ayant été mise en cause, les légats Paschasinus et Lucentius affirmèrent tour à tour qu’il n’y avait pas lieu de la suspecter, « car, ajoutaient-ils, sa profession de foi concorde avec la lettre du pontife romain » (Mansi, t. VI, col. 679). Dans la ii, on refusa d’adopter un nouvel exposé du dogme, et voici comment Céeropius, évêque de Sébastopol, appuyé par les acclamations de tous les autres, motivait ce refus (Mansi, t. VI, col. 953) : « Une formule contre Eutychès a été indiquée par le très saint archevêque de la ville de Rome ; nous y adhérons, et nous souscrivons tous à sa lettre. »

Saint Agathon, envoyant aux Pères du VIe concile sa profession de foi contre le monothélisme, les avertissait qu’elle est (Mansi, t. XI, col. 294) « celle même du bienheureux Pierre, qui a reçu la charge de paître les brebis du Christ ; par la protection de qui cette Eglise apostolique (de Rome), qui est la sienne, ne s’est jamais écartée sur aucun point du chemin de la vérité ; dont l’autorité comme chef des apôtres a toujours été fidèlement respectée et obéie par toute l’Eglise catholique et par les conciles universels ; à la doctrine apostolique de qui les vénérables

Pères et les saints docteurs se sont religieusement attachés ». C’était évidemment non seulement demander l’adhésion des destinataires, mais la leur présenter comme obligatoire. Et, de fait, l’empereur Constantin Pogonat, qui avait assisté au concile, écrit (Mansi, t. XI, col. 716) : « Nous avons admiré et accepté l’exposé d’Agathon comme l’enseignement du divin Pierre lui-même » ; et le concile, de son côté, dans sa réponse à Agathon, dit (Mansi, t. XI, col. 683) : « Pour ce qu’il y a lieu de faire, nous nous en rapportons à vous, évêque du premier siège de l’Eglise universelle ; à vous qui êtes établi sur le ferme rocher de la foi ; et nous avons anathématisé les hérétiques, conformément à la sentence que vous aviez portée antérieurement par votre sacrée lettre. »

A propos du VIIe concile œcuménique, tenu sous son pontifical, Hadrien 1er écrivait ces mots, d’où il résulte à tout le moins que le décret contre les iconoclastes a été rendu par la volonté du pape (Mansi, t. XIII, col. 808) : « C’est ainsi qu’on a tenu ce concile d’après nos instructions (secundum ordinationeni nostram) et que les saintes et vénérables images ont été rétablies dans leur ancienne dignité. »

Enfin, quant au VIIIe concile, il nous suffira de noter une circonstance significative : dès l’ouverture de la 1re session, les envoyés romains exigèrent l’adhésion de tous les Pères à la formule d’Hormisdas, complétée de manière à présenter la condamnation de Photius comme nécessaire et prescrite par le Saint-Siège (Mansi, t. XVI, col. 27). Des directions doctrinales imposées avec cette autorité catégorique impliquent, au moins équivalemment, éminemment même, la présidence d’autorité. Tout le monde sait d’ailleurs que les papes ont pleinement exercé cette prérogative dans chacun des conciles œcuméniques postérieurs au VIIIe.

C. Confirmation.

Doctrine.

Au nombre des conditions requises pour l’œcuménicité d’un concile, les théologiens rangent généralement une troisième forme d’intervention papale, qu’ils appellent la confirmation. Quel est le sens de ce mot ? Quelle est la portée de cette intervention ?

En droit, on entend par confirmation un acte juridique qui, s’ajoutant à un autre, d’ailleurs légitime et valable, mais en soi incomplet ou provisoire, lui confère force et stabilité définitives. La confirmation d’un concile œcuménique par le pape est donc un acte du pape donnant définitivement aux décrets régulièrement portés en concile œcuménique la valeur ferme, absolue, de décrets souverains et universels. La confirmation proprement dite est, de soi et comme le terme l’indique, postérieure aux décrets qu’elle confirme ; elle s’y superpose en guise de couronnement ; elle est subséquente. Mais il arrive que le concours du pape, auquel les décrets conciliaires devront essentiellement leur autorité œcuménique, se produise dans le concile même et par association simultanée au vote du concile ou déjà antérieurement : dans le premier cas, il y a, de la part du pontife, coopération concomitante, et l’on peut dire aussi, par extension de l’acception originelle du mot, confirmation concomitante ; dans le second, la coopération et la confirmation sont antécédentes.

De cette confirmation juridique et d’autorité, qui ne peut être le fait que du pouvoir suprême dans l’Eglise, il faut distinguer ce qu’on appelle parfois une confirmation d’adhésion ou d’acquiescement, qui est l’assentiment donné, la soumission accordée aux décrets conciliaires par tous ceux, évêques ou simples fidèles, qu’ils obligent ; il faut en distinguer aussi une simple confirmation purement matérielle ou extrinsèque, consistant en des mesures prises par quiconque jouit d’une autorité suffisante, par les princes 003

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notamment, pour assurer l’exécution des mêmes décrets, sans en modifier la valeur légale. A plus forte raison n’est-il pas permis de la confondre avec un simple acte de validation, c’est-à-dire avec une intervention de l’autorité à laquelle une disposition radicalement nulle jusque-là devrait sa première valeur juridique.

Il est clair qu’iln’y a point de concile œcuménique sans une participation effective du pontife romain et que, sans son assentiment, tout décret conciliaire serait caduc. Mais cet assentiment et ce concours, s’ils sont donnés de façon absolue et à un objet bien déterminé, qu’ils interviennent du reste antérieurement, simultanément ou postérieurement à la résolution, au vote de l’assemblée, ont une portée égale et produisent un effet identique. Qu’elles commencent à se faire entendre en même temps ou que l’une précède et provoque l’autre, dès qu’elles se rencontrent et se rejoignent à un moment quelconque, la voix du pape et la voix des Pères du concile constituent vraiment la voix de l’Eglise enseignante. On ne voit donc pas pourquoi un acte exprès de confirmation juridique subséquente serait toujours requis.

2" Application. — i) Confirmation juridique. — Tout le monde admet que pour les conciles œcuméniques auxquels le souverain pontife assiste personnellement et dont les décrets sont portés conjointement par lui et par l’assemblée, nul acte spécial de confirmation papale n’est nécessaire ; mais, si l’on tient au mot de confirmation, rien n’empêche de dire que là il y ^confirmation concomitante. QuRut keeux même auxquels il ne participe qu’en la personne de ses délégués, nous n’admettons pas, pour les raisons indiquées ci-dessus, la nécessité d’une confirmation subséquente. Ceci à condition, bien entendu, qu’il y ait eu accord précis et explicite du pape et du concile sur l’objet des décrets, ou, en d’autres termes, qu’avant ou pendant le concile, par ses délégués ou autrement, le pape ait fait connaître clairement son sentiment et que celui-ci ait été fidèlement suivi par le concile. S’il en est ainsi, on voit ce qu’il faut penser des huit premiers conciles et de l’objection à laquelle ils ont souvent fourni matière. Contrairement à l’opinion de plusieurs théologiens, nous croyons qu’ils n’ont jamais été l’objet d’une confirmation spéciale ; du moins la chose n’est pas établie avec quelque certitude ; mais cette omission d’une formalité nullement nécessaire ne prouve rien ni contre leur autorité ni contre les droits du Saint-Siège. Du reste, si l’histoire des conciles orientaux ne présente pas de trace certaine d’une confirmation subséquente, elle montre clairement qu’à aucun de ceux qui sont réputés œcuméniques dans leur célébration n’a manqué ce que l’on appelle la confirmation concomitante, quiconsiste dans la participation actuelle du pontife romain au vote conciliaire. Poiu’cinq conciles, à savoir ceux d’Ephèse et de Chalcédoine, le III » et le IV^ de Constantinople et le Ile de Nicée, les documents permettent même d’allirmer une confirmation antécédente, c’est-à-dire une décision ferme prise à l’avance par le pape et transmise par lui à l’assemblée des évéques comme règle obligatoire de leurs conclusions et de leurs décrets. Ceci aétésuflisamment établi plus haut, par les textes apportés à propos du droit de présidence d’autorité.

2) Confirmation improprement dite par validation.

— Nous n’avons parlé jusqu’ici que de décrets conciliaires légitimes et régulièrement portés, et non pas de décrets émis sans l’assentiment ou contre le gré du pape ou de ses représentants. Ici un acte subséquent du souverain pontife serait absolument requis, non pour confirmer simplement ou sanctionner définitivement, mais pour valider ce qui de soi est radi calement nul et juridiquement inexistant. Les fastes conciliaires nous oft’rent de ce cas plus d’un exemple. Le plus célèbre est sans doute celui du 28* canon de Chalcédoine, qui avait été voté malgré les réclamations des légats romains et qui n’avait donc rien d’un décret œcuménique en due forme. Que, dans l’espèce et à raison même des circonstances du fait, une intervention papale ait été tenue sans conteste pour indispensable, c’est ce qu’attestent tous les documents contemporains. Leur témoignage est d’autant plus significatif que toujours ils font la distinction des décrets dogmatiques, adoptés régulièrement et possédant ainsi une valeur inconditionnelle et définitive, et du malencontreux canon, dont ils supposent ou proclament l’absolue nullité aussi longtemps que Rome n’y aura pas donné son acquiescement. Ils nous montrent le concile lui-même, l’empereui’Marcien et le patriarche Anatole sollicitant tour à tour une validation qu’ils ne devaient pas obtenir.

La lettre synodale (/-. L., t. LIV, col. goi sq. ; Mansi, t. VI, col. i^y-iôô) contient deux parties entièrement distinctes. La première, de beaucoup la plus longue, se rapporte aux discussions et aux décisions doctrinales et à la condamnation de Dioscore ; elle est purement narrative et se termine par ces paroles (Mansi, t. YI, col. 151) : « Voilà ce que nous avons fait, aidés de vous, qui étiez présent avec nous en esprit, qui daigniez vous associer à vos frères, et que la sagesse de vos représentants nous rendait pour ainsi dire visible. » La seconde est de signification bien différente et débute ainsi, ibid. : «. Nous vous indiquerons aussi quelques autres points, que nous avons tranchés dans l’intérêt du bon ordre, de la paix et de la stabilité des règlements ecclésiastiques, et nous sommes persuadés que Votre Sainteté, les apprenant, lesapprouvera et les confirmera. >' Elle expose ensuite comment le concile a désiré sanctionner des priA’ilcges que le siège de Constantinople semble posséder depuis longtemps, comment toutefois les légats romains ont protesté, et elle conclut (Mansi, 1. cit., col. 153) : K Nous vous en prions donc, honorez de votre assentiment le décret porté par nous ; et de même que nous nous ; >omme3 rangés dans le bien à l’avis de notre chef, que notre chef, à son tour, accorde à ses enfants ce qui convient. Or, afin que vous sachiez que nous n’avons pas agi par haine ou par faveur, mais que nous n’avons obéi qu’à une impulsion divine, nous avons porté tous nos actes à votre connaissance, en vue tant de notre propre justification que de la confirmation et de l’approbation unanime de ce qui a été fait lU z-’j^z^y-vj r, ij.--éac/ : j y.y.’i tîôv T.iT.^K/iiijwj ^^y.Oji’zij ri y.y’i Tj-//.y-yBiiiJ. » On le voit, c’est pour le 28"= canon seulement que la ratification ou plutôt le consentement du pape est demandé, et le concile indique la raison spéciale de cette démarche : le canon avait été adopté contre le gré et nonobstant l’opposition des légats du Saint-Siège.

Du patriarche Anatole, deux lettres adressées à saint Léon nous ont été conservées, qui se rapportent à notre sujet. Dans l’une et dans l’autre nous retrouvons la même division que dans la lettre synodale. La deuxième en date est de l’b !. Anatole, en y mentionnant le concile, ne vise que le 28e canon, moins pour en obtenir une approbation quelconque que pour se justifier personnellement de la part qu’il a prise au vote (Mansi, t. VI, col. 278 ; P. L., t. LIV, col. io84) : « Quant à ce qu’a décidé naguère en faveur du siège de Constantinople le concile vmiversel de Chalcédoine, que Votre Béatitude soit persuadée que je n’y suis pour rien. Dès ma plus tendre enfance, j’ai toujours recherché la tranquillité et la paix, aimant à me tenir dans l’ombre et dans l’humilité. C’est le très respectable clergé de Constantinople.

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d’accord avec le clergé des contrées circonvoisines et secondé par lui, qui a tout fait, réservant d’ailleurs à l’autorité de Votre Béatitude toute la ratilication et contirmation de son acte, cum et sic gestorum vis omnis et confirmatio auctoritati Vestræ Beatitudinis fuerit reservata. » Si cette lettre ne contient proprement aucune demande de validation, il en va différemment d’une autre, écrite trois ans plus tôt (P. Z., t. LIV, col. 970 sq. ; Mansi, t. VI, col. 171 sq.). En 451, Anatole distinguait très nettement, lui aussi, les décrets dogmatiques du concile et le 28<’canon, et il traitait successivement ces deux points, en narrateur pour le premier et en solliciteur pour le second. Le passage d’une partie à l’autre est clairement marqué par ces paroles (Mansi, /. cit., col. lyô) : « Voilà donc comment se sont déroulées les discussions relatives à la paix ecclésiastique et à la concorde des prêtres dans la vérité de la foi. Mais d’autres affaires réclamaient notre attention… » Ces autres affaires se résument dans le 28’canon, dont le patriarche retrace la genèse laborieuse, pour aboutir à cette conclusion (Mansi, ibid., col. 179) : « Et à cause de l’honneur que nous voulons vous rendre, le saint concile et nous, nous vous avons donné connaissance de ce décret, afin d’obtenir de vous approbation et confirmation. Accordez-nous cela. Très saint Père, nous vous en conjurons. » Anatole était donc fermement persuadé de la nécessité d’une ratification ou, mieux, d’une validation pour le 28e canon, autant que de la supertluité d’une confirmation quelconque pour les décisions doctrinales.

Nous avons aussi de l’empereur Marcien une lettre intéressant la même question. Ecrite en lii, elle est semblable pour le plan et pour le sens à celles d’Anatole et du concile. Le prince n’y demandait au pape que son acquiescement au 28’" canon. Quant au débat doctrinal, il félicitait le pontife de son heureuse conclusion, et il disait en finissant (Epist. c, P. /.., t. LIV, col. 971 sq. ; Mansi, t. VL col. 166 sq.) : « Ainsi tous les points de foi ont été définis selon les désirs de Votre Sainteté. Après de longues discussions, l’orthodoxie a triomphé, et conformément à la règle tracée dans le message de Votre Sainteté, tous ont donné leur assentiment à la formule imposée par la vérité. » Un peu plus loin, il ajoutait, marquant nettement lui-même le changement de sujet : « Mais comme il a été statué en outre qu après le Siège apostolique, la première place appartiendrait à l’évêque de notre très niagnilique ville de Constantinople, qui est appelée la nouvelle Rome, daigne Votre Sainteté donner son consentement aussi à cette partie, à laquelle se sont opposés ceux qui tenaient votre place au concile. »

A ces témoignages, contemporains du concile de Chalcédoine ou empruntés à ses Actes, nous pourrions en ajouter d’autres, qui sont postérieurs. Qu’il nous suffise d’entendre encore le pape saint C’iKlask (^92496). Il distingue, lui aussi, dans ce concile deux parties de valeur essentiellement différente. C’est ainsi qu’il écrit {.id episcopos Durdaiiiae, P. /.., t. LIX, col. 67) : Siciit id quod prima Sedes non probaverat constare non potuit, sic quod illa censuit judicandiim tota Ecclesia suscepit ; et ailleurs (De anathem. vinculo, P. L., t. LIX, col. 107) : Totum in Sedis apostolicae ptjsilum est potestate : ita quod firmuyil in synodo Sedes apostolica, hoc robur obtinuil ; quod refutavit, habere non potuit firmitatem.

3) Confirmation extrins(’qui —.V des décrets conciliaires portés suivant toutes les règles et déjà objectivement oldigatoires |)our IPlglise entière, un acte exprès d’adhésion ou de contirmation du Sainl-Siege peut parfois cire utile, voire nécessaire, mais uniquement à raison de considérations extrinsèques, surtout pour mieux affirmer l’union du corps épisco pal avec son chef et dissiper les doutes dont elle serait l’objet. Cette assertion trouvera son commentaire naturel dans une seconde lettre de Marcien à saint Léon au sujet du concile de Chalcédoine et dans la réponse qui y fut faite. La lettre de l’empereur est de 453. Il est indispensable, pour en bien saisir la portée, d’en peser attentivement le texte et les circonstances historiques. Elle contient notamment ce passage (P. L., t. LIV, col. 1017 ; Mansi, t. VI, col. 21 5) : u Nous sommes extrêmement surpris qu’après le concile de Chalcédoine et les lettres que a’ous ont adressées les vénérables évêques pour vous instruire de tout ce qui s’y était fait, on n’ait point reçu de Votre Clémence une réponse à lire dans les églises et à porter à la connaissance de tous. Quelques sectateurs obstinés des doctrines perverses d’Eutychès sont induits par votre silence à douter que Votre Béatitude approuve les décisions conciliaires. Daigne donc Votre Sainteté nous faire tenir une lettre par laquelle elle certifie à toutes les églises et à tous les peuples qu’elle ratifie les actes du saint concile… Qu’elle rende un décret montrant très clairement qu’elle confirme le concile de Chalcédoine, afin que ceux qui cherchent de vains subterfuges ne puissent plus hésiter sur le sentiment de Votre Sainteté. » Ici, c’est manifestement une approbation formelle, une confirmation proprement dite et publique des décrets doctrinaux que Marcien demande. Toutefois son désir ne provient nullement de ce qu’il juge cet acte nécessaire à la valeur objective et intrinsèque des décrets, il est uniquement fondé sur des conjonctures particulières et accidentelles : c’est que les hérétiques abusaient de l’opposition du pontife au 28^ canon pour le faire passer comme adversaire de tout le concile. Il fallait couper court à ces rumeurs mensongères et funestes, et voilà poiuquoi. dans ce cas, une déclaration solennelle paraissait indispensable,

C’est en réponse aux instances de Marcien que Li’ : ox écriA’it sa lettre à tous les évêques qui avaient été à Chalcédoine. Elle se présente, elle aussi, comme motivée par les craintes qu’inspiraient l’entêtement et les menées des Eutychiens. Il est clair du reste que, si un acte spécial de confirmation eût été imposé par la nature des choses, le pape aurait été en faute pour l’avoir différé pendant deux ans. Mais lui-même a soin de faire remartiuer que son intention touchant la question doctrinale avait été suflisamment manifestée pour que nulle autre approbation ne fût nécessaire. Il dit (/’. /., t. LIV, col. 1027 sq. ; Mansi, t. VI, col. 226) : « Vous savez assurément tous, mes frères, que j’ai embrassé de tout cœur la définition du saint concile qui avait été assemblé à Chalcédoine pour le rafiermissement de la foi. Aussi bien, qiudle raison aiu’ais-je pu avoir de ne pas me réjouir du rétablissement de l’unité de cette foi. moi qui étais alTligé de voir la même unité troublée par les hérétiques ? Vous auriez [Ui inférer mon sentiment non seidcment du fait de votre très heureuse concorde (l’accord entre les évêques et les légats du pape), niais aussi de la lettre qu’après le retour île nu"s envoyés j’ai adressée à l’évêque de Constantinoj)le. Toutefois, de peur que. y^ar le fait d’interprètes mal intentionnés, on n’en vienne à douter si j’approuve ce que vous avez unanimement défini, au concile de Chalcédoine, concernant la foi, j’ai donné, pour tous nos frères dans lépiscopatqui ont assisté à ce concile, cette déclaration éirite, que le très glorieux et très dénu^it cnqiereur voudra bien, par amour de la foi catholique, porter à votre connaissance. Ainsi, chacun, parmi vous comme parmi les fidèles, saura que j’ai associé mon Oi’is personnel aa.r vôtres, non seulement par ceux de mes frères qui ont tenu ma place, mais aussi par l’approbation des actes conciliaires. » Celte dernière phrase 607

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est à noter : elle distingue deux formes d’assentiment ou de conCrmation, et indique que la première, seule nécessaire en soi, a été donnée durant le concile même et que, si une seconde vient maintenant s’y ajouter, c’est pour fermer plus sûrement la bouche à ceux qui voudraient se tromper et tromper les autres sur la pensée intime du pape.

Il n’est pas improbable qu’il faille voir un exemple analogue au précédent dans la demande de confirmation adressée par les Pères du VP concile au pape Agathon I". Nous y lisons (Mansi, î. XI, col. 687) :

« Avec vous nous avons proclamé clairement la foi

orthodoxe en son éclatante lumière, et nous prions Votre Sainteté de la confirmer de nouveau par son honorée réponse. >> Où nous traduisons confirmer, le texteoriginal grec porte s7T( ! rj ; y : y71TK(, et d’après cette phrase, les Pères auraient vraiment sollicité du pontife romain un acte spécial de confirmation proprement dite. Mais le demandent-ils comme essentiel à l’autorité souveraine de la condamnation portée contre le monothélisme ? Il est au moins impossible de le déduire avec certitude du texte même ; il y a plutôt là et dans le contexte des indices contraires : le passage cité affirme absolument f|ue le concile, en union avec le pape, a déjà proclamé clairement la foi orthodoxe, et il parle d’une nouvelle confirmation. En outre, dans un autre endroit de la même lettre, il avait été dit, avec plus de précision, que la définition portée sous l’inspiration de V Esprit-Saint et la direction du pontife romain, en conformité avec les saints Pères et les conciles œcuméniques antérieurs, traçait sûrement le sentier de la vraie foi. Mais alors pourquoi la demande d’une nouvelle approbation ou confirmation ? En mentionnant Honorius parmi les hérétiques anathématisés, on avait dépassé les instructions envoyéespar le pape Agathon, qui non seulement n’avait pas condamné son prédécesseur, mais avait A’anté la pureté toujours inaltérée de la foi de l’Eglise romaine. Peut-être les Pères avaient-ils conscience de ce que leur procédé présentait d’irrégulier. S’il en est ainsi, on conçoit qu’ils aient senti, surtout quanta ce point spécial, la nécessité d’une ratification. Cf. Funk, loc. cit., t. I, p. 87 suiv.|

IV. Utilité etnécessité des conciles. — 1° Point de nécessité absolue. — Nul concile n’est ni ne peut être nécessaire à l’Eglise d’une nécessité absolue, d’une nécessité pure et simple. L’enseignement et le gouvernement, ces deux grandes fonctions confiées par Jésus-Christ à ses apôtres et à leurs successeurs jusqu’à la fin des siècles, s’accomplissent habituellement par le pape et les é^êques résidant chacun en son propre siège : c’est ce Cjue l’on nomme l’Eglise enseignante dispersée, le magistère ecclésiastique dispersé. Cette forme d’enseignement et d’administration est en soi la plus naturelle, puisqu’elle laisse chaque pasteur au milieu de son troupeau. Elle sufllt, rigoureusement parlant, à tous les besoins de l’Eglise enseignée ; car, soit séparé, soit réuni, le corps épiscopal est investi de la même plénitude de pouvoir et de la même infaillibilité doctrinale, qui se retrouvent d’ailleurs identiques dans son chef pris à part. Ces considérations valent pour tous les conciles en général, elles valent en particulier pour les conciles œcuméniques. L’Eglise possède, dans la primauté du pontife romain, l’organe à la fois ordinaire et essentiel de l’autorité suprême, et cet organe a par lui-même puissance et grâce pour décider toutes les questions, pour porter des lois universelles, pour parer à toutes les difficultés. L’histoire confirme notre doctrine. Pendant les trois premiers siècles de son existence, c’est-à-dire jusqu’en Saô, l’Eglise n’a pas eu de concile œcuménique. Ce fait n’est pas simplement, comme

on pourrait le croire, la conséquence forcée de la situation précaire où elle se trouvait alors et des persécutions qu’elle subissait, car il s’est reproduit au moyen âge et à l’époque moderne : plus de deux siècles et demi (870-1123) se sont écoulés entre le VIIP concile œcuménique et le IX* ; plus de trois siècles (1563-1870) séparent le concilede Trente du concile du Vatican. Les conciles œcuméniques, et à plus forte raison les conciles particuliers, ne doivent donc pas être considérés comme un élément constitutif ordinaire de l’organisme surnaturel de l’Eglise. Ce n’est point sur les bases du régime parlementaire qu’elle a été fondée. De par sa forme sociale, elle n’est ni une démocratie, au gouvernement de laquelle chaque membre aurait en principe le même droit de participer, ni une aristocratie, ouverte également aux divers représentants d’une élite ; elle est essentiellement monai’chique, le monarque étant Pierre et chacun de ceux qui viennent après lui sur le siège de Rome.

Il est vrai que des théologiens et des canonistes catholiques admettent une institution divine des conciles œcuméniques ; ainsi parlent notamment Suarez, ScHMALZGRUEBER, Wernz. Mais qu’ou se garde de prendre cette assertion en un sens différent de celui que ses auteurs ont en vue. D’après leurs explications, elle ne veut dire autre chose sinon que le corps épiscopal aA’ec et sous le pontife romain est la continiiation Aoulue par le Christ du collège apostolique ayant Pierre à sa tête, et que le concile œcuménique est une expression parfaite, la plus éclatante, du corps épiscopal. Rien ne prouve d’ailleurs que le corps épiscopal, pas plus que le collège apostolique, ait reçu, pour n’importe quelles époques ou pour n’importe quelles circonstances déterminées, la consigne de n’agir qu’en se réunissant et en associant ses membres dans une opération visiblement commune. Et qu’on n’objecte pas que les papes du moins sont liés en ceci par le décret de la xxxix^ session du concile de Constance, décret cju’eux-mêmes ont approuvé et qui imposait un concile œcuménique tous les dix ans : les papes, à proprement parler, ne sont jamais liés, ils ne sauraient être liés par les décrets d’un concile, comme ils ne sauraient l’être par leurs propres décrets ; dépositaires d’un pouvoir suprême inaliénable et immuable, qu’ils tiennent directement du divin fondateur de l’Eglise, ils jouissent comme tels d’une liberté d’action que rien n’est capable d’enchaîner ; toujours ils peuvent en revendiquer ou en reprendre le plein exercice, sauf, au point de vue de lexrr conscience, à n’en user que suivant les règles générales de la prudence et du devoir d’édification qui incombe à tout supérieur à l’égard de ses inférieurs. Quant au caput Frequens du concile de Constance, il semble bien qu’il n’était pas né viable : les essais malheureux tentés à Pavie, en 1423 ; à Bàle, en 1431 ; à Bologne, en 1433, puis repris à Bàle à partir de la même année 1433, en eurent vite démontré les dangers et l’impossibilité pratique. Qui oserait blâmer le Saint-Siège de l’avoir laissé tomber en désuétude ?

2° Utilité. — D’autre part, il est évident que des assemblées partielles ou universelles du corps épiscopal présenteront souvent de grands avantages. Naturellement parlant, la réunion d’hommes instruits, prudents, dévoués au bien commun, peut beaucoup pour éclaircir les doutes, pacifier les esprits, terminer les controverses, préparer les lois, remédier aux maux publics, ranimer la confiance et le courage. Un concile fournira donc en général un appoint considérable, un complément très utile aux moyens dont l’Eglise dispose pour l’accomplissement de sa tâche. Ainsi l’ont pensé toutes les générations chrétiennes, depuis les plus anciennes, comme le prouve leur pratique constante.

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Notre-Seigneur avait formellement promis, Matth., xvui, 20, son assistance à ses disciples, lorsqu’ils seraient réunis en son noui, par son autorité et pour sa gloire. Le souvenir de cette divine parole semble avoir, dès les premiers jours du christianisme, influé sur la manière de régler les affaires d’une gravité exceptionnelle : c’est devant l’assemblée de ses frères que Pierre propose et dirige. Je/., i. la désignation d’un remplaçant du traître Judas ; ce sont les « douze » qui, d’un commun accord, demandent à la communauté destidèles, ibid., vi, l’élection des sept diacres ; plus signiflcative encore la réunion de Jérusalem. ibid., XV, provoquée expressément en vue de trancher un débat aussi irritant que dangereux, et le tranchant en effet par un décret d’une portée capitale pour l’avenir de l’Eglise. La série des conciles semblait ainsi ouverte par les apôtres mêmes. D’ailleurs, étant donnée la constitution sociale de l’Eglise, le cours naturel des choses et la droite raison indiquaient assez, pour bien des cas, l’opportunité de délibérations et de résolutions communes. Il est donc parfaitement superflu de recourir ici, avec Hatch, à l’exemple des concilia civilia des Romains ; rien ne prouve qu’il y ait eu influence de ce côté. Encore moins pourrait-on imaginer pour les conciles ecclésiastiques une dépendance quelconque à l’égard de ces réunions des docteurs bouddhiques que l’on a récemment décorées du nom de « conciles » : comme l’a très bien démontré M. Aiken (Bouddhisme et christianisme, trad. Collin, p. 308). « c’est en vain que nous cherchons la moindre trace du bouddhisme en Egypte, en Grèce et en Palestine », à l’époque des origines du christianisme.

Après les apôtres, l’histoire mentionne des conciles à partir du ii’siècle ; il s’en tint dés lors en Orient, qui eurent pour objet les erreurs du montanisme et la controverse pascale. Au siècle suivant, Firmiliex, évêque de Césarée de Cappadoce, atteste que, dans son pays, des conciles se réunissent tous les ans. Même en pleine période des j)ersécutions. nous relevons, à Cartilage, vers 220, à Synnada et à Iconium, vers 230. à Antioche, de 264 à 269, des conciles où se rencontrent des évêques de plusieurs provinces. Dès que la paix eut été donnée à l’Eglise, au début du ive siècle, les assemblées conciliaires se multiplièrent en Occident et en Orient, spécialement pour aviser aux moyens de relever les ruines accumulées. A cette époque appartiennent les conciles d’Elvire, entre 300 et 306, d’Arles et d’Ancyre, en 314, d’Alexandrie, en 320, de Néocésarée, vers la même date. Ils préparèrent la voie au premier concile œcuménique, dont l’arianisme allait bientôt amener la convocation. Les Pères de Nicée parlent des conciles provinciaux comme d’une institution passée en coutume, et ils prennent soin d’en fixer pour l’avenir les dates périodiques (deux fois par an) et de désigner les objets qui devront y être traités. De fait, ces conciles ne s’occupaient pas seulement des questions doctrinales, mais, par des règlements disciplinaires et des sentences judiciaires, pénales ou autres, ils exerçaient une sorte de haute direction sur les différents diocèses. Cf. Bknoit XIV, De svnod. dioec, 1. I, c. VI : FuNk, Hist. de l’Eglise, trad. Hemmer, t.Lp.89.

3" Nécessité relative. — Très utiles en général à la foi et à la discipline du corps ecclésiastique, les assemblées conciliaires peuvent devenir, dans certaines circonstances, un moyen indispensable pour assurer ellicacement la répression des erreurs ou des abus, le triomphe du droit et de la vérité. Il arrive parfois qu’en fait l’autorité légitime et souveraine du pape soit méconnue, au moins pratiquement, qu’elle ne parvienne donc pas à elle seule à réaliser l’unité

de croyance et la rectitude d’action qui constituent son but propre. Historiquement, les conciles œcuméniques prennent presque tous place dans des temps et des milieux particulièrement troublés, à des moments où les droits du pouvoir central sont moins respectés et ses avertissements moins écoutés, où les esprits sont travaillés par des ferments de révolte qui rendent leur obéissance plus difficile et plus problématique. Si, dans des conjonctures semblables, les évêques du monde entier ont été appelés à délibérer et à statuer d’un commun accord avec le pasteur suprême, chacun d’eux acceptera plus facilement, plus joyeusement, des décisions qui seront en partie son œuvre et dont il aura mieux pénétré les raisons ; il les prendra plus sûrement etplusvivementàcœur, il les appliquera plus sagement, il les publiera, les exécutera et les recommandera plus ardemment ; et tous les fidèles, même ceux auxquels ces décisions déplairaient d’ailleurs, ne manqueront pas d’être plus profondément impressionnés par des enseignements ou des préceptes émanant de ce corps vénérable et sage qu’est l’épiscopat catholique. Que s’il s’agit spécialement de décrets disciplinaires, on comprend encore mieux le rôle important, et jusqu’à un certain point nécessaire, que joueront dans leur préparation et leur rédaction les évêques des différentes contrées. Qui, en effet, pourrait aussi bien qu’eux renseigner sur les besoins divers de leurs diocèses, sur les abus à éliminer, sur les mesures et les remèdes qui, adaptés au tempérament et aux usages locaux, ont plus que d’autres chance d’être efficaces ? A tous ces points de vue, un concile apparaîtra quelquefois non seulement comme le moyen le mieux approprié, mais comme le seul approprié au but à poursuivre. Dans ce sens, nous disons que les conciles œcuméniques peuvent être nécessaires d’une nécessité relative et contingente, d’une nécessité non pas fondée immédiatement sur la constitution organique de l’Eglise, mais résultant de l’obligation qui s’impose à l’Eglise elle-même, qui s’impose donc aussi aux papes, de tendre, dans chaque cas, à la sauvegarde de la vérité et à la réalisation du bien par le chemin le plus sur ou le plus court. Cf. Palmieri, De Rom. Pontifice, part. II, cap. ii, thesi ig ; M.zzella, De Religione et Ecclesia, disp. v, art. 5.

V. Résultats des conciles œcuméniques. — Pour bien montrer comment les conciles (jccuméniques ont en somme produit les plus heureux fruits, il faudrait retracer leur histoire et, en même temps, l’histoire des erreurs qu’ils ont condamnées, des controverses et des abus auxquels ils ont mis fin, des réformes et des lois qu’ils ont élaborées. Nous ne pouvons que donner, sur l’occasion et le rôle de chacun d’eux, quelques brèves indications. Nous en comptons dix-neuf, comme on fait généraleuient.

ï° Le concile de Nicée, en 325. définit contre Arius la consubstantialité du Verbe. Le symbole composé à cette occasion proclame, dans sa première partie, que le Fils est « vrai Dieu, engendré et non créé et de même substance que le Père (bii.’-.’yj-no- rii T.curpi) » ; dans une seconde partie, il frappe d’anathème les principaux points de la doctrine arienne, savoir : que le Fils acte fait de rien dans le temps, qu’il cstd’une autre substance ou nature que le Père, etc. Le concile sanctionne en outre les privilèges des trois grands sièges patriarcaux de Rome, d’Alexandrie et d’Antioche ; il se prononce pour l’invalidité et la réitération éventuelle du baptême et de l’ordination reçus dans la secte des Paulianistes ; enfin, il étend à toute la catholicité la coutume de l’Eglise romaine quant à la date de la célébration de la fêle de Pâques,

20 Le I’"' concile de Constantinople, en 381, coui011

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plète l’exposé authentique du dogme trinitaire, en condamnant les erreurs des Anoméens ou Eunomlens, des semi-Ariens, des Sabelliens, des Photiniens et des Apollinaristes. Il est surtout célèbre pour avoir, contre Macédonius de Constanlinople et Marathonius de Nicomédie, alïirmé de façon éclatante la divinité du Saint-Esprit. Cette affirmation a été consacrée et pei’pétuée dans le symbole dit de Constanlinople, soit que ce symbole, déjà employé par saint Epipbane pour l’administration du baptême, ait été adopté et confirmé par le concile même de381, soit cpie le concile de Clialcédoine, en lbi, ait été le i)remier à le sanctionner comme formule de la croyance catholique. Développant la profession de foi promulguée àNicée, le nouveau symbole déclare que nous croyons « au Saint-Esprit qui est aussi notre Seigneur et qui donne la vie, qui procède du Père, qui est adoré conjointement avec le Père et le Fils, qui a parlé par les prophètes ». Originairement et en vertu de sa convocation et de sa célébration, le concile de 38 1 n’était qu’un concile général de l’Orient ; les évêques occidentaux n’y avaient pas été invités, le pape n’y avait point participé. Ce n’est que par la reconnaissance et l’adhésion ultérieures de l’Eglise universelle qu’il a acquis le rang et l’autorité de concile œcuménique, que tout le monde lui attribue aujourd’hui.

3° Le concile d’Ephèsc, en431, anathématise, dans ses canons i et 4, les Pélagiens et les Massaliens qui, à la suite du moine Célestius, niaient soit la nécessité, soit les merveilleux effets de la grâce divine. Mais son mérite cai-actéristique est d’avoir déiini, contre Nestorius et ses partisans, l’unité de personne dans le Christ et aussi, conséquemment, le dogme de la maternité divine de Marie, que résumera désormais l’appellation consacrée de dsd-zoy.oi.

4*^ Le concile de Clialcédoine, en 45 1, se i>résente comme le complément du précédent. Sa réunion avait été provoquée par l’apparition de l’eutychianisme, erreur diamétralement opposée à celle du nestorianisme, puisqu’elle méconnaissait la distinction dans le Christ de deux natures parfaites. Pour exclure à la fois les deux hérésies, il déclare qu’il faut confesser

« un seul Christ et Seigneur, Fils unique, en deux

natures, unies elles-mêmes, sans confusion ni changement, sans division ni séparation, en une seule personne et une seule hypostase, chacune d’elles demeurant, malgré le fait de l’union, distincte et entière, avec ses propriétés respectives «.Entre tous les conciles œcuméniques d’Orient, celui-ci prime par le nombre des évêques qui y assistèrent : on y en compta 630. Nous avons dit plus haut ce qu’il faut penser de son 28 « canon, qui assignait au patriarche de Constantinople la première place après celui de Rome, mais qui est resté caduc pendant longtemps, faute d’avoir été admis et validé par le pontife romain.

5*^ Le LI^ concile de Constantinople, réuni, en 553, par l’empereur Justinien, réprouve, sur les instances de ce prince, comme entachés de nestorianisrae, les Trois-Chapitres, c’est-à-dire Théodore de Mopsueste et ses ouvrages, les écrits de Théodoret de Cyr contre saint Cyrille et le concile d’Ei^hèse, la lettre d’Ibas d’Edesse au Persan Maris. Célébré sans la participation, malgré même l’abstention intentionnelle et l’opposition du liape Vigile, il est devenu œcuménique seulement par l’accession subséquente du pontife, que des raisons d’opportunité et de prudence en avaient d’abord tenu éloigné.

6° Ze ///e concile de Constantinople, en 680, condamne le monothélisme, ses défenseurs et ses fauteiu*s, et, parmi ces derniers, Honorius, coupable d’avoir, dans une lettre à Sergius, non pas adhéré à l’erreur, mais négligé de la réprimer et de fixer la vraie

doctrine. C’est sous le pape Agathon I^"^ qu’il avait été convoqué, et c’est Agathon qui y avait délégué des représentants de l’Eglise romaine ; mais c’est son successeur Léon II qui approuva le décret conciliaire en l’interjjrétant ou le précisant, par rapport à Honorius, dans le sens indiqué.’^" Le 11’^ concile de Nicée, en’^87, avait été assemblé pour mettre un terme aux troubles et aux lamentables déprédations des iconoclastes. Il se prononce en faveur du culte des images, mais en distinguant avec soin, d’après l’enseignement traditionnel, ce culte de vénération, Ti.ft.r, ri/.r, tt/jstj^ùv/îtu, du culte d’adoration, cfjrfiivr, jv.rptiv.^ qui n’est dû qu’à Dieu, et en marquant le premier comme essentiellement relatif au prototype, au personnage représenté.

8" /.e /F" concile de Constantinople, en 869-870, prononce, conformément aux instructions précises d’Hadrien II et avec l’appui de l’empereur Basile le Macédonien, la déposition de l’usurpateur Photius et le rétablissement d’Ignace, le patriarche légitime.

90 Le A’concile de Latran ouvre, en 1123, la série des conciles œcuméniques d’Occident. Il édicté des dispositions sévères contre la simonie, l’incontinence des clercs et les mariages incestueux ; il approuve et promulgue solennellement, touchant les investitures ecclésiastiques, l’arrangement intervenu entre le pape Calixte II et l’empereur Henri V et connu sous le nom de Concordat de Woiins ou de Pactuni Calixtinam ; il engage en outre les princes chrétiens à se croiser pour la délivrance de la terre sainte.

10° Le LI’= concile de Latran, en iiSg, sous Innocent II, s’occupe de remédier aux divisions suscitées dans l’Eglise par la création de i^lusieurs antipapes et par les menées ambitieuses de Roger de Sicile. Il réprouve encore une fois les pratiques simoniaques. et note d’infamie la « détestable et honteuse rapacité des usuriers « ; il fait sien un canon du concile de Toulouse de 1 1 19, dirigé au fond contre les Pétrobru— siens et Arnaud de Brescia, mais disant unathème en général « à ceux qui rejetaient le l^aptême des enfants, le sacrement du corps et du sang du Seigneur, le sacerdoce et les autres ordres ecclésiastiques, et qui niaient la légitimité du mariage » ; il trace de nouvelles règles en vue de faire régner la continence dans le clergé.

ii’J Ze /// « concile de Latran, en 1179, sous Alexandre III, fulmine une première condamnation solennelle contre les Cathares ou Albigeois, qui infestaient l’Italie septentrionale et le midi de la France et qui attaquaient les sacrements, le culte des images et des reliques, l’obéissance à une autorité temporelle, l’union conjugale, etc. Pour mettre un ternie définitif aux compétitions et aux déchirements qu’avait provoqués ou favorisés Frédéric Barberousse, il règle de façon plus précise le mode d’élection des papes, en déclarant Aalidement élu le candidat qui avu"a réuni les deux tiers des voix des cardinaux.

12" L^e IV" concile de Latran, en 1215, sous Innocent III, porte la marque du grand pontife qui l’a convoqué et présidé ; c’est l’un des plus célèbres dont l’histoire fasse mention. Il rédige et pul)lie son « caput Firmiter », profession de foi détaillée, qu’il oppose aux divers points de l’hérésie albigeoise ; il stigmatise l’usage abusif de quelques Grecs, qui ne craignaient pas de rebaptiser ceux qui avaient été baptisés par les Latins ; il réprouve les erreiu-s de Joachim, abbé de Flora, et d’Amaury de Bène, ainsi que celles des Vaudois ou Pauvres de Lyon, qui non seulement s’arrogeaient le (h-oit de prêcher sans mission, mais rejetaient la doctrine du purgatoire, la prière pour les défunts, les indulgences, la prestation du serment, etc. ; il décide l’organisation d’une croisade, revise et complète la législation ecclésiastique sur 613

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les empêchements de mariage ; enfin, il impose à tous les lidèles l’obligation de la confession annuelle et de la communion pascale, double prescription dont l’expérience a montré et confirme aujourd’hui encore les avantages.

j3" Le 1" concile de Lyon, en I245, sous Innocent IV, porte une sentence de déposition contre l’empereur Frédéric II. usurpateur des biens et oppresseur de la liberté de l’Eglise, règle la procédure à suivre dans les causes ecclésiastiques, décrète l’envoi de secours aux chrétiens orientaux et contribue ainsi à susciter les deux expéditions du saint roi Louis IX.

14° Le Ll^ concile de Lyon, convoqué en 1274 P^i’Grégoire X, rétablit une première fois, à la demande de Michel Paléologue, l’union avec les Grecs, qui reconnaissent la vérité et la légitimité du Filioque, ainsi que la primauté du pape, avec le droit imprescriptible d’appel à son tribunal suprême. Il prend de nouvelles mesures en vue d’une croisade.

150 Le concile de Vienne, en 1311-1312, condamne la secte des Dulciniens, définit, à l’encontre des erreurs de Pierre-Jean Oliva, que l’àme raisonnable est la forme substantielle du corps humain, et insiste encore sur la nécessité d’une expédition contre les Turcs ; en outre, cédant surtout aux instances obsédantes de Philippe le Bel et à la crainte de plus grands maux, il décrète la suppression de l’ordre des Templiers, sans pouvoir toutefois obtenir de l’impérieux monarque qu’on suivît dans l’interrogatoire et le jugement des principaux accusés les règles de la justice ni même celles de la procédm-e ordinaire.

lô*^ /.e concj/e rfei^/ore « ce, assemblé par Eugène IV, a duré six ans, de i^Sg à 1445, y compris ses deux dernières années, pendant lesquelles il siégea en réalité à Rome. Son objectif était double : la réforme de l’Eglise et un nouvel essai de réconciliation des Grecs de Constantinople, retombés ofiiciellement dans leur schisme dès 1282. Il ne put s’occuper efficacement de la première pai-tie de ce programme. Quant aux Grecs, ils rentrèrent, en effet, une seconde fois dans le giron de l’Eglise catholique, l’accord ayant pu heureusement s’établir tant sur la primauté romaine que sur le purgatoire, le moment initial de la vision béatifique, l’emploi des azymes ; et leur retour fut suivi de celui des Arméniens, eu 1489, des Jacobites, en 1442, des Mésopotamiens d’entre le Tigre et l’Euphrate, en 1444. des Chaldéens ou Nestoriens et des Maronites de l’île de Chypre, en 1445.

l’j" L.e V* concile de /, a<ran, convoqué par Jules II en 1512, et continué jusqu’en ibi’] par son successeur Léon X, avait pour but primaire la réforme du clergé et des fidèles ; mais soit à cause du petit nombre de ses membres (envii-on une centaine de prélats, et presque tous Italiens), soit par suite d’autres circonstances, il laissa, lui aussi, le gros de cette tâche à celui qui devait venir ensuite. Il publia néanmoins quelques décrets utiles concernant les nominations aux charges ecclésiastiques, le genre de vie des clercs et des laïques, les moyens de prévenir les abus des exemptions, les taxes à percevoir, etc. Il condamna d’ailleurs deux erreurs naissantes, dont l’une aboutissait à nier ou à révoquer en doute soit l’individualité soit l’immortalité de l’àme humaine, tandis que l’autre airu-mait l’indépendance respective de la vérité philosophique et du dogme révélé.

18" Le concile de Trente, convoque par Paul III et ouvert dans celle ville en 1545, transféré deux ans plus tard à Bologne, suspendu bientôt après, réinstallé à Trente par Jules III en 1551, interrompu de nouveau l’année suivante, repris enfin par Pic IV en 1562 et heureusement terminé en 1563, est justement célèbre par tout ce qu’il a fait pour déterminer et

défendre contre les novateurs le dépôt des vérités traditionnelles et aussi pour opposer une véritable et sage réforme de l’Eglise aux lamentables excès de la pseudo-réforme. Les décrets dogmatiques et disciplinaires portés dans ses vingt-cinq sessions sont à la fois trop connus, trop nombreux et trop importants pour que nous essayions de les résumer ou de les analyser en quelques lignes. Ils ont infusé au catholicisme une sève et une vigueur nouvelles, dont l’influence ne tarda pas à se faire sentir dans toutes les parties de l’organisme ecclésiastique.

190 Le concile du Vatican, réuni par Pie IX, inauguré le 8 décembre 1869 et suspendu le 20 octobre 1870, n’a pu tenir que quatre sessions, qui ont toutefois été aussi fécondes que laborieuses. On lui doit deux constitutions dogmatiques d’une portée capitale : la constitution Dei Filins, solennelle condamnation des négations radicales de notre époque contre la foi et la révélation ; et la constitution Pastor aeternus, qui définit, outre la primauté ecclésiastique divinement instituée dans l’apôtre saint Pierre et perpétuée de droit divin dans les pontifes romains, l’infaillibilité personnelle de ceux-ci lorsqu’ils enseignent ex cathedra. Je ne parle pas de ces nombreux schemata disciplinaires, qu’il avait élaborés et partiellement discutés. Encore peut-on noter qu’ils ne resteront pas complètement inutiles, car ils fourniront au moins des indications précieuses pour cette revision générale du droit canon que Pie X a courageusement entreprise.

VI. Difficultés diverses. — A propos soit des conciles en général, soit des conciles œcuméniques, différentes objections, tant d’ordre doctrinal que d’ordre historique, ont été produites. Les plus sérieuses se trouvent au moins implicitement résolues par l’exposé qui précède. Il suffira de reprendre ici quelques-unes des principales, pour préciser quant à chacune la portée des principes et l’ensemble des faits constatés.

i « On a cherché à déprécier la dignité et l’autorité des conciles en exagérant le côté humain et libre de leur institution. Ces réunions, a-t-on dit, n’ont rien de sm-naturel dans leur origine ni, conséquemment, dans leurs effets. N’est-ce pas une idée toute naturelle, déjà appliquée dans le bouddhisme, conservée par les schismatiques et les protestants après leur séparation d’avec Rome, que celle de se réunir pour traiter en commun des points de croyance et de discipline religieuse ? S’il y a des congrès scientifiques, politiques, littéraires, il doit y avoir, au même titre et dans le même but, des congrès ecclésiastiques et catholiques. Le christianisme a bien pu, d’ailleurs, se donner des étals généraux, comme plus d’une société civile. Mais, finalement, ce qu’un congrès décide n’a pas de force obligatoire au regard des consciences, et, à supposer que les conciles aient eu l’autorité des parlements dans un Etat constitutionnel, une assemblée subséquente peut toiijours abroger ou modifier les décisions de ses devancières.

J’ai montré plus haut que les conciles, sans être absolument nécessaires, peuvent être et sont souvent utiles au but de l’Eglise, et que cette utilité se transforme même parfois, vu les circonstances, en nécessité relative. Cela seul prouverait que, dans un sens très vrai, ils sont voulus par le Christ et rentrent dans le développement normal de la société fondée, sur son initiative divine. Faut-il rappeler ensuite l’exe.uple des Apôtres, convoquant, dès les premiers jours, l’assemblée de Jérusalem et déclarant y jouir de l’assistance et de la coopération elTcctive de 1 bspril de Dieu : <. Il a paru bon au Suint-Esprit et a nous >. (.-Ic^.xv. 28) ? Faut-il redire avec quelle promptitude et quelle unanimité cet exemple fut mute par 615

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le clergé du ii, du m’et du iv « siècles ? D’ailleurs, il n’y eut, nous l’avons vu, nulle influence positive ni du côté du droit romain ni du côté du bouddhisme. En tant que hiérarchique, la constitution de l’Eglise s’oppose à l’assimilation de ses ministres à un groupe quelconque de théoriciens ou de savants ; en tant que strictement monarchique, elle exclut toute forme de gouvernement parlementaire. Mais ce qu’il importe siu-tout de remarquer, c’est que le pouvoir propre des conciles ne tient pas essentiellement à leur origine spéciûque ni au fait de leur réunion en un lieu et en un temps déterminés, mais à l’autorité inhérente aux personnes dont ils sont composés, aux droits constants du pape et de l’épiscopat, même dispersés. Par conséquent, lors même que nous n’aurions pas à alléguer le précédent apostolique consigné au livre des Jetés, lors même que l’Eglise n’aurait obéi, en tenant ses conciles, qu’à une nécessité d’ordre purement humain ; eùt-elle imité, ce qui n’est pas, les réunions bouddhiques et les conciles des brahmanes, ses assemblées synodales n’en animaient pas moins le caractère et l’importance qu’elle leur attribue. Les fidèles n’obéissent pas aux décisions d’un concile parce qu’elles émanent de cette réunion, mais parce qu’elles émanent de V Eglise ; et si, comme nous l’avons expliqué antérieurement, la solennité de la convocation, des délibérations et des résolutions d’un concile œcuménique est de nature à faciliter l’adhésion des intelligences et la soumission des volontés, elle ne constitue jamais le premier motif, la raison fondamentale et suprême de leur acquiescement. Du reste, grâce au privilège de l’infaillibilité, il est impossible qu’en matière de foi il y ail jamais de dissentiment entre un concile et un autre. Dans les articles de discipline et de gouvernement, des variations peuvent et doivent se produire, non pas toutefois sur les points essentiels à la constitution du christianisme, mais sur les détails d’application, d’après les besoins et les mœurs de chaque siècle. Si des conciles se réunissent, ils sont naturellement qualifiés et tout désignés pour décider et régler ces modifications.

2° On nous reproche les divisions, les intrigues, les violences de langage et quelquefois d’action, dont l’histoire des conciles a gardé le fâcheux souvenir ; on rappelle les bruyantes polémiques dont le dernier concile œcuménique a été l’occasion et en partie le théâtre ; et l’on nous demande ce que de telles assemblées peuvent avoir de surnaturel et de divin et quelle confiance le peuple chrétien doit avoir en elles.

Nous répondons que justement le peuple chrétien a toujours eu, au plus haut degré, cette confiance que l’on croit impossible. Il l’a eue et il la conserve, parce qu’il a appris à discerner, au milieu de regrettables imperfections humaines, l’action divine qui s’exerce et aboutit malgré tout, d’autant plus éclatante et plus réconfortante qu’elle est contrariée par plus d’obstacles, environnée parfois de ténèbres plus épaisses. Il arrive pour les conciles ce qui, au témoignage de saint Paul, arrive depuis l’origine pour l’œuvre entière du Christ : Infirma mundi elegit Deiis ut confundat fortia. Dans les mains de Dieu, l’infirmité de l’instrument n’empêche pas le succès, mais le rend plus admirable et en marque mieux la source. Nous ne devons pas perdre de vue les éléments avec lesquels Jésus-Christ a voulu bàlir son Eglise : ce sont des hommes ; et quoique prêtres, quoique évêques et pontifes, ils ne laissent pas de penser, de sentir et de parler en hommes. Si Dieu avait rendu le clergé impeccable, c’eût été un miracle extraordinaire et non interrompu, ou plutôt c’eût été un anéantissement complet des conditions de notre libre existence ici-bas ; il a eu d’excellentes raisons de ne pas le faire, et c’est à nous de ne pas nous laisser prendre |

au sophisme qui conclut du péché d’un homme ou des défaillances morales d’une assemblée à la fausseté de leur doctrine. Rien donc de surprenant si les membres d’un concile participent encore aux faiblesses et aux passions de leiu*s contemporains, auxquels cependant l’impartiale histoire est forcée de les reconnaître généralement supérieurs. Rien d’étonnant si la justice et la vérité rencontrent des obstacles dans l’Eglise assemblée, comme dans l’Eglise dispersée. Mais surtout rien qui permette de conclure qu’il n’existe, ni dans l’une, ni dans l’autre, aucune autorité surnatvxrelle et avicun droit à continuer, par la dispensation de la doctrine et des autres moyens de salut, la fonction rédemptrice du Christ Sauveur des hommes.

Pour certains conciles en particulier, les dissensions et les tiraillements exceptionnels qui s’y sont fait jour s’expliquent partiellement par les circonstances de temps et de milieu. Tels les conciles de Pise, de Constance et de Bàle : assemblés dans le coiirs ou à l’issue de cette malheureuse période où l’Eglise se trouvait de fait scindée en deux puis en trois obédiences distinctes, c’eût été merveille qu’ils n’eussent point participé à la fièvre générale des esprits. Les causes de leurs agitations et de leurs profonds dissentiments se confondent avec les causes du grand Schisme d’Occident (voir ce mot). En ce qui concerne plusieurs des conciles œcuméniques d’Orient, pour apprécier sainement leur physionomie générale, il faut tenir compte, sans parler du tempérament oriental, de l’ardeur avec laquelle on se portait alors aux spéculations et aux discussions religieuses, de la part que le peuple même y prenait et, dans plus d un cas, de l’influence et de la vogue déjà acquises par les erreurs ou les abus qu’il s’agissait de combattre. C’est ainsi que le vii"’concile, d’abord réuni à Constantinople, dut être transféré à Nicée, pour échapper aux troubles et aux mouA^ements séditieux provoqués dans la capitale par les Iconoclastes. Au concile du Vatican, des dissensions très vives, passionnées même, se manifestèrent et eurent un douloureux retentissement au dehors. En soi fort regrettables, elles ont eu cependant un double avantage : elles ont été une preuve irréfutable de la parfaite liberté qui a présidé à la marche et à la conclusion des délibérations. Certains détracteurs du concile n’ont pas craint de parler de contrainte morale exercée sur les évêques ; qu’eussent-ils dit si les prélats eux-mêmes n’avaient confondu à l’avance pareille accusation, s’ils ne s’étaient prouvés libres en agissant librement jusqu’à la fin, en usant de leur liberté au point d’en abuser parfois ? Puis, quel phénomène impressionnant que cette unanimité dans la soumission, succédant tout à coup à l’ardeur impétueuse et mal contenue des discussions ! Autant le débat autour de la question de l’infaillibilité avait été animé jusqu’au jour où le dogme fut défini, autant apparut magnifique et significatif, au lendemain de cette définition, le spectacle de tous les évêques du monde entier unis au Pontife romain dans 1 acceptation et la profession de la même foi.

3° On nous oppose encore certaines divergences d’opinion parmi les théologiens sur l’œcuménicité de quelques conciles ; et l’on nous demande comment la foi des catholiques peut s’accommoder de cette incertitude et sortir d’un tel embarras.

La réponse, au point de vue ijratique, n’est pas difficile, et l’embarras dont il s’agit est sans gravité. Les conciles d’une œcuménicité douteuse sont très peu nombreux, et leiu-s décisions, tant que des doutes sérieux persistent sur la qualité de l’assemblée dont elles émanent, n’obligent pas en conscience comme décisions suprêmes et universelles ; c’est l’application du principe connu : Lex dubia lex nulla. Quant à la 617

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question théorique, c’est à la théologie et à l’histoire d’y répondre scientifiquement, d’après l’examen objectif des documents, et c’est à l’Eglise, nous l’avons déjà montré, de la trancher authentiquement, si elle le juge à propos. D’ailleurs, étant donnée la distinction communément admise entre œcuménicité matérielle et œcuménicité formelle ou d’autorité, si l’on admet en outre que celle-ci, fùt-elle seule, suffît pour justifier le titre d’œcuménique, il reste à peine place pour un dissentiment. Ainsi, il n’est pas un chrétien, — je ne dis pas un catholique, — tant soit peu instruit et sincère, qui ne reconnaisse comme œcuméniques les quatre premiers conciles d’Orient, qui ont condamné successivement les erreurs d’Arius, de Macédonius, de Nestorius et d’Eutychès ; et pourtant le deuxième de la série, tout le monde en convient également, n’a que la seconde forme d’œcuménicité. Nous pouvons faire une constatation semblable relativement au II® concile de Constantinople, celui qui a condamné les Trois-Chapitres. D’autre part, si certains bons auteurs (cf. Funk, Hist. de VEgl., ti" édit. allem., p. 384) paraissent révoquer en doute l’œcuménicité du V « concile de Latran, c’est uniquement à cause du petit nombre d’évêques qui y ont assisté, au point de vue donc de l’œcuménicité matérielle ; même pour eux, l’œcuménicité formelle est hors de doute.

Quelques gallicans ont tenu pour œcuméniques absolument les trois conciles de Pise, de Constance et de Bàle ; mais ils sont restés seuls ou presque seuls de leur avis, et c’est justice. En efYet, le concile de Pise, assemblé par les cardinaux sans l’assentiment et sans la particijjation d’aucun des deux prétendants à la papauté, n’ayant jamais été dans la suite l’objet d’une approbation qui ait pu guérir ce vice originel, n’a manifestement rien de l’œcuménicité. Ajoutons qu’il ne représentait pas même matériellement l’Eglise, puisque l’Espagne, la Hongrie et les pays du Nord n’y avaient pas été invités. Celui de Bàle avait été régvilièrement convoqvié par Eugène IV, en.1431. Toutefois, frappé d’un décret de dissolution après sa première session et avant d’avoir pu décider quoi que ce soit, s’obstinant à siéger malgré tout, autorisé ensuite à nouveau par le pontife en 1433, déiinilivement dissous en 1 43^, s’entètant alors encore à poursuivre ses sessions et sombrant ainsi dans le schisme, il n’eut guère, même à ses meilleurs moments, les allures d’une assemblée catholique, c’est-à-dire unie effectivement au centre de la catholicité. Mais ce qui paraît décisif, c’est que, durant les trois années (fin 1^33 à mai 143’j)où il siégea avec l’autorisation ^ du Saint-Siège et sous la présidence des légats romains, emporté par l’esprit scissionnaire qui dominait la majorité, il ne put rien faire en communauté de sentiment avec le pape, sauf quelques décrets disciplinaires sans grande portée comme sans grand résultai. Reste le concile de Constance, dont la situation fut sensiblement différente de celle des deux précédents. On doit, en effet, le considérer comme certainement œcuménique pour sa dernière partie, celle’lui suivit l’élection de Martin V et qui embrasse quatre sessions, de la xlii’à la xlV. Sur son caractère antérieurement à la xlii’session, on est un peu moins, d’accord. Ceux qui tiennent Jean XXIII pour le pape légitime pensent conséquemment que le concile avait été régulièrement convoqué et qu’il était de ce clief œcuménique, mais qu’il cessa de l’être après sa u’session, par suite de la fuite de Jean XXIII. Ceux qui, avec plus de raison, prétendent que Grégoire XII était resté le pape véritable, remarquent qu’il ne s’associa au concile qu’à partir de la xiV session, pendant laquelle il se démit volontairement du pontificat ; ils en concluent que l’assemblée acquit alors seulement l’œcuménicité et qu’elle la perdit

presque aussitôt, l’Eglise étant demeurée sans chef visible jusqu’à l’élection de Martin V. Dans une hypothèse comme dans l’autre, le concile de Constance était acéphale et certainement non œcuménique dans ses fameuses sessions iii, iv et v, où il décréta que le concile, à moins de motifs raisonnables et jugés tels par lui-même, ne pouvait être ni dissous ni transféré avant d’avoir mis fin au schisme et réformé l’Eglise dans sa tête et dans ses membres ; qu’il tenait ses pouvoirs immédiatement de Jésus-Christ, et que tout chrétien, même le pape, lui devait obéissance en tout ce qui ressortissait à sa mission. D’ailleurs ces décrets, qui ont acquis une triste célébrité, que le conciliabule de Bàle a repris en les aggravant, que l’assemblée de 1682 a de nouveau préconisés, ne furent jamais approuvés ni par les papes ni par l’Eglise universelle ; caducs dès leur origine, ils le sont toujours restés. On a dit qu’il faut bien que le concile de Constance ait été œcuménique, qu’il ait, en d’autres termes, été « dépositair^ela puissance souveraine », puisqu’il a pu terminer le schisme et créer enfin un pape certainement légitime ; d’où il suivrait que « les ultramontains » se contredisent, qui lui refusent la primauté et lui accordent le pouvoir de la transmettre. Ceux qui font cette objection supposent à tort que la faculté d’élire le chef de l’Eglise implique dans les électeiu"s la possession de la même puissance dont la collation suivra leur choix. En temps ordinaire, ce sont les cardinaux qui élisent le pape, et personne n’a jamais pensé que le collège cardinalice possédât, même pendant l’interrègne, la primauté ecclésiastique. Il est vrai que l’élection de Martin V

« tirait toute sa légalité de celle du concile » ; mais il

n’est pas permis de confondre l’œcuménicité du concile avec sa « légalité », ou son pouvoir légitime en vue de l’élection. Je n’ai pas besoin d’ajouter que l’acte des Pères de Constance avait été rendu possible, voire nécessaire, par le fait que Grégoire XII, qui était très vraisemblablement, selon le témoignage des sources, le seul pape véritable, avait abdiqué entre leurs mains le pontificat suprême.

4° Les huit premiers conciles œcuméniques, tous célébrés en Orient, ont été l’objet de critiques particulièrement acerbes et plus ou moins spécieuses, à cause de l’intervention des empereurs, qui semble y dominer, y effacer presque celle des papes. Si nous en croyons leurs détracteurs, ils se présenteraient à peinecomme des assemblées vraimentecclésiastiques ; tout au moins leur histoire prouverait-elle, de la part du pouvoir civil, une usurpation, et, de la part du pouvoir religieux, une abdication ou une connivence également inadmissibles et inexcusables. Cf. Salem-BiER, Le grand schisme d’Occident, p. aSi suiv.

Que les souverains de Byzance aient eu. comme d’autres, une forte tendance à empiéter sur le domaine spirituel, qu’ils n’aient pas toujours, dans leurs prétentions, leur manière de parler et d’agir, respecté les limites justes et convenables, c’est ce que je me garderai bien de contester ; et je l’ai expressément reconnu plus haut. Mais j’ai exposé aussi les raisons graves, pressantes, qu’ont eues les papes de fernier souvent les yeux sur les excès d’un zèle inconsidéré ou d’une ambition mal déguisée, de ne réclamer du moins qu’en une forme très modérée et en choisissant leurs moments ; j’ai cité comme exenqdcs les discrètes et opportunes revendications de saint Célestin I « =S de saint Léon, d’Agathon, d’Hadrien I’-" et d’Hadrien II. Du reste, la participation essentielle du chef de l’Eglise a toujours été sauvegardée. Pour s’en convaincre, qu’on veuille bien se rappeler ce qui a été dit de la convocation, de la présidence et de la confirmation des conciles. Relativement à la dernière, nulle diffîculté sérieuse : nous avons vu, en effet, 619

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qu’il n’y a point de raison d’exiger une approbation ou confirmation pontificale postérieure au concile ; le pape peut donner son assentiment aux résolutions conciliaires par l’intimation d’une définition préalable ou par le vote de ses légats, munis d’instructions précises et s’y conformant exactement ; il fournit ainsi sa contribution indispensable à leur valeur souveraine, et cette contribution n’a manqué de fait à aucun des grands conciles orientaux. Que si les empereurs sont dits confirmer, eux aussi, les décisions des conciles, cela est vrai et pai-faitement légitime, en ce sens qu’ils leur donnent force de loi dans l’empire : mais la confirmation impériale, loin de fonder, même partiellement, la valeur juridique du décret conciliaire, la suppose nécessairement et en découle, suivant le droit public, de l’époque, comme un devoir.

En ce qui concerne la convocation, l’objection disparaît également devant la distinction entre convocation matérielle et convocation formelle : celle-là a été principalement le fait des souverains, et il ne pouvait en être autrement, étant données les circonstances ; quant à celle-ci, non seulement elle a eu pour auteurs les papes, qui en déterminaient d’ailleurs le but et en fixaient impérativement les limites, mais les princes se sont proclamés incompétents par rapport à elle. Une réponse et une distinction analogues ont déjà été indiquées touchant le droit de présider : aux empereurs la présidence d’honneur, de protection et de police extérieure, d’autant plus que l’excitation des esprits est parfois si grande, au moment de la tenue des conciles, que rien ne serait humainement réalisable sans l’appui du bras séculier pour assurer l’ordre ; aux papes, représentés par leurs délégués, puisque à aucun des conciles dont il s’agit le pontife romain n"a assisté en personne, la présidence juridique, la direction effective des débats sur les affaires ecclésiastiques.

Cette préséance d’autorité nous est attestée, et par les consignes impératives dont les légats de Rome étaient les porteurs et les fidèles exécuteiu-s, et par la place qu’ils occupent au sein des sessions, et par l’ordre des signatures apposées au bas des procèsverbaux. On peut voir ces signatures reproduites dans les grandes collections des conciles. Osius de Cordoue, à Nicée (Mansi, t. II, col. 692), et Cyrille d’Alexandrie, à Ephèse (Mansi, t. IV, col. 1363) viennent avant les délégués romains. Mais Cyrille agissait lui-même au nom du pape, qui lui avait écrit (Mansi, t. IV, col. 1019) : « Investi de l’autorité de notre Siège, en notre lieu et place, comme qxielqu’un qui en a le pouvoir, vous exécuterez cette sentence… » ; et les Actes conciliaires notent expressément, au début de la ii<= session (Mansi, t. IV, col. 1279), que « Cyrille d’Alexandrie tient la place ((Jterîvroç tc-j to’ttov) de Célestin, le bienheureux et très saint archevêque de l’Eglise romaine ». Tout porte à croire qu’Osius présidait en la même qualité : cette supposition est autorisée par la pratique constante des âges postérieurs ; d’anciens auteurs affirment la chose ; puis, quel autre titre 1 evèque espagnol aurait-il eu à être préféré à tous ses collègues ? J’ajoute que, si parfois des évêques particuliers avaient eu la préséance sur les députés de l’Eglise romaine, il conviendrait de remarquer que jamais cette Eglise n’était représentée par son propre évêque. L’ensemble du concile de Chalcédoine n’est pas souscrit par les légats, en raison du canon 28, contre lequel ils protestaient ; mais leurs signatures se présentent en tête de toutes les autres, au bas de la condamnation de Dioscore (m* session, Mansi, t. VI, col. 1081) et de la définition de foi (vie session, Mansi, t. VII, col. 136). En outre, leur droit de préséance ressort clairement des’procès-verbaux de toutes les sessions, à partir de la deuxième. Cf. Mansi, t. VI, col. 689, 978 ; t. VII, col. 3, 97, 117, 136, 179, 185, 198, 271, 423, etc. Le deuxième et le cinquième conciles, tenus tous les deux à Constantinople, mais non œcuméniques au moment de leur célébration, ne peuvent entrer ici en ligne de compte. En revanche, le VII « et le VIII" conciles (Mansi, t. XIII, 379 ; t. XVI, 189) fournissent de nouveaux exemples du droit des légats pontificaux. Ce fait, si constant, est d’autant plus significatif que les délégués romains ne sont pas toujours évêques : à Chalcédoine, l’un des trois n’est que prêtre ; à Nicée, en 787, ils sont deux, simples prêtres l’un et l’autre ; à Constantinople, en 869, l’un des trois n’était que diacre. On a dit que, sauf à Chalcédoine, la présidence effective aurait été régulièrement exercée par l’évêque du lieu. Cette assertion est démentie par les documents officiels : de même qu’à Chalcédoine les légats romains souscrivent avant Anatole, patriarche de Constantinople, de même, au VI « concile et au VIU^, réunis dans cette ville, ils souscrivent avant les patriarches Georges et Ignace. Au 11^ concile de Nicée, Hypatius, évêque du lieu, vient le quinzième parmi les signataires (Mansi, t. XIII, col. 135, 381).

5" D’aucuns ont réclamé pour les membres du clergé inférieur le droit de voix délibérative dans les conciles. Ils prétendent ne demander ainsi que le retour à une ancienne coutume ; surtout, ils invoquent la pratique inaugurée à Jérusalem par les Apôtres, suivant Actes, xv.

Il s’en faut que ces deux fondements soient solides et de nature à justifier la réclamation. Commençons par le chapitre des Actes relatif à la réunion de Jérusalem. Il est vrai que le verset 6 nomme les anciens (j : pt7^ùrtpoi) à côté des Apôtres : « Les Apôtres et les anciens s’assemblèrent. » Mais, en admettant, ce qui n’est cependant pas certain, que le nom de nps’j^ùrepot désigne de simples prêtres, si le fait de leur présence impliquait pour eux l’exercice du droit de vote, il faudrait étendre cette déduction mêmeaux laïques ; ceux-ci aussi, en effet, furent présents, nous le voyons par le verset 12, surtout par le verset 22 :

« Alors il parut bon aux Apôtres et aux anciens, 

ainsi qu’à toute l’Eglise », et encore, d’après la leçon de plusieurs manuscrits, par le verset 23 : « Les Apôtres, les anciens et les frères, aux frères d’entre les païens. » L’absurdité de cette conséquence doit nous persuader qu’on a mal interprété le passage de saint Luc. En réalité, dit Bellarmin, la réunion de Jérusalem était composée d’éléments fort divers :

« les Apôtres y assistèrent comme juges, avec pouvoir

de décider, et les anciens, comme consulteurs ; quant au peuple, sans avoir été invité, il fut aussi admis et présent, non pour décider ni discuter, mais pour écouter sans contredire ». A l’appui de cette classification, le même auteiu- apporte deux arguments. Le premier se tire de l’usage de l’Eglise, lequel nous est le plus sûr garant du sens de l’Ecriture : dans tous les conciles postérieurs à l’âge apostolique, nous voyons la fonction de juge réservée aux évêques, qui étaient poiu’tant entourés de beaucoup d’autres, tant clercs que laïques ; nous devons donc penser que le concile de Jérusalem n’avait pas agi différemment ; car qui admettra que « toute l’Eglise se soit, surtout à cette époque primitive, écartée de l’exemple et de la tradition des Apôtres » ? Un examen attentif de l’ensemble du contexte corrobore ce raisonnement. Le verset 6 nous montre que, seuls, les Apôtres et les anciens avaient été invités : « Les Apôtres et les anciens s’assemblèrent pour aviser à cette affaire. » Les uns et les autres parlèrent tant que diu-a le débat ; c’est ce qu’insinue suffisamment le verset 7 : « Une discussion s’étant engagée… »

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Mais la discussion close, il n’y eut d’avis décisif émis que par les Apôtres, la suite du récit le prouve : non seulement Luc ne mentionne comme haranguant l’assistance que Pierre, Paul, Barnabe et Jacques, mais sa narration exclut tout autre discours ; cardés que Pierre eut dit son sentiment, « toute l’assemblée garda le silence, et Ton écouta Barnal)é et Paul « (12), et, « lorsque ceux-ci eurent cessé de parler, Jacques parla à son tour » (13). et ; enfin, l’allocution de Jacques terminée, vient immédiatement l’indication de la conclusion pratique (22) : « Alors il parut bon aux Apôtres, aux anciens, ainsi qu’à toute l’Eglise, de choisir quelques-uns d’entre eux et de les envoyer à Antioche. n

Tel est donc le véritable usage, non seulement ancien, mais apostolique, dans la société chrétienne. Conformément à ce précédent, des membres du clergé inférieur n’ont été admis dans les conciles qu’à titre de consulteurs, de savants, sans qu’il leur fût permis d’intervenir directement, et comme ayant autorité, dans les décisions à prendre. De vestige d’une coutume opposée, on n’en rencontre point, sinon dans les conciles de Pise, de Constance et de Bàle. Mais tous les historiens conviennent et les contemporains mêmes de ces trois assemblées reconnaissaient que l’admission des docteurs avec droit de vote, aussi bien que le mode de votation par nation et non point par tête, était une innovation motivée par les circonstances ditriciles qu’on traversait alors et surtout par le désir de neutraliser l’influence des prélats de second ordre. Contraires à toute la tradition, introduits dans un moment de lièvre et de vertige, ces procédés n’ont jamais été reçus depuis dans l’Eglise, comme ils n’y avaient jamais été connus auparavant. C’est donc bien à tort qu’on a prétendu les rattacher au droit divin.

Autre chose est que ceux qui, en qualité de pasteurs divinement constitués, ont incontestablement voix délibérative dans les conciles, puissent s’adjoindre et s’adjoignent librement, même pour l’acte final du vote, un certain nombre d’auxiliaires. Dès que les premiers ont le droit de chercher en dehors de leurs rangs des lumières pour la discussion, de s’associer des consulteurs, des compagnons de travail, on ne voit pas pourquoi il ne leur serait pas loisible de demander aussi ou d’autoriser l’appoint de leurs suffrages. C’est sur une concession de ce genre, consentie ou par l’Eglise universelle ou par l’autorité centrale du Saint-Siège, que repose le droit de voix délibérative de ceux que théologiens et canonistes s’accordent à désigner comme en jouissant par privilège. Il y a d’ailleurs à cet élargissement du corps délibérant des évêques une limite morale, indiquée par le simple bon sens : c’est celle dont l’oubli tendrait à transformer le groupe auxiliaire en groupe principal, à mettre donc l’Eglise enseignante en quelque sorte à la remorque et à la merci de l’Eglise enseignée.

6" La question de la situation respective du concile œcuménique et du pape, c’est-à-dire de la prééminence de l’un sur l’autre, trouve sa solution dans les principes déjà exposés. A la prendre dans toute l’ampleur et la propriété des termes, et rigoureusement parlant, on devrait dire qu’elle ne se pose même pas, qu’elle est un non-sens, puisqu’il n’y a point de concile vraiment œcuménique sans le pape, comme il ne saurait y avoir d’Eglise catholique sans son fondement. Que si néanmoins il plaît de considérer, d’une part, le corps épiscopal assemblé et, d’autre part, le pontife romain, et de les comparer, le problème devient du moins intelligible.

1) On sait que, sous cette forme, il a été agité au temps du grand schisme. Le concile de Constance, par

ses fameux décrets des sessions iv « et v, dont il a été question ci-dessus, l’a tranché dans le sens de la supériorité de l’assemblée conciliaire.

Mais cette affirmation, même en tant qu’elle s’appliquait à la crise passagère d’alors ou qu’elle s’appliquerait à toute crise analogue, c’est-à-dire au cas où, de plusieurs prétendants à la papauté, aucun n’apparait comme le pape certainement légitime, n’est admissible qu’à la condition d’être soigneusement expliquée ou, plutôt, rectifiée : ce qui est vrai, c’est que, dans l’hypothèse, il appartiendrait au corps épiscopal de se réunir pour examiner et juger les titres réels des divers compétiteurs et aviser au rétablissement de l’unité effective, soit en provo(jiiant une cession volontaire, soit en recourant à d’autres moyens appropriés. Mais dès que l’on transforme ce droit accidentel, motivé par la nécessité, restreint quant à sa durée et sa portée intrinsèque, en principe affirmant, pour tous les temps et à l’égard des papes légitimement élus, une véritable supériorité de l’assemblée des évêques, alors on va manifestement à rencontre du dogme de la primauté, on tombe dans l’absurde ; car, tandis que le Christ, en faisant de Pierre et de ses successeurs le fondement de l’édifice ecclésiastique, en les chargeant d’affermir leurs frères, a rendu l’Eglise et l’épiscopat dépendants du pontife romain, c’est celui-ci qu’on constitue dans la dépendance de ceux-là. Cette thèse, opposée à l’Ecriture, ne l’est pas moins à la croyance et à la pratique constante de toutes les générations chrétiennes. Ce ne sont pas les conciles qui ont jamais commandé aux papes, ce sont les papes qui souvcnt ont prescrit aux conciles des décisions à prendre. Nous avons entendu plus haut CÉLESTixI" disant à ses délégués au concile d’Ephèse (P. L., t. L, col. 503) : « Si une discussion a lieu, vous devez rester juges des sentiments des autres, mais ne point vous soumettre à leur jugement. » " On ne saurait juger les jugements du Siège apostolique », éci’ivait le pape Nicolas 1*=’" à l’empereur Michel.

Quant aux décrets de Constance, nous en contestons absolument la valeur relativement à la question qui nous occupe. Il n’est pas nécessaire de rappeler que ce concile, comme nous l’avons prouvé, n’était pas œcuménique à l’époque des sessions dont il s’agit ; que deux obédiences n’y étaient point représentées et n’en approuvèrent jamais les résolutions ; que les cardinaux en masse protestèrent ; que Jean XXIII s’était retiré et ne s’était pas fait remplacer par des légats ; qu’enfin, quel qu’ait été alors le pape légitime, il est certain qu’il y avait dissidence et séparation entre le concile et le pontife véritable, donc point de concile œcuménique. Il nous suffit que l’assemblée de Constance n’ait pas entendu faire une définition dogmatique. Pour le prouver, nous ne recourrons pas, avec Bellarmix, Cano et beaucoup d’autres, à l’argument tiré de l’absence de la forme usuelle dans les définitions de ce genre, forme qui consiste essentiellement à imposer à tous les fidèles l’obligation de croire ce qui est décidé ou à condamner comme hérétiques ceux qui refuseraient de se soumettre. Demandons plutôt à l’histoire du concile de nous éclairer sur la pensée de ses membres.

Que quelques-uns, connus d’ailleurs pour leurs opinions extrêmes, comme Gkhsox et d’Ailly, aient songé à promulguer un dogme, c’est chose possible, jieut-ètre probable ; mais ce qui nous importe, c’est l’intention de la généralité. Or, cette intention ressort de l’ensemble des circonstances que voici : les cardinaux et la « nation » d’Italie, la plus nombreuse de toutes, n’avaient pas pris part à la congrégation préparatoire, où le texte des décrets fut arrêté ; ils se montrèrent ensuite absolument opposés à ces décrets et prièrent l’empereur Sigismond d’en empêcher C23

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le vote ; à la ive session, Zabarella lut un texte différent et atténué ; mais, huit jours plus tard, à la nouvelle d’une seconde fuite de Jean XXIII, qui, en dérangeant tous les plans, mécontentait les représentants de toutes les tendances, le texte primitif fut repris ab iraio et adopté tel quel, dans le dessein de bien signifier au pontife fugitif qu’on l’atteindrait quand même et qu’on ne se tiendrait pas pour désarmé par son éloignement. Ces articles nous apparaissent ainsi et apparaissaient à leurs auteurs, sinon comme un expédient transitoire et adapté aux nécessités du moment, du moins comme le considérant théorique introductif d’une résolution pratique et comminatoire à l’égard de Jean XXIII. Et n’est-ce pas ce qu’insinuent ces termes mêmes des décrets, qui semblent marquer le but unique des déclarations de l’assemblée : Pro extirpatione præsentis schismatis, ad consequenditm facitius, securius, velocius et liberiiis unionein et reformationem Ecclesiæ ?

Un incident qui se produisit le 17 avril 1415) onze jours après la ve session, nous révèle mieux encore le sentiment intime et général des Pères. Il s’agissait de condamner "Wiclef et Jean Huss. Le cardinal d’Ailly proposait, argiiant de la supériorité du concile sur le pape, de porter la sentence de condamnation au nom du premier sans mentionner le second ; mais sa motion fut repoussée à une grande majoi’ité, et lui-même ne songea pas à invoquer les décisions de la session précédente. Cette dernière remarque s’impose aussi à propos du traité qu’il publia dans le courant de l’année suivante : De Ecclesiae, concilii generalis^ romani pontificis et cardinalium auctoritate. Eugène IV avait donc parfaitement raison, quelques années plus tard, lorsque à l’assemblée factieuse de Bàle, qui reproduisait les décrets de Constance comme des définitions de foi, il reprochait de travestir la pensée dont elle se prétendait l’interprète.

Rien ne sert d’objecter, avec certains gallicans, que les décrets de la v « session auraient reçu ultél’ieuremenl l’approbation de Martin V, pape universellement reconnu. Deux actes de Martin V ont été allégués dans ce sens : la bulle du 2a février 1418 (Mansi, t. XXVII, col. 1 204 sqq.), et vine déclaration orale du 22 avril de la même année, se rattachant, nous verrons comment, à la xlv » et dernière session (Mansi, t. XXVII, col. 1201).

La bulle Inter cunctas se rapporte aux erreurs des Hussites et aux moyens de les combattre. Elle prescrit notamment (Mansi, t. XXVII, col. 121 1) de demander à ceux qui sont suspects d’hérésie s’ils admettent, comme « ab universis Christi fidelibus approbandum et tenendum », ce que le concile de Constance « approbavit et approbat in favorem fidei et ad salutem animarum 1^. Cette expression : in favoreni etc., est de soi vague et indéterminée, et il semble bien qu’elle ait été choisie telle à dessein, pour ménager toutes sortes de susceptibilités. En tout cas, elle ne s’applique pas aux fameux décrets. Ceux-ci, dans leur sens absolu, ne pouvaient être regardés par Martin V comme portés in favorem fidei et ad salutem animarum. Que, de fait, ils ne l’aient pas été, c’est ce dont une nouvelle bulle, du 10 mars suivant, ne nous permet pas de douter, puisqu’elle interdit précisément tout appel de la sentence du pape au futur concile, et que la légitimité d’un semblable appel eût été la conséquence manifeste de la supériorité du concile reconnue.

Mais on a voulu faire état de quelques paroles dites par Martin V le jour de la clôture du concile. Le pontife y afïirme qii’ilveut respecter inviolablement « omnia et singula determinata, conclusa et décréta in materia fidei per præsens concilium conciliariter….

ipsaque sic conciliariter facta approbat et ratificat et non aliter nec alio modo >> (Mansi, XXVII, col. 1201). Pour expliquer cette déclaration, je ne saurais admettre, comme quelques-uns l’ont fait, que le mot conciliariter vise le concile en tant qu’œcuménique et pour l’époque seulement où il a été tel ; je crois plutôt qu’il s’oppose simplement au mot nationaliter. Je ne dirai pas non plus que les paroles du pape ne contiennent pas autre chose qu’un refus aux Polonais, parce qu’elles sont la réponse aux instances pressantes faites par eux en vue d’obtenir une condamnation solennelle du livre de Jean de Falkenberg, déjà condamné par les nations, qu’elles n’impliquent donc aucun jugement sur le concile en général ; et pourtant cette interprétation, défendue parFuNK (Kirchengeschichte, 4* éd., p. 872 ; trad. de Hemmer, 2* éd., II, p. 26), peut se prévaloir de deux circonstances notables : d’abord, l’occasion de la réponse en question ; puis, surtout, ce qu’il y aurait d’étrange, de choquant même dans une pareille approbation papale, non seulement donnée de vive voix, mais improvisée et lancée au milieu d’un grand tumulte et après que la clôture officielle du concile avait déjà été proclamée par la formule sacramentelle iDomini, ite in pace, à laquelle l’assemblée avait répondu : Amen (Mansi, t. XXVII, col. 1200). Sans entrer dans cette discussion, nous pourrions nous borner à remarquer que les décrets n’étaient pas in materia fidei, puisqu’ils n’avaient pas été portés comme des définitions dogmatiques. Ajoutons toutefois qu’ils sont loin aussi de remplir clairement la seconde condition, qu’exprime le terme conciliariter, précisé d’ailleurs par l’opposition à nationaliter.’SovLS relevons, en effet, dans la ^ session plusieurs particularités qui compromettent singulièrement son caractère conciliaire ; c’est à savoir : l’absence volontaire de quatre cardinaux et la protestation préalable des sept autres, portant qu’ils assisteraient à la séance pour éviter le scandale, mais sans vouloir s’associer à ce qui y serait décidé (Mansi, t. XXVII, col. 694) ; l’opposition d’une partie de l’assemblée ; le caractère tumulteux du vote sans suffrages exprimés ; enfin, la participation à ce vote de gens qui n’y avaient pas droit. D’ailleurs, le cardinal d’Ailly, qui fut le personnage le plus considérable du concile, qui en resta toujours grand partisan, autant qu’ardent défenseur des « libertés gallicanes », a laissé échapper sur la V session un aveu significatif : « Cette délibération des nations faite en dehors de l’assemblée, sans votes exprimés en séance commune, parait à beaucoup de personnes ne pas devoir être considérée comme une délibération du concile général, conciliariter facta… Quoi qu’il en soit, je soumets la définition de cette affaire à la volonté dvi saint concile. » (De Ecclesiæ auctoritate, inter 0pp. Gersonii, t. II, col. 940, 960.) Si le docte cardinal conclut par l’expression d’un simple doute, il mérite d’autant plus une confiance absolue dans ce qu’il affirme touchant la manière dont les choses se passèrent en session. Son témoignage, d’une valeur si exceptionnelle, se trouve pleinement confirmé par le compte rendu officiel, où toute l’action conciliaire relative aux cinq décrets tient en deux ou trois lignes (Mansi, t. XXVII, col. 590) : « Surrexit de mandate istius synodi Andréas electus Paznaniensis, et cerla capitula per modum constilutionum s

odalium, prius per singula.-i

quatuor nationes conclusa et deliberata, legit etpublicavit, quorum tenores sequentur. » Il n’y a là, ce me semble, rien qui permette de conclure que les cinc] points qui nous intéressent aient été determinata, conclusa et décréta co « c//m7"j7e/, au contraire. Et cette conclusion n’est pas sensiblement affaiblie par ces autres paroles du compte rendu (Mansi, t. XXVII, col. 598), qui semblent s’appliquer à nos décrets en 625

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même temps qu'à toutes les autres mesures, très nombreuses et très variées, adoptées dans la ve session :

« Quibus articulis sive constitutionibus lectis, dictum

concilium eos et eas iiniformiter approbavit et conchisit. » En résumé, on voit si nous avions sujet de contester la valeur des décrets de Constance comme affirmation autorisée de la supériorité des conciles sur les papes. Cf. Salembier, Le grand schisme d’Occident, p. 315 suiv. ; Baudrillart, art. Constance, dans le Dictionnaire de théol. cath. de Vacant-Mange not.

2) Mais on a prétendu trouver dans l’histoire même des conciles certainement œcuméniques une preuve de leur supériorité sur les papes. N’en a-t-on pas vu plusieurs s’arroger le droit d’examen, de contrôle, sur des décisions fermes émanant des pontifes romains ? Ils les considéraient donc comme subordonnées à leur ratiGcation.

A cela nous répondons qu’autre chose est un examen dubitatif, entrepris comme moyen nécessaire d’arriver à une conclusion précise et certaine, autre chose un examen simplement confirmatif, qui, la valeur d’un acte supposé, tend à en approfondir les conditions, les raisons ouïes preuves, pour les mettre mieux en lumière et leur donner, aux yeux de tous, plus d'éclat, plus de force persuasive. C’est le second seul qu’on rencontre dans les délibérations conciliaires relatives à des déGnitions pontificales. Il en va ici des conciles par rapport aux papes comme il en va d’un concile œcuménique jtar rapport à un concile œcuménique antérieur, quand un point défini par celui-ci est réadmis en discussion et défini à nouveau par celui-là. Ainsi la vérité du Filioque et la primauté suprême et universelle du pontife romain avaient été définies, puis publiquement professées par les Grecs, au II' concile de Lyon (Denzing-er-Bannwart, Enchiridion, ïi° 461, suiv.), et l’examen de ces deux articles fut cependant repris au concile de Florence pour aboutir à une nouvelle définition de l’un et de l’autre (Denzinger-Bannw., ibid., no 691). De même, le dogme de la transsubstantiation, défini au IV^ concile de Latran (op. cit., n° 430), fut encore une fois discuté et défini dans la xiii session du concile de Trente. Dirat-on que, dans ces deux cas, le concile qui revient sur un objet déjà traité et déterminé par un précédent concile, l’estime encore douteux ou se croit lui-même supérieur à ses devanciers ? La distinction indiquée et que suppose cette pratique n’est ni fantaisiste ni inventée pour les besoins de la cause. 'Saint Léon l’avait certainement présente à l’esprit lorsque, communiquant au concile de Chalcédoine une sentence irréformable de condamnation contre Eutychès, il inculquait à la fois et le devoir inconditionnel de soumission des évêques et leur droit de ne se prononcer qu’en connaissance de cause, d’examiner et de juger. Quant au premier, qu’on relise l’extrait de sa lettre aux Pères du concile, que nous avons cité ci-dessus (col. 60)). Quant au second, il l’ailirmait tout aussi nettement, en écrivant à Thcodoret (P. L., t. LIV, col. io48) : « La vérité elle-même brille d’un plus pur éclat et se grave plus profondément quand cet examen (épiscopal) vient ensuite confirmer ce que la foi avait enseigné d’abord. En résumé, la dignité du ministère sacerdotal resplendit vivement chaque fois que l’autorité des supérieurs est respectée de telle façon que la liberté des inférieurs n’en souffre aucun détriment. >> 7° Le dernier concile œcuménique, celui du Vatican, a été l’objet ou l’occasion de nombreuses allatpies. Plusieurs, celle, par exemple, qui mettait en doute ou niait la liberté de ses membres, ont été touchées au cours de nos précédentes explications. Je n’n relèverai plus que deux. On a prétendu que désormais, grâce au dogme de l’infaillibilité pontificale, les

conciles ont perdu leur importance et leur autorité traditionnelles, qu'à l’avenir ils « ne seront que des parlements convoqués en lit de justice pour enregistrer les volontés du souverain », que les Pères enfin n’y seront plus des juges, qualité que Rome tendait du reste depuis longtemps à leur enlever, comme le montre le changement de la formule des définitions dogmatiques : jadis, le concile tout entier définissait ; aujourd’hui, c’est le pape qui définit sacro approbante concilio. On ajoute que la proclamation du nouveau dogme est la « suppression virtuelle » des conciles provinciaux et nationaux.

Un mot d’abord du second point. Aussi bien, la réponse, ici, est facile ; des faits récents nous la fournissent. En annonçant la disparition ou quasi-disparition et l’effacement des conciles provinciaux et nationaux, on suppose, naturellement, bien plus on indique que ceci aussi est dans les vœux des souverains pontifes. Or, nous avons vu comment, au siècle passé, Pie IX et Léon XIII ont favorisé par tous les moyens la réunion de ces conciles dans divers pays de l’Europe et jusqu’en Orient, comment, en particulier, ils se sont appliqués à en réintroduire l’usage là où il avait été trop négligé et presque oublié. Le concile du Vatican et ses actes n’ont rien changé à ces dispositions bienveillantes et encourageantes du Saint-Siège ; témoin, entre autres, le concile plénier d’Irlande, en 1876 ; le concile plénier tenu à Baltimore en 1884, qui a été l’un des plus remarquables et des plus féconds de l'époque moderne, et les deux conciles pléniers d’Australie, en 1885 et 1896. Du reste, comment admettre des suites nuisibles pour les conciles particuliers, lorsqu’il n’y en a point pour ceux dont le pouvoir et l’action ont directement le même objet que le pouvoir etl’action des papes, je veux dire les conciles œcuméniques ?

Quant à ceux-ci donc, il est faux que le dogme de l’infaillibilité pontificale doive les diminuer, les réduire au rôle de simples assemblées consultatives. Sans doute, dans certains cas la nécessité relative d’un concile pour supprimer efficacement une erreur ou mettre fin à une controverse regrettable pourra se faire moins vivement sentir, par là même que tous les catholiques sont plus fermement persuadés de la plénitude du pouvoir, qui est dans le pape égale à ce qu’elle est dans un concile. Mais celui-ci une fois réuni, on ne voit point pourqvioi sa nature serait modifiée par la prérogative, non pas nouvelle ni nouvellement crue, mais solennellement définie, de l’infaillibilité du pape. Dans le concile, tout le monde en convient, l’autorité suprême est exercée conjointement par tous les membres. Les évêques conciliairement assemblés constituent autant de juges, de législateurs et de définisseurs. Cette qualité, qu’exprime bien la formule traditionnelle, encore en usage : Ego N. N. definiens subscripsi, loin d'être mise en péril au concile du Vatican, y a été expressément reconnue ; elle est attestée notamment par ces paroles de la constitution dogmatique />e//'7/n/s ; Sedentihus nobiscum et judicantibas unis-ersi orbis episcopis, surtout lorsqu’on les rapproche du commentaire officiel contenu dans les discussions conciliaires. Contre des déclarations si explicites, que valent les insinuations qu’on feint de découvrir dans ces trois mots : Sacro approbante concilio ? Du reste, est-il besoin de remarquer que le changement de formule n’est pas le fait du concile du Vatican et qu’il remonte au ! > concile de Lyon (1245)? Mais il y a plus, les évêques ne cesseraient pas d'être juges et d’agir comme tels, lors même qu’ils se trouveraient en présence d’une question déjà tranchée définitivement par le pontife infaillible : ils seraient alors dans la situation de tout juge et de tout tribunal, qui font véritablement acte d’autorité 627

CONCORDATS

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judiciaire en déclarant aulhentiqiiement le droit, même lorsque les textes de lois sont absolument clairs et ne laissent place qu’à une seule solution. Ici encore nous pourrions tirer argument du rôle des conciles reprenant et redéfinissant des points définis déjà par d’autres conciles, ainsi que des textes de saint Léon cités à ce propos (voir ci-dessus, col. 601). Pour un concile appelé à se prononcer sur un objet déjà réglé souverainement par le pape, l’acte même du pape est un des éléments de la cause, une des données qui devront servir de base à son étude et à son verdict. Même seul, il sufTirait ; mais il n’est pourtant pas le seul à prendre en considération. Il est possible et convenable de rechercher en outre sur quels témoignages scripturaires et traditionnels repose la vérité définie, quelles lumières elle emprunte aux faits historiques ou quelles difficultés elle y rencontre, quelle place elle occupe dans l’ensemble du dogme et quels rapports harmonieux la rattachent à d’autres Aérités révélées, etc. C’est en ce sens, répétons-le pour finir, que les théologiens reconnaissent au concile, dans ce cas, non le droit d’examen dubitatif, mais le droit d’examen approbatif ou confirmatif. [j

Bibliographie. — I. Sources. — Pour les conciles en général, toutes les grandes collections, notamment : Labbe et Cossart, Sacrosancta concilia, 17 vol. in-fol., Paris, 16^4 ; éd. Coleti, 28 fol., Venise, 17281734 ; Hardouin, Acfa conciliorum, Il fol., Paris, 1^15 ; Mansi, Sacrorum Conciliorum nova et amplissima collectioyii fol., Florence et Venise, l’jSg-i’jgS. (C’est la reproduction récente de cette collection qui a été généralement utilisée pour le présent article.) — Quant au concile de Constance : H. von der Hardt, Magnum oecumenicum Constantiense Concilium…, se.r tomis comprehensum, Francfort et Leipzig, 1697-1700 ; Finke, Acta Concilii Constanciensis, t. I, Munster, 1896. Ces deux recueils sont à éclairer par Finke, Forschungen und Quellen zur Geschichte des Konstanzer Konzils, Munster, 1889.

— Sur les conciles récents, qui manquent dans les collections précitées, Collectio f.acensis, Acta et décréta S. Conciliorum recentiorum, 7 aoI. in-4’, Fribourg-en-B., 1 870-1 890 ; le septième volume est consacré aux Acta et décréta Concilii Vaticani. II. Ouvrages. — 1. On trouA’era les principes exposés dans tous les théologiens et canonistes, par exemple : Bellarmin, Controversiæ christianae fidei, tract. De conciliis etEcclesia : Palmieri, Tractatus de Romano Ponti/ice, 2 « éd., Prato, 1891, thés. 28 et 29 ; Mazzella, De Religione et Ecclesia, 4 « éd., Rome, 1892, disp. V, art. 5 ; C. Pesch, Prælectiones dogmaticae, t. I, Fribourg-en-B., 1894, p. 263 suiv. ; Forget, art. Conciles, dans le Dictionnaire de théologie catholique de Vacant-Mangenot ; Phillips, Kirchenrecht, t. II ; Wernz, Jus decreta/iUTO, Rome, 1899, t. II : Jus constitutionis Ecclesiae catholicae, tit. XL, XLI ; Jlinschius, System des kalholischen Kirchenrechts, t. III (l’auteur est protestant, mais très éruditet consciencieux) ; Vacant, Etudes théologiques sur les constitutions du concile du Vatican, 2 vol. in-S », Paris, 1896.

2. Pour la partie historique, on consultera tout d’abord : Hefele, Konziliengeschichte, 7 vol. in-4°, Fribourg, 1855-1871 ; 2" éd., 1878-1890 ; continuation (t. VIII et IX) par Hergenroether, 1887-1890 ; traduction française par Goschler et Delarc, 1 1 vol., Paris, 1869-1876 ; mieux : nouvelle traduction française faite sur la 2*= édition allemande, corrigée et augmentée de notes bibliographiques et critiques, par un religieux bénédictin de Farnborough (Leclercq), Paris, 1907 et suiv. ; — Hergenroether,

Katholische Kirche und christlicher Staat, Fribourg, 1872 ; du même auteur, Handbuch der Kirchengeschichte, 3 vol. in-80, 3’éd., Fribourg, 1884-1886 ; trad. française en 5 vol., Paris, 1880-1890.

Quant à la convocation, la présidence et la confirmation des conciles œcuméniques : Funk, Kirchengeschichtliche Abhandlungen und Untersuçhungen (Paderborn, 1897-1907), t. I, pp. 89, 87, 498 ; t. III, pp. 143, 406.

Quant aux conciles de l’époque du grand schisme : Salembier, Le grand schisme d’Occident, Paris, 1900 ; Jungmann, Dissertationes selectæ in historiam ecclesiasticam, t. VI (Ratisbone, 1886), p. 279 suiv. ; Baudrillart, art. Constance, dans le Dictionnaire de Vacant-Mangenot.

Quant au concile du Vatican : Granderath et Kirch, Geschichte des Vaticanischen Konzils, 3 vol. in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1908-1906 ; trad. française par les PP. Jésuites d’Enghien, t. I, 1908 ; Forget, Le concile du Vatican, dans la Revue d’Histoire ecclés., n° 1 de 1906 et ix" i de 1909.

J. Forget.