Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Coligny (Amiral de)

Dictionnaire apologétique de la foi catholique
Texte établi par Adhémar d’AlèsG. Beauchesne (Tome 1 – de « Agnosticisme » à « Fin du monde »p. 302).

COLIGNY (AMIRAL DE). — On a beaucoup écrit sur Gaspard de Cliàtillon, seigneur de Coligny, qu’on a regardé souvent comme le chef austère du protestantisme français ; et il a été représenté tantôt comme un rebelle, tantôt comme une victime du devoir et de la vertu. Au fond, celui qu’on appelait d€ son temps « l’amiral » ne fut qu’un chef de parti, très personnel, très ambitieux, et que les circonstances, plus que les convictions, jetèrent dans la lutte.

Il n’est pas d’historien aujourd’hui qui ne reconnaisse que le meurtre de Coligny fut un crime purement privé et que si l’assassin payé par les Guise avait réussi du premier coup, la Saint-Barthélémy n’aurait pas eu lieu. Ce fut une vieille querelle politique, une haine ou vengeance de famille, qui dégénéra en fanatisme religieux, en exécution générale, favorisée par le pouvoir, organisée en partie par lui, si bien qu’on a pu dire plus tard que Coligny était mort martyr pour sa foi, quand, en réalité, la religion n’était pas en cause.

Comment les Chàtillons devinrent-ils protestants ? Furent-ils choqués des abus qui s’étaient introduits dans le culte catholicfue ; voulurent-ils protester contre les mœurs relâchées des moines ou du clergé ? Nullement. Il leur aurait fallu d’abord renier leur frère le cardinal, qui jusqu’au bout, apostat et marié, resta titulaire de ses nombreux bénéfices ecclésiastiques. Ils se séparèrent de leurs compagnons d’armes, d’une partie de leur famille, qui était certes illustre, par dépit de ce qu’on ne reconnaissait pas leurs }nérites et qu’ils n’obtenaient pas la première place, f’e fut la coupure en deux factions rivales de la vieille noblesse française : ils allèrent du côté des Bourbons et des Condé, quand la cour abandonna le gouvernement aux représentants de la maison de Lorraine, le duc de Guise et le cardinal de Lorraine, oncles de la jeune Marie Stuart.

C’est au commencement de 1560 que Coligny passa au protestantisme, dont il resta le chef un peu plus de dix ans. Quelle fut alors sa conduite ?

Il ne semble pas avoir trempé dans la conjuration d"Amboise et se tint prudemment à l’écart. Mais, dès la première guerre civile, son but avoué est de s’emparer du roi et de la reine mère pour conquérir ainsi le pouvoir. Battu à Dreux, il n’a jamais pu se disculper de sa complicité dans l’assassinat du duc François de Guise devant Orléans. Ayant obtenu pour lui et ses coreligionnaires une liberté de conscience, très large pour le temps, pourquoi a-t-il deux fois recommencé la guerre ? Quel motif avait-il de surprendre Charles IX et la cour à Meaux ? Pourquoi laissa-t-il ses partisans saccager les églises, brûler les objets d’art et les monuments, provoquant les représailles des catholiques ? Au fond, comme tous les hommes de son époque, il n’avait aucune idée de la tolérance et de la liberté. Il combattait pour la domination aussi bien religieuse que politique. La patrie pour lui n’existait pas davantage, puisqu’il ne cessa de faire appel à l’étranger et que sa correspondance révèle ses rapports de chaque jour avec la reine Elisabeth et les Anglais, — alors les plus grands ennemis de la France, — auxquels il a livré le Havre, et dont il reçut des secours en soldais et en argent ; avec les Allemands du duc Casimir de Bavière, que deux fois il fit entrer en France accompagné de ses reîtres.

Quand les Lorrains et Catherine de Médicis le firent tuer à Paris, il était sur le point de s’emparer de l’esprit de Charles IX et de prendre sa revanche. Et ce fut même la raison déterminante d’un « conseil né de l’occasion », comme dit Tavannes.

L’amiral de Coligny ne fut ni un grand guerrier, ni un grand caractère. Il se montra chef de parti tenace, hautain, sans générosité : ce qui n’excuse pas les violences de ses adversaires ; mais ce qui explique les malheurs que les uns et les autres causèrent à la France, et dont tant de traces subsistent encore. — Voir l’article Barthélémy (la Saint).

On peut consulter sur Coligny, dans le sens catholique et dans le sens protestant : L’histoire de Coligny, par le comte de Laborde, 3 vol. ; L’amiral Coligny, par Jules Teissier ; Gaspard de Coligny, par M. de Caraman-Chimay ; Coligny, amiral de France, par M. A. -M. Whitehead ; L’amiral de Coligny. La Maison de Châtillon et la révolte protestante, par M. Ch. Merki ; Le Correspondant du 26 février 1876.

Comte G. Baguenault de Puchesse.