Reine-Blanche (rue de la).
Cette rue a été ouverte à la fin de l’année 1393, sur
une partie de l’emplacement de l’ancien hôtel de la
Reine-Blanche, « qui fut démoli, dit Sauval, comme
complice de l’embrasement de quelques courtisans qui y
dansèrent avec Charles VI, ce fameux ballet des Faunes,
si connu. » Voici de quelle manière les principaux historiens
nous racontent cet événement : Isabeau de Bavière,
pour fêter les noces d’une dame allemande à laquelle
elle était sincèrement attachée, résolut de donner un
bal le 29 janvier 1393, dans l’ancien hôtel de la Reine-Blanche,
au village de Saint-Marcel. À cette occasion
elle invita les principaux seigneurs de la cour. Parmi
les personnes qui partageaient les plaisirs de Charles VI,
se trouvait un jeune débauché nommé Huguet de
Guisay. Pour faire sa cour au roi il inventa une nouvelle
mascarade. Le costume que devaient porter le
roi, de Guisay et quatre autres seigneurs, était composé,
selon quelques historiens, d’une toile gommée qui prenait
exactement la forme du corps ; cette toile fut encore
enduite de poix, sur laquelle on colla de la filasse.
Il est d’autres écrivains dignes de foi, qui prétendent
que la nudité fut encore plus complète, et que les acteurs
se contentèrent de leur vêtement naturel sur lequel ils
appliquèrent, il est vrai, quelques morceaux de filasse.
Ainsi équipés et le visage couvert d’un masque, le roi
de France, Guisay, Nantouillet, le comte de Joigny, le
bâtard de Foix et Aimeri de Poitiers, tous attachés par
des chaînes, entrèrent en dansant dans la salle du bal.
Cette apparition grotesque souleva l’hilarité générale.
Le duc d’Orléans, excité par de fréquentes libations, et
cherchant à reconnaître les acteurs de cette comédie,
prit un flambeau qu’en trébuchant il approcha d’un
masque ; soudain le costume s’enflamme ! Le malheureux
patient veut fuir, sa chaîne le retient et le feu se
communique aux cinq autres ! La salle est embrasée.
La reine effrayée tombe évanouie !… Le roi allait être
étouffé sans la duchesse de Berri, qui, conservant toute
sa présence d’esprit, enveloppe le prince dans sa robe,
et parvient à éteindre le feu qui le dévorait. Nantouillet
débarrassé de sa chaîne, court et se plonge dans une
cuve pleine d’eau. Le jeune comte de Joigny expire
dans les douleurs les plus cruelles. Le bâtard de Foix
et Aimeri de Poitiers périrent le surlendemain. Les
tortures de Guisay durèrent encore trois jours. Cet
homme aussi cruel que débauché avait l’habitude de
frapper, de torturer ses domestiques. Lorsque la souffrance
arrachait quelques plaintes au patient, sa colère
s’en augmentait encore, il le faisait périr sous les coups,
en s’écriant : aboye chien ! Le peuple qui a bonne mémoire,
répéta en jetant de la boue au cadavre de Guisay :
« Te voilà mort infâme, aboye donc à ton tour ! chien ! »
Le bruit de ce malheureux événement jeta l’alarme
dans tout Paris. Pour l’apaiser, le roi fut obligé de se
montrer à plus de cinq cents bourgeois accourus au
village de Saint-Marcel. Dès le lendemain les ducs de
Berri, de Bourgogne et d’Orléans allèrent en procession,
nu-pieds, de la porte Montmartre à l’église Notre-Dame,
où le roi vint à cheval et entendit avec eux une
messe solennelle en action de grâces de sa conservation.
Charles VI ordonna sur le champ la démolition de l’hôtel
de la Reine-Blanche, et sur son emplacement fut construite,
comme nous l’avons dit plus haut, une rue qui
rappelle encore aujourd’hui cette habitation royale. — Une
décision ministérielle à la date du 23 frimaire
an VIII, signée Laplace, a fixé à 7 m. la largeur de la
rue de la Reine-Blanche. Le bâtiment situé en face
du no 6 est aligné. Les propriétés nos 2 et 4 ne sont
soumises qu’à un faible retranchement. — Conduite
d’eau dans une partie.