Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments/Q

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Q

Q.

Quincampoix (rue).

Commence à la rue Aubry-le-Boucher, nos 16 et 18, finit à la rue aux Ours, nos 17 et 19. Le dernier impair est 93 ; le dernier pair, 80. Sa longueur est de 324 m. — 6e arrondissement, quartier des Lombards.

Des actes de 1210 lui donnent cette dénomination. Le vieux Guillot de Provins, qui écrivait en 1300, l’appelle Quinquenpoit. Selon Sauval et Lebœuf, ce nom lui vient d’un seigneur de Quinquenpoit, qui en avait fait construire la première maison. — Une décision ministérielle du 21 prairial an X, signée Chaptal, avait fixé la largeur de cette voie publique à 7 m. Cette largeur a été portée à 10 m., en vertu d’une ordonnance royale du 16 mai 1836. Propriétés de 1 à 21, retranch. 2 m. 10 c. à 2 m. 70 c. ; de 23 à 39, ret. 3 m. ; encoignure droite de la rue de Rambuteau, alignée ; de 49 à 59, ret. 2 m. 80 c. à 3 m. ; 61, ret. 2 m. 70 c. ; de 63 à 73, ret. 2 m. 10 c. à 2 m. 50 c. ; de 75 à 83, ret. 2 m. à 2 m. 40 c ; 85, ret. réduit, 2 m. 70 c. ; 87, ret. réduit, 3 m. 10 c. ; 89, ret. réduit, 3 m. 50 c. ; 91, ret. réduit, 3 m. 80 c. ; 93, ret. réduit 4 m. 30 c. ; 2, ret. 3 m. 10 c. ; 4, ret. réduit, 2 m. 60 c. ; de 6 à 26, ret. 1 m. 80 c. à 2 m. 30 c. ; 28, alignée ; de 30 à 34, ret. 1 m. 40 c. à 1 m. 60 c. ; 36, alignée ; encoignure gauche de la rue de Rambuteau et maison no 46, alignées ; 50, ret. 1 m. 50 c. ; 52, ret. 60 c. ; 54, 56, ret., 1 m. 40 c. ; 58, 60, alignées ; de 62 à 70, ret., 1 m. 93 à 2 m. 60 c. ; 72, 74, ret., 1 m. 60 c. ; 76, ret. réduit, 1 m. 90 c. ; 78, ret. réduit 1 m. ; 80, ret. réduit 30 c. — Conduite d’eau depuis la rue Aubry-le-Boucher jusqu’à la borne-fontaine. — Éclairage au gaz (compe Française).

La rue Quincampoix est célèbre par le jeu effroyable que toute la France vint y jouer. Louis XIV en mourant avait laissé l’État grevé d’une dette de deux milliards soixante-deux millions. Pour faire regorger les traitants, le régent établit d’abord une chambre ardente. Cet expédient ne fut qu’un insuffisant palliatif. Un Écossais, Law, fils d’un orfèvre ou usurier d’Édimbourg, vint alors proposer l’établissement d’une banque générale, où chacun pourrait porter son argent, et recevoir en échange des billets payables à vue. Cette banque offrait pour hypothèque le commerce du Mississipi, du Sénégal et des Indes-Orientales. Par édits des 8 et 10 mai 1716, elle fut établie rue Vivienne, dans une partie de l’ancien palais Mazarin. Mais bientôt la rue Quincampoix fut le centre de cet agiotage. Le 4 décembre 1718, le régent érigea cet établissement en banque royale, et Law en fut nommé directeur. Le 27 du même mois, un arrêt du conseil défendit de faire en argent aucun paiement au-dessus de 600 livres. Cet arrêt prohibitif amena des contraventions qui mirent dans toute sa nudité la partie la plus vile du cœur humain, la soif de l’or ! La voix de la nature, la voix de l’équité, furent étouffées ; il y eut des confiscations ; les dénonciateurs furent excités, encouragés, récompensés. On vit des valets trahir leurs maîtres, qui dans leur sagesse cherchaient à conserver l’argent qu’ils possédaient. Le frère fut vendu par le frère et le père par le fils. Des noms respectables disparurent, des noms flétris prirent leur place et brillèrent. Un personnage grotesque barbotta au milieu de cette fange. C’était un pauvre diable que le caprice de la nature avait favorisé d’une protubérance sur le dos ! Son industrie consistait à louer sa bosse aux agioteurs, qui, au milieu de cette foule, s’en servaient comme d’un pupitre. Si la banque avait duré longtemps, la bosse eût été sans doute à la mode. En 1719, cet établissement commençait déjà à tomber en discrédit. Des marchands anglais et hollandais se procurèrent alors à bas pris des sommes considérables en billets ; ils se firent rembourser par la banque et emportèrent hors du royaume plusieurs centaines de millions en numéraire.

Le mécontentement éclata bientôt. Pour calmer les esprits, le régent destitua Law de ses fonctions de contrôleur-général. Ces billets de la banque étaient, comme nous l’avons dit, hypothéqués sur des établissements à créer dans le Mississipi. Pour les peupler on commença par faire arrêter tous les mauvais sujets et les filles publiques détenus dans les prisons. La mesure aurait été bonne si l’on se fût borné à faire disparaître cette écume, mais on abusa bientôt de cette épuration. On s’empara d’une assez grande quantité d’honnêtes artisans. Des femmes, dans l’espoir de vivre sans crainte avec leurs amants, payèrent des archers pour envoyer promener leurs maris au Mississipi. Des fils, pour jouir plus vite des biens de leurs pères, usèrent du même moyen ; enfin, le peuple indigné se révolta, battit, tua quelques archers, et le ministre intimidé fit cesser cette odieuse persécution. Un édit du 21 mai 1720 ordonna la réduction graduelle de mois en mois des billets et des actions de la compagnie des Indes. Cette mesure fut révoquée vingt-quatre heures après, mais elle avait déjà porté un coup mortel à la banque. Law se vit dépouiller de sa dernière place de directeur.

Le régent garda l’Écossais dans son palais pendant tout le mois de décembre de cette année. Law avait peur. Dans sa pauvreté il s’était battu à toutes les armes en forme de partie de plaisir ; lorsqu’il fut riche il devint poltron au-delà de toute idée, parce que, disait-il, « je ressemble à la poule aux œufs d’or, qui morte ne vaudrait pas davantage qu’une poule ordinaire. » Il parvint à gagner secrètement une de ses terres. Des princes enrichis par son système eurent alors la pudeur de favoriser sa fuite. Law se retira à Venise où il termina son existence maudite par tant de malheureuses familles. Ce mouvement prodigieux qui avait donné à toute la nation les convulsions du délire, aurait pu être utile à l’État, s’il eût été plus modéré. La machine, quoique brisée par un rouage trop rapide, portait l’empreinte d’un génie neuf et hardi. Le régent, qui n’était pas sans talent, pleura sur ses débris. On a fait monter à six milliards la masse de cette richesse idéale. Si ce fut le comble de la folie de croire à cette fortune prodigieuse, ce serait une sottise encore plus grande de ne pas apprécier tout le jeu que cette opération, bien montée, sagement conduite, eût pu facilement imprimer au commerce et à l’industrie de la nation.

Quinze-Vingts (église des).

Située dans la rue de Charenton, no 38. — 8e arrondissement, quartier des Quinze-Vingts.

C’était autrefois la chapelle des mousquetaires noirs. Elle avait été achevée en 1701. Cette église, que la ville tient à location, n’offre rien de remarquable ; elle est aujourd’hui la seconde succursale de la paroisse Sainte-Marguerite.

Quinze-Vingts (hospice royal des).

Situé dans la rue de Charenton, no 38. — 8e arrondissement.

Chaque époque historique compte au moins un homme qui la représente.

« Saint Louis, dit M. de Châteaubriant, est l’homme modèle du moyen-âge ; c’est un législateur, un héros et un saint. Le temps où il a vécu rehausse encore sa gloire par le contraste de la naïveté et de la simplicité de ce temps. Soit que Louis combatte sur le pont de Taillebourg ou à la Massoure ; soit que dans une bibliothèque il rende compte de la matière d’un livre à ceux qui le viennent demander ; soit qu’il donne des audiences publiques ou juge des différends aux plaids de la Porte, ou sous le chêne de Vincennes, sans huissiers ou gardes ; soit qu’il résiste aux entreprises des papes ; soit que des princes étrangers le choisissent pour arbitre ; soit qu’il meure sur les ruines de Carthage, on ne sait lequel le plus admirer, du chevalier, du clerc, du patriarche, du roi et de l’homme. Marc-Aurèle a montré la puissance unie à la philosophie, Louis IX la puissance unie à la sainteté : l’avantage reste au chrétien. »

Parmi les grands établissements créés par le saint roi, l’hospice des Quinze-Vingts figure au premier rang. Mais si tous les historiens se sont trouvés d’accord pour faire honneur de cette pieuse fondation à Louis IX, deux opinions différentes ont été avancées sur la destination première de cet asile.

« Avant le XIIIe siècle, dit Jaillot, dont l’avis est partagé par plusieurs autres écrivains, les pauvres aveugles de la ville de Paris s’étaient réunis dans le but de former une société ou congrégation, dont les membres devaient vivre en commun des ressources que leur procurait la charité des fidèles. Mais souvent ces infortunés manquaient de secours lorsque l’âge et les infirmités ne leur permettaient plus de les aller chercher au loin. »

Saint Louis, le premier, établit un hôpital destiné à recevoir ces aveugles qui devaient être au nombre de trois cents, nourris et entretenus aux frais de la couronne ; c’est ce nombre de 300 qui leur a fait donner le nom de Quinze-Vingts.

Rutebœuf, poète contemporain, espèce de singe qui parodiait tout ce qui était grand et noble, rappelle ainsi cette fondation :

» Li roix a mis en un repaire,
» Mes je ne sais pas pourquoi faire,
» Trois cents aveugles tote à rote.
» Parmi Paris en va trois paires,
» Tote jor ne finent de braire.
» As trois cents qui ne voient gote
» Li uns sache, li autre bote,
» Se se donnent mainte secosse,
» Qu’il n’y a nul qui lor éclaire :
» Si feux y prend, ce n’est pas dote,
» L’ordre sera bruslée tote,
» Saura li roix plus à refère. »

Voici la traduction de ces vers : Le roi a mis dans une retraite, mais je ne sais pourquoi faire, trois cents aveugles qui parcourent Paris par troupes de six et ne cessent de braire toute la journée. De tous ces gens qui ne voient goutte, les uns tâtonnent, les autres buttent, chacun reçoit mainte contusion, car personne ne les conduit. Si jamais le feu prend à leur maison, il n’y a pas de doute que l’ordre entier ne soit brûlé ; si bien que pour le roi ce serait tout à refaire.

D’autres écrivains ont avancé que saint Louis avait fondé cet établissement pour donner asile à trois cents chevaliers auxquels les Sarrazins avaient fait crever les yeux. Les lettres-patentes données au mois de mai 1546 par François Ier, semblent confirmer cette opinion. On lit dans ces lettres portant règlement de l’hospice des Quinze-Vingts

« François, par la grâce de Dieu, roy de France, à tous présents et advenir salut et dilection… Comme de tout temps et ancienneté, pour la nourriture, hospitalité et entretennement, des povres mallades impuissans de gaigner leurs vies, affluans en nostre royaulme, paiis, terres et seigneuries, aiient esté par nous et noz prédécesseurs roys, fondez plusieurs lieux pitoyables, Maison-Dieu et hospitaulz, ez quels lieux ils sont reçus nourris et alimentez, selon les facultez du revenu, ordonnance et statutz d’iceulz, entre les quels lieux pitoyables auroit esté, par feu nostre progéniteur le roy saint Loys, fondez en nostre bonne ville et cité de Paris, la maison et hospital des 15/20 de Paris, en mémoire et récordation de trois cents chevaliers qui en son temps et règne eurent les yeulz crevés pour soustenir la Foy catholique, etc… »

Telles sont les deux opinions soutenues par les écrivains qui ont fait de l’histoire de Paris une étude spéciale. Quoi qu’il en soit, il parait certain que la fondation de l’hôpital des Quinze-Vingts eut lieu vers l’année 1254. On choisit un terrain appelé Champourri, et situé dans la censive de l’évêque, à l’endroit où nous voyons aujourd’hui les rues Rohan, de Beaujolais, etc… Les bâtiments élevés sous la direction du célèbre architecte Eudes de Montreuil furent achevés vers 1260. Dès son origine cet établissement obtint de généreux témoignages de la charité publique. Saint Louis lui fit don d’une rente de quinze livres parisis, et vers la même époque la chapelle des Quinze-Vingts fut placée sous l’invocation de saint Remi.

La congrégation des aveugles dépendait de l’église de Saint-Germain-l’Auxerrois ; mais en vertu d’un traité conclu au mois de juin 1282, les Quinze-Vingts abandonnèrent à cette église 10 livres 10 sols de rente qui leur avaient été assignées par Guillaume Barbier, dit Pied-de-Fer. Le chapitre de Saint-Germain-l’Auxerrois leur céda en échange la dime du territoire de leur congrégation, avec le droit d’avoir un cimetière et d’élever à la hauteur de deux toises au-dessus du toit de leur chapelle, deux cloches du poids de deux cents livres chacune. — Au XIVe siècle, le nombre des malheureux privés de la vue était si considérable à Paris, que Philippe-le-Bel ordonna, en 1309, que les membres de la maison fondée par saint Louis, porteraient à l’avenir une fleur de lys sur leurs habits pour être distingués des autres congrégations d’aveugles. — En 1412, le pape Jean XXIII exempta l’hôpital des Quinze-Vingts de la juridiction de l’évêque de Paris, pour le soumettre à celle du grand aumônier de France. — Au commencement du XVIe siècle, de graves désordres s’étaient introduits dans presque toutes les communautés religieuses, et la maison des Quinze-Vingts n’avait point été épargnée par cette contagion. François de Moulins, grand aumônier, voulut donner en 1521 de nouveaux règlements à la maison des aveugles, mais la sévérité excessive des statuts qu’il proposa le 29 juillet de cette année, les fit rejeter par tous les membres de la congrégation. Geoffroy de Pompadour, successeur de François de Moulins, rédigea d’autres ordonnances qui furent enfin registrées au parlement le 6 septembre de la même année. Ces règlements subsistèrent jusqu’en 1546. Au mois de mai de cette année, François Ier les modifia et les rendit plus rigoureux. On exigea bientôt des aveugles le serment de se soumettre aux statuts de la congrégation. Ce serment, dont la forme fut arrêtée en 1547, était ainsi conçu : « 1o Vous jurés et promettés sur la part que vous prétendés en paradis et sur les sains évangiles, que vous touchés présentement, de répondre vérité et d’observer et garder ponctuellement pendant toute votre vie les choses à quoy vous vous allés obliger. — 2o Vous jurés et promettés de vivre le reste de vos jours dans la religion catholique, apostolique et romaine. — 3o Vous jurés suivant et conformément aux statuts de l’hospital de vous confesser toutes les bonnes festes de l’année et spécialement à Noël, le premier dimanche de Carème, Pasques, Penthecoste, Assomption de Nostre-Dame et la Toussaint, et de recevoir le précieux corps de Nostre Seigneur aux quatre bonnes festes annuelles et à l’Assomption de Nostre-Dame. — 4o Item. Vous promettés de dire par chacun jour de l’année le matin et soir cinq fois pater et cinq fois ave pour le roy, et pour toute la maison royale, pour monseigneur le grand aumônier, messieurs les gouverneurs et pour tous les bienfaiteurs de cet hospital. 5o Item. Vous promettés d’assister bien dévottement aux grandes messes et prières qui se chantent et disent tous les dimanches et festes de l’année en l’église de céans, pourveu que vous n’ayés cause légitime qui vous en empesche. — 6o Item. Vous promettés d’assister dévouement et modestement aux services qui se diront dans les églises et monastères de cette ville et fauxbourgs de Paris, pour les bienfaiteurs de cet hospital, et aux processions tant royales qu’outres, quand vous y serés appelles. — 7o Item. Vous promettés d’obéir, de porter honneur et respect à monseigneur le grand aumônier, messieurs les gouverneurs et grands vicaires, maître, ministre et jurés. — 8o Item. Vous promettés de garder exactement les secrets de l’hospital ny les revèler à père ny mère, parens et amis, ny à quelque personne que ce soit. — 9o Item. Vous promettés d’apporter céans tous et chacun vos biens de quelque nature qu’ils soient, soit meuble ou immeuble et déclarer où vos biens sont scitués sans en rien retenir et de ne rien transporter hors de l’hospital sans le congé des gouverneurs, maître, ministre ou de leur commandant. — 10o Item. Vous promettés de ne vendre ny transporter hors de l’hospital ny à quelque personne que ce soit, s’il n’est frère ou sœur de céans, la part et portion du bled, pain ou sel qui vous sera donné par le ministre ou par son ordre — 11o Item. Vous promettés que si vous apercevez le domage de l’hospital au dessus de 12 deniers parisis, vous en avertirés incontinent les gouverneurs, maître ministre ou jurés. — 12o Item. Vous promettés de ne coucher hors de l’hospital pour longtemps qu’une nuict sans congé, et à votre retour vous vous présenterès aux maître, ministre ou jurés, sitost dans l’hospital, comme aussi de ne retirer ou coucher aucuns étrangers sans le congé de maître, ministre ou jurés. — 13o Finalement vous promettés d’observer et garder inviolablement les statuts, ordonnances, réglemens de cet hospital, sous les peines y portées et à cest effet de vous les faire souvent lire pour les retenir et pratiquer. »

Articles pour les Frères voyans.

« Item. Vous promettés de mener et ramener charitablement les frères aveugles allans en questes aux églises, monastères de ceste ville et fauxbourgs de Paris, et par tout ailleurs, et les ayder et conforter du mieux que vous pourrés lorsqu’ils auront besoin de votre ayde et que vous en serés requis. — Item. Vous promettés que si pour les affaires de la maison on vous envoye hors de la ville et des fauxbourgs de Paris, que vous irés et que vous exécuterés ponctuellement les ordres qui vous ont esté donnés par l’hospital auquel vous rendrés compte sitot et incontinent vostre retour. »

Le bâtiment de l’ancien hôpital des Quinze-Vingts, ouvrage d’Eudes de Montreuil, était assez remarquable. Cependant l’abbé Lebœuf semble douter que l’édifice qu’on voyait de son temps remontât au règne de saint Louis. Selon cet écrivain la partie la plus ancienne ne datait que du XVe siècle, et cinq chapelles construites pour agrandir l’église avaient été bénites en 1530 ; le reste de l’édifice lui paraissait encore plus moderne, à l’exception, ajoute le même historien, de trois statues placées dans des niches du portail au nord de l’église et provenant du bâtiment antérieur. « L’une de ces statues, dit Hurtaut, représentait saint Louis ; elle était mal exécutée, à la vérité, mais, si l’on en croit les antiquaires, très ressemblante. Plusieurs degrés qu’il fallait descendre pour entrer dans cette église font voir que le terrain s’est fort haussé depuis quelques siècles. » — Aucun changement important n’eut lieu dans cet ancien établissement jusqu’en 1779. À cette époque, des lettres-patentes, relatives au déplacement de l’hôpital, furent données à Versailles. Ces lettres sont du mois de septembre et contiennent ce qui suit : « Article 1er. L’hôpital royal des Quinze-Vingts sera et demeurera transféré, comme nous le transférons par ces présentes, pour avoir lieu le plus tôt que faire se pourra dans l’hôtel anciennement occupé par nos mousquetaires de la deuxième compagnie, situé à Paris, rue de Charenton, etc… — Article 4e. Au moyen de la translation du dit hôpital, autorisons notre cousin le cardinal de Rohan à vendre, en vertu des présentes, tous les terrains et bâtiments généralement quelconques formant l’enclos actuel du dit hôpital, etc… — Art. 8e. Voulons que des premiers deniers qui proviendront de l’emplacement actuel et dépendances du dit hôpital il soit versé en notre trésor royal, la somme de cinq millions de livres, de laquelle somme il sera passé contrat de constitution d’une rente annuelle et perpétuelle de 250 000 livres au profit du d. hôpital, à titre de remplacement et augmentation et de dotation payable entre les mains de son trésorier, de trois mois en trois mois, etc… — Art. 9e. Le surplus de la dite vente sera employé au paiement des 450 000 livres, prix de l’acquisition de l’hôtel des Mousquetaires, etc… — Art. 10e. Seront tenus les acquéreurs de l’enclos actuel des Quinze-Vingts d’ouvrir les rues et passages, tels qu’ils sont désignés dans le plan par nous vu, arrêté et annexé sous le contr’scel des présentes, etc… » — Conformément à ces lettres-patentes, la vente fut effectuée. On démolit les bâtiments des Quinze-Vingts ainsi que leur église, et sur leur emplacement on ouvrit, en 1781, les rues de Beaujolais, de Chartres, de Montpensier, des Quinze-Vingts, Rohan et de Valois. (Voyez ces articles.) — Après quelques changements nécessités par la nouvelle destination, les Quinze-Vingts furent installés dans l’hôtel des Mousquetaires, construit en vertu des lettres-patentes du juillet 1699.

Quelque temps après, des modifications importantes furent introduites dans le régime intérieur de cet établissement, et l’on fixa le nombre des pauvres aveugles à huit cents. Un arrêt du parlement du 14 mars 1783 ordonna qu’on réserverait dans cet hôpital vingt places pour les pauvres de la province, atteints de maladies d’yeux. La même faveur était accordée aux pauvres de Paris.

Sous la république, l’ancienne organisation de cet établissement fut changée. Un décret de la Convention Nationale du 31 janvier 1793 porte ce qui suit : « La Convention Nationale décrète que le département de Paris fera apposer dans le jour les scellés sur les papiers relatifs à l’administration et au chapitre des Quinze-Vingts. Ordonne que le département de Paris fera également apposer les scellés sur la caisse de l’administration des Quinze-Vingts ; qu’ils feront lever à l’instant en présence des parties intéressées, et que l’état vérifié, les fonds qui s’y trouveront seront déposés à la trésorerie nationale. Charge le département de Paris de pourvoir jusqu’au décret définitif à tous les besoins de l’établissement des Quinze-Vingts, et décrète qu’à cet effet la trésorerie nationale tiendra à sa disposition la somme de 20 000 livres. »

Parmi les documents qui nous restent à reproduire, celui qui va suivre n’est pas le moins curieux :

« Séance du sextidi, 26 brumaire, l’an II de la république française une et indivisible. — L’administration des Quinze-Vingts apporte tous les objets de charlatanisme des prêtres ; entr’autres la fameuse chemise de saint Louis qui se trouve n’être qu’une chemise de femme.

» Le conseil-général arrête que cette chemise sera brûlée dans le sein du conseil, ce qui a été exécuté sur-le-champ, et quant aux autres objets d’or et d’argent, le conseil arrête qu’ils seront envoyés à la Monnaie.

» Mention civique de la conduite de l’administration des Quinze-Vingts : insertion aux affiches de la commune.

» Et sur la proposition d’un membre, le conseil arrête que la maison des Quinze-Vingts s’appellera Maison des Aveugles. » (Registre de la Commune, tome II, page 13 345.)

Sous la restauration, le grand aumônier de France fut de nouveau chargé de la direction de cet établissement.

Une ordonnance royale du 31 août 1830 porte que l’hospice des Quinze-Vingts sera régi sous l’autorité du ministre du commerce et des travaux publics, par un conseil d’administration composé de cinq membres.

Le règlement aujourd’hui en vigueur a été adopté par ce ministre, le 31 décembre 1833. L’article 16 est ainsi conçu : « Toutes les fois qu’il n’aura pas été élevé de réclamations pour défaut d’indigence ou de cécité, chacun des aveugles admis recevra, à titre de rétribution alimentaire et journalière, le traitement de membre interne de l’hospice s’élevant à 1 fr. 30 c. par jour, ou 474 fr. 50 c. par an, et composé comme il suit, savoir :

1o 1 fr. 2 c. 3/4 par jour en argent, faisant 375 »
2o En pain, 20 onces par jour, calculé à raison de 15 cent. la livre, faisant par année 68 50
3o Un habillement complet, donné tous les deux ans et calculé à raison de 8 cent. 1/2 par jour, faisant par année 31 »
Somme totale
474 50
Les maris et femmes voyants des aveugles reçoivent 30 cent. par jour en argent, ou par année 109 50
Chaque enfant au-dessous de 14 ans reçoit 15 cent. par jour, ou par année 54 75
Ce qui revient par année :
Pour un aveugle célibataire, à 474 50
Pour un aveugle marié sans enfant, à 584 »
Pour un aveugle marié avec un enfant, à 638 75
Pour un aveugle marié avec deux enfants, à 693 50

Et ainsi de suite en ajoutant 54 fr. 75 c. pour chaque enfant.

Indépendamment des secours accordés aux membres de l’hospice, 700 pensions ont été successivement créées en faveur d’aveugles externes, savoir 100 pensions de 200 fr. ; 250, de 150 fr., et 350, de 100 fr. Les choix se font parmi les aveugles de tous les départements.

Quinze-Vingts (passage des).

Commence à la rue Saint-Louis, no 6 ; finit à la rue Saint-Honoré, no 265. — 1er arrondissement, quartier des Tuileries.

Ce passage tire son nom de l’hôpital des Quinze-Vingts, qu’on voyait encore en cet endroit en 1779.

Quinze-Vingts (rue des).

Commence à la rue de Valois, nos 3 et 5 ; finit à la rue Rohan, nos 20 et 22. Le dernier impair est 3 ; le seul pair, 2. Sa longueur est de 24 m. — 1er arrondissement, quartier des Tuileries.

Elle a été ouverte, en 1780, sur l’emplacement de l’hôpital royal des Quinze-Vingts. Sa largeur fut alors fixée à 6 m. 20 c. — Une décision ministérielle du 3 messidor an IX, signée Chaptal, a porté cette largeur à 7 m. (Voyez rue de Beaujolais-Saint-Honoré.) — Les constructions du côté des numéros impairs devront reculer de 80 c. environ ; celles du côté opposé sont alignées. — Conduite d’eau. — Éclairage au gaz (compe Anglaise).

Juillet 1844.
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