Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments/Louvre (place du)


Louvre (place du).

Commence aux quais du Louvre et de l’École, no 34 ; finit à la place de l’Oratoire et à la rue des Poulies, no 2. Pas de numéro impair ; ce côté est bordé par la colonnade du Louvre ; le dernier pair est 26. Sa longueur est de 205 m. — 4e arrondissement ; le côté gauche et les numéros de 2 à 10 sont du quartier du Louvre ; les numéros de 12 à 26 dépendent du quartier Saint-Honoré.

En 1300 et 1313, une voie publique nommée Osteriche, depuis Autriche, régnait le long de l’ancien Louvre et aboutissait au quai. Elle prit plus tard la dénomination de rue du Petit-Bourbon, en raison de l’hôtel du Petit-Bourbon, dont nous parlerons dans le cours du présent article. En 1806, on lui donna le nom de place d’Iéna ; en 1814, celui du Louvre. — Une décision ministérielle du 17 frimaire an XI, signée Chaptal, a fixé l’alignement de cette voie publique. Propriétés de 2 à 6, retranch. 6 m. à 8 m. 50 c. ; maison à l’encoignure gauche de la place Saint-Germain-l’Auxerrois, ret. réduit 2 m. 20 c. ; celles de 8 à 18 devront avancer sur leurs vestiges actuels ; 20, alignée ; 22, redress. ; 24, ret. 60 c. ; 26, alignée. — Égout entre le quai et la rue des Fossés-Saint-Germain-l’Auxerrois. — Éclairage au gaz (compe Anglaise).

Dans la rue d’Autriche on voyait l’hôtel du Petit-Bourbon, ainsi dénommé parce qu’il servait de demeure aux ducs de Bourbon. Cet hôtel avait été bâti peu de temps après que Philippe-Auguste eût fait augmenter le Louvre. Il fut réparé sous les règnes de Charles V et Charles VI. Le connétable de Bourbon ayant été déclaré criminel de lèse-majesté, une partie de la demeure du Petit-Bourbon fut démolie en 1527, et l’on sema du sel sur ce terrain ; la couverture et les moulures de la porte principale furent barbouillées de ce jaune infamant dont le bourreau brossait les maisons des criminels de lèse-majesté. On voyait encore du temps de Sauval des armoiries brisées et à demi-effacées ; une tour en partie rasée se trouvait près de la rivière. Parmi les bâtiments conservés, on remarquait aussi une galerie d’une grande étendue ; on y tint, en 1614 et 1615, l’assemblée des états ; plus tard elle servit de théâtre, et la cour y donnait des fêtes. Plusieurs fois Louis XIV, dans sa jeunesse, vint danser publiquement dans cette salle. Ce théâtre fut accordé, en 1658, à la troupe de Molière. Deux ans après, les comédiens abandonnèrent ce local qui fut détruit ; on plaça dans les autres corps de logis les écuries de la reine et les meubles de la couronne. Louis XIV ordonna, en 1665, la démolition des bâtiments qui restaient de l’ancien hôtel du Petit-Bourbon ; sur ce terrain on construisit la colonnade du Louvre, et on forma aussi la place dont nous nous occupons. — Mercier, l’auteur du Tableau de Paris, nous rappelle ainsi le genre de commerce qu’on faisait encore en 1788 sur la place du Louvre. « En face de la superbe colonnade, dit cet écrivain, on voit beaucoup de vieilles hardes, qui suspendues à des ficelles et tournant au vent, forment un étalage hideux. Cette friperie a tout à la fois un air sale et indécent. Là, tous les courtauds de boutiques, les maçons et les portefaix vont se recruter en culottes qui ont manifestement servi ; les neuves y sont de contrebande, il y en a de toutes les formes, de toutes couleurs et de toute vétusté exposées aux chastes regards du soleil et des jolies femmes, soit anglaises, soit italiennes, soit espagnoles, qui ne peuvent admirer le péristyle du Louvre sans voir en même temps ces échoppes si ridiculement ornées. Des parasols chinois en toile cirée, de dix pieds de haut, mais grossièrement travaillés, servent d’abri à cette multitude de fripiers, étalant là des nippes ou plutôt des haillons. Lorsque ces parasols sont baissés la nuit, ils forment dans l’obscurité comme des géants immobiles rangés sur deux files, qu’on dirait garder le Louvre ; quand on n’est pas averti, on recule dans les ténèbres au premier aspect et l’on ne saurait deviner ce que c’est que ces fantômes. » — Cette place a été dégagée des guenilles qui l’obstruaient ; une grille de fer orne la place, au droit du péristyle du Louvre, mais une portion, au côté gauche de l’édifice, n’est encore protégée que par une misérable palissade en bois, appuyée sur des pierres que le temps a disjointes. Un terrain a été ménagé entre cette clôture et le palais ; pendant plusieurs années il fut occupé par les tombeaux des citoyens morts dans les journées de juillet 1830. Les restes de ces combattants ont été déposés dans les caveaux de la colonne de la Bastille.