Description historique et géographique de l’Indostan/Mélanges/6

VOYAGE
AU THIBET,

Fait par le Gosseyn Pourungeer, et dont la relation a été adressée par le lieutenant Samuel Turner, à M. John Macpherson, gouverneur général du Bengale.
À Calcutta, le 8 février 1789


Daprès les instructions que vous m’avez données, j’ai interrogé le Gosseyn Pourungeer qui a été plusieurs fois envoyé auprès du Teeschou-Lama, prédécesseur de celui qui règne aujourd’hui, qui l’a même accompagné à Péking[1], et qui, enfin, vient de faire un nouveau voyage au Thibet. Voici ce qu’il m’a raconté de ce dernier voyage.

Peu de temps avant que Mr. Hastings quittât le Bengale, Pourungeer ayant reçu les dépêches de ce gouverneur pour le Teeschou-Lama et pour le régent de Teeschou-Loumbou, s’occupa des préparatifs de son voyage, depuis le commencement de 1785 jusqu’au mois de mars suivant. Vous devez vous rappeler que ce fut alors que je vous le présentai.

Il partit donc de Calcutta au mois de mars, et au commencement d’avril il fut hors des limites des possessions anglaises, et il entra dans les montagnes qui forment le royaume de Boutan. Là les sujets du Daïb Raja, loin de s’opposer à son passage, lui procurèrent tous les secours dont il eut besoin jusqu’aux frontières du Thibet. Arrivé sur ces frontières, il fut arrêté pendant un demi-mois par la neige épaisse qui tomba pendant six jours de suite. Les chemins ne devinrent praticables qu’après le dégel.

Tandis que Pourungeer était arrêté à Phari, le froid devint si violent, et le passage rapide d’un climat tempéré à un climat glacé eut un tel effet sur lui et sur ses compagnons de voyage, qu’il n’y a pas de doute que, sans le dégel, ils auraient tous péri.

Cependant, dès qu’il leur fut possible de se mettre en route, ils quittèrent Phari, et marchèrent à grandes journées et sans aucun nouvel obstacle jusqu’à Teeschou-Loumbou, capitale du Thibet, où ils arrivèrent le 8 mai.

En entrant dans le monastère, Pourungeer se rendit chez le Durbar du régent Punjur Intinnée Nemohein, pour lui annoncer son arrivée et l’objet de sa mission. On lui fournit un logement, et on lui indiqua l’heure où il pourrait être présenté le lendemain au Teeschou-Lama, qui devait dès le matin quitter son palais pour aller résider dans un de ses jardins situé à peu de distance du monastère, et où l’on voyait déjà les tentes plantées pour le recevoir. Ce prince s’y rendit en effet à la pointe du jour.

Dans la matinée, Pourungeer se rendit dans le lieu où était le jeune Lama. En y arrivant, il fut informé que ce prince s’amusait à courir et à sauter dans le jardin, et qu’il aimait beaucoup ce genre de récréation. Comme on était alors dans le temps où il fait le plus chaud au Thibet, les gens attachés à la personne du jeune Lama, voulant qu’il jouît du bon air, avaient placé à l’ombre des arbres épais, une pile de coussins sur lesquels ce prince se reposait quand il avait pris de l’exercice. C’est-là qu’il était lorsque Pourunger fut admis en sa présence. Ses parens, le régent, l’échanson Soupoun Choumbou, et les autres principaux officiers de la cour étaient auprès de lui.

Après s’être prosterné trois fois à une grande distance du Lama, Pourungeer s’approcha, et lui présenta, suivant l’usage du Thibet, un schawl de pelong blanc ; ensuite il remit les lettres et les présens du gouverneur général du Bengale. Les caisses furent aussi-tôt ouvertes, et tous les objets qu’elles contenaient furent présentés séparément au Lama, qui les examina avec attention. Il prit la dépêche du gouverneur général, en rompit le cachet, et en tira un rang de perles qu’il passa entre ses doigt, comme s’il avait dit un rosaire, et qu’il posa ensuite à côté de lui sans permettre que personne y touchât.

Ce jeune prince fixa ses yeux sur Pourungeer d’un air très-expressif, et lui demanda, dans la langue du Thibet, s’il était fatigué de son voyage. L’audience dura plus d’une heure, sans que le Lama perdît rien de sa dignité, en témoignant la moindre impatience. On servit deux fois du thé ; et chaque fois le Lama en but une tasse. Quand on congédia Pourungeer, celui-ci découvrit sa tête et s’inclina devant le Lama pour recevoir sa bénédiction ; et le Lama la lui donna en le touchant de sa main : ensuite, il lui ordonna de venir le voir tous les jours pendant qu’il serait à Teeschou-Loumbou.

Le lendemain matin Pourungeer rendit visite au régent qui logeait dans le palais. Après les cérémonies d’usage, il lui remit les dépêches dont il était chargé. Ensuite il alla chez Soupoun Choumbou, chez les parens du jeune Lama, et chez quelques autres personnes dont il était déjà connu. Par tout il fut reçu avec beaucoup de marques d’affection ; car on le considérait depuis long-temps comme agent du gouvernement du Bengale. Il trouva que rien n’était changé dans l’administration du Thibet depuis le voyage qu’il y avait fait avec moi. Le pays jouissait de la plus parfaite tranquillité, et le seul évènement remarquable qui y fut arrivé, était l’inauguration du jeune Lama, inauguration qui avait eu lieu depuis un an.

Comme cette inauguration est pour ces contrées du plus grand intérêt politique et moral, puisqu’on y reconnaît dans un enfant la régénération d’un souverain immortel, je n’ai rien négligé pour en bien connaître les cérémonies ; et j’ai pensé que la nouveauté les rendrait, sinon utiles, au moins curieuses pour nous. Je vais donc en retracer le tableau, en vous observant seulement que les principaux traits, fournis par Pourungeer, m’ont été confirmés par les rapports d’un autre Gosseyn qui était au Thibet dans le temps que cet évènement eut lieu.

L’empereur[2] de la Chine donna en cette occasion une marque éclatante de son respect et de son zèle pour le chef suprême de sa religion. Dès le commencement de 1784, il envoya des ambassadeurs à Teeschou-Loumbou, pour le représenter auprès du grand-prêtre, et honorer l’installation de ce prince-Dieu. Le Dalai-Lama, le vice-roi de Lassa, accompagnés de toute la cour, un des généraux chinois résidant à Lassa et une partie des troupes qui sont sous son commandement, deux des principaux magistrats de la ville, les chefs de tous les monastères du Thibet, et les ambassadeurs de l’empereur se rendirent à Teeschou-Loumbou.

Le 28eme . jour de la septième lune[3] qui répond à la mi-octobre, fut choisi comme le plus heureux pour la cérémonie de l’inauguration. Le jeune Lama avait été conduit du monastère de Terpaling à Teeschou-Loumbou, avec toute la pompe et la vénération qu’un peuple fanatique peut déployer dans une occasion aussi solemnelle. Soit que les spectateurs y fussent allés par dévotion, soit que la curiosité les y eut attirés, jamais on n’y avait vu autant de monde ; car tous les habitans qui l’avaient pu, s’y étaient rendus de toutes les parties du Thibet. Aussi le cortège fut obligé d’aller si lentement que, quoiqu’il n’y eût que vingt milles de Terpaling à Teeschou-Loumbou, on resta trois jours en marche. La première halte se fit à Tsondue ; la seconde à Summaar[4] ; et le troisième jour on entra à Teeschou-Loumbou. Cette entrée fut magnifique. Voici comment en parle un témoin oculaire.

Le chemin avait été applani et blanchi ; et on avait élevé de chaque côté de petites pyramides de cailloux, peu éloignées les unes des autres. Le Lama et sa suite passèrent entre deux rangs de prêtres, qui bordaient le chemin depuis Summaar jusqu’aux portes du palais de Teeschou-Loumbou. Quelques prêtres tenaient à la main des baguettes odoriférantes, qu’ils avaient allumées, et qui, en brûlant lentement comme du bois décomposé, répandaient un parfum très-agréable ; les autres jouaient de divers instrumens de musique, tels que des gongs, des cymbales, des hautbois, des trompettes, des tambours, et de grosses coquilles de mer, et ils accompagnaient l’hymne qu’on chantait. La foule des spectateurs se tenait en dehors du chemin du Lama, et il ne passait dans ce chemin que les seules personnes qui composaient le cortège.

On voyait d’abord trois commandans militaires, ou gouverneurs de districts, à la tête de six à sept milles hommes de cavalerie, armés d’arcs, de flèches et de carabines. Après eux marchait l’ambassadeur de la Chine, avec sa suite, et portant, suivant la coutume de son pays, son diplôme renfermé dans un tube de bambou, et attaché sur ses épaules. À la suite de l’ambassadeur était le général chinois avec ses soldats à cheval et armés de fusils et de sabres. Ces troupes étaient suivies d’un grand nombre de Thibétains portant des étendards et des trophés, et précédant une bande de musiciens, dont les instrumens retentissaient au loin. Après les musiciens, on conduisait deux chevaux richement caparaçonnés, et portant chacun deux fourneaux ronds où brûlaient des bois odorans. Un vieux prêtre, décoré du titre de Lama, tenait dans ses mains une boîte contenant des livres sacrés et quelques-unes des principales idoles. Neuf chevaux, magnifiquement enharnachés, étaient chargés des ornemens du Teeschou-lama, et précédaient environ sept cents prêtres, qui sont particulièrement attachés à la personne de ce Prince-Dieu, pour les prières et les cérémonies qu’on fait chaque jour dans le temple.

Deux hommes portaient chacun sur leurs épaules un grand cylindre d’or, don de l’empereur de la Chine, et sur lequel on voyait en relief plusieurs figures symboliques.

Les Duhunniers et les Soupouns[5] marchaient en distribuant des aumônes, et précédaient immédiatement le cercueil du Lama, qui était couvert d’un magnifique dais, et porté par huit des seize Chinois choisis pour ce service. D’un côté du cercueil était le régent, et de l’autre le père du Lama. À la suite marchaient tous les chefs des monastères du Thibet ; et à mesure qu’ils passaient, les prêtres qui bordaient le chemin se joignaient au cortège. La marche était, comme je l’ai déjà observé, très-lente. Lorsqu’on fut à l’entrée du monastère de Teeschou-Loumbou, on vit déployer un nombre immense d’étendards, et l’arrivée du Lama fut célébrée, par une musique solemnelle, le chant des prêtres et les acclamations de la multitude.

Quand le Teeschou-Lama fut dans son appartement, le régent et le Soupoun Choumbou allèrent au devant du Dalai-Lama et du vice-roi de Lassa, qui se rendaient à Teeschou-Loumbou ; car c’est un honneur qu’on a coutume de rendre à des hommes d’un si haut rang. Le lendemain matin on les rencontra au pied de la montagne, où est le château de Painom : le jour suivant ils arrivèrent Teeschou-Loumbou ; et pendant tout le séjour qu’ils y firent, ils furent l’un et l’autre logés dans le monastère.

Le troisième jour, de l’arrivée du jeune Teeschou-Lama, on le conduisit dans le grand temple, et vers midi il s’assit sur le trône de ses prédécesseurs. Alors l’ambassadeur de l’empereur de la Chine lui remit ses lettres de créance, et déposa à ses pieds les présens de l’empereur.

Les trois jours suivans le Dalai-Lama se rendit dans le grand temple, auprès du Teeschou-Lama, et ils s’y occupèrent, avec tous les prêtres, des cérémonies de leur religion. C’était le complément des rites qu’exigeait l’inauguration du Teeschou-Lama. Pendant ce temps-là tous ceux qui se trouvaient dans la capitale furent traités aux dépens du gouvernement, et l’on distribua d’abondantes aumônes. La cérémonie de l’installation avait été si bien annoncée, que les réjouissances qui eurent lieu à Teeschou-Loumbou se répétèrent dans toute l’étendue du Thibet. Les étendards furent déployés dans toutes les forteresses ; les habitans des campagnes passèrent le jour à danser et à s’égayer ; et la nuit il eut par-tout des illuminations.

Plusieurs jours furent employés à offrir des présens et à donner des fêtes au nouveau Lama, qui, à l’époque de son avènement au Musnud, ou, si je puis me servir de ce terme, au pontificat de Teeschou-Loumbou, n’était âgé que de trois ans. La cérémonie fut commencée par le Dalai-Lama : les présens qu’il fit étaient, dit-on, d’une très-grande valeur, et la fête qu’il donna fut la plus splendide de toutes. Le lendemain le régent de Lassa signala sa magnificence ; et le jour suivant l’ambassadeur de l’empereur de la Chine eut le même avantage. Les Culloungs ou magistrats de Lassa et les autres principaux personnages qui avaient accompagné le Dalai-Lama, eurent aussi Un jour pour offrir leurs hommages et leur tribut ; et ensuite on accorda la même faveur au régent de Teeschou-Loumbou, et à tous les officiers de ce gouvernement.

Le Teeschou-Lama fit des présens à tous ceux dont il en avait reçu, et les traita successivement et dans l’ordre que je viens de rapporter. Ces fêtes durèrent quarante jours.

On insista beaucoup pour engager le Dalai-Lama à rester encore quelques jours à Teeschou-Loumbou ; mais il fut impossible de l’y déterminer. Il observa qu’il ne voulait pas plus long-temps gêner la capitale par l’embarras qu’y causait la foule qui le suivait par-tout, et qu’en outre il devait abréger le plus qu’il était possible, son absence du siège de son autorité. Il repartit donc pour Lassa avec sa nombreuse suite ; et l’ambassadeur de la Chine ayant également pris congé, se mit en route pour Péking. Ainsi se termina cette fameuse cérémonie.

Quant aux relations de commerce nouvellement établies entre les possessions anglaises le Thibet, Pourungeer dit que quoique la saison fût encore bien peu avancée, il ne fut pas le premier arrivé du Bengale à Teeschou-Loumbou. Plusieurs marchands y avaient déjà porté leurs marchandises ; d’autres y arrivèrent après lui. Il n’en entendit aucun se plaindre d’avoir éprouvé des obstacles ou des pertes ; et il assure que tous ceux qui trafiquaient pour leur propre compte, trouvèrent par-tout les mêmes facilités que lui qui était agent du gouvernement anglais.

Les marchés étaient bien fournis de marchandises anglaises et de marchandises de l’Inde ; malgré cela, il n’y en avait pas assez pour que leur prix fût moindre que dans les années précédentes. D’un autre côté, la valeur des métaux était un peu au-dessous de ce qu’elle avait été en 1783. Une poutrée, ou bourse de poudre d’or, qui à cette époque s’était vendue vingt-une indermillées, ne se vendait plus que dix-neuf ou vingt indermillées, encore était-elle d’or plus pur. Le talent d’argent qui, en 1783, avait valu cinq cents indermillées, était tombé à quatre cent cinquante. Aussi les échanges étaient-ils en faveur des marchands.

Pendant sa résidence à Teeschou-Lonmbou, Pourungeer eut plusieurs conférences avec le régent et les ministres, et il les trouva extrêmement disposés à encourager le commerce établi par Mr. Hastings entre le Bengale et leur pays. Le régent témoigna beaucoup de regret du départ de ce gouverneur, parce qu’il avait, disait-il, perdu en lui le premier ami et allié qu’il eût eu parmi les nations étrangères. Il rappela la manière singulière dont Mr. Hastings s’y était pris pour former des relations entre les deux gouvememens. Cependant, quoique le régent fût accoutumé à s’adresser exclusivement à Mr. Hastings, et à ne reconnaître que ses agens, Pourungeer observa que son inclination pour la nation anglaise s’était beaucoup accrue, et qu’il était loin de vouloir profiter du départ du gouverneur pour cesser d’avoir des rapports avec cette nation. Instruit à estimer la loyauté anglaise, et persuadé que nous n’avions aucun projet d’envahissement, et que nos vues se bornaient à des relations commerciales, ou à satisfaire notre curiosité, ce prince témoigna à Pourungeer l’ardent désir de continuer avec le nouveau gouverneur[6] la correspondance amicale qu’il avait entretenue avec son prédécesseur ; et dans l’espoir de trouver en vous des sentimens pareils aux siens, il le chargea de vous inviter à favoriser des rapports fondés sur un avantage réciproque.

Voici la traduction des lettres que le Teeschou-Lama et le régent de Teeschou-Loumbou vous ont adressées par Pourungeer, et que votre traducteur persan a mises en anglais.

Lettre du Teeschou-Lama au Gouverneur général du Bengale.

« Louange à Dieu ! Ces contrées sont heureuses au sein de la paix ; et je prie sans cesse au pied des autels du Tout-Puissant, pour votre santé et votre conservation. On ne l’ignore point, vous êtes occupé à protéger le monde entier, et à étendre les avantages et le bonheur du genre humain. Nos sentimens sont toujours conformes à l’union qui a existé entre le premier des nobles, Mr. Hastings, et le Lama mon prédécesseur. Puissiez-vous aussi accorder votre amitié à ces contrées, et me donner d’heureuses nouvelles de votre santé : mon cœur en ressentira une vive joie.

« Aujourd’hui, pour preuve que je desire sincèrement de me lier d’amitié avec vous, je vous envoie un mouchoir, un ketou d’argent et une pièce d’étoffe de cochin. Veuillez les accepter ».

Lettre du Rajá de Teeschou-Loumbou.

« Louange à Dieu ! Ces contrées sont heureuses au sein de la paix, et je prie sans cesse au pied des autels du Tout-Puissant, pour votre santé et votre conservation. On sait que je suis constamment occupé du service du nouveau Lama et du bien de ses sujets ; parce que le nouveau Lama n’est pas différent de son prédécesseur, et que son éclat est exalté.

« Accordez votre amitié au Gosseyn Pourungeer.

« Ayez pour moi la même affection qu’avait le premier des nobles ; donnez-moi souvent d’heureuses nouvelles de votre santé et de votre prospérité ; vos lettres seront une consolation pour moi.

« Aujourd’hui je vous envoie, comme preuve d’alliance et d’affection, un mouchoir, trois tolahs d’or et une pièce de cochin. Veuillez les accepter ».

Pourungeer avait fait un séjour de cinq mois à Teeschou-Loumbou, lorsqu’il reçut ces dépêches au commencement d’octobre. Il prit alors congé du Lama et du Régent, et retourna au Bengale par la même route qu’il avait suivie en allant au Thibet. La saison était très-favorable pour voyager, et Pourungeer n’éprouva ni retard, ni obstacle dans les montagnes du Thibet et dans le Boutan. Au contraire, dès le commencement de décembre, il arriva à Rungpore, d’où il se rendit promptement dans la capitale. Il trouva, à son grand regret, ses affaires dans le désordre. Le petit territoire dont il avait confié l’administration à son Chela adoptif, venait d’être injustement envahi par le Raja Chund, l’un des Zemeendars du voisinage. Ce Raja avait en outre forcé le Chela de Pourungeer à lui donner cinquante begas.

D’après les sollicitations de Pourungeer, je crois devoir vous représenter qu’il n’attend plus de secours que de votre justice, et qu’il espère que vous voudrez bien le remettre en possession de ses biens. Je suis certain que vous pardonneriez mon intercession, quand bien même elle ne serait pas en faveur d’un homme qui a rendu beaucoup de services au gouvernement anglais, la conduite que le Raja Çhund a tenue envers lui, est une preuve frappante des dispositions usurpatrices des petits Zemeendars : mais il n’est pas inutile de rapporter une circonstance qui agrave encore le tort du Raja. Le terrein qu’il a pris à Pourungeer, fait partie d’un district situé sur la rive occidentale du fleuve et vis-à-vis de Calcutta, district qui avait été cédé par le gouverneur anglais au Teeschou-Lama, pour qu’on y établît un temple où les pèlerins thibétains pussent venir adorer les eaux sacrées du Gange.

Après avoir, conformément à vos desseins, traduit le mieux qu’il m’a été possible les rapports de Pourungeer, je dois vous observer que si ma relation est un peu longue, c’est que je pense que tous les détails deviennent intéressans lorsqu’ils servent à peindre quelques traits du caractère d’un peuple que nous ne connaissons que depuis peu, et avec lequel l’une des grandes vues de ce gouvernement est de former une alliance plus étroite.

Je n’abuserai pas davantage de vos momens, en vous faisant part de mes conjectures sur la haute importance que doivent donner à votre jeune allié les hommages rendus par les politiques les plus exaltés que nous connaissions. Mais je vous prie de me permettre d’observer que j’ai éprouvé la plus vive satisfaction, lorsque Pourungeer m’a appris que nos liaisons de commerce nouvellement formées, avaient déjà le plus grand succès ; que les Thibétains n’avaient rien épargné pour les faciliter, et que tous les marchands avaient éprouvé non moins de sécurité dans le transport de leurs marchandises, que d’avantage dans leur vente.

Je ne doute pas que ces relations, dont les commencemens ont été dirigés par moi, ne s’étendent encore, et ne deviennent d’un grand profit pour la Compagnie des Indes

Samuel Turner.



F I N.
  1. Nous avons déjà observé que le Teeschou-Lama mourut à Péking, en 1782.
  2. Le célèbre Tchien-long.
  3. L’année des Thibétains commence avec l’équinoxe du printemps.
  4. Tsondue est à environ six milles de Terpaling, et Summaar à six milles de Tsondue.
  5. Les échansons.
  6. John Macpherson.