Description du département de l’Oise/Clermont

P. Didot l’ainé (1p. 275-287).

CLERMONT.


Il paroît que Clermont, à l’époque de la défaite des Jacquiers, avoit des fortifications, mais en assez mauvais état. Elle fut surprise par le fameux Captal de Buch : le commandant se sauva avec les siens dans la tour, une des meilleures forteresses du canton ; mais il fut attaqué avec tant de chaleur qu’il fut obligé de se rendre. De Buch agissoit de concert avec Fondrigues, alors maître de Creil. Ils leverent des contributions extraordinaires dans toute la contrée.

On a dit que Corineus, un des capitaines de Baron, roi des Gaulois, fonda Clermont ; qu’elle fut le Bratuspantium de César, que Chilpéric la réduisit en cendres en 586 ;

Hugues Capet la donna à titre de comté.

En 987 Gédouin, seigneur de Nesles, la possédoit : sa famille la conserva jusqu’en 1201.

Philippe-Auguste réunit le comté de Clermont à la couronne en 1201.

Charles IX aliéna Clermont en faveur du duc de Brunswick, par acte du 13 août 1569, moyennant la somme de 360,000 liv.

En 1599 la duchesse de Brunswick la vendit à Charles, duc de Lorraine. Son dernier propriétaire fut le prince de Condé.

Rien de positif avant le neuvieme siecle sur Clermont. La forteresse de cette ville fut construite ou rétablie sous le regne de Charles le-Chauve, à l’époque où les Normands ravagerent presque toutes les contrées de la France.

Clermont fut pillé et brûlé par les Anglais en 1359.

En 1415 elle sut résister aux Anglais, qui cependant incendierent le faubourg S.-André.

En 1430, à la tête des troupes qui venoient de faire lever le siege de Compiegne, le maréchal de Roussac assiégea le château, défendu par les sieurs de Crevecœur et Jean de Barentin, qui furent forcés de se retirer.

En 1434 cette ville fut encore prise par les Anglais : Lahire la reprit ; elle fut rendue, en 1437, pour la rançon du même Lahire, qui avoit été enlevé à Beauvais jouant à la paume dans l’hôtellerie de S.-Martin.

En juillet 1615 le prince de Condé, mécontent de la cour, se retira à Clermont, et garnit le château de troupes.

Cette ville faisoit jadis partie de la Picardie ; on l’en sépara pour la réunir au gouvernement général de l’Isle-de-France.

Les protestants eurent un temple à Clermont au-dessus de l’hôpital, bâti sous Henri IV ; on le démolit, ainsi que le college qui leur appartenoit. le 2 novembre 1685 ; des femmes, des enfants le détruisirent en huit jours.

En 1255 S. Louis maintint le maire de Clermont dans le droit qui lui avoit été concédé par les comtes de Clermont, de couper une charretée de bois dans la forêt de la Neuville-en-Hez chaque semaine, et celui de prendre sur les boucheries une épaule de bœuf par semaine, depuis le dimanche le plus proche de la S.-Arnoult jusqu’au dimanche le plus proche de la S.-Martin.

Le chapitre de Clermont est connu depuis l’an 1050 : il a perdu ses titres dans les incendies de 1359 et 1436.

On possédoit à Clermont un os du bras de S. Arnoult ; pour vérifier si le bras qu’on leur donnoit étoit véritablement celui du saint, les habitants, avant de le placer dans leur église, le jeterent au feu ; il en sortit avec vivacité. Miracle ! Une dame de la famille de Guibert lui consacra ses diamants… Quelques temps apres ce bras guérit un homme de la même maison Guibert : ce dernier fonda pour chaque année un repas splendide ; les chanoines de S. Arnoult s’empresserent toujours de participer à cet acte de reconnoissance.

Il y avoit une maîtrise des eaux et forêts à Clermont ; un acte de 1248 en fait mention : elle avoit dans son ressort les abbayes de Froidmont, de S.Lucien, de S.-Quentin, S.-Simphorien, S.-Germer, Breteuil, S.-Paul, S.-Martin-aux-Bois, BeaupréLanois, S.-Just, Moreuil, Ressons, Machoux, Gomer-Fontaine, et les bois et grueries de la forêt de Thelle,ceux des châtellenies de Remy, Bulles, Laherelle, Bonneuil, le bois de Bourbon, la forêt de Hez, autrement dite de la Neuville : les futaies et les baliveaux des bois du comté appartenoient au roi.

Près de deux cents paroisses dépendoient du bailliage de Clermont, et se régissoient par la coutume qui lui est propre : C’est une des premieres qui aient été écrites ; elle contient soixante-dix-huit chapitres, et fut rédigée, en 1283, par Philippe de Beaumanoir, bailli de Clermont.

On dit qu’elle fut à-peu près celle de Beauvais. Dumoulin en a tiré les plus belles maximes du droit français. Cette coutume fut réformée en 1539.

On compte parmi les baillis et gouverneurs de Clermont Jacques de Crevecœur, Guy-Pot, comte de S.-Paul, Charles et Henri de Boulainvillers, François duc de la Rochefoucauld, le prince d’Harcourt, etc.

La route de S.-Just à Clermont est assez triste, mais elle offre quelques beaux points de vue.

La ville de Clermont est bâtie sur une montagne, à quatorze lieues de Paris, à six lieues de Beauvais ; elle est traversée par la route de Paris à Amiens ; au bas de la montagne à l’ouest s’embranche la route de Beauvais. En se rendant de Paris à Clermont cette derniere ville n’offre rien de frappant aux regards du voyageur ; mais son entrée par la route de Beauvais a quelques chose d’imposant. Les prisons, le château, quelques clochers, la disposition de ses longs faubourgs sur une ligne qui court du nord au midi, lui donnent l’aspect d’une des grandes cités de la France.

Nous eûmes dans la commune de Clermont une séance, où se trouvoient réunis les maires des quatre-vingts communes des cantons de Clermont, Sacy-le-Grand, Lieuvillers, Laneuville-le-Roi, Bulles, Mony, et Liancourt.

Il n’y a presque point de terres labourables dépendantes de la commune de Clermont : on y fait de très mauvais vins ; mais on obtient des jardins qui l’entourent beaucoup de légumes excellents[1], des poires, des pêches, des abricots, etc., de la meilleure qualité.

Les terres de Fitzjames sont assez bonnes ; mais celles qui sont sur la route de Paris à Amiens sont caillouteuses et d’un médiocre rapport.

Il en est ainsi du territoire d’Agnetz.

À Breuil-le-Vert les terres sont extrêmement divisées : les propriétaires ne possedent que quatre ou cinq verges de terre, dans lesquelles ils cultivent de gros légumes, tels que choux, navets, carottes, haricots, etc.

Les terres plantées en grains sont bonnes ; cette portion fait plus du tiers du territoire.

Breuil-le-Sec est fertile en légumes.

On récolte dans tout le canton de Clermont, outre les bleds, les seigles, l’orge, l’avoine, du lin, du chanvre, et beaucoup de chardons.

Les cinq communes qui composent le canton de Clermont possedent des marais communaux et des prés d’une bonne qualité ; on joint à leurs produits des trefles, de la luzerne, des sainfoins, des bourgognes.

Les communaux de ce canton, heureusement pour les habitants, n’ont jamais été partagés.

Les jardins et les enclos de toutes les communes sont plantés de pommiers, de poiriers, de beaucoup d’autres especes d’arbres fruitiers.

On compte dans ce pays environ trois cents arpents de bois, en y comprenant le parc de Fitz-james.

La petite riviere de la Breche le traverse ; elle prend sa source à Reuil–Laneuville, canton de Froissy, et baigne le pied de la montagne de Clermont.

La Beronnelle fait tourner un moulin à quelques pieds de sa source ; elle verse ses eaux dans, la Breche.

Les prairies au nord-est de Clermont et les marais de Bresles contiennent des eaux stagnantes.

À mi-côte de la montagne sur laquelle Clermont est situé on trouve deux belles fontaines, dont il seroit possible de réunir les eaux ; on les conduiroit sur le milieu de la place du marché, elles y pourroient fournir aux besoins de tous les habitants.

Il existe trois carrieres dans cet arrondissement ; deux sur le territoire d’Agnetz ; elles produisent des pierres fort dures : la troisieme est à Breuille-Sec.

On y compte cinq tuileries, autant de briqueteries et de fours à chaux. Les briques de Fitzjames et les tuiles de Boulincourt sont les meilleures.

Le climat de ce pays est sain ; l’air en est vif, à Clermont sur-tout ; il est humide à Breuille-Sec : on n’y connoît ni épizooties ni épidémies.

La plus longue durée de la vie est de quatre-vingt-cinq à quatre-vingt-dix ans ; à Clermont on va jusqu’à quatre-vingt-quatorze, quatre-vingt-seize ou cent ans.

L’édifice le plus remarquable de Clermont par son ancienneté et par sa construction extraordinaire est le château : il est situé sur la partie la plus élevée de la montagne ; il est rare en France d’avoir une vue plus étendue que celle dont on jouit au sommet de ce château, sur quelque point de l’horizon qu’elle se promené. On apperçoit au sud-est les bois de Senlis, et plus loin, lorsque l’atmosphere est dégagé de toutes vapeurs, on distingue jusqu’à la commune de Dammartin.

Vers le midi on peut appercevoir le château de Champlatreux, les environs de Luzarches, de Beau-mont, et même de Meru en se tournant vers le sud-ouest. Au couchant la vue se promené sur la jolie forêt de la Neuville-en-Hez ; on distingue dans le lointain la cathédrale de Beauvais. Au nord-ouest l’œil s’arrête sur le parc et les vastes ruines du château de Fitzjames.

Tous les objets qui peuvent embellir la campagne, bosquets, vallons, prairies, coteaux arides, montagnes boisées, vastes lointains, enrichissent le point de vue du nord.

On assure que de la plate-forme du château on peut appercevoir trente paroisses et leurs environs, quinze montagnes, dix-huit bois, parcs ou forêts, et des milliers de collines chargées d’arbres fruitiers.

Au pied du château est le Catellier, promenade délicieuse appartenante à la ville ; les allées qui la forment sont bien plantées ; on peut voir un jardin mieux ordonné, mais on n’a nulle part une vue plus étendue. Il est malheureux que cette promenade, où l’on est avec son ami, sa maîtresse, qui sert de salle de danse à la ville, à ses environs, touche au cimetiere, et qu’à l’instant où l’œil est arrêté sur le champ de douleur, l’oreille soit frappée du bruit des instruments, du tambourin, des cris joyeux de la jeunesse emportée par le plaisir : une simple charmille ôteroit l’idée de ce contraste désagréable.

Trois grandes routes coupent le canton de Clermont ; celle de Paris à Amiens, celle de Beauvais à Clermont, et celle de Clermont à Compiegne.

Clermont n’est entretenu que par l’argent qu’y laissent la multitude de routiers, de voyageurs qui le traversent ou s’y reposent, et par quelques particuliers qui s’y sont retirés pour achever paisiblement leurs jours. On n’y connoît aucun genre d’industrie ; il ne sert pas même d’entrepôt aux fabriques de Bulles, de Mony, de Tricot qui l’environnent.

Dans la commune de Fitzjames on trouve une blanchisserie considérable ; elle occupe cinquante ouvriers : une machine énorme fait tourner deux moulins qui jettent continuellement de l’eau sur les toiles. Les bâtiments sont nombreux et fort beaux. On y blanchit beaucoup de toiles fines de Bulles ou de Flandres : on se propose d’y appliquer les nouvelles découvertes de la chimie.

Les meilleures terres sont louées 33 liv. l’arpent ; celles où l’on a planté des vignes se louent jusqu’à 66 liv. l’arpent.

Les terres à Breuil-le-Vert, à Agnetz, à Breuille-Sec, se louent par petites portions jusqu’à 60 liv. l’arpent : les bonnes terres en grand fermage de 24 à 25 liv. Le marché de Clermont est un des plus considérables du département ; on y vend une grande quantité de bled, qui communément se dirige sur Paris. La place du marché est grande ; elle s’em-belliroit si l’on détruisoit quelques baraques qui nuisent à sa régularité.

L’absence du commerce et de toute industrie rend cette ville monotone, mais l’asyle du repos et de la tranquillité : il y regne de la gaieté, on y danse beaucoup.

Le peuple est fatigué par le passage continuel des troupes.

Les auberges et les cabarets sont très fréquentés ; ce qui n’étonne pas sur une route aussi passagere.

Les anciennes maisons sont mal bâties ; elles le sont mieux depuis quelque temps.

Il seroit à souhaiter qu’on élargît l’entrée de la porte de l’ouest ; elle est étroite, tournante ; les voitures y courent des risques qu’on éviteroit en sacrifiant deux ou trois mauvaises maisons.

Les terrains voisins de Clermont sont en général mêlés de sable gras.

Au nord la terre est forte et glaiseuse : on en fait des tuiles et des briques près de Fitzjames. Il existe une briqueterie dans le faubourg même de Clermont, dans un lieu nommé Léquipée.

On a tiré quelques tourbes des marais de Fitzjames. Ainsi les terres du nord en général sont infécondes jusqu’à Erquery ; là elles se bonifient, et deviennent les meilleures du département.

On recueille beaucoup de bled autour de Lieuvillers, d’Arquinvillers, pays de grande culture, mais peu boisé.

Au sud de Clermont est la vallée Dorée, ainsi nommée pour sa richesse et la variété de ses cultures ; elle s’étend jusqu’à Creil. Nous en parlerons en détail.

De ce côté, près de la ville, est le grand vignoble de Clermont et de Guincourt. Le reste du sol produit des bleds, des haricots, des chardons à foulons : on n’y connoît point de jacheres.

Au hameau de Canettecourt on cultive un autre vignoble : ce village, Rotheleux, Neuilly, portent beaucoup de fruits à cidre et à couteau, et de plus une quantité prodigieuse de fruits rouges, qu’on vient chercher au marché de Clermont, d’Amiens et de l’Artois.

On pense que la quantité de cerises et de guignes qui se vendent à Clermont produit une somme de plus de 80,000 liv. par an.

Breuil-le-Vert est une terre considérable ; elle appartenoit jadis au prince de Condé, elle est présentement à la veuve Salle de Beauvais.

Ce pays est supérieurement cultivé ; on y trouve quelques marais à tourbes. La Breche le traverse. À Canettecourt, nommé ville dans un titre de 1302, on voit les débris d’anciennes tours. La maison du citoyen Porchon, maire de cette commune, se nommoit autrefois le fief de l’Attaque : cet homme industrieux a pratiqué près de cette maison un jardin anglais, dont les plantations et les ornements sont dirigés avec beaucoup d’intelligence : sa terre offre un coup-d’œil agréable ; à gauche du grand chemin, en approchant de Clermont, elle s’unit au grand paysage que présentent les montagnes de Neuilly et d’Ovillers. On doit placer dans le même tableau l’ancien château de Rotheleux, qui n’est présentement qu’une jolie maison bâtie en pierres de taille.

La culture est parfaite dans ce petit pays, où les femmes pour féconder la terre unissent leurs travaux à ceux de leurs maris.

En se rendant de Clermont à Beauvais les coteaux sur la gauche offrent des paysages enchanteurs ; d’abord le château et le hameau du Fay, l’église et le petit château d’Agnetz se présentent à mi-côte ; la montagne d’Agnetz, couverte de bois, vous conduit jusqu’à la forêt de la Neuville-en-Hez, en vous offrant les jolis points de vue de la Garde, de Boulincourt, et de Gicourt : à Bresles, près de Beauvais, le paysage augmente de grandeur et de majesté.

La côte d’Agnetz est remplie de sources ; on y trouve des pierres dures propres à la construction de toute espece d’édifice ; elle fournit aussi de bons pavés.

Cette vallée est peuplée d’habitants laborieux : elle produit beaucoup d’arbres à fruits, du lin, beaucoup de chanvre ; sa fertilité diminue en approchant de la forêt.

On observe à Gicourt, à Rouquerolles, deux restes de tours fort anciennes, dans une desquelles on prétend que Gabrielle a demeuré ; elle y fut souvent visitée par Henri IV.

À l’est de Clermont sont des marais, des prairies inondées par la Breche. Ces lieux mal-sains sont presque inhabités.

Au-delà de la blanchisserie la terre s’améliore.

Au sud-est est le village de Breuil-le-Sec, pays de petite culture, de bonnes terres, couvert d’arbres fruitiers de toute espece. Il offre des coteaux et des promenades délicieuses.

En tirant vers Nointel plus à l’est, on voit une tour plus ancienne, bâtie en briques, nommée la Breche de la Tourville.

  1. Les haricots de ces contrées sont préférés à ceux de Sois-sons.