Traduction par Anonyme.
chez les veuves sulamites, aux petits appartements de Salomon (A. Boutentativos). (p. 27-34).

CHAPITRE IV.
Des places fortes et lieux remarquables du Merryland.

Le lexicographe arabe, cité par Shultens dans son commentaire géographique, à la fin de son édition de la vie du sultan Salhaddin, observe avec beaucoup de justesse que les bornes du Merryland nous sont absolument inconnues, les plus grands voyageurs n’ayant jamais pu y atteindre ; apparemment parce que ceux qui veulent entreprendre cette belle découverte, sont obligés d’y marcher dans l’obscurité.

Outre les parties qui nous sont familières, et dont on nous a souvent donné la description, il en existe encore que nous ne connoissons que très-peu, quoique quelques auteurs aient prétendu nous en avoir rendu un compte exact ; mais ils n’avaient d’autorité que la leur, et de guide que leur imagination. Ce serait grossir immensément ce volume, et sans beaucoup d’utilité, que de s’arrêter ici à traiter de chaque partie en particulier ; je ne parlerai donc que des plus remarquables qui sont celles-ci.

Premièrement, à la fin du grand canal, vers la terre ferme, vous rencontrez deux forts, appellés L. B. A.[1], entre lesquels il faut nécessairement passer, pour arriver dans l’intérieur du pays. Les fortifications n’en sont pas extrêmement susceptibles de défense, quoiqu’il y ait courtine, ouvrage à corne, remparts, etc. Elles peuvent bien, si vous voulez, défendre quelque temps l’entrée ; mais rarement, ou jamais, elles n’ont su soutenir une attaque vigoureuse.

2.o Près de ces forts, on trouve la Métropole, ou la capitale appellée[2] C. L. T. R. S. Cette partie est la plus précieuse aux femmes, parce qu’elle donne les plaisirs les plus vifs aux reines du Merryland, sans elle, sans cette place voluptueuse, elles ne se soucieraient pas du reste de leur empire ; elles y sont si attachées, qu’on peut dire que c’est-là où leur ame réside. Elles ne goûtent véritablement de plaisirs que dans cet endroit charmant ; c’est le théâtre de leurs sensations les plus voluptueuses, le siège, le trône de la félicité ; il est vrai que pour se la procurer, il faut bien des manœuvres. Le repos et l’indolence y sont absolument contraires, et empêchent le bonheur qui n’attend que d’être sollicité pour combler les princesses de ce délicieux empire.

3.o Avant d’entrer au pays on trouve deux barrières appellées[3] N. M. P. S. près des bords de la grande rivière. Elles ont quelquefois arrêté les plus vives attaques et les plus habiles ingénieurs, et souffert tous les chocs avec une constance qui obligeoit les assaillans à se retirer avec perte et confusion. Cependant elles ne résistent guères au delà d’un premier assaut ; ensuite elles admettent l’ennemi dans le corps de la place sans aucune opposition.

4.o À l’extrémité supérieure du canal, dont on a déjà parlé, il existe un magasin précieux appellé[4] L’U. T. R. S. Plaute nous en donne cette définition.

Item esse reor
Mare ut est, quod das devorat nunquam abundat
Des quantum vis.

Il est comme la mer, ce qu’on donne il dévore,
Vous en donneriez trop qu’il vous diroit, encore.

Ce magasin est d’une construction, toute particulière ; il faut aller au Merryland pour en trouver de pareils. Il ressemble dans sa forme à une bouteille dont le col est en bas, et si admirablement fabriqué, que ses dimensions sont toujours en raison de ce qu’il contient, c’est-à-dire que sans art ni violence, il s’élargit ou diminue, à mesure que ce qu’on y dépose, cube plus ou moins.

5.o Beaucoup d’auteurs parlent d’une autre partie de cette contrée, que l’on nomme[5] L. H. M. N. Elle a été parmi les savans un très-grand sujet de dispute ; les uns ont nié que l’on puisse trouver un endroit de ce nom, et ont prétendu démontrer l’impossibilité de son existence. D’autres ont positivement assuré qu’ils l’avaient vu. Pour moi, après les plus pénibles recherches, je n’ai jamais rien pu trouver de satisfaisant là-dessus ; et les voyageurs les plus exacts et les plus raisonnables, disent que si jamais cet [6] H. M. N. a existé, le temps, ou les accidens l’ont détruit au point que dans les derniers âges on n’en a pu trouver aucun vestige, selon ces paroles d’un poëte. Etiam ipsæ perire ruinæ, et jusqu’aux ruines ont péri.

Ce serait une inexactitude impardonnable assurément, si j’allais oublier une montagne appellée[7] M. N. S. V. R. S. qui domine tout le pays. Elle est aussi sujette à un effet fort singulier, (car tout est phénomene dans le Merryland). Elle s’enfle et se baisse tour-à-tour. L’intumecence est bornée dans son temps et ne dure au plus que neuf mois, au-lieu que l’état naturel[8] n’est pas borné dans sa durée.

Une partie de cette montagne est ombragée par une épaisse forêt qui descend le long des côtes, et semblable à celle dont parle M. Chamberlayne, paroît n’avoir été mise là que pour varier les plaisirs du chasseur.

Voilà les lieux principaux qui méritent l’attention des voyageurs. Je m’étois d’abord proposé d’ajouter une carte du Merryland, pour donner une description complette de ce beau pays ; mais ayant considéré que cela augmenteroit considérablement le prix de cet ouvrage, j’ai mieux aimé renvoyer mon lecteur à celle que M. Moriceau, qui a beaucoup voyagé, nous en a donnée, burinée, et dont il a veillé la gravure avec un soin tout particulier. Le lecteur y verra les différens endroits et leur situation exactement dessinés, et il faut rendre à M. Moriceau la justice d’avouer que la carte géographique qu’il a bien voulu nous donner du Merryland, en fait naître une meilleure idée, que celle qu’on peut se former sur une simple description.

  1. Labia.
  2. Clitoris.
  3. Nimphes.
  4. L’uterus.
  5. L’Hymen.
  6. Himen.
  7. Mons veneris.
  8. Il ne faut pas conclure de l’épithète naturel que nous donnons ici à cet état, que l’autre soit contre nature ; mais c’est seulement parce qu’il est l’état le plus ordinaire de la montagne.

    Nous avons cru nécessaire, pour éviter absolument toute méprise au Lecteur.