Description de l’Égypte (2nde édition)/Tome 2/Chapitre IX/Section II/Paragraphe 3

§. iii. Des ruines et des débris qui se trouvent autour des colosses.

Si, à partir des colosses dont nous venons de donner la description, on s’avance à l’ouest-nord-ouest, on trouve, à la distance de cent mètres environ, les débris de quatre statues colossales. Le fragment le plus considérable est celui qui se trouve le plus au midi. Il est à droite d’une ligne qui passerait au milieu de l’intervalle des deux colosses[1]. Il a onze mètres de longueur ; il est formé de ce beau grès siliceux dont nous avons déjà parlé. Une partie de ce fragment est enveloppée sous les dépôts du Nil. À vingt mètres de là, vers le nord, et dans une direction à peu près parallèle aux faces des deux colosses de la plaine, on retrouve pêle-mêle les débris de trois statues en pierre calcaire compacte, susceptible de poli. Cette matière nous a paru entièrement semblable à celle des colosses placés en avant des pylônes des propylées de Karnak[2]. On est porté à croire, par la situation de ces débris, que les quatre statues étaient érigées sur une même ligne en avant d’un édifice dont il ne reste plus de vestiges. Il en était probablement ainsi de la statue de Memnon et du colosse du sud : ils étaient placés devant quelque construction maintenant ruinée, à moins que l’on ne suppose, contre toutes les règles de l’analogie et même contre toute vraisemblance, que ces statues devaient être primitivement isolées comme elles le sont à présent[3]. Mais nos conjectures prendront bientôt tout le caractère de la certitude.

En s’avançant toujours vers l’ouest-nord-ouest, jusqu’à cent cinq mètres de distance, on trouve les restes de deux autres statues mutilées[4]. Elles sont de pierre calcaire compacte, et distantes l’une de l’autre de vingt mètres. Ces débris sont également disposés sur une ligne à peu près parallèle à la face des deux colosses du nord et du sud ; mais, comme ils sont placés à droite de l’axe dont nous avons parlé, il y a lieu de croire que, sur la même ligne, se trouvaient autrefois deux autres colosses semblables et disposés symétriquement en avant de constructions qui ne subsiste plus.

À cent soixante mètres plus loin, et toujours dans la même direction, on trouve deux blocs énormes de grès brèche[5]. Ils sont disposés parallèlement aux autres débris, et distans l’un de l’autre de dix mètres. Le plus grand des deux a dix mètres de long, quatre mètres de large, et s’élève d’un mètre trente centièmes au-dessus de terre. L’un et l’autre présentent des surfaces planes dressées avec le plus grand soin. Ils sont ornés d’hiéroglyphes sculptés avec une finesse de détail très-remarquable. Ces sculptures peuvent soutenir la comparaison avec ce que nous avons trouvé de mieux exécuté sur le granit à Louqsor et à Karnak. Que penser de l’usage et de la destination de ces blocs ? L’opinion qui nous a paru la plus probable, est qu’ils ne sont autre chose que la partie postérieure des trônes de deux colosses. Nous n’avons pas eu le temps de faire exécuter des fouilles pour éclaircir nos doutes : c’est un travail que pourront entreprendre ceux qui nous suivront dans la recherche et l’étude des monumens de l’ancienne Égypte. Jusque-là tout nous porte à croire que l’on trouverait enfouis sous les dépôts du Nil, le corps, les jambes et toutes les autres parties des statues dont l’existence est si positivement indiquée.

À la suite de ces blocs, en s’écartant un peu vers le nord, et à la distance de soixante-onze mètres, on trouve les restes de trois rangées de colonnes qui sont maintenant au niveau du sol[6]. Elles occupent un espace rectangulaire de trente-deux mètres de long, et de trente-cinq mètres de large : elles ont deux mètres et demi de diamètre. Page:Description de l'Égypte (2nde édition - Panckoucke 1821), tome 2, Antiquités - Description.djvu/189 Page:Description de l'Égypte (2nde édition - Panckoucke 1821), tome 2, Antiquités - Description.djvu/190 Page:Description de l'Égypte (2nde édition - Panckoucke 1821), tome 2, Antiquités - Description.djvu/191 moins d’un mètre et demi à deux mètres au-dessus des plus hautes eaux. Que de vestiges et de débris de constructions peuvent être cachés maintenant dans une hauteur de cinq mètres de limon ! Ceux des matériaux calcaires qui étaient employés dans le grand édifice dont nous avons parlé, et ce qui est resté de leur exploitation pour les transformer en chaux, tout est actuellement enseveli sous les dépôts du fleuve. Si les fragmens de statues qui existent en si grand nombre sont encore apparens, c’est que les colosses auront été renversés plus tard de dessus leurs piédestaux ; mais, dans quelques siècles, ils seront entièrement dérobés aux yeux des voyageurs qui nous suivront dans la recherche des monumens de l’antique Égypte.

  1. Voyez le plan topographique, pl. 19, A., vol. ii.
  2. Voyez la Description de Karnak, section viii de ce chapitre.
  3. Aucun des lieux qui renferment des restes de la splendeur de Thèbes, ni même aucune autre ville ancienne de l’Égypte, n’offrent d’exemple d’un pareil isolement.
  4. Voyez le plan topographique, pl. 19, A., vol. ii.
  5. Voyez le plan topographique, pl. 19, A., vol. ii.
  6. Voyez le plan topographique, pl. 19, A., vol. ii.