Description de l’Égypte (2nde édition)/Tome 2/Chapitre IX/Section II/Paragraphe 1

SECTION DEUXIÈME,

Par MM. JOLLOIS et DEVILLIERS.
Ingénieurs des Ponts et Chaussées.




Description des colosses de la plaine de Thèbes et des ruines qui les environnent, et Recherches sur le monument dont ils faisaient partie.




§. i. Des colosses de la plaine.


Après avoir admiré les riches et magnifiques monumens de Medynet-abou, le voyageur porte naturellement ses pas vers les colosses de la plaine de Thèbes, que leur grande élévation lui a déjà fait apercevoir de bien loin. Ils sont environnés d’un petit bois de mimosa épineux, de trois à quatre mètres de hauteur, qui occupe peut-être l’emplacement de l’une de ces forêts d’acanthe, qu’au rapport d’Hérodote[1], on voyait autour des temples égyptiens ou dans leur enceinte.

Les deux colosses regardent l’est-sud-est, et se présentent parallèlement au cours du Nil. Ils sont connus, dans le pays, sous les noms de Tâma et Châma. Châma est le colosse du sud, et Tâma le colosse du nord. L’un et l’autre se ressemblent à beaucoup d’égards, surtout sous le rapport de l’art ; mais ils offrent aussi, dans leurs dimensions, des différences que nous allons successivement indiquer. Ils sont tous deux d’une espèce de grès brèche, composé d’une masse de cailloux agatisés, liés entre eux par une pâte d’une dureté remarquable, Cette matière, très-dense et d’une composition tout-à-fait hétérogène ; offre à la sculpture des difficultés peut-être plus grandes que celles que présente le granit ; cependant les sculpteurs égyptiens en ont triomphé avec le plus grand succès.

Le colosse du sud[2] ne présente plus aucun des traits. de la figure ; le nez, la bouche et toutes les parties de la face, sont singulièrement mutilés : il n’y a de conservé que les oreilles et une partie de la coiffure. La poitrine, les jambes et une portion du corps, n’offrent plus que de rudes aspérités, qui paraissent être moins le résultat d’une destruction préméditée que l’effet de la vétusté. On dirait que la pierre a été exposée à l’action du feu ; elle a une teinte noirâtre, qui provient sans doute de l’action long-temps continuée de la chaleur du soleil, De petites parcelles se sont successivement détachées de la masse, et il en résulte que les surfaces qui avaient, dans leur état primitif, un poli parfait, sont maintenant toutes remplies d’aspérité.

Le colosse du nord[3] a été rompu dans le milieu. La partie supérieure, depuis la jointure des bras jusqu’audessus de la tête, a été rebâtie par assises, La partie inférieure, comprenant les bras, qui sont étendus sur les genoux, les jambes et le tronc de la statue, est d’un seul bloc de pierre, de même nature que celle dont est formé en entier le colosse du sud. Le grès employé dans la reconstruction de la partie supérieure est semblable À celui qui a été extrait des nombreuses carrières situées sur le bord du Nil, pour bâtir les palais et les temples. Il est disposé par assises au nombre de cinq : la première commence au-dessus du coude, et comprend toute l’épaisseur de l’avant-bras ; la deuxième se termine à peu près au milieu du-bras, la troisième aux aisselles ; la quatrième aux clavicules, et la cinquième comprend la tête et le cou, qui sont d’un seul morceau de pierre. Les quatre premières assises sont formées de trois et quatre blocs, que leurs joints ouverts, et en partie brisés, laissent facilement distinguer.

L’un et l’autre colosses ont éprouvé, par l’action du climat et par le laps du temps, des dégradations notables ; on y remarque des fentes profondes, qui nous ont paru provenir du poids énorme de ces masses, et qui sont peut-être aussi le résultat de l’action alternative de l’humidité de la nuit et de l’excessive chaleur du jour.

Ces statues ne sont point d’aplomb[4]. L’effet du tassement inégal des fondations a été de les faire pencher l’une vers l’autre, et en arrière, de telle sorte que leurs piédestaux ont, en deux sens différons, une inclinaison qui les éloigne du plan horizontal.

Telles sont les observations générales auxquelles donnent lieu ces statues colossales, que nous allons maintenant décrire, l’une après l’autre, d’une manière plus particulière, ayant le soin d’en indiquer les dimensions principales.

Le colosse du sud est placé sur un piédestal de forme rectangulaire, dont une portion seulement s’élève maintenant au-dessus du sol : le reste est enfoui sous les dépôts du Nil, comme nous nous en sommes, assurés. Ce piédestal a cinq mètres vingt centièmes[5] de large, et une longueur double : L’inégalité du terrain, jointe à l’inclinaison du plan supérieur du piédestal, fait qu’on ne trouve point partout la même hauteur au-dessus du sol. Sur les côtés, elle varie d’un mètre quarante-six centièmes à un mètre soixante-dix-neuf centièmes[6]. Tout autour, et dans la partie supérieure, règne une ligne de grands hiéroglyphes, qui a cinquante centimètres de hauteur. Ces hiéroglyphes sont exécutés avec une perfection qui ne laisse rien à désirer ; les plus petits détails sont exprimés avec exactitude et vérité, et l’on distingue jusqu’aux plumes des ailes des oiseaux qui y sont représentés. On regrette que le temps ait détruit une partie de ces beaux hiéroglyphes. Des traces du séjour des eaux sont marquées sur le piédestal ; celles de la plus grande inondation sont à cinquante-quatre centimètres[7] du milieu de l’arête de la face antérieure. Par l’effet du tassement dont nous avons parlé, l’extrémité de l’arête de la face nord, du côté de l’est, est de trente centimètres au-dessus de l’extrémité ouest de la même arête ; cette face nord fait, avec la verticale, un angle d’un degré trente minutes. Le piédestal dans toute sa hauteur, et sa forme dans la partie inférieure, ne nous sont point connus parce qu’il est caché sous les dépôts du Nil ; la seule analogie nous porte à croire qu’il ressemble entièrement à celui du colosse du nord, que nous avons mis à découvert par des fouilles.

Sur le piédestal s’élève la state, qui est toute d’un seul morceau de pierre ; le trône sur lequel elle est assise a quatre mètres soixante-dis-neuf centièmes[8] de hauteur, et une largeur de quatre mètres soixante centièmes[9] : les deux côtés sont décorés de sculptures représentant un enlacement de lotus ; que deux femmes, la tête couronnée de fleurs et de boutons de cette plante, paraissent occupées à enrouler autour d’une tige principale. Au-dessus de ce tableau, sont des hiéroglyphes qui en expliquent probablement le sujet ; ils sont très-beaux, et sont exécutés avec une rare perfection. Le dossier du trône s’élève d’abord à la hauteur de plus de six mètres et demi, en conservant, jusqu’au-dessous du coude du colosse, la largeur qu’il a dans la partie inférieure ; réduit alors à deux mètres[10], il atteint jusqu’à l’extrémité de la coiffure de la figure. Les jambes de la Statue ont six mètres, depuis la plante des pieds jusqu’à la partie supérieure du genou ; elles sont mutilées, et l’extrémité des pieds est même entièrement détruite. Les pieds n’ont pas dû avoir moins de rois mètres et un cinquième[11] de longueur. En avant du trône, de chaque côté des jambes du colosse, et dans l’intervalle qui les sépare, sont trois statues de ronde-bosse ; elles sont debout et très-mutilées. Celles qui sont placées de chaque côté des jambes ont près de cinq mètres[12], depuis la plante des pieds jusqu’au sommet de la tête ; ce sont deux figures de femmes[13] : elles ont le corps enveloppé dans une longue robe, qui tient les deux jambes serrées l'une contre l’autre ; les deux bras sont pendans, et, dans l’une des mains, elles tiennent la croix à anse, attribut ordinaire des divinités ; leur tête est ornée de la dépouille du vautour. On remarque, dans la coiffure, plusieurs rangées de grandes plumes, au-dessus desquelles on a figuré Les plus petites plumes des ailes des oiseaux. La collerette est richement ornée de dentelures et de perles. La tête est surmontée d’un boisseau conique, dont le contour est orné de sculptures représentant des ubœus mitrés. La troisième figure, qui est entre les jambes, est tellement mutilée, qu’il est difficile de la distinguer au premier abord : elle n’est pas plus grande que nature.

On aperçoit encore, sur les cuisses du colosse principal, des restes de la sculpture du vêtement qui les couvrait ; les plis de l’étoffe sont figurés par des espèces de cannelures assez profondes. Ce vêtement prenait du dessus des hanches, et s’étendait jusqu’aux deux tiers de la cuisse.

Pour donner une idée exacte de la grandeur énorme du colosse du sud, il suffit de dire que sa hauteur totale, depuis Les pieds jusqu’au sommet de la tête, est de quinze mètres cinquante-neuf centièmes[14], à quoi ajoutant trois mètres quatre-vingt : dix : sept centièmes[15] pour le piédestal, la hauteur totale du monument au-dessus du sol antique est de dix-neuf mètres cinquante-neuf centièmes [16] ; la largeur de la statue, mesurée en ligne droite entre les deux épaules, est de six mètres dix-sept centièmes[17] ; la longueur du doigt du milieu de la main est d’un mètre trente-huit centièmes[18], et, de l’extrémité des doigts au coude, on a mesuré quatre mètres soixante-dix-neuf centièmes[19]. Le piédestal renferme deux cent seize mètres cubes[20], et pèse cinq cent cinquante-six mille quatre-vingt-treize kilogrammes[21] ; la statue monolithe contient deux cent quatre-vingt-douze mètres cubes[22], et pèse sept cent quarante-neuf mille huit cent quatre-vingt dix-neuf kilogrammes[23] : de sorte que le piédestal et le colosse réunis pèsent un million trois cent cinq mille neuf cent quatre-vingt-douze kilogrammes[24].

Il est digne de remarque qu’on est encore moins frappé des dimensions énormes de cette statue, aux lieux où on la voit maintenant, que lorsqu’en l’isolant, pour ainsi dire, par la pensée, des grands monumens de Thèbes, on en examine toutes les parties : c’est alors qu’elle paraît réellement immense ; car sa hauteur totale est celle d’une maison de Paris à cinq étages.

Pour établir une comparaison entre l’état actuel du colosse du sud et son état primitif, on peut jeter les yeux sur les planches 20 et 21 du second volume de l’Atlas des antiquités. Dans la première, on s’est attaché à représenter exactement son état actuel de dégradation ; dans la seconde, on a rétabli ce colosse d’après des monumens analogues.

Le piédestal du colosse du nord a cinq mètres quatre-vingt-cinq centièmes[25] de largeur, et dix mètres quatre-vingts centièmes de longueur[26]. Il est en partie caché sous les dépôts du Nil ; mais nous avons fait exécuter, en avant, des fouilles qui nous ont mis à portée d’en reconnaître la forme et d’avoir exactement sa hauteur totale. Ce piédestal est une espèce de cube allongé ; il est terminé, dans sa partie inférieure, par un cavet qui lie le corps du piédestal avec un socle de vingt centimètres[27]. La hauteur du piédestal est de trois mètres quatre-vingt-seize centièmes[28] vers l’angle nord-est, où il est le moins caché ; il est encore enfoui d’un mètre quatre-vingt-neuf centièmes[29]. Les traces que les plus hautes inondations ont laissées sur la face antérieure du piédestal, sont à cinq cent vingt-trois millièmes[30] du milieu de son arête supérieure.

Les faces nord et sud du piédestal font, avec la verticale, un angle de deux degrés trente-neuf minutes. Cette inclinaison, qui est très-forte, a peut-être beaucoup favorisé les destructeurs de cette statue. L’extrémité antérieure de l’arête de la face nord du piédestal est de cinquante centimètres[31] au-dessus de l’extrémité postérieure de cette même arête.

Les fouilles qui ont été faites en avant du piédestal ont été poussées jusqu’à soixante-cinq centimètres[32] en contre-bas du socle, et il a été facile de s’assurer que les fondations sont formées d’un amas de gros blocs de grès. On a pu se convaincre aussi que cette espèce de matériaux se conserve mieux à l’air que cachée sous la terre ; car la portion enfouie du piédestal est très-dégradée, tandis que la partie supérieure est bien mieux conservée. Il n’est guère douteux, d’après cette observation, que le tassement considérable que la statue a éprouvé, ne provienne de la détérioration des matériaux. employés dans la fondation.

Sur la face antérieure du piédestal, on aperçoit une inscription grecque[33] en huit lignes ; elle a été dessinée par Pococke : c’est une épigramme du poëte Asclépiodote. La face sud du piédestal offrant au-dessus du sol trois lignes d’une inscription grecque qui paraissait de voir être beaucoup plus considérable, nous fîmes exécuter une fouille qui la mit entièrement à découvert : cette inscription se compose de onze lignes, qui ne sont pas toutes également bien conservées ; elle est enfouie d’environ soixante-cinq centimètres[34]. La pl. 21, A., vol. ii, la fait connaître telle qu’elle a été recueillie par M. Girard ; et dans la collection des inscriptions, à la fin de cette section, nous avons indiqué la séparation de quelques-uns des mots et leur interprétation[35].

Le trône du colosse du nord a les mêmes dimensions à peu près que celui du colosse du sud, et l’on y voit des représentations tout-à-fait semblables à celles que nous avons déjà décrites. Le sujet des tableaux est absolument le même ; les hiéroglyphes seuls offrent des différences Ce siège est sillonné de fissures profondes, Des quartiers considérables de pierre en ont été détachés, et sa partie supérieure est même entièrement détruite ; elle est comprise dans la restauration par assises dont nous avons parlé.

La hauteur totale du colosse du nord est, comme celle du colosse du sud, de quinze mètres cinquante-neuf centièmes[36]. La face antérieure du premier présente, de même que celle du second, des statues de ronde-bosse. Deux figures isiaques sont de chaque côté des jambes, et une troisième figure, beaucoup plus petite, est dans l’intervalle qui les sépare. Mais ce qui ne se voit que sur le colosse du nord, c’est le grand nombre d’inscriptions grecques et latines qui couvrent ses deux jambes : on en a compté jusqu’à soixante-douze. L’un de nos collègues, feu M. Coquebert, qu’une mort prématurée a enlevé à sa famille et à ses amis, les avait recueillies en grande partie ; mais ses papiers ont été perdus. Il eût été curieux de comparer son travail avec les inscriptions publiées par les voyageurs Pococke et Norden. Ces inscriptions paraissent avoir été gravées par les ordres de personnages distingués[37], tels que des préfets de l’Égypte des généraux, l’empereur Adrien lui-même et l’impératrice Sabine. Nous avons rassemblé toutes celles que les savans ont pu déchiffrer ; elles forment un appendice à cette section : nous y avons joint celles que nous avons recueillies nous-mêmes, et qui n’ont point encore été publiées. Quant aux inscriptions que leur altération n’a pas permis de déchiffrer, on peut consulter l’édition anglaise du Voyage de Pococke, qui paraît les avoir copiées avec soin. Toutes ces inscriptions célèbrent Memnon, et attestent que ceux qui les ont fait graver ont entendu le son de la statue. Il est remarquable qu’aucune d’entre elles n’est du temps des Ptolémées ; elles sont toutes postérieures à la conquête des Romains. Probablement, sous les Ptolémées, la religion égyptienne était encore assez en vigueur, et les monumens assez respectés, pour qu’on écartât soigneusement les profanes et les étrangers de l’édifice sacré où, comme nous allons bientôt le voir, étaient renfermées les deux statues qui nous occupent. C’est au moins ce que prouvent l’histoire de ces temps, et quelques monumens trouvés récemment, tels que l’inscription de la pierre de Rosette, qui constate que les Ptolémées protégeaient la religion égyptienne, et qu’ils s’occupaient même de l’entretien des temples[38].

Sous les Romains, au contraire, la religion égyptienne était avilie, pour ainsi dire, et opprimée ; et, si l’on en croit Strabon[39], on ne trouvait plus dans les temples ces prêtres habiles et instruits auprès desquels Platon, Solon, Eudoxe, et les plus grands philosophes de la Grèce, allaient puiser des leçons de science et de sagesse ; on n’y voyait plus que des hommes ignorans et vains, qui étaient livrés aux superstitions, et qui n’avaient retenu des anciennes institutions religieuses que les rites et le culte apparent.

Les inscriptions gravées sur le colosse du nord sont, en grande partie, du temps d’Adrien[40] ; quelques-unes datent du règne de Domitien, et l’on n’en trouve point d’une époque plus rapprochée : elles prouvent combien la statue a eu de célébrité pendant près d’un siècle. Parmi les écrivains qui ont parlé de l’Égypte et des choses remarquables que l’on y voit, il n’en est presque aucun qui n’ait appelé l’attention sur la statue de Memnon ; elle a excité la curiosité des plus grands personnages. Indépendamment de la renommée dont elle a joui pendant la période de temps dont nous venons de parler, elle était encore célèbre dans les siècles antérieurs. L’historien d’Alexandre[41] rapporte que ce héros, entraîné par un désir louable, sans doute, mais tout-à-fait hors de propos, avait formé le projet de parcourir non-seulement l’intérieur de l’Égypte, mais encore l’Éthiopie ; qu’avide de connaître les antiquités, il aurait visité les palais célèbres de Memnon et de Tithon, et se serait avancé par-delà les lieux où le soleil se lève, si les soins d’une, guerre imminente ne l’en eussent détourné. On pourrait croire que Quinte-Curce, bien au fait des merveilles que l’on allait admirer de son temps en Égypte, n’a point voulue qu’elles parussent avoir été ignorées de son héros : cependant, comme son témoignage se réunit à celui d’autres anciens historiens, et qu’une inscription grecque, encore subsistante sur la statue, atteste qu’avant d’avoir été bride par Cambyse[42], elle rendait des sons plus clairs et plus harmonieux, on doit croire que cette statue avait déjà très-anciennement de la célébrité, et que sa qualité sonore était connue même avant l’invasion des Perses, au temps où la religion égyptienne était dans toute sa splendeur. On en serait encore plus convaincu, si l’on se laissait guider par l’analogie des monumens : on voit en effet, dans les temples de l’Égypte, des conduits secrets au moyen desquels les prêtres entretenaient la superstition des peuples, peut-être par des oracles, où seulement par de simples sons, tels que ceux que faisait entendre la statue de Memnon[43].

Il est fâcheux que l’état de dégradation où se trouvent les deux colosses dont, nous venons de parler, ne permette pas de juger du mérite de leur sculpture, qui sans doute était digne d’admiration. C’est une remarque importante à faire, qu’on s’est en général mépris sur l’état de la sculpture chez les anciens Égyptiens ; on en a jugé par cette multitude de figures égyptiennes qui servaient d’amulettes, et que l’on fabriquait en si grand nombre et avec si peu de soin, pour satisfaire la superstition des Égyptiens et leur empressement à se les procurer. Ces figures inondent, pour ainsi dire, tous les cabinets de l’Europe. Porter d’après elles un jugement sur l’état de l’art en Égypte, c’est comme si l’on voulait juger chez mous de l’avancement de la peinture et de la sculpture par cette multitude de figures et d’images de saints qui sont entre les mains de tous les gens du peuple. Pour se faire une juste idée de la sculpture égyptienne, il faut la considérer dans les beaux morceaux que nous avons trouvés au milieu des ruines des villes anciennes, tels que la superbe tête du tombeau d’Osymandyas[44], le torse d’Abydus[45], et celui de Semenhoud, qui est maintenant déposé à la bibliothèque royale. Il faut surtout considérer la sculpture dans ses rapports avec l’architecture ; c’est alors qu’elle paraît vraiment grandiose et monumentale. Quoi de plus magnifique et de plus majestueux en effet, que ces masses colossales placées en avant de constructions plus colossales encore[46] ! Elles ne séduisent point par ce charme, cette grâce, ce mouvement, qui plaisent dans les statues des Grecs ; mais l’immobilité et la tranquillité de leur pose, ainsi que la régularité de leurs proportions, ont quelque chose de grave et d’imposant qui caractérise éminemment le peuple qui les a fait élever. On y retrouve la trace de quelques unes de ces grandes pensées qui dominaient les Égyptiens ; et ce qui n’avait d’abord semblé qu’un effort naissant de l’art, finit par en paraître une des perfections. Aucun peuple n’a mieux entendu cette sculpture extérieure qui, pour être en rapport avec l’architecture, doit être surtout monumentale.

  1. Herod. Hist. lib. ii, cap. 138, pag. 143.
  2. Voyez la pl. 20, ordonnée 1, A., vol. ii.
  3. Voyez pl. 20, ordonnée 2, vol. ii.
  4. Voyez pl. 22, Gg. 4, 4, vol. ii.
  5. Seize pieds.
  6. Quatre pieds six lignes à cinq pieds six lignes. Voyez pl 22, fig. 1 2 et 4, A., vol. ii.
  7. Un pied huit pouces. Voyez pl. 22, fig. 4, A., vol. ii.
  8. Quatorze pieds neuf pouces.
  9. Quatorze pieds un pouce.
  10. Six pieds deux pouces.
  11. Neuf pieds dix pouces.
  12. Quinze pieds quatre pouces.
  13. Voyez pl. a, fig. 1 et 2, A., vol ii.
  14. Quarante-huit pieds.
  15. Douze pieds.
  16. Soixante pieds.
  17. Dix-neuf pieds.
  18. Quatre pieds cinq pouces.
  19. Quatorze pieds huit pouces.
  20. Cinq mille huit cent trente-deux pieds cubes.
  21. Un million cent douze mille cent quatre-vingt livre Un échantillon de grès siliceux des colosses, pesant dans l’air 424542, a perdu de son poids, dans l’eau, 165gr10 ; ce qui donne, pour la pesanteur spécifique, 2,5707. Ainsi le mètre cube de grès siliceux pèse 2570,70 kilogrammes.
  22. Sept mille huit cent quatre-vingt-quatre pieds cubes.
  23. Un million quatre cent quatre-vingt-dix-neuf mille sept cent quatre-vingt-dix-huit livres.
  24. Deux millions six cent onze mille neuf cent quatre-vingt-cinq livres.
  25. Dix-huit pieds.
  26. Trente-trois pieds trois pouces.
  27. Sept pouces quatre lignes.
  28. Douze pieds trois pouces.
  29. Cinq pieds dix pouces.
  30. Un pied onze pouces.
  31. Un pied six pouces cinq ligues.
  32. Deux pieds.
  33. Voyez l’inscription I et sa traduction, à la fin de cette section.
  34. Deux pieds.
  35. Voyez l’inscription ii.
  36. Quarante-hait pieds.
  37. Voyez, à la fin de cette section, iii, v, viii, ix, xviii, xx, xxix, xxx, xxxi, xxxii.
  38. Τα προς θεους ευεργετικως διακαιμενος (Πτολεμαιος) ανατεθεικεν εἱς ταιερα αργυρικας τε και σιτιχας προσοδους· και δαπανας πολλας υπομεμενηκεν ενεκα του την Αιγυπτον εις ουδιαν αγαγειν και τα ιερα καταστησασθαι.
    In ea quæ pertinent ad deos benefico animo propensus (Ptolemæus), consecravit in templorun commoda argentarios et frumentarios proventus ; et multi impendia sustinuit ad Ægyptum in tranquillitatem reducerdam et ad temple erigenda (Éclaircissemens sur l’inscription grecque de Rosette, par M. Ameilhon, ligne 11, page 13).
  39. Voyez la citation no . 1.
  40. Voyez les inscriptions à la fin de cette section.
  41. Cupido, haud injusta quidem, cæterum intempestive, incesserat, non interièra modd Ægypti, sed etiam Æliopiam invisere. Memnonis Tuhonique celebrata regia cognoscendæ vetustatis avidum trahebat pene extra terminos solis ; sed immènens bellum, enjus multd major supererat moles, otosæ peregrinationi tempora exemerat (Quint. Curt. Hist. Alex. lib. iv).
  42. Voyez l’inscription XXVII, à la fin de cette section.
  43. Voyez ci-après, §. VI, ce que nous disons de la manière dont la statue rendait des sons.
  44. Voyez la description de ce monument, section iii de ce chapitre.
  45. Voyez le ve. volume de l’Atlas des antiquités.
  46. Voyez ce que nous rapportons ci-après du monument dont les deux colosses du nord et du sud faisaient partie.