Description de l’Égypte (2nde édition)/Tome 2/Chapitre IX/Section I/Paragraphe 5/Article 2

Article II.
Des terrasses du palais, du village qu’on y a bâti, et des constructions qui sont au-delà du péristyle.

La porte de sortie du péristyle dy palais, au nord-ouest, est encombrée presque jusqu’au sommet. De part et d’autre, à l’extérieur, ces décombres s’élèvent jusqu’à la corniche de l’édifice ; ce qui donne la facilité de monter sur les terrasses. On y remarque des vestiges de pieds d’hommes, dont les contours ont été gravés, et tout auprès, des caractères assez grossièrement tracés d’une écriture que l’on juge, à son analogie avec les hiéroglyphes, être l’écriture cursive des anciens Égyptiens. Ce sont là, sans doute, les résultats de pèlerinages faits par d’anciens habitans de l’Égypte, ou par ceux de pays éloignés, qui, attirés par la réputation de puissance et de sagesse dont jouissait cette contrée, ont voulu laisser des preuves de leur passage dans ces lieux mystérieux. Il est très-vraisemblable que la politique du gouvernement affectait de réunir toutes les provinces de cette contrée, et même les pays conquis, dans le culte des mêmes dieux, par l’établissement de certaines fêtes générales qui se célébraient à des époques marquées, soit à l’occasion de grands événemens civils ou religieux, soit au renouvellement de périodes astronomiques. D’ailleurs, on connaît le goût des Orientaux en général, et des Égyptiens en particulier, pour les pèlerinages. Hérodote en indique plusieurs, où les habitans de l’Égypte se rendaient par milliers, à l’époque des fêtes instituées dans différentes villes. Il parle plus particulièrement de ceux qui se faisaient de son temps dans la basse Égypte, portion du pays la plus peuplée, et où se trouvait la ville capitale de Memphis. On peut dire des Égyptiens modernes, qu’ils ont hérité du goût de leurs ancêtres ; et, à cet égard, comme à beaucoup d’autres, la constance et la perpétuité dans les usages, inspirées par le climat, se font éminemment remarquer. On pourrait citer nombre de lieux de pèlerinage que fréquentent aujourd’hui les habitans du pays, et où les lois de la décence ne sont pas mieux observées qu’elles ne l’étaient au temps d’Hérodote.

Les terrasses du péristyle sont encore surchargées d’une soixantaine de chétives habitations en briques crues, qui y ont été élevées dans ces derniers temps, et qui maintenant sont entièrement désertes. L’abandon de ce village paraît être le résultat de la dépopulation progressive de la plaine de Thèbes, et du mauvais entretien des canaux. Les eaux du Nil n’arrivent plus vers la limite du désert que dans les grandes inondations : dans les crues ordinaires, les habitans vont chercher plus près du fleuve la jouissance de ses eaux salutaires, d’où dépend leur existence.

Lorsqu’on sort du péristyle, en s’avançant vers le nord-ouest, on a devant soi un espace considérable rempli de monticules de décombres, et renfermé de toutes parts par un mur de clôture, qui se voit, au nord, dans toute son étendue. À partir de l’extérieur du péristyle, on en parcourt une longueur de soixante mètres, jusqu’à une porte de soixante-dix-sept centimètres de largeur. Au-delà, le mur se prolonge de vingt-six mètres ; il retourne ensuite à angle droit dans une longueur de vingt-trois mètres, et reprend une direction parallèle à celle qu’il avait d’abord ; mais alors les décombres sont tellement accumulés, qu’il en est entièrement recouvert, et qu’il ne se montre plus que d’espace en espace. C’est à l’angle ouest de ce mur d’enceinte que nous avons trouvé des morceaux de granit noir avec des hiéroglyphes ; ce qui nous porte à croire qu’il y a eu dans cet emplacement, et qu’il existe peut-être encore sous les décombres, des constructions en matériaux de cette nature. Il est également hors de doute que tout cet espace a dû être rempli de monumens, si l’on en juge par les enceintes de ce genre que nous avons remarquées dans plusieurs endroits, et plus particulièrement à Karnak. Il est à désirer que les voyageurs qui nous suivront puissent y entreprendre des fouilles ; et l’on peut assurer que les résultats de leurs recherches les dédommageront amplement des soins qu’ils se seront donnés. L’encombrement du mur d’enceinte ne permet pas de voir si ses paremens intérieurs sont décorés de figures et d’hiéroglyphes sculptés ; mais les paremens extérieurs en sont couverts.