Description de l’Égypte (2nde édition)/Tome 1/Chapitre IV/Section I/Paragraphe 1
CHAPITRE QUATRIÈME.
DESCRIPTION
D’OMBOS ET DES ENVIRONS.
SECTION PREMIÈRE,
§. I. De la route de Syène à Ombos.
uand on quitte la ville de Syène et qu’on redescend
le fleuve, la navigation présente un spectacle tout nouveau
pour le voyageur. Le vaisseau marche en travers,
afin d’offrir au courant qui le pousse une plus grande
surface ; la mâture est changée entièrement ; le grand
mât est abattu, et remplacé par le petit ; toutes les manœuvres
sont différentes. N’ayant plus cette énorme
voile latine qui l’élevait si haut, la germe semble nue ;
elle avance au moyen de quatre longues rames, dont le
bruit égal et mesuré fatigue moins l’oreille que le claquement
de la voile, violemment agitée par le vent du nord. Enfin, le chant des matelots accompagne les battemens
de la rame, et délasse le voyageur, qui laisse
derrière lui la zone torride et les cataractes. Mais une
idée plus douce remplit son âme, et l’étonnement y fait
place aux plus chers souvenirs ; à chaque mouvement
du vaisseau, il fait un pas vers sa patrie.
Après Syène, on ne trouve presque plus de culture sur la rive gauche. La chaîne arabique est très-haute, et à quelque distance du fleuve ; son aspect est de couleur brune, rarement égayé par un peu de verdure : celui de la rive gauche est constamment d’un ton jaune, parce que les dunes de sables qui la recouvrent viennent jusqu’au bord du Nil. On voit s’élever hors des dunes les pointes noirâtres du rocher, divisées en blocs carrés et irréguliers : du fleuve, on ne distingue pas si c’est du granit, ou bien du grès de même couleur que lui. Le plus souvent, les deux montagnes sont rapprochées, et la vallée est réduite à une lisière étroite ; il y a même quelques points où l’Égypte ne consiste plus que dans les seules eaux du fleuve. Le petit village de Koubanyeh, entouré de palmiers, est l’unique point où se repose la vue, fatiguée de l’aspect monotone du désert. Tel est le site aride qu’on observe dans le trajet de Syène à Ombos, où l’on arrive après huit heures de navigation.