Description d’un voyage aux établissements thermaux de l’arrondissement de Limoux/Quillan — Gignoles

IV. — Quillan. — Gignoles.


J’arrive, par une matinée des plus belles, monté sur un cheval — du pays, — qu’un de mes amis m’a prêté pour ma nouvelle pérégrination.

Que la nature est belle de Campagne ici ! Vraiment, toutes les stations thermales de l’arrondissement de Limoux sont des terres classiques de promenades : partout des sites toujours plus pittoresques et toujours plus nouveaux ; et qu’elle satisfaction de les parcourir, monté sur un jeune coursier qui, avec l’élégance de l’arabe, en a la vivacité et la souplesse !

Je me suis arrêté pour contempler le château en ruines qui couronne un promontoire à l’entrée de la ville de Quillan. Il en reste assez pour y trouver un cachet de construction aragonaise.

Je ne vous fais pas l’historique de Quillan qui, de 918 au traité de Maux, 1229, fut une dépendance du Duché de Narbonne, qui eut bien des luttes à supporter, comme se trouvant, soit dans les Marches-de-Septimanie, soit sur la limite des possessions aragonaises. Je ne dirai rien de la résistance admirable de ses braves habitants, dans un siège mémorable, avec de faibles remparts et la trahison de la Michance. Vous savez aussi que Quillan, ancien chef-lieu de district et de Maitrise des Eaux et Forêts, est aujourd’hui chef-lieu de canton.

Quillan est dans une plaine très-riante, ayant la forme d’une moitié de sphère. Cette plaine, d’une étendue très-restreinte, est limitée : au sud et à l’ouest, par de hautes montagnes, qui sont les contreforts du Pays-de-Sault, et le commencement des Corbières ; au nord et à l’est, par des côteaux d’une pente rapide. L’on découvre à l’ouest et au sud, une vraie mer de sapins et de hêtres ; au nord et à l’est, la vigne et l’olivier, et, dans la plaine, une culture des plus variées, avec une fécondité merveilleuse, surtout en produits maraichers. On pourrait voir de belles châtaigneraies sur les côteaux du sud-est.

Mais ici, quel grand champ ouvert aux études géologiques ! Si je m’occupe de la nature du sol arable, je vois une petite plaine, qui a tout au plus trois kilomètres de rayon, entourée de trois bassins différents : c’est le calcaire à côté de l’argile et du schiste, et, dans ce petit espace, peu de ressemblance marquée dans les terres d’un même bassin, tant les soulèvement du globe ont dû être grand dans un pays aussi accidenté. Il faut dire aussi que de nombreux ruisseaux arrosent la plaine ; que ces ruisseaux prennent leur source dans des terrains différents, et que le mélange des sédiments avec la terre primitive a bien contribué à changer la nature de cette dernière. Le long de l’Aude sont des terres d’un alluvion pur, avec du quartz, où il me semblait voir de belles houblonnières. Enfin, beaucoup de cailloux roulants, dans le sous-sol, loin de la rivière de l’Aude, ce qui prouve que cette dernière a dû couler dans d’autres lieux, si elle n’a eu un lit plus étendu.

C’est de Quillan que j’écris ces lignes. Je vais enfourcher mon leste coursier pour me rendre à Gignoles.

Gignoles (de gignus, dit on) n’est qu’à deux kilomètres de Quillan, vers l’ouest, au pied des riches montagnes du Pays-des-Forêts, le Pays-de-Sault, et dans un charmant vallon, avec un nec plus ultra frappant, à quinze cents mètres, lorsqu’on rencontre lesdites montagens, qui sont à pic et qui n’ont pas moins de six cents mètre d’élévation.

Gignoles possède trois sources qui ont 1, 23 et 27 degrès ; elles sont alcalines-magnésiennes ; elles sont employées surtout en boisson ; on leur attribue beaucoup de cures dans les affections nerveuses et les nombreuses maladies qui en sont la conséquence.

Tout ici a de la variété, du charme et de la grâce : beaucoup de verdure avec de beaux massifs, des soruces abondantes, de vastes établissements et une bonne et nombreuse société ; des divertissements et beaucoup de promeneurs, car Gignoles est, on peut dire, un des boulevards de Quillan.

Je passe quelques jours à Quillan, où j’ai des amis. Je vous écrirai d’Escouloubre, dont les eaux ont un grand renom.

27 juillet 1876.