Des religions pratiquées actuellement dans l’Inde/Christianisme

CHRISTIANISME[1].


En abordant le Christianisme nous allons rencontrer certaines difficultés spéciales, en face desquelles nous ne nous sommes pas trouvés lorsque nous avons parlé des trois autres religions. Ces difficultés spéciales proviennent de certaines causes distinctes. Premièrement, une certaine obscurité historique entoure l’origine du christianisme, obscurité due aux luttes qu’il a traversées à ses débuts, à une époque où les événements n’étaient pas soigneusement enregistrés et, comme conséquence une énorme masse de documents apocryphes, parus sous des noms augustes, documents qui furent tout d’abord acceptés aveuglément, puis graduellement passés au crible. L’obscurité importerait peu, car elle peut être bien vite dissipée par la lumière de la science occulte ; mais en agissant ainsi, on offense cruellement la plupart des Chrétiens actuels, comme si l’on attaquait l’essence de leur foi. Notre seconde grande difficulté, c’est l’immense différence, — ou plutôt les immenses différences, — qui divisent entre eux les Chrétiens, si bien que, à quelque opinion qu’on se range, on s’expose à ce qu’une partie des Chrétiens déclarent le Christianisme déformé dans la mesure où il n’a pas été expose conformément à leur opinion particulière. Car, en effet, nous avons l’Église grecque et l’Église catholique romaine qui embrassent la vaste majorité de la population chrétienne, puis nous avons un très grand nombre d’Églises et de sectes différentes groupées ensemble sous le nom de « Protestants », terme assez malheureux, car il n’affirme rien et déclare simplement qu’il y a protestation contre les opinions soutenues par les autres Chrétiens. Aussi trouvons-nous dans ces trois divisions, — car pour le moment je les appellerai ainsi, — un grand nombre de contradictions graves, et le savant, désireux de donner un exposé exact et de ne rien dénaturer, se trouve enveloppé dans un tourbillon de faits contradictoires parmi lesquels il ne peut accepter l’un sans se trouver en conflit avec les autres. Il n’y a rien en dehors de la Bible et du symbole des Apôtres, qui soit admis par la totalité des Chrétiens comme l’expression exacte de la doctrine chrétienne, et encore les disputes abondent-elles sur le sens de ces deux documents fondamentaux. L’extraordinaire importance attachée par tous les partis du monde chrétien à la forme de la croyance intellectuelle, engendre une âpreté de controverse inconnue des autres religions, l’exactitude de la croyance étant une condition bien plus rigoureuse pour l’orthodoxie, dans la plupart des Églises, que la soumission à aucune règle de conduite.

Je me propose de procéder ici comme je l’ai fait en traitant des autres religions, — de prendre des Écritures, les textes acceptés par toutes les sectes et de baser sur eux mon exposé ; je me servirai, en outre, des documents de l’Église primitive, des enseignements des « Pères de l’Église », comme on les appelle, ces textes facilitant l’intelligence des Écritures ; enfin, m’aidant de la lumière de l’occultisme, j’essaierai de distinguer l’essentiel du secondaire, de séparer ce qui est réel et vrai des additions qui l’ont recouvert par suite de l’insuffisance des connaissances et, bien souvent, des exigences de la controverse. Une autre grande difficulté subsiste et celle-là concerne le sentiment plutôt que l’intellect. Le Christianisme est la seule des religions du monde qui prétende à être unique ; chacune des autres religions ne prétend qu’à exercer son autorité sur ses propres adhérents, et reste, pour ainsi dire, sur son propre terrain, tout en admettant la valeur des autres religions et gardant vis-à-vis d’elles, en général, une attitude de bienveillante neutralité et non d’opposition active. Mais, en ce qui concerne le Christianisme, ce n’est pas le cas. Il prétend être l’unique révélation, l’unique voix de Dieu se faisant entendre à l’homme. Il n’admet pas de rival sur le même plan que lui ; il n’admet pas de frères à son foyer, il prétend se suffire à lui-même, solitaire, inaccessible, classant les autres religions du monde, toutes ensemble, parmi les erreurs, les qualifiant parfois du terme dédaigneux de paganisme, parfois un peu plus courtoisement, mais toujours avec le même exclusivisme. Ce procédé, naturellement, excite les sentiments d’hostilité aussi bien d’un côté que de l’autre. Le propagandiste chrétien insiste sur la valeur suprême de sa propre croyance et le peu de valeur des autres ; tandis que, de leur côté, les membres des autres religions, blessés par cette prétention à la supériorité, se sentent portés à faire au christianisme une opposition qu’ils ne sont pas tentés de faire aux religions non propagandistes. Surtout dans un pays comme celui-ci, ceux qui n’appartiennent pas à la religion chrétienne peuvent constater ce que je ne peux m’empêcher d’appeler son pire aspect, son aspect d’antagonisme qu’accompagnent malheureusement bien souvent, l’insulte et l’outrage aux religions aînées ; de sorte qu’il m’est très difficile de gagner votre compréhension sympathique à la religion telle qu’elle est réellement, en elle-même — car vous l’avez vue sous son aspect le plus défavorable, sous son aspect militant plutôt que réellement religieux. Je vous demanderai donc aujourd’hui de chasser momentanément de votre pensée tout ce qui a offensé vos sentiments religieux, tout ce qui a pu éveiller en vous des sentiments d’antagonisme et d’envisager cette religion de la même façon dont, plus aisément, vous envisagez les autres, c’est-à-dire comme l’un des modes suivant lesquels l’Être Suprême éduque une grande partie de la famille humaine, comme une religion qui apporte aide et consolation, ainsi que l’enseignement spirituel à des millions d’hommes. Si elle souffre, comme c’est souvent le cas, du manque de sagesse de ses représentants, essayez de l’oublier et d’envisager le Christianisme comme une religion, non comme un agent de prosélytisme.

Après cette introduction, — qui était nécessaire étant donné le pays où nous sommes et si je veux gagner quelque sympathie à une religion qui est l’une des plus grandes de l’Univers, — examinons les autorités et voyons ce qu’il y a lieu de traiter dans l’étude de la religion, dans quelle mesure nous pouvons comprendre le milieu dans lequel elle a peu à peu grandi, car si nous ne connaissons pas ce milieu, nous ne comprendrons jamais la forme dernière des doctrines, nous ne saisirons jamais la manière dont elles se sont développées.

Tout d’abord, nous avons certains « livres canoniques », acceptés à la fois par toutes les divisions de la Chrétienté, à propos desquels aucun débat ne s’élève, ni dans l’Église grecque, ni de la part des Catholiques romains ou des Protestants. Tous également acceptent sans conteste certains livres qui sont groupés ensemble sous les noms d’Ancien et Nouveau Testament, forment par leur réunion la Bible et sont regardés comme contenant la révélation divine, tandis que tout ce qui y est contraire est tenu pour hérétique. L’Ancien Testament, le fragment le plus ancien de ces Écritures canoniques, consiste en un grand nombre de livres différents, dont beaucoup sont historiques, transmis par les juifs ou le peuple hébreu. La rédaction de ces livres représente une longue période de temps et la suite en est marquée par un progrès très distinct : au début, un état de choses comparativement barbare, où la religion était étroite, prescrivait des sacrifices d’un caractère particulièrement sanguinaire, puis le progrès va croissant jusqu’à l’époque où le peuple hébreu, ayant pris contact avec d’autres civilisations, en particulier avec celles qui étaient pénétrées de la religion zoroastrienne, introduit dans sa propre croyance une conception plus noble et plus grande de l’Être divin, celle-là même que vous trouvez exposée dans les livres des prophètes ; ces derniers renferment des passages très élevés sur la nature de Dieu et aussi sur la justice que Dieu exige de l’homme. Nous y reviendrons tout à l’heure plus en détail, mais je voudrais terminer d’abord la question des autorités. L’Ancien Testament contient encore les Psaumes, qui sont des chants à peu près de même nature que ceux que nous avons rencontrés dans les autres religions, comparables à ceux des Védas, et aux Gathas du Zoroastrisme ; quelques-uns portent la marque de l’esprit le plus élevé et le plus noble ; quelques autres appartiennent à la période primitive : leur caractère est, des lors, militant à l’extrême et ils sont bien loin de nous offrir une morale toujours bonne ou élevée.

Nous arrivons maintenant aux documents réunis sous le titre de Nouveau Testament. Ils se composent de quatre Évangiles où se trouvent contenus la vie du Fondateur de la religion, quelques renseignements sur l’Église primitive, un certain nombre d’épîtres écrites par les disciples aux diverses sections de l’Église naissante, et un livre de prophéties. Il y a comparativement peu de chose, en fait de doctrine, dans les Évangiles eux-mêmes ; on en peut déduire certains dogmes, mais ils ne s’appuient que sur une faible autorité ; on y trouve plutôt un grand nombre de préceptes moraux, un grand nombre de ceux prêchés par le Christ et dont le caractère est plus éthique que philosophique ; dans les épîtres, en revanche, sont contenues la plupart des affirmations dogmatiques qui constituent l’ébauche de la doctrine chrétienne. En dehors de ce canon, extrait d’une masse de documents, nous avons encore, se rapportant au Nouveau Testament, ce qu’on appelle les écrits apocryphes. Ceux des Juifs sont des œuvres tout à fait remarquables, l’un surtout, le Livre de la Sagesse, est un document d’une rare beauté et qui témoigne d’une haute spiritualité. Ces livres sont plutôt acceptés des catholiques romains qu’ils ne le sont par les confessions protestantes. Dans la Bible des catholiques romains, ils sont généralement intercalés entre l’Ancien et le Nouveau Testament, tandis qu’ils sont supprimés dans la majorité des Bibles protestantes, comme n’étant pas canoniques.

Nous avons encore une masse d’écrits apocryphes relatifs à l’église primitive, les Évangiles de Marie, de Pierre, de Jacques — et ainsi de suite, — des histoires de l’enfance de Jésus, de sa vie ultérieure, de sa descente dans les enfers, de son action dans le monde invisible : toute une masse d’écrits, dont beaucoup sont des plus intéressants en ce qu’ils nous montrent la littérature du Christianisme primitif, intéressants et instructifs aussi pour l’érudit qui doit les étudier s’il veut connaître ce que j’appellerai le milieu intellectuel de l’Église primitive. Ces écrits ne sont jamais compris dans le livre qu’on appelle la Bible ; ils forment une masse littéraire importante et fournissent un grand nombre de documents qu’on doit lire pour peu qu’on désire comprendre le Christianisme primitif.

Enfin, nous avons une immense littérature fournie par les Pères, les évêques, les prédicateurs de l’Église naissante et qui s’étend de la seconde moitié du deuxième siècle, à travers les troisième, quatrième et cinquième siècles, — autre masse littéraire volumineuse dont il faut avoir connaissance pour être capable d’émettre une opinion sur la doctrine chrétienne, ou d’enseigner, d’exposer même le Christianisme. Cette littérature est l’œuvre d’hommes des plus instruits, dont un grand nombre ont été canonisés plus tard par l’Église, tels que saint Clément d’Alexandrie, saint Irénée et tant d’autres. Ce sont là des documents d’une valeur énorme et qui renferment la base philosophique et métaphysique du Christianisme.

Quant aux traditions orales, — car c’est en grande partie des traditions orales qu’on trouve dans les quatre évangiles qui contiennent la vie du Fondateur, — le choix en a été fait assez tard, au deuxième siècle, et elles ont été réunies sous les noms de quatre des grands apôtres de l’Église. Qu’un choix ait été fait parmi beaucoup d’autres documents, c’est ce qui ressort clairement de l’introduction du troisième Évangile, où l’auteur commence par dire :

« Plusieurs ayant entrepris de composer un récit des événements qui se sont accomplis parmi nous, suivant ce que nous ont transmis ceux qui ont été des témoins oculaires dès le commencement et sont devenus des ministres de la parole, il m’a aussi semblé bon, après avoir fait des recherches exactes sur toutes ces choses depuis leur origine, de te les exposer par écrit d’une manière suivie[2]… »

Et c’est là un point important qui vous montre de quelle manière ces récits furent rédigés. Tout d’abord, l’histoire court de bouche en bouche. Dans le Christianisme, comme dans les autres religions, il y eut une masse énorme de traditions orales qui passèrent de bouche en bouche et ne furent pas consignées par écrit. La plupart des préceptes sacrés ne furent jamais rédigés, ainsi que nous en trouvons la preuve dans quelques Pères de l’Église ; l’acte de foi qu’on apprenait à réciter à tout chrétien n’était pas écrit, il n’était qu’enseigné verbalement et devait servir de signe, permettant de reconnaître, dans l’Église, la présence d’un certain état de choses. Cette période d’enseignement oral offre une importance considérable, et son existence nous est, en outre, attestée par les citations des paroles de Jésus, qui se trouvent chez les premiers Pères, chez des hommes tels que Justin martyr ; Ignace, dans le « Pasteur » d’Hermas et autres textes qui rapportent, comme les propres paroles du Seigneur, des phrases qui ne se trouvent aucunement dans les évangiles canoniques, mais qu’on rencontre dans les soi-disant écrits apocryphes. Les évangiles canoniques sont extraits d’une tradition plus étendue et ont été réunis à une date ultérieure. Il nous faudra consulter Clément d’Alexandrie, l’un des plus grands parmi les Pères de l’Église, Tertullien, Origène, qui ont laissé de volumineux écrits ; ils nous aideront à connaître en détail la condition de l’Église à leur époque, et nous nous appuierons sur eux pour établir certains points fondamentaux sans lesquels nous ferions injustice au Christianisme, ainsi que tant de ses propres adhérents le font aujourd’hui.

Le premier de ces points préliminaires, c’est la division de la doctrine chrétienne en deux parties : l’une révélée, l’autre non révélée, la doctrine exotérique et l’ésotérique. Cette division existait chez les Hébreux, qui ont si fort influencé les premières traditions du Christianisme et qui possédaient une doctrine secrète connue sous le nom de Cabale. Je ne me propose pas d’en parler ici, bien que la connaissance en soit nécessaire à celui qui veut étudier sérieusement le Christianisme. Mais je voudrais appeler votre attention sur un certain nombre de déclarations faites par le Christ à ses apôtres, puis répétées par les premiers disciples et qui nous prouveront, sans contestation possible, l’existence d’une doctrine cachée ou ésotérique dont la perte, dans certaines Églises, explique amplement la grossièreté des théories que nous entendons aujourd’hui soutenir sur Dieu et l’âme humaine. Examinons d’abord une ou deux des déclarations que fit le Christ lui-même concernant sa propre manière d’enseigner. Au premier rang se place la déclaration du Christ à ses apôtres : « C’est à vous qu’a été donné le mystère du royaume de Dieu ; mais pour ceux qui sont dehors tout se passe en paraboles[3]. » Origène commente cette déclaration du Christ ainsi qu’il suit : « Je n’ai pas encore parlé de l’observance de tout ce qui est écrit dans les Évangiles, dont chacun comprend une grande part de doctrine difficile à saisir, non seulement pour la multitude mais même pour certains d’entre les plus intelligents ; car une explication très profonde y est contenue des paraboles dont Jésus se servait pour « ceux qui étaient dehors », tandis qu’il réservait l’exposé du sens complet pour ceux qui avaient dépassé le stade de l’enseignement exotérique et qui venaient recevoir un enseignement privé dans sa propre maison. Et lorsqu’on en arrivera à comprendre, on admirera alors pourquoi certains sont dits « être dehors » et d’autres » dans la maison[4] ». Ainsi, Origène pose une distinction entre ceux qui sont dehors, les illettrés, la multitude inculte à qui l’on ne pouvait enseigner les éléments de la vérité qu’au moyen de paraboles, — et ceux « qui sont dans la maison », apôtres et disciples, à qui était révélée dans son intégrité la parole de Dieu, — ces mystères du royaume qui n’étaient pas livrés au monde extérieur.

Nous trouvons encore Jésus adressant à ses disciples des paroles qui ne prêtent à aucune méprise : « Ne donnez pas les choses saintes aux chiens, et ne jetez pas vos perles devant les pourceaux, de peur qu’ils ne les foulent aux pieds[5]. »

Le sens du mot « chiens » nous est révélé non seulement par l’emploi qu’en font les historiens Juifs, mais par les paroles de Jésus lui-même. Le terme était usité pour désigner toutes les nations qui ne descendaient pas d’Abraham. Et nous voyons que la première réponse de Jésus à la femme Syro-phénicienne, venue à lui pour le prier d’exercer son pouvoir merveilleux, fut celle-ci : « Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens. » Elle accepta le mot avec humilité et répondit : « Mais les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres[6]. » Si bien qu’on ne saurait disputer sur le sens du mot « chien » ; il désigne ceux qui ne sont pas dans l’enceinte du royaume de Dieu. Et ainsi les Pères en comprirent le sens et s’y conformèrent. Ils pratiquaient exactement la même politique. Clément d’Alexandrie, citant les paroles ci-dessus, ajoute qu’il est difficile d’instruire « des auditeurs incultes et pareils à des pourceaux[7] ». De même, Jésus dit à ses disciples : « J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez pas les porter (comprendre) maintenant[8].» D’après les traditions des Pères de l’Église, il resta onze ans sur terre après sa résurrection enseignant à ses Apôtres les choses secrètes. Saint Clément dit, en parlant de cette science sacrée : « Elle fut révélée dès le commencement à ceux-là seuls qui comprenaient. Maintenant que le Seigneur a instruit ses Apôtres, l’interprétation non écrite des (Écritures) écrites s’est transmise jusqu’à nous[9]. »

D’après les Actes, le Christ ne demeura que quarante jours, mais pendant ces quarante jours il instruisit les Apôtres sur les choses du royaume de Dieu[10] et cet enseignement ne fut pas consigné. On n’en trouve aucune trace dans les Textes canoniques de l’Église. De fait, Origène observe à ce propos que Jésus « conversait avec ses disciples en particulier et principalement dans leurs retraites secrètes, sur l’Évangile de Dieu ; mais les paroles qu’il prononçait n’ont point été conservées[11] ». Nous voyons Saint Paul parler exactement de même. Il dit à ses convertis de l’Église de Corinthe : « Pour moi, frères, ce n’est pas comme à des hommes spirituels que j’ai pu vous parler, mais comme à des hommes charnels, comme à des enfants en Christ[12]. » Et ailleurs : « Nous prêchons la sagesse de Dieu, mystérieuse et cachée[13] » et encore : « Cependant c’est une sagesse que nous prêchons parmi les parfaits[14], » non pas à la généralité, mais à ceux qui sont parfaits, terme dont le sens technique est bien discerné, — d’après les passages des Pères, — ceux qui ont été initiés aux mystères et sont, par suite, les parfaits de l’Église. Je pourrais citer d’autres textes, mais ceux-ci suffiront et nous allons passer aux pratiques de l’Église, telles que nous les trouvons dans les Pères. Clément d’Alexandrie déclare que, par ses écrits, il se propose simplement de rappeler à ses lecteurs la vérité qui leur a été communiquée plus explicitement dans un exposé oral : « La rédaction de mes memoranda est faible, je le sais bien, auprès de cet Esprit, abondant en grâce, que j’ai eu le privilège d’entendre. Mais ce sera une image qui rappellera l’archétype à ceux qui auront été frappés par le Thyrse[15], » phrase que tout occultiste comprendra : « Il n’est pas à souhaiter », écrit le même auteur, « que toutes choses soient exposées indistinctement à tous, que les avantages de la sagesse soient communiqués à ceux dont l’âme, fût-ce en rêve, n’a pas été purifiée, (car il n’est pas permis de tendre au premier passant venu ce qu’on s’est procuré par d’aussi laborieux efforts), les mystères de la parole ne doivent pas non plus être exposés au profane[16] ». Lorsque Celse attaqua le Christianisme comme étant un système secret, Origène lui répondit : « Parler du Christianisme comme d’une doctrine secrète est parfaitement absurde. Mais qu’il y ait certaines doctrines qu’on ne fasse pas connaître à la multitude et qui ne soient (révélées) qu’après que l’enseignement exotérique a été donné : ce n’est pas là une particularité du Christianisme, mais encore de systèmes philosophiques dans lesquels certaines vérités sont exotériques, d’autres ésotériques[17] ». Afin de suivre l’ordre voulu, les nouveaux convertis au Christianisme étaient conduits successivement à travers différents stades ; ils étaient d’abord auditeurs, puis catéchumènes, après quoi ayant reçu le baptême, ils devenaient dans l’entière acception du mot, membres de l’Église. Au sein de l’Église elle-même, il y avait aussi des degrés : tout d’abord les membres généraux ; parmi ceux-ci, ceux dont la vie était pure passaient au second degré : « Quiconque sera pur, non seulement de toute corruption, mais de ce qu’on regarde encore comme de moindres transgressions, initiez-le hardiment aux mystères de Jésus, qu’il convient de ne révéler qu’aux saints et aux purs…

« Celui qui remplit l’office d’initiateur, selon les préceptes de Jésus, dira à ceux dont le cœur est purifié : Celui dont l’âme est depuis longtemps consciente de n’avoir commis aucun mal, spécialement depuis qu’il s’est abandonné à l’action salutaire de la parole, que celui-là entende les doctrines qui furent dites dans l’intimité, par Jésus à ses disciples[18]. » Ceux-ci étaient les « quelques élus » parmi les nombreux « appelés », et parmi eux on distinguait encore « les choisis d’entre les choisis », possesseurs de la « science parfaite » et qui « vivaient selon une équité parfaite, conformément à l’Évangile[19] ». Terlullien se plaint que les hérétiques n’observent pas cet ordre, et qu’ils traitent tout le monde également : « Pour commencer, on est dans le doute au sujet de savoir qui est catéchumène et qui est croyant, ils ont accès à tout pareillement, ils entendent les mêmes choses, font les mêmes prières, — les païens eux-mêmes, s’il vient à s’en trouver un parmi eux. Ce qui est sacré, ils le donnent aux chiens et leurs perles, bien que sûrement ce ne soient pas de vraies perles, ils les jettent aux pourceaux[20]. »

Cet enseignement, en partie du moins, concernait la signification exacte des Écritures, qui étaient bien loin d’être acceptées alors comme de simples documents historiques et éthiques, ainsi qu’elles le sont aujourd’hui. Origène explique, — et ses déclarations ont une valeur toute spéciale, puisque Socrate reconnaît « qu’il a exposé la tradition mystique de l’Église[21] », — comme quoi les Écritures sont triples dans leur signification : la « chair » pour les hommes ordinaires ; « l’âme » pour les plus instruits ; « l’esprit » pour les parfaits, et il cite les paroles déjà mentionnées de saint Paul relatives à la « sagesse de Dieu mystérieuse et cachée ». Les histoires sont la « chair », elles sont très utiles aux simples et aux ignorants, mais souvent des absurdités y sont introduites afin de montrer qu’il y a un sens caché, et les Évangiles « ne contiennent pas d’un bout à l’autre une histoire authentique des événements, lesquels s’enchaînent, il est vrai, selon la lettre, mais ne se sont pas réellement produits ». — « Les Évangiles eux-mêmes sont pleins de récits du même genre, par exemple le diable conduisant Jésus au sommet d’une haute montagne… et le lecteur attentif pourra noter dans les Évangiles une quantité innombrable de passages comme celui-ci, de sorte qu’il se convaincra que, dans les histoires qui sont rapportées littéralement, se trouvent insérées des circonstances qui ne se sont pas présentées[22]. » Quelques indications nous sont fournies par différents Pères au sujet de leur méthode d’interpréter l’Écriture ; il est évident qu’il existait un système très complet et qu’une des clefs, du moins, était numérique. Mais nous n’avons pas le temps de nous engager dans cet attrayant sentier. C’est assez, pour le but que nous nous proposons, d’avoir montré que le Christianisme, comme les autres grandes religions, avait son enseignement secret, confié à une minorité.

Il a été perdu en grande partie, emporté par le flot d’ignorance qui s’est abattu sur l’Europe après la chute de l’empire romain, et dès lors l’interprétation grossière, la doctrine à l’usage de la multitude ont remplacé les vérités spirituelles révélées à la minorité. Quelques fragments ont survécu, conservés dans les églises grecque et latine, tandis que des symboles et des cérémonies parlent encore de leur existence originelle, mais en tant que doctrine systématique, l’enseignement spirituel a disparu, laissant le christianisme dépouillé de la force qu’il y puisait. Trop souvent, de nos jours, l’enseignement est proscrit par les Protestants — à moins qu’il ne soit tel que les plus ignorants, les plus incultes, les intelligences les plus enfantines puissent le saisir ; et le résultat de cette mesure, dans les pays protestants[23], c’est que, tandis que l’Église continue d’avoir prise sur les ignorants, elle perd son ascendant sur les plus cultivés ; car la conception de Dieu et de la nature qui satisfait l’esprit de l’enfant, ou d’hommes sans aucune culture ni instruction, sera toujours une conception qui répugnera à l’esprit du philosophe dont les facultés plus étendues et la réflexion plus profonde demandent quelque chose de plus que ce qui suffit aux facultés rudimentaires des autres. Et, de la sorte, le christianisme s’est trouvé affaibli, le scepticisme s’est largement développé et nous trouvons des hommes qui écartent le Christianisme tout entier parce que l’exposé qu’on leur en fait est complètement indigne de l’assentiment de la raison et qu’il contredit les faits les plus élémentaires de la science.

Hâtons-nous maintenant de suivre l’évolution religieuse du peuple hébreu afin de pouvoir comprendre la place qu’y vient occuper le Fondateur du Christianisme, la conception de Dieu qui était courante de son temps, ainsi que les changements que cette conception a subis. Dans les premiers livres des Écritures hébraïques, nous trouvons une conception très étroite de Dieu et les idées qui sont exprimées, quelque exactes qu’elles puissent être quant aux dieux inférieurs (d’une individualité comparativement étroite, et limités dans leur puissance comme doivent forcément l’être tous les dieux inférieurs) deviennent absolument révoltantes quand on les applique à l’Être suprême, à la description du Dieu unique, du Logos, de celui qui règne sur l’Univers, qui fait vivre et conserve toutes choses. Je n’ai qu’à vous rappeler un certain nombre de passages, tels que celui où l’on nous montre comment ce représentant mesquin de la Divinité descendit se promener dans le jardin Éden, vint renverser les constructions de la Tour de Babel, pour que vous compreniez tout de suite que vous êtes en présence des entités divines inférieures et non du Logos. Mais hâtons-nous de les laisser avec tous les sacrifices sanglants qui les entouraient, et envisageons la conception plus noble des Prophètes, qui a servi de morale aux vues ultérieures adoptées par l’Église chrétienne. Ici nous trouvons une idée de Dieu dont le caractère est élevé et pur. Ce Dieu est essentiellement saint, c’est le Saint d’Israël ; « car ainsi parle le Très-Haut, dont la demeure est éternelle et dont le nom est saint[24] ; » il est « Dieu, l’Éternel, qui a créé les cieux et les a déployés, qui a produit la terre et ses fruits, qui a donné la respiration à ceux qui la peuplent, et le souffle à ceux qui y marchent[25] ». Il est l’unique, le seul Dieu : « Avant moi il n’a point été formé de Dieu, et après moi il n’y en aura point. C’est moi, moi qui suis l’Éternel, et hors moi il n’y a point de sauveur[26]. » En même temps que nous voyons apparaître cette conception plus noble de Dieu, nous saisissons de nombreuses traces de l’influence de la religion zoroastrienne sur les captifs hébreux.

Leurs idées, avant et après la captivité, sont entièrement différentes. On remarque aussi un souci de droiture, de pureté, un mépris des observances extérieures lorsqu’elles ne s’allient pas à la noblesse intérieure du caractère, mépris exprimé souvent même avec férocité, comme si l’indignation débordait à l’idée que quelqu’un oserait offrir au Dieu saint des cérémonies uniquement extérieures, au lieu d’une vie noble et droite. Prenons, par exemple, ce passage très violent que nous trouvons dans le prophète Amos : « Je hais, je méprise vos fêtes, je ne puis sentir vos assemblées. Quand vous me présentez des holocaustes et des offrandes, je n’y prends aucun plaisir ; et les veaux engraissés que vous sacrifiez en action de grâces, je ne les regarde pus. Éloignez de moi le bruit de vos cantiques ; je n’écoute pas le son de vos luths. Mais que la droiture soit comme un courant d’eau, et la justice comme un torrent qui jamais ne tarit[27]. » Voilà l’esprit qui anime les derniers prophètes. Nous pouvons prendre un autre exemple, tiré d’Ésaïe : le peuple se plaint que, bien qu’il ait jeûné, Dieu n’a pas écouté sa prière, que, s’étant châtié d’âme et de corps, Dieu n’ait pas paru y prendre garde. La réponse tombe alors foudroyante, comme du Sinaï : « Vous ne jeûnez pas comme le veut ce jour, pour que votre voix soit entendue en haut. Est-ce là le jeûne auquel je prends plaisir, un jour où l’homme humilie son âme ? Courber la tête comme un jonc, et se coucher sur le sac et la cendre, est-ce là ce que tu appelleras un jeûne, un jour agréable à l’Éternel ? Voici le jeûne auquel je prends plaisir : Détache les chaînes de la méchanceté, dénoue les liens de la servitude, renvoie libres les opprimés, et que l’on rompe toute espèce de joug : partage ton pain avec celui qui a faim, et fais entrer dans la maison les malheureux sans asile ; si tu vois un homme nu, couvre-le, et ne le détourne pas de ton semblable. Alors la lumière poindra comme l’aurore, et la guérison germera promptement ; la justice marchera, devant toi, et la gloire de l’Éternel t’accompagnera[28]. »

Le côté moral apparaît ici comme il apparaît à mainte et mainte reprise dans les livres de ces Prophètes. Je ne vous citerai plus qu’un seul passage pour vous montrer, pour ainsi dire, l’atmosphère morale dans laquelle Jésus naquit : c’est une parole du prophète Michée qui résume le devoir humain. Le prophète se demande comment il sera agréable à Dieu et ce qu’il doit faire : « Avec quoi comparaîtrai-je devant le Seigneur et m’inclinerai-je devant le Dieu suprême ? Comparaîtrai-je devant lui avec des offrandes brûlées, avec des veaux d’un an ? Le Seigneur sera-t-il satisfait par des milliers de béliers, ou par dix mille rivières d’huile ? Donnerai-je mon premier né en expiation de mes péchés, le fruit de ma chair pour les fautes de mon âme ? On t’a fait connaître, ô homme, ce qui est bien et ce que le Seigneur réclame de toi, c’est que tu pratiques la justice, que tu aimes la miséricorde et que tu marches humblement avec ton Dieu[29] ? » Voilà la forte et saine morale que vous voyez apparaître chez ces prophètes juifs les plus récents, et c’est au sein d’une nation influencée, du moins dans une certaine mesure, par cette doctrine, que Jésus naquit.

Maintenant, envisageons quelques instants cette figure qui n’a cessé de fasciner tant de cœurs, à laquelle se sont attachés l’amour et l’adoration de tant de générations dans le monde occidental ; essayons de nous rendre compte de l’œuvre qu’il avait à accomplir, de la mission qu’il était destiné à remplir. Une civilisation nouvelle allait naître, un point de départ nouveau allait marquer la vie de l’Univers ; de jeunes nations, pleines de vigueur d’énergie, douées d’un sens métaphysique moins développé chez elles que l’esprit pratique, venaient prendre le premier rang et allaient peu à peu saisir les rênes des destinées de l’Univers. Une race vigoureuse et forte, pleine de vitalité, d’énergie, pleine aussi d’intelligence pratique : tel était le type d’où les nations européennes allaient sortir, telle était cette nation, ou plutôt cette race, dont l’éducation religieuse se posait comme un problème devant la grande Confrérie, devant les Gardiens de l’évolution spirituelle de l’homme. Pour cette éducation, une nouvelle proclamation des vérités anciennes devenait nécessaire ; pour façonner cette civilisation naissante les vérités anciennes devaient être redites par quelque messager de la puissante Confrérie. À son tour, la nouvelle venue devait être instruite comme d’autres l’avaient été, et son éducation devait s’accorder avec ses traits caractéristiques. C’est pourquoi dans le Christianisme, on trouve peu de métaphysique subtile dont le Christ soit l’auteur, — beaucoup de morale, une haute moralité, un enseignement spirituel abondant sur les problèmes pratiques — peu de chose, de fait, à peu près rien, — sur la science de l’âme. C’étaient des points réservés à l’enseignement ésotérique, l’apanage des disciples immédiats.

Ayant cherché, pour ainsi dire, dans le domaine où cette religion devait commencer, l’instrument approprié, le messager qui convenait à la Confrérie, on en choisit un, — un jeune homme qui se signalait déjà par sa merveilleuse pureté et sa profonde dévotion, Jésus, connu plus tard comme le Christ. Sa mission commença au point précis, mentionné dans les Évangiles, de son baptême, alors qu’il avait environ trente ans. À cette époque, ainsi qu’on peut le lire dans les Évangiles, l’esprit de Dieu descendit sur lui et une voix venue du ciel proclama Fils de Dieu celui que les nations devaient écouter[30]. Sur cette appellation de « Fils de Dieu », je reviendrai dans un moment lorsque nous nous occuperons du refus des Juifs de lui accorder ce titre. Il nous suffit de constater que, d’après l’opinion émise dans ses biographies, le ministère de Jésus commença lors de ses trente ans, lorsqu’eut lieu cette manifestation particulière.

Du point de vue occulte, c’est là la forme allégorique sous laquelle est décrite l’élection de ce jeune homme comme messager de l’enseignement divin, et sous laquelle est représenté le don d’illumination qui le fit apte à être, pour les hommes, un divin Maître. Pendant trois ans seulement il mena la vie d’un Maître, une vie belle de pureté, rayonnante d’amour, de compassion, de toutes les tendres qualités du cœur humain. Nous le voyons errer à travers le pays de Palestine, ressuscitant les morts (du moins les appelait-on ainsi), guérissant les malades, rendant la vue aux aveugles : autant de cures que les hommes qualifiaient de miracles. Mais il n’y a rien là de surprenant pour un occultiste, car il est familiarisé avec ces actions et connaît les pouvoirs par lesquels elles s’accomplissent. Car jamais encore n’est apparu sur terre un grand Maître, quelqu’un en qui ait été développée la puissance de l’esprit et qui n’ait pas dominé la nature physique, cette nature étant devenue sa chose et ayant obéi à sa volonté. Ces soi-disant miracles ne sont rien autre que l’usage de certaines forces cachées de la nature, dans le but d’amener certains résultats extérieurs ; ces miracles consistant à guérir, à rendre la vue aux aveugles et ainsi de suite, avaient été accomplis bien avant la naissance du Christ et ont été reproduits depuis, d’année en année, par quantité de personnes ; et le Christ lui-même leur attribuait une importance si légère que parlant d’eux à ses disciples, Il leur dit : « En vérité, Je vous le dis, celui qui croit en moi fera aussi les œuvres que je fais, et il en fera de plus grandes, parce que je m’en vais au Père[31] ». Il léguait comme un signe qui devait distinguer les hommes ayant une foi vraie, une foi vivante en lui, le pouvoir de saisir les serpents et d’avaler impunément les poisons[32]. Ce signe devait appartenir à tous les Initiés résolus à exercer leur puissance, tandis que l’absence de ce signe, du moins dans quelques parties de l’Église, indiquait que les Initiés avaient perdu cette foi vivante dont le pouvoir merveilleux n’était, aux yeux du Maître, que l’expression et le symbole extérieur.

La vie de Jésus, ainsi que je l’ai dit, est une vie admirable. Écoutez son enseignement et vous aurez son véritable esprit, si différent hélas de l’esprit dont font souvent preuve ceux qui portent son nom. Cet enseignement s’accorde exactement avec les préceptes des grands Maîtres spirituels qui précédèrent Jésus ; « Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu[33]. » C’est la grande vérité occulte qu’il proclame à son tour, à savoir que, seule, la pureté peut voir le Pur, que Dieu ne peut être connu que de ceux qui sont purifiés. Voyez comment il fait ressortir cette vérité, qui vous est familière, que la pensée importe plus que l’action, que la pensée consentie est une action pratiquement accomplie.

« Quiconque, dit-il, regarde une femme en la convoitant, a déjà commis, en son cœur, l’adultère avec elle[34]. » Prenons encore ce précepte qui nous est devenu si familier par les doctrines de Manou, de Zoroastre et du Bouddha : « Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent et priez pour ceux qui vous traitent d’une façon outrageante et vous persécutent ; afin que vous soyez les enfants de votre Père qui est dans les cieux ; car il fait briller son soleil sur les méchants et sur les bons et il répand sa pluie sur les justes comme sur les injustes[35]. » Écoutez cette déclaration occulte qu’en dehors des occultistes, peu de personnes, probablement, comprendront. « La lampe du corps est l’œil ; si donc ton œil est bon, ton corps tout entier sera rempli de lumière ; mais si ton œil est mauvais, ton corps tout entier sera rempli d’obscurité. Si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, combien profondes seront ces ténèbres[36]. »

Écoutez-le proclamer à nouveau l’existence de cet étroit sentier que nous connaissons depuis longtemps, — de ce sentier que vous savez être aussi tranchant que la lame d’un rasoir : « Mais la porte est étroite et le sentier étroit qui mènent à la vie et il y en a peu qui les trouvent[37]. » Écoutez les paroles qu’il adresse à la multitude et qui respirent cette compassion divine, marque originelle de tous les représentants de la grande Confrérie, de la grande Loge blanche : Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés et je vous donnerai du repos. Prenez mon joug sur vous et recevez mes instructions, car je suis doux et humble de cœur ; et vous trouverez du repos pour vos âmes. Car mon joug est doux, et mon fardeau léger[38]. » Voyez-le reprenant ses disciples parce qu’ils veulent repousser les mères qui lui apportent leurs enfants afin qu’il les bénisse : « Accueillez les petits enfants et ne les empêchez pas de venir à moi, car le royaume des cieux est pour ceux qui leur ressemblent[39]. » Une fois même, il prit un petit enfant et le mit au milieu de ses disciples, le leur proposant comme un exemple d’humilité et de soumission. Examinons maintenant cette doctrine plus austère, encore exactement conforme à l’ancien enseignement occulte, qui déclare que l’attachement aux choses de la terre est fatal aux progrès dans la vie de l’esprit. Un jeune homme étant venu à lui et lui ayant demandé comment on peut gagner la vie éternelle, Jésus lui fit d’abord une réponse exotérique : « Observe les commandements ». Le jeune homme répliqua : « J’ai observé toutes ces choses depuis ma jeunesse, que me manque-t-il encore ? » Alors l’exigence devient plus dure : « Si tu veux être parfait, va et vends ce que tu possèdes donne-le aux pauvres et tu auras un trésor dans les cieux ; puis viens et suis-moi. » Le jeune homme « s’éloigna plein de tristesse car il avait de grands biens ». Le Maître occulte met alors le précepte en relief aux yeux de ses disciples : « L’homme riche entrera à grand’peine dans le royaume des cieux… Il est plus aisé à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un homme riche d’entrer dans le royaume de Dieu[40]. »

Il enseignait ainsi la même ancienne morale, la doctrine qui nous est si familière à tous, celle des anciens fondateurs de toutes les religions. Nous trouvons une autre ressemblance avec ses prédécesseurs dans son enseignement par paraboles ; toujours une parabole était sur ses lèvres lorsqu’il s’adressait à la foule. Et il prononçait ainsi parabole après parabole, chacune contenant quelque joyau de vérité spirituelle. Celle qui a pénétré le plus avant dans le cœur de la chrétienté et à laquelle le cœur des hommes a toujours répondu à cause de sa beauté et de sa tendresse, c’est peut-être celle de la brebis égarée, perdue dans le désert, dont le berger se met en quête et qu’il cherche avec le plus grand soin jusqu’à ce qu’il l’ait trouvée ; « et lorsqu’il la trouve, il la charge sur ses épaules et se réjouit. Et arrivé chez lui, il réunit ses amis et ses voisins, leur disant : Réjouissez-vous avec moi car j’ai retrouvé ma brebis qui était égarée. De même je vous le dis, il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont jamais péché[41] ». Le « Bon Berger » est un des noms favoris que la chrétienté a donnés au Christ et vous pouvez le voir dans les tableaux, dans les vitraux peints des églises et des cathédrales, représenté comme « le Bon Berger » portant sur ses épaules la brebis égarée qu’il a retrouvée et qu’il ramène, tout heureux, au bercail où sont les autres brebis. Sa doctrine du « Royaume de Dieu » a été fort déviée de son sens, mais on la comprenait bien dans l’Église primitive ; c’était un royaume auquel les hommes étaient appelés et dont les degrés étaient clairement marqués. Les hommes devaient être purs avant d’être admis à y entrer ; ils devaient avoir la foi ; c’était chose nécessaire avant d’y pouvoir pénétrer ; à leur foi ils devaient ajouter la science, sans quoi ils ne pouvaient pas atteindre les degrés supérieurs ; la sagesse devait suivre la science, sans quoi ils demeuraient imparfaits ; à tous ceux qui remplissaient ces conditions l’immortalité était promise, — la victoire sur la mort, la certitude de ne plus périr ; car, nous allons le voir tout à l’heure, la religion chrétienne, à ses débuts, enseignait l’ancienne doctrine de la réincarnation ; par conséquent il arrivait un moment où la mort était vaincue et où les hommes ne sortaient plus du temple de Dieu, où ils étaient devenus maîtres dans la connaissance des mystères du royaume céleste. Jésus passa ainsi trois courtes années à enseigner, à guérir et à secourir tous ceux qui étaient dans le besoin. Il « allait faisant le bien », c’est ainsi que saint Pierre résume sa vie[42]. Cette vie fut très courte, pourquoi ?

Pour le bien de ceux à qui Il était venu apporter le message de la Confrérie : s’adressant à des gens féroces, fanatiques, durs et bigots dans leur religion, Il ne pouvait attendre qu’un seul résultat, la mise en action de leur implacable loi de blasphème, sa propre mise à mort par leur méchanceté et leur haine. De nos jours, on se demande parfois pourquoi les grands Maîtres demeurent cachés, pourquoi ils s’abritent derrière le voile et refusent de se montrer dans le repaire des hommes ? C’est parce qu’en attendant que les hommes réapprennent l’ancienne vénération, qui faisait du messager des Dieux une personne sacrée et l’entourait d’amour, de respect et de culte, — les Maîtres de Sagesse ne veulent pas venir exciter la colère des hommes en éveillant la jalousie par Leur pureté, la haine par Leur vie spirituelle. Le Christ fut le dernier de ces grands messagers envoyés au monde et ceux vers qui Il vint l’immolèrent au bout de trois ans de sa vie physique ; les hommes le détestaient à cause d’une pureté qui leur semblait une insulte adressée à leur propre impureté, et à cause d’une grandeur qui était un reproche à leur petitesse.

Nous arrivons aux luttes de l’Église primitive. L’Évangile de l’amour et de la compassion se répandit vite parmi les pauvres, mais plus lentement, et par l’enseignement ésotérique, chez la classe cultivée, et nous constatons de la part de la Confrérie un grand effort soutenu durant les trois premiers siècles après le Christ. Il y eut lutte entre la science et l’ignorance, entre les lumières et la superstition. Elle éclata, forte et violente, ayant pour centre principal Alexandrie ; pour acteurs, d’une part les gnostiques, de l’autre la masse des chrétiens. Si l’on se reporte à l’histoire, on y trouve de grands gnostiques essayant d’introduire sous de nouveaux noms, la sagesse de l’Orient dans cette religion nouvelle, destinée à être contenue dans un cadre moderne. Le grand Valentin écrit alors son apocalypse de la Sagesse, la Pistis Sophia, le trésor le plus précieux de l’ancien occultisme chrétien, qui vient d’être révélé au monde anglais par la traduction de M. G.-R.-S. Mead, alors secrétaire de la section européenne de la Société théosophique. M. Mead écrit dans son introduction : « Considérons le mouvement qui se produisit vers l’an 150 après Jésus-Christ. À cette époque, les Logia originelles, l’Évangile primitif du Christianisme avait disparu et les Évangiles synoptiques avaient tous pour cadre la vie du grand Maître de la foi, telle qu’elle était conservée par la tradition. La nouvelle religion, flot de la marée populaire, montait exclusivement de l’océan des traditions juives et précipitait une conception plus universelle du Christianisme dans le même torrent l’intolérance et d’exclusivisme qui avait caractérisé la nation hébraïque à travers toute son histoire antérieure. Cet étonnant phénomène attirait alors l’attention d’hommes qui, non seulement étaient versés dans la philosophie des écoles, mais, en outre, étaient imbus de l’esprit éclectique d’une théosophie universelle et de la science des doctrines intimes des religions anciennes. Ces hommes crurent voir, dans Évangile chrétien, une similitude de doctrine avec l’enseignement ésotérique des anciennes religions et un universalisme de même nature que celui de cet enseignement et ils se mirent à l’œuvre, essayant d’enrayer les tendances étroites et exclusives qu’ils voyaient se développer si rapidement parmi les moins instruits, lesquels incitaient la foi au-dessus de la science, à ce point qu’ils condamnaient ouvertement toute autre forme de religion et raillaient toute philosophie et toute éducation[43]. »

Une lutte se déchaîna entre ces hommes et la masse, dirigée d’ailleurs par quelques personnalités fortes et profondes ; elle se termina par le succès de la masse inculte et par le rejet, hors de l’Église, des gnostiques plus instruits et d’esprit plus philosophique, lesquels sont toujours restés depuis lors au ban de l’Église comme hérétiques. L’Église sortit de cette lutte, conservant assez de vraie religion pour former et élever les cœurs, mais pas assez pour justifier devant la raison la sagesse des siècles passés. Elle rapporta de cette lutte sa dévotion envers la personne du Christ, l’Homme-Dieu qui devint l’objet de son culte le plus fervent et le plus passionné. Dans cette révélation du Divin, il y avait, je le répète, tout ce qui était nécessaire au cœur ; hélas ! il n’y avait pas assez pour subjuguer l’intellect, pour former l’esprit philosophique. Le résultat fut que l’Europe traversa les « siècles de ténèbres », ainsi qu’ils sont très bien et à juste titre désignés dans l’histoire et la science ésotérique de l’Église primitive disparue ; les Pères eux-mêmes furent, pour ainsi dire, oubliés, si ce n’est dans les monastères, où on les étudiait encore et où, de temps à autre, se formaient, pour l’Église catholique romaine, des docteurs et des métaphysiciens.

Nous pouvons observer comment, à cette époque de ténèbres, les doctrines furent contrefaites et défigurées et comment quelques-unes en arrivèrent à être présentées sous une forme aussi révoltante, pour la raison que pour la conscience. Nous arrivons au temps de la Réforme protestante, alors que la terrible doctrine de Calvin et celle, à peine plus libérale, de Luther, régnaient dans le parti réformé. C’est d’elles que sortit le Protestantisme moderne, dont la forme la moins dure est représentée par l’Église anglicane, encore fortement influencée par les doctrines catholiques romaines. Aujourd’hui, au sein de cette Église elle-même, se développe une école plus élevée, plus libérale dans sa façon de penser, plus charitable dans sa manière d’envisager les autres Églises et nous sommes en droit d’espérer qu’elle relèvera le Christianisme moderne et lui rendra sa place légitime parmi les religions du monde.

Il nous faut passer maintenant aux doctrines du Christianisme et les examiner aussi complètement que le temps nous le permet. D’abord la Trinité ; il est curieux de constater combien la Bible en parle peu ; dans l’Ancien Testament il n’en est pas fait mention du tout, bien que les Juifs aient professé cette doctrine dans leur enseignement secret, la Cabale ; dans le Nouveau Testament il en est peu question et la mention la plus précise est récusée, — ou plutôt est omise, — par les plus récents correcteurs de la Bible. Cette mention est très précise ; « Ils sont trois qui enregistrent toutes choses dans les cieux, — le Père, le Verbe et le Saint-Esprit : et ces trois ne sont qu’Un[44]. » Les rédacteurs ont regardé ce passage comme une glose (interprétation) due à quelque moine et qui se serait glissée dans le livre à une époque ultérieure de l’histoire de l’Église : aussi l’ont-ils supprimé. C’est l’unique texte sur lequel la doctrine s’appuie complètement. Il y a bien à la fin de l’Évangile selon saint Mathieu, une phrase relative au baptême « au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit », mais la critique l’a récusée aussi, bien que les rédacteurs ne l’aient pas écartée. Il y eut, dans l’Église primitive, une querelle au sujet de la doctrine, compliquée par la divinisation de Jésus dans la seconde personne, mais le dogme qui en sortit finalement laisse reconnaître l’ancien sous une forme nouvelle : le Père, l’existence même, source de toute vie ; le Fils, émané de lui, engendré par lui, double en sa nature, à la fois Dieu et homme, revêtu de ce signe de dualité qui a toujours caractérisé le second Logos ou la seconde personne de la Trinité, — à savoir que par lui, les mondes ont été créés et que sans lui rien ne peut exister dans l’Univers manifesté ; il est plus difficile de définir la troisième personne, — le Saint-Esprit, l’intelligence universelle ou sagesse. Ainsi que je l’ai dit, il y eut une querelle dans l’Église. Quelques-uns contestaient la doctrine de la Trinité ; d’autres la soutenaient, et finalement l’ancienne doctrine sortit triomphante de cette querelle et devint la doctrine orthodoxe de l’Église. Elle fut donc déclarée comme faisant autorité dans le « Credo d’Athanase » et malgré quelques propositions auxquelles on pourrait objecter, ce credo nous offre un des meilleurs exposés métaphysiques de la doctrine contenue dans le Christianisme. Je vais la rappeler, parce qu’il y est fait allusion, d’une façon obscure et vague, à quelque chose qui serait au delà de la Trinité, et qui se trouve indiqué, çà et là, dans quelques passages des Écritures chrétiennes. La substance divine est dite une. Les croyants sont avertis de ne pas plus confondre les personnes de la Trinité, que de diviser la substance, l’Unité qui sert de fondement aux Trois, l’Unité dont les Trois ne sont que les manifestations. Un théologien de l’Église romaine fait remarquer que le mot « personne » vient de persona, le « masque », ce qui implique que derrière le masque s’abrite la réalité non-révélée, le Dieu caché qui n’est point connu. Il y a une allusion à cet inconnu dans le vers de Job : « Peux-tu, en le cherchant, découvrir Dieu[45] ? » Plus d’une fois, dans le livre de Job, la question est posée au sujet de cet Inconnaissable, de ce Dieu non révélé aussi bien en sa nature qu’en son essence. Puis, descendant de la Trinité, nous trouvons les sept Esprits devant le trône de Dieu[46]. Ce sont les sept grands dieux des éléments, qui nous sont devenus familiers par l’étude de l’Hindouisme, du moins en ce qui concerne cinq d’entre eux ; les cinq dieux des cinq éléments manifestés ; ici, ils sont mentionnés tous les sept. Puis nous avons, en tant que dieux inférieurs, tous les archanges et anges, ceux que saint Paul désigne comme les Anges, les Archanges et les Puissances[47] ; il y en a neuf classes : les Séraphins, les Chérubins, les Trônes, les Dominations, les Vertus, les Puissances, les Principautés, les Archanges et les Anges. À ce sujet, il est très intéressant de relever la déclaration de saint Ignace, évêque de l’Église apostolique, comme quoi il n’est pas encore « capable de comprendre les choses divines, telles que la place des anges et de leurs divers groupes sous leurs princes respectifs[48] ». Dans l’Église catholique romaine, il y a bien, en effet, un culte des anges, c’est-à-dire un culte des dieux inférieurs qui sont en rapport immédiat avec les hommes et avec toutes les manifestations de la nature.

Nous arrivions ensuite à l’importante question de la nature de l’homme et de ses rapports avec Dieu ; nous la considérons telle qu’elle est exposée dans les Écritures elles-mêmes, car elle n’est malheureusement pas toujours présentée sous la même forme dans les doctrines de l’Église moderne. Saint Paul décrit l’homme comme triple en sa nature, à la fois esprit, âme et corps[49], posant entre l’âme et l’esprit une distinction qui s’est perdue dans l’enseignement populaire où l’esprit et l’âme sont identifiés, si bien que toute l’évolution de l’homme y devient confuse. L’esprit est divin : « Ne savez-vous pas, dit saint Paul, que vous êtes le temple de Dieu et que l’esprit de Dieu demeure en vous ?[50]. » Les termes employés ici sont exactement les mêmes que la littérature hindoue nous a rendus si familiers lorsqu’elle nous a montré le corps humain désigné par les termes de Vishnoupûra, Brahmapûra, la ville ou cité de Brahma ou de Vishnou. Ici, saint Paul, qui était lui-même un initié, parle du corps humain comme du temple de Dieu et de l’esprit de Dieu comme demeurant en ce temple. Puis — et c’est le passage que j’avais en vue en vous indiquant que je ferais allusion à la parenté du Christ avec Dieu, proclamée à son baptême, — nous trouvons les Juifs attaquant Jésus parce qu’il revendique le titre de Fils de Dieu. Son plaidoyer est remarquable : Il ne dit pas comme pourrait le dire de lui un chrétien moderne : « Oui, je suis le Fils de Dieu, ce que nul autre homme ne peut être » ; au contraire, il fonde sa prétention à la filiation divine sur la divinité inhérente à la nature de l’homme lui-même. Écoutez ses paroles et remarquez combien elles sont claires et précises. Il renvoie les Juifs à leurs propres Écritures. « N’est-il pas écrit dans votre loi, je vous le dis : vous êtes des dieux ? Si elle a appelé dieux ceux à qui s’adressait la parole divine et si les Écritures sont infaillibles, direz-vous de celui que le Père a sanctifié et envoyé en ce monde, qu’il blasphème, parce que je vous dis que je suis le Fils de Dieu[51] ? » Voici comment le Christ lui-même soutenait être le Fils de Dieu : « Tous les hommes sont des dieux, d’après les Écritures, et les Écritures sont infaillibles ; par suite il n’y a pas de blasphème dans ma revendication et je puis m’appeler aussi le Fils de Dieu. » Examinons aussi sa belle prière, juste avant de marcher au Calvaire. Il adresse cette prière à son Père, pour l’avenir de son Église. Il parle à Dieu de leur unification, de ce qu’il ne fait qu’un avec lui et continue, priant :

Afin que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et comme je suis en toi, afin qu’eux aussi soient un en nous,… Moi en eux et toi en moi, afin qu’ils soient parfaitement un[52].

Voilà la déclaration de l’unité entre l’homme et Dieu. Voilà, en outre, la proclamation que fait cette religion de la nature divine de l’homme et de sa réunion future avec le Père, de qui il semble momentanément séparé, tant qu’il habite un corps charnel. Si nous examinons, en outre, la doctrine, telle que nous la trouvons dans les écrits de saint Paul, tout ceci devient de plus en plus clair à mesure que nous avançons ; nous voyons, en effet, l’apôtre employer le terme de « Christ » comme un nom mystique désignant le principe de l’âme développé chez l’homme, le fils du père (esprit) : « Mes chers enfants, pour qui je ressens de nouveau les douleurs de l’enfantement, jusqu’à ce que Christ soit formé en vous[53]. » Le Christ ne doit pas seulement être un homme extérieur à ses disciples. Il doit se former comme l’enfant dans le sein maternel, dans le cœur de chacun de ses disciples. Et ce Christ, qui doit se former dans le disciple, doit grandir, se développer en lui jusqu’à ce que l’homme ait enfin atteint « la mesure de la stature parfaite de Christ[54] ». Ces disciples doivent devenir des dieux manifestés par la chair. Telle est la doctrine du Christianisme apostolique, si regrettablement mutilée, sous sa forme actuelle, par les écrivains modernes. Et l’on enseigne que toutes choses doivent finalement être absorbées en Dieu. Pensez-vous que cette doctrine de l’union avec Brahma, de la fusion en Brahma, soit une doctrine que n’ait point eue le Christianisme ? Passons maintenant au quinzième chapitre de la première Épître aux Corinthiens et lisons la description qui y est donnée : « Ensuite viendra la fin, quand il remettra le royaume à celui qui est Dieu et Père… Le dernier ennemi qui sera détruit, c’est la mort… Et quand toutes choses lui auront été soumises, alors le Fils, lui aussi, sera soumis à celui qui lui a soumis toutes choses, afin que Dieu soit tout en tout[55]. » C’est exactement l’ancienne doctrine qui réapparaît, « Dieu tout en tout », comme dernière étape de l’univers, le Fils, le Christ, rassemblant tout en lui comme Ishvara et s’absorbant en Brahma, lorsque Dieu est tout en tout.

Passons maintenant à la réincarnation. Ce verset justement cité, que « le dernier ennemi détruit sera la mort », nous fournit déjà une indication au sujet de la doctrine de l’Église primitive ; car il nous informe que la mort ne sera pas détruite avant « la fin ». Il y a encore une autre indication dans ces mots : « Celui qui vaincra, j’en ferai une colonne dans le temple de mon Dieu ; et il n’en sortira plus[56] », le retour désignant le recommencement d’une vie, l’exil loin des demeures célestes. Mais il y a trois cas qui caractérisent plus fortement encore la doctrine en ce qui concerne le Christ. Il faut se rappeler que la croyance en la réincarnation était couramment admise chez les Juifs de son temps, de sorte que les allusions qu’on y pouvait faire étaient naturellement intelligibles à l’entourage de Jésus. Mais cela ne suffit pas à prouver qu’il admettait la doctrine. Examinons donc les paroles qu’il adresse à quelques disciples envoyés vers lui par saint Jean-Baptiste et qui lui demandent s’il est le Christ. Après qu’il eut donné aux messagers une réponse pour leur maître, Jésus leur parla du caractère du grand prédicateur et déclara : « Si vous voulez le comprendre, c’est lui qui est Élie qui devait venir »[57], déclaration bien nette que le prophète juif s’était réincarné en saint Jean-Baptiste. Et encore, lorsque ses disciples lui demandèrent pourquoi l’on disait qu’Élie viendrait avant le Messie, il leur répondit : « Élie, en vérité, viendra le premier et rétablira toutes choses. Mais je vous le dis, Élie est déjà venu et ils ne l’ont point reconnu… Alors les disciples comprirent qu’il leur parlait de Jean-Baptiste[58]. »

Une autre fois, ses disciples lui demandèrent à propos d’un aveugle : « Qui donc a péché, est-ce cet homme ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? » Un chrétien de notre temps répondrait : « Comment un homme pourrait-il avoir péché avant d’être né, de façon à avoir attiré sur lui ce châtiment ? » Mais Jésus ne fit pas cette réponse d’ignorant. Il répliqua : « Ce n’est pas que lui ou ses parents aient péché, mais c’est afin que les œuvres de Dieu soient manifestées en lui[59]. » Jésus acceptait la préexistence de l’âme et la possibilité de commettre le péché avant la naissance à la vie présente, mais il donnait de ce cas de cécité une autre raison.

Si nous passons aux Pères de l’Église, nous verrons que Tertullien parle très clairement dans son Apologie ; « Si un chrétien annonce qu’un homme renaît dans un autre homme, Gaïus, par exemple dans le Gaïus actuel, le peuple réclamera à grands cris qu’on le lapide, on ne l’écoutera même pas. S’il y a lieu d’admettre que les âmes humaines aillent et viennent dans divers corps (d’animaux), pourquoi ne retourneraient-elles pas dans la substance même qu’elles ont quittée ? Car c’est là une conception beaucoup plus digne de foi, d’admettre qu’un homme ait été antérieurement homme, telle personne donnée telle autre personne donnée, qui aurait ainsi conservé son caractère humain ; n’est-ce pas plus digne de foi que d’admettre que l’âme, ses qualités n’ayant pas changé, puisse revenir à la même condition antérieure quoique dans un organisme différent ?… Vous demandez : sommes-nous condamnés à toujours mourir pour toujours nous relever de la mort ? Si le Seigneur de toutes choses en avait décidé ainsi, vous n’auriez qu’à vous soumettre. … [Mais le millénaire viendra apporter une limite et] après cela, il n’y aura ni mort ni résurrection répétées. »

Origène croyait à la préexistence de l’âme et pensait qu’elle naissait dans un corps en harmonie avec ses actions antérieures. Il dit : « N’est-il pas plus conforme à la raison que chaque âme, à cause de certaines raisons mystérieuses, (je parle ici d’après l’opinion de Pythagore, de Platon et d’Empédocle, que Celse nomme fréquemment), soit introduite dans un corps et introduite dans tel ou tel, suivant ses mérites et ses actions antérieures[60] ? » Je pourrais citer beaucoup d’autres passages, qui tous prouveraient cette croyance à la préexistence de l’âme et à sa « descente » pour prendre naissance ici-bas ; et il est hors de doute que cette croyance était très répandue dans l’Église primitive, car, dans un Concile général, elle fut formellement condamnée et frappée d’hérésie, — Concile qui se tint après que la période de ténèbres eût commencée. Cette décision, plus que tout le reste, sépara le Christianisme de toutes les autres religions du monde et conduisit aux plus désastreuses conséquences. Car la doctrine de la Réincarnation va de pair avec celle de Karma, l’une dépendant de l’autre et lorsqu’il n’y a plus de croyance en la Réincarnation, le Karma ne peut plus être enseigné. Il l’était dans les premières épîtres, non sans clarté : « On ne se moque pas de Dieu. Ce qu’un homme aura semé, il le moissonnera aussi[61]. »

Mais lorsque la croyance à la Réincarnation fut morte, ces paroles devinrent inintelligibles et l’on dut alors inventer toutes sortes de raisons, par exemple l’expiation par substitution et je ne sais quoi encore, — afin que les hommes pussent ne pas récolter les suites de leurs propres actions. Mais lorsqu’un chrétien vous présentera une explication de ce genre et vous dira que, par ce moyen, vous pouvez échapper aux conséquences de vos actes, répondez-lui par les paroles de ses propres Écritures : « Ne vous y trompez pas ; on ne se moque pas de Dieu. Ce qu’un homme aura semé, il le moissonnera aussi. »

Une noble doctrine, celle de la loi du sacrifice, sert de fondement à l’idée de l’expiation par substitution, mais elle a été travestie de manière à conduire au plus horrible blasphème. La loi du sacrifice, qui réalise l’union de l’homme avec Dieu, cette loi du sacrifice au nom de laquelle les mondes furent créés et grâce à laquelle ils continuent d’exister, — cette noble doctrine antique est illustrée dans le Christianisme primitif, par le sacrifice complet du Christ à la volonté de Dieu. Mais le Christianisme du moyen-âge en tire une théorie qui met le Fils et le Père, pour ainsi dire, en opposition l’un contre l’autre et qui manque à tout respect, en même temps qu’elle outrage la raison, en ce qu’elle introduit toutes sortes de discussions légales dans les relations entre l’esprit de Dieu et l’homme.

La perte de la croyance à la Réincarnation fit surgir une autre doctrine, que le Christianisme est seul à posséder, la doctrine d’un enfer éternel. Le ciel et l’enfer, éternels tous deux, furent présentés comme les résultats de notre courte vie terrestre. Un homme mis au monde avec un caractère déjà empreint en lui, avec des tendances vertueuses ou vicieuses suivant les cas, mais formées en lui dès le sein maternel et dessinées dès le berceau, — cet homme, vivant vingt, quarante, soixante, cent ans même, devait être l’auteur de sa destinée éternelle tout entière et aller au ciel ou en enfer pour toujours. Combien l’influence de cette doctrine fut terrible, démoralisant les esprits, rendant les hommes égoïstes, je ne citerai qu’un verset pour le montrer, — verset écrit par un des hommes les plus doux, les plus nobles, les plus purs du Christianisme moderne, John Keble, l’auteur de The Christian Year. Il avait été si démoralisé par cette doctrine d’un enfer éternel, par cette idée que le ciel et l’enfer devaient subsister ou s’écrouler ensemble, que dans The Christian Year il exprime un sentiment qui me semble choquant par son égoïsme et son immoralité ; il plaide en faveur de la doctrine de l’éternelle torture parce que, sans elle, l’idée du paradis éternel perdrait un de ses appuis. Si quelques humains ne sont pas éternellement torturés, il n’y a pas de preuve que d’autres trouveront une place éternelle au ciel. Keble dit (je cite de mémoire, mais je rends exactement le sens) :

Mais où est donc le soutien des cœurs contrits ?
Autrefois ils s’appuyaient sur ta parole éternelle,
Mais avec la crainte du pécheur leur espoir s’envole,
Fermement attachés à toi comme l’est à toi ton grand nom, ô Seigneur,
Ainsi nous devrions être éternellement, pour la joie ou la douleur.
Mais si les trésors de ton courroux pouvaient s’épuiser,
Tes fidèles devraient perdre le ciel promis. »

Mais s’il était vrai que la vie céleste eût pour condition les tortures d’autres hommes en enfer, je vous demande si tous ceux qui sont animés de l’esprit du Christ n’accepteraient pas d’être annihilés plutôt que d’acheter leur immortalité par les souffrances d’innombrables millions d’hommes, dans un enfer sans fin ? Heureusement, c’est là une doctrine qui appartient presque au passé ; l’un après l’autre, les chrétiens l’abandonnent ; l’un après l’autre, les maîtres proclament la doctrine opposée ; le chanoine Farrar, prêchant dans la chaire de Westminster Abbey, proclame la doctrine de « l’éternel espoir », comme s’opposant à celle de l’éternel enfer et, seuls les esprits étroits et incultes, qui, faute d’imagination, ne peuvent pas se représenter les horreurs de l’enfer, continuent à enseigner cette triste doctrine et à en faire une partie intégrante du Christianisme.

Je dois passer rapidement sur la question de savoir si la science de l’âme est étudiée dans le Christianisme. Dans l’Église catholique romaine on en fait l’objet d’une étude approfondie, mais il n’en va pas ainsi dans l’Église protestante. Je ne peux pas vous parler de l’Église grecque que je ne connais qu’indirectement, de sorte que je dois me borner à constater que dans l’Église catholique romaine l’occultisme s’est conservé en partie et qu’on y trouve encore des traces de la science et des puissances occultes. Par exemple, dans les ordres monastiques, on enseigne avec un soin tout particulier des méthodes de méditation ; chez les moines et les nonnes des ordres contemplatifs, il existe un système de méditation qui conduit l’âme de degré en degré, d’un premier effort d’imagination à l’absorption de la conscience dans la scène décrite ; il y a là un reste de science de l’âme basée sur une connaissance des faits. Il y a d’autres traces occultes dans l’Église catholique romaine : l’emploi des images, — des idoles, comme disent les protestants, — de l’eau bénite, d’une langue morte en laquelle des hommes de science firent jadis leurs prières, l’utilité des prières dépendant, en grande partie, des sons émis. Ces choses révèlent des traces du vieil enseignement basé sur la compréhension du monde invisible. Puis nous trouvons l’usage des reliques, des prières pour les morts, autant de signes de la science occulte, si fragmentaires et incomplets qu’ils soient. Et quel en est le résultat ? C’est qu’ils ont produit des mystiques, des saints, des auteurs de « miracles » en telle quantité que les autres divisions de l’Église n’offrent rien d’approchant et que vous trouverez, parmi les Catholiques romains, des mystiques qui vous parleront de l’union avec Dieu et des méthodes par lesquelles on y peut parvenir, en des termes qui rappellent les Hindous. Ici encore, je ne pourrai pas citer grand’chose, car le temps nous presse et le sujet est long, mais je peux vous renvoyer à l’exquise Imitation de Jésus-Christ, de Thomas a Kempis, l’un des plus merveilleux livres qu’ait jamais écrit un chrétien, un livre que tous les hommes à quelque confession qu’ils appartiennent, pourront lire avec fruit. Saint Thomas a Kempis y donne des instructions sur ce qu’un homme doit faire s’il veut trouver le Christ, et souvent la leçon est mise dans la bouche du Christ lui-même. Prenons celle sur le Moi. « Si l’homme veut trouver Dieu, il doit apprendre, ayant laissé là toute autre chose, qu’il faut qu’après avoir tout quitté, il se quitte aussi lui-même, et se dépouille entièrement de l’amour de soi »[62]. L’homme doit « se détacher parfaitement de soi-même »[63]. « Mon fils, quittez-vous et vous me retrouverez… — Seigneur, en quoi dois-je me renoncer, et combien de fois ? [sur quels points] Toujours et à toute heure, dans les petites choses comme dans les grandes. Je n’excepte rien, et j’exige de vous un dépouillement sans réserve. Comment pourrez-vous être à moi, et comment pourrai-je être à vous, si vous n’êtes libre au dedans et au dehors de toute volonté propre ? Que vos efforts, vos prières, vos désirs, n’aient qu’un seul objet : d’être dépouillé de tout intérêt propre, de suivre nu votre Jésus [nu lui aussi][64]. » « Le vrai progrès de l’homme est l’abnégation de soi-même : et l’homme qui ne tient plus à soi est libre et en grande assurance[65]. » Un Védantin pourrait avoir écrit ceci : « Tout ce qui n’est pas Dieu n’est rien et ne doit être compté pour rien[66]. » Un homme ne doit pas être gouverné par l’émotion, car le grand plaisir trouvé dans la dévotion ne prouve pas le progrès ; il consiste plutôt en ceci : « à vous offrir de tout votre cœur à la volonté divine… de sorte que, regardant du même œil et pesant dans la même balance les biens et les maux, vous m’en rendiez également grâces »[67]. Des paroles empreintes d’une forte sagesse nous rappellent encore la droiture de Bouddha : « Où trouvons-nous un homme qui veuille servir Dieu sans récompense ? »[68] « Ce qu’un homme ne peut corriger en soi ou chez les autres, il doit le supporter patiemment… Appliquez-vous à supporter avec patience les défauts et les infirmités des autres, quelles qu’elles soient ; car il y a aussi bien des choses en vous, que les autres doivent supporter. Si vous ne pouvez vous rendre tels que vous souhaiteriez, comment pourrez-vous faire que les autres soient selon votre gré[69] ? » Je pourrais citer bien d’autres passages, mais je n’en ai pas le temps. J’ai déjà dépassé le délai fixé, entraînée par mon désir de vous faire comprendre un peu cette religion qui, je le sais, est trop souvent travestie dans vos esprits par l’interprétation étroite qu’on en donne constamment.

Et l’appel que je ferai aux Chrétiens, ainsi qu’aux hommes appartenant aux autres religions, sera un appel à l’Unité, afin qu’ils abolissent les divisions ; pourquoi ne viendraient-ils pas se ranger sur la même ligne que les adeptes de toutes les autres grandes religions du monde ? Pourquoi cette jeune religion, qui n’a que dix-huit siècles de vie derrière elle, ne viendrait-elle pas se joindre au Bouddhisme et à ses deux mille quatre cents ans d’existence, au Zoroastrisme et à l’Hindouisme, avec les dix-mille ou vingt-mille ans qu’ils roulent derrière eux dans le passé ? Ne voient-ils pas, ces Chrétiens, qu’ils blasphèment Dieu quand ils déclarent qu’il s’est réservé pour une seule religion entre toutes et cela pour la plus jeune, presque de toutes ? Ne voient-ils pas qu’ils outragent l’Être Suprême, quand ils revendiquent un rang unique, repoussant tout le reste de ses enfants dans les ténèbres où ils ne sont pas reconnus par le Père de tous les esprits ? Car Dieu n’est-il pas appelé le Père de tous les esprits, et non des seuls esprits incarnés dans des corps chrétiens ? Si cette Unité pouvait être conquise, tout prosélytisme cesserait, nul homme n’essaierait d’en convertir un autre à sa foi, mais chacun chercherait plutôt à apprendre ce que l’autre peut avoir à lui enseigner par des conceptions différentes de Dieu. Car nous pouvons tous apprendre les uns des autres : les Hindous des Chrétiens et les Chrétiens des Hindous, les Zoroastriens des Bouddhistes et les Bouddhistes des Zoroastriens. Chaque religion n’est qu’un rayon de la lumière de Dieu ; chacune a sa couleur propre et l’union de toutes ces religions réalise la vraie lumière blanche. Tant que nous nous séparons les uns des autres, nous ne sommes colorés que par tel rayon particulier. Étudions toutes les religions, aimons-les toutes, nous nous rapprocherons ainsi de la source dans laquelle nous avons tous notre origine et notre fin.

Vous savez assez que je n’appartiens pas à la religion dont je viens de vous retracer les grands traits ; vous savez assez que, bien que née dans cette religion, j’en ai été éloignée par la conception étroite qu’on m’en présentait, sans connaître alors les aspects plus vrais et plus profonds du Christianisme. Mais je vous le répète, toutes les religions proviennent d’une même source. Leurs adeptes doivent vivre en frères et non en ennemis, et nul ne doit essayer de convertir les autres ; tous doivent, d’ailleurs, être traités avec respect. La haine est un mal, en quelque religion qu’on la trouve. Que chacun enseigne sa propre croyance à ceux qui désirent l’embrasser, que chacun exprime librement sa conception de Dieu devant ceux qui sont désireux de l’entendre. Nous ne sommes que les facettes de l’Éternel ; nos pauvres intelligences sont d’étroits canaux dans lesquels se déversent la vie et l’amour de Dieu. Soyons donc des canaux, mais ne nions pas que d’autres soient des canaux au même titre que nous, et que la vie et l’amour divin coulent en eux comme en nous. Alors viendra la paix et la division ne s’élèvera point ; alors régneront l’Unité et l’harmonie qui sont des choses plus grandes que l’identité. Lorsque les enfants de Dieu vivront en bonne harmonie, il leur sera permis d’espérer qu’ils connaîtront l’amour de leur Dieu, car un disciple du Christ a dit avec raison : « Celui qui n’aime point son frère, que cependant il voit, comment peut-il aimer Dieu qu’il ne voit pas[70] ? »

  1. Les citations de la Bible et des Évangiles sont tirées de la version L. Segond.
    N. D. E.
  2. Saint Luc, Introduction, version L. Segond.
  3. S. Marc, IV, II.
  4. Contra Celsum, XXI. N’ayant pas les Pères de l’Église sous la main, je me suis servie des citations que fait d’eux Mme A. M. Glass, dans ses excellentes séries d’articles parus dans le Lucifer sur « le Christianisme et son enseignement ».
  5. Saint Mathieu, VII, 6.
  6. Saint Mathieu, XV, 26, 27.
  7. Stromates, I, xii.
  8. Saint Jean, XVI, 12.
  9. Stromates, VI, xv.
  10. Actes, I, 3.
  11. Contra Celsum. VI, vi.
  12. 1re Corinth., III, 1.
  13. Ibid., II, 7.
  14. Ibid., II, 6.
  15. Stromates, I, 1.
  16. Stromates, V, ix.
  17. Contra Celsum, I, vii.
  18. Contra Celsum, III, ix.
  19. Stromates.
  20. De Prœscriptione Hœrelicorum, XII.
  21. Ecclesiastical History, III, V.
  22. De Principis, VI, i.
  23. D’Angleterre
  24. Ésaïe, LVII, 15.
  25. Ésaïe, XLII, 5.
  26. Ibid., XLIII, 10, 11.
  27. Amos, V, 21-24.
  28. Ésaïe, LVIII, 4-8.
  29. Michée, VI, 6-8.
  30. Saint Mathieu, III. 16, 17.
  31. Saint Jean, XIV, 12.
  32. Saint Marc, XVI, 17, 18.
  33. Saint Mathieu, V, 8.
  34. Ibid., 28.
  35. Ibid., 44, 45.
  36. Saint Mathieu, VI, 22, 23.
  37. Ibid., VII, 14.
  38. Saint Mathieu, XI, 28, 30.
  39. Ibid., XIX, 14.
  40. Saint Mathieu, XIX, 16, 24.
  41. Saint Luc, XV, 3, 7.
  42. Actes, XX, 38.
  43. Pistis Sophia, p. 23.
  44. Première épître de saint Jean, V, 1, version primitive.
  45. Job, XI, 7.
  46. Apocalypse, IV, 5.
  47. Romains, VIII, 38 (version H. Ottramare).
  48. Tralliens, 5.
  49. Première aux Thessaloniciens, V, 23.
  50. Première aux Corinthiens, III, 16.
  51. Saint Jean, X, 34, 36.
  52. Saint Jean, XVII, 21, 23. Dans la version d’Oltramare, la dernière phrase se termine ainsi : « Afin qu’ils soient parfaits dans l’unité ».
  53. Galates, IV, 19.
  54. Éphésiens, IV, 13.
  55. Première Corinthiens, XV, 24, 28.
  56. Apocalypse, III, 12.
  57. Saint Mathieu, XI, 14.
  58. Ibid., XVII, 10, 13.
  59. Saint Jean, IX, 2, 3.
  60. Contra Celsum, I.
  61. Galates, VI, 7.
  62. Imitation de Jésus-Christ, II, XI, d’après la traduction de F. de Lamennais.
  63. Ibid., III, XXXI.
  64. III, XXXVII, 1, 2, 3, 5.
  65. Imitation, III, XXXIX, 4.
  66. III, XXXI, 2.
  67. III, XXV, 5.
  68. Ibid., II, XI, 1.
  69. Imitation, I, XVI, 1, 2.
  70. Première épître de saint Jean, IV, 20.