Des hommes sauvages nus féroces et anthropophages/Relation/25

Traduction par Henri Ternaux.
Arthus Bertrand (p. 113-115).


CHAPITRE XXV.


Comment ceux qui m’avaient fait prisonnier me déclarèrent avec colère, que les Portugais avaient tué leur père et qu’ils voulaient s’en venger sur moi.


Ils me racontèrent aussi que les Portugais avaient tué à coups de fusil le père des deux frères qui m’avaient fait prisonnier, et que ceux-ci avaient résolu de venger sa mort sur ma personne. Je leur répondis qu’ils n’avaient aucune raison de se venger sur moi, que je n’étais pas Portugais ; que j’étais arrivé dernièrement avec les Espagnols, et que nous avions fait naufrage, ce qui m’avait forcé de rester dans le pays.

Il y avait chez eux un jeune homme, ancien esclave des Portugais ; car les Tuppins-Inbas, au milieu desquels ceux-ci demeurent et qui sont leurs alliés, avaient, dans une de leurs expéditions, surpris un village et dévoré tous les habitants, à l’exception de quelques jeunes gens qu’ils avaient livrés aux Portugais. Parmi ceux-ci se trouvait le jeune garçon qui avait été, à Brikioka, l’esclave d’un Galicien, nommé Antonio Agudin, et qui fut repris par les siens environ trois mois après ma captivité. Il avait été épargné parce qu’il était de leur tribu. Il me connaissait très-bien : les autres lui ayant demandé qui j’étais, il leur répondit que, peu de temps auparavant, un vaisseau avait fait naufrage sur cette côte, que ceux qui avaient échappé se disaient Espagnols et étaient les amis des Portugais ; que j’étais arrivé avec eux : voilà tout ce qu’il savait de moi.

Sachant qu’il y avait des Français dans le pays et qu’il venait souvent des vaisseaux de cette nation, je persistai toujours à dire que j’étais leur ami, et je les priai de m’épargner jusqu’à ce que ceux-ci arrivassent et me reconnussent. Ils me gardèrent donc avec soin jusqu’à l’arrivée de quelques Français que des vaisseaux avaient laissés chez ces sauvages pour y recueillir du poivre.