Des hommes sauvages nus féroces et anthropophages/Mœurs et coutumes/15

Traduction par Henri Ternaux.
Arthus Bertrand (p. 267-270).


CHAPITRE XV.


De leurs ornements, de leur manière de se peindre le corps et de leurs noms.


Ils se rasent le haut de la tête, et ne conservent qu’une couronne de cheveux, comme les moines. Je leur ai souvent demandé d’où leur venait cette habitude. Ils m’ont répondu que leurs ancêtres l’avaient prise d’un homme nommé Meire Humane, qui avait fait beaucoup de miracles. On prétend que c’est un des apôtres ou un prophète.

Je leur ai demandé aussi comment ils faisaient avant que les vaisseaux leur eussent apporté des ciseaux. Ils m’ont répondu qu’alors ils se coupaient les cheveux en les plaçant sur un corps dur, et en frappant dessus avec un coin en pierre ; et qu’ils se rasaient le haut de la tête avec une pierre transparente, dont ils se servent encore beaucoup pour couper. Ils ont aussi l’habitude de s’attacher sur la tête un bouquet de plumes rouges, qu’ils nomment kannittare.

Ils ont coutume de se percer la lèvre inférieure ; ce qu’ils font dès leur tendre enfance, avec une forte épine. Ils y placent alors une petite pierre ou un petit morceau de bois ; ils guérissent la plaie avec un onguent, et le trou reste ouvert. Quand ils sont devenus grands, et en état de porter les armes, ils agrandissent ce trou et ils y introduisent une pierre verte ; ils placent dans la lèvre le bout le moins large, et cette pierre est ordinairement si lourde, qu’elle leur fait pendre en dehors la lèvre inférieure. Ils ont aussi des trous aux deux joues, et ils y mettent des pierres de la même manière ; ils arrondissent ces pierres à force de les frotter ; quelques-uns ont des morceaux de cristal, qui sont plus minces, mais aussi longs. Ils se font des espèces de colliers avec un gros coquillage de mer, qu’ils nomment matte pue. Ces colliers ont la forme d’un croissant, et se nomment hog-gessy.

Ils font aussi des colliers blancs avec des morceaux de coquillages de la grosseur d’une paille. Ces colliers leur coûtent beaucoup de peine à fabriquer.

Ils s’attachent des bouquets de plumes aux bras, se peignent de noir, de blanc et de rouge : ils se collent des plumes sur le corps avec une espèce de gomme qui découle des arbres, et dont ils frottent les parties de leurs corps où ils veulent placer ces ornements ; les plumes y restent attachées. Ils se peignent quelquefois un bras en rouge, l’autre en noir, et se bigarrent le corps de la même manière.

Ils font, avec des plumes d’autruches, une espèce d’ornement de forme ronde, qu’ils attachent au bas du dos quand ils vont à la guerre ou à quelque grande fête ; ils le nomment enduap.

Les Indiens prennent ordinairement le nom de quelqu’animal sauvage, mais ils en ont ordinairement plusieurs. On leur en donne un à l’époque de leur naissance, qu’ils conservent jusqu’à l’âge de porter les armes ; alors ils en ajoutent autant qu’ils ont tué d’ennemis.