Des hommes sauvages nus féroces et anthropophages/Mœurs et coutumes/14

Traduction par Henri Ternaux.
Arthus Bertrand (p. 263-265).


CHAPITRE XIV.


De leur manière de fabriquer des boissons enivrantes et de boire.


Pour fabriquer ces boissons, les femmes prennent des racines de manioc et les font bouillir dans des pots. Quand elles ont bien bouilli, elles vident l’eau dans un autre vase, et les laissent un peu refroidir. Les jeunes filles viennent ensuite, et se mettent à mâcher ces racines, en ayant soin de rejeter dans un troisième vase ce qu’elles ont mâché. Lorsque toutes les racines ont été broyées de cette manière, elles remplissent le vase avec de l’eau, remuent le tout, et le font chauffer de nouveau.

Ils versent ensuite tout cela dans des vases exclusivement destinés à cet usage, comme dans notre pays les tonneaux, et qui sont à moitié enterrés. La liqueur commence alors à fermenter, et elle est bonne à boire au bout de deux jours : elle est épaisse, très-enivrante et très-nourrissante.

Chaque cabane fabrique sa boisson ; mais quand un village veut se mettre en gaieté, ce qui arrive ordinairement tous les mois, ils se réunissent dans une cabane, boivent ce qu’il y a, vont ensuite dans une autre, et font ainsi le tour du village jusqu’à ce que tout soit avalé.

Pour boire, ils s’asseoient autour du tonneau, les uns sur des morceaux de bois, les autres par terre, et les femmes les servent respectueusement, tandis que d’autres dansent en chantant autour des tonneaux. Ils satisfont leurs besoins à l’endroit même où ils boivent.

Ils passent ainsi la nuit à boire, dansent dans les intervalles, crient et sonnent de la trompette. Quand ils sont ivres, ils font un bruit épouvantable ; mais ils se querellent rarement. Ils vivent en général très-bien ensemble ; et quand l’un a des vivres et que les autres en manquent, il est toujours prêt à partager avec eux.