Des délits et des peines (trad. Collin de Plancy)/Correspondance de Beccaria et de Morellet

Traduction par Jacques Collin de Plancy.
Brière (p. 403-418).

EXTRAIT
DE LA CORRESPONDANCE,
DE
BECCARIA ET DE MORELLET,
SUR LE LIVRE
DES DÉLITS ET DES PEINES.

PREMIÈRE LETTRE.

À M. BECCARIA.
Paris, février 1766.
Monsieur,


Sans avoir l’honneur d’être connu de vous, je me crois en droit de vous adresser un exemplaire de la traduction que j’ai faite de votre ouvrage Dei delitti e delle pene. Les hommes de lettres sont cosmopolites et de toutes les nations ; ils se tiennent par des liens plus étroits que ceux qui unissent les citoyens d’un même pays, les habitans d’une même ville et les membres d’une même famille. Je crois donc pouvoir entrer avec vous en un commerce d’idées et de sentimens qui me sera bien agréable, si vous ne vous refusez pas à l’empressement d’un homme qui vous aime sans vous connaître personnellement, mais qui a puisé ces sentimens pour vous dans la lecture de votre excellent ouvrage.

C’est M. de Malesherbes, aves qui j’ai l’honneur d’être lié, qui m’a engagé à faire passer votre ouvrage dans notre langue. Je n’avais pas besoin d’être beaucoup pressé pour cela. C’était une occupation douce pour moi, de devenir pour ma nation et pour les pays où notre langue est répandue, l’interprète et l’organe des idées fortes et grandes, et des sentimens de bienfaisance dont votre ouvrage est rempli. Il me semblait que je m’associerais au bien que vous faisiez aux hommes, et que je pourrais prétendre à quelque reconnaissance aussi de la part des cœurs sensibles, à qui les intérêts dé l’humanité sont chers.

Il y a aujourd’hui huit jours que ma traduction a paru : je n’ai pas voulu vous écrire plutôt, parce que j’ai cru devoir attendre que je pusse vous instruire de l’impression que votre ouvrage aurait faite. J’ose donc vous assurer, monsieur, que le succès est universel, et qu’outre le cas qu’on fait du livre, on a conçu pour l’auteur même des sentimens qui peuvent vous flatter encore davantage, c’est-à-dire, de l’estime, de la reconnaissance, de l’intérêt, de l’amitié. Je suis particulièrement chargé de vous faire les remercîmens et les complimens de M. Diderot, de M. Helvétius, de M. de Buffon. Nous avons déjà beaucoup causé avec M. Diderot, de votre ouvrage, qui est bien capable de mettre en feu une tête aussi chaude que la sienne. J’aurai quelques observations à vous communiquer, qui sont le résultat de nos conversations. M. de Buffon s’est servi des expressions les plus fortes, pour me témoigner le plaisir que votre livre lui a fait ; et il vous prie d’en recevoir ses complimens. J’ai porté aussi votre livre à M. Rousseau, qui a passé par Paris en se retirant en Angleterre, où il va s’établir, et qui part ces jours-ci. Je ne puis pas vous en dire encore son sentiment, parce que je ne l’ai pas revu. Je le saurai peut-être aujourd’hui par M. Hume, avec qui je vais dîner ; mais je suis bien sûr de l’impression qu’il recevra. M. Hume, qui vit avec nous depuis quelque temps, me charge aussi de vous dire mille choses de sa part.

J’ajoute à ces personnes que vous connaissez de réputation, un homme infiniment estimable qui les rassemble chez lui, M. le baron d’Holbach, auteur de beaucoup d’excellens ouvrages imprimés, en chimie et en histoire naturelle, et de beaucoup d’autres qui ne sont pas publics ; philosophe profond, juge très-éclairé de tous les genres de connaissances, âme sensible et ouverte à l’amitié. Je ne puis vous exprimer quelle impression votre livre a faite sur lui, et combien il aime et estime l’ouvrage et l’auteur. Comme nous passons notre vie chez lui, il faut bien que vous le connaissiez d’avance, car si nous pouvons nous flatter de vous attirer à Paris quelque temps, sa maison sera la vôtre. Je vous fais donc aussi ses remercîmens et ses amitiés. Je ne vous parle pas de M. d’Alembert, qui a dû vous écrire, et qui m’a dit qu’il voulait joindre encore un petit mot à ma lettre. Vous devez connaître ses sentimens sur votre ouvrage : C’est à lui à vous dire s’il est content de la traduction…

Je ne vous cacherai pas la plus forte raison qui n’ait déterminé à tâcher de vous donner quelque bonne opinion de moi, c’est l’espérance que vous me pardonnerez plus facilement la liberté que j’ai prise d’apporter quelques changemens dans la disposition de quelques parties de votre ouvrage. J’ai donné dans ma préface les raisons générales qui me justifient ; mais je dois m’arrêter davantage avec vous sur ce sujet. Pour l’esprit philosophique qui se rend maître de la matière, rien n’est plus aisé que de saisir l’ensemble de votre traité, dont les parties se tiennent très-étroitement, et dépendent toutes du même principe. Mais pour les lecteurs ordinaires moins instruits, et sur-tout pour des lecteurs français, je crois avoir suivi une marche plus régulière, et qui en tout est plus conforme au moins au génie de ma nation, et à la tournure de nos livres.

La seule objection que je puisse craindre, est le reproche d’avoir affaibli la force et diminué la chaleur de l’original, par le rétablissement même de cet ordre. À cela voici mes réponses : Je sais que la vérité a le plus grand besoin de l’éloquence et du sentiment. Il serait absurde de penser le contraire, et ce ne serait pas avec vous sur-tout qu’il faudrait avancer un si étrange paradoxe. Mais s’il ne faut pas sacrifier la chaleur à l’ordre, je crois qu’il ne faut pas non plus sacrifier l’ordre à la chaleur ; et tout en ira mieux si l’on peut concilier ces deux choses ensemble. Reste donc à examiner si j’ai réussi dans cette conciliation.

Si ma traduction a moins de chaleur que l’original, il faudrait attribuer ce défaut à beaucoup d’autres causes, et non pas à la différence de l’ordre. Ce serait ou la faiblesse du style du traducteur, ou la nature même de toute traduction qui doit demeurer au-dessous de l’original, sur-tout dans les choses de sentiment.

Je ne dois pas vous dissimuler une autre objection qu’on m’a faite. On m’a dit qu’un auteur pouvait être blessé de voir faire dans son ouvrage des changemens, même utiles. Mais, monsieur, cette manière de voir ne saurait être la vôtre. Au moins je l’ai pensé. Un homme de génie qui a fait un ouvrage admiré, rempli d’idées neuves et fortes, et excellent pour le fonds, doit pouvoir entendre dire froidement que son livre n’a pas tout l’ordre dont il était susceptible. Il doit aller même jusqu’à adopter les changemens qu’on y aura faits, s’ils sont utiles et appuyés de bonnes raisons. Voilà le courage que j’attends de vous, monsieur. Rejetez parmi les changemens que j’ai faits, ceux qui vous paraîtront mal entendus ; conservez ceux qui sont bien, et croyez que vous n’aurez fait qu’augmenter votre réputation. Vous êtes digne que j’aie avec vous cette confiance, et je me flatte que vous m’en saurez gré.

J’achèverai ma justification en vous citant de grandes autorités qui ont approuvé la liberté que j’ai prise. M. d’Alembert me permet de vous dire que c’est là son opinion. M. Hume, qui a lu avec beaucoup de soin l’original et la traduction, est du même avis. Je pourrais vous citer beaucoup de personnes instruites qui en ont jugé de même.

L’avidité avec laquelle le public a reçu ici votre ouvrage, me fait croire que notre première édition sera incessamment épuisée, et qu’avant qu’il soit un mois il faudra penser à en donner une autre. Si dans la disposition que j’ai donnée, j’avais, ou désuni des idées qui doivent être liées, ou fait des rapprochemens qui vous parussent nuire au sens, je vous prie de me faire part de vos observations à ce sujet, et dans une nouvelle édition, je ne manquerais pas de me conformer à vos vues…

Je finis, monsieur, cette longue lettre, en vous priant de me regarder comme un de vos plus grands admirateurs, et comme un des hommes qui désirent le plus vivement d’avoir quelque part dans votre estime et dans votre amitié. Je serais bien affligé de penser que je ne pourrais pas un jour vous le dire à vous-même. Je suis bien impatient de recevoir de vos nouvelles, de savoir votre jugement sur ma traduction ; d’apprendre si vous continuez de marcher dans la belle carrière que vous vous êtes ouverte, et de vous occuper du bien de l’humanité.

C’est dans ces sentimens de respect, d’estime et d’amitié que j’ai l’honneur d’être, etc.

Morellet.

RÉPONSE,

TRADUITE DE L’ITALIEN.
Milan, mai 1766.


Permettez-moi, monsieur, d’employer avec vous les formules usitées dans votre langue, comme plus commodes, plus simples, plus vraies, plus dignes par là d’un philosophe comme vous. Permettez-moi aussi de me servir d’un copiste, la lettre que je vous ai écrite étant fort peu lisible. L’estime la plus profonde, la reconnaissance la plus grande, la plus tendre amitié, sont les sentimens qu’a fait naître en moi la lettre charmante que vous avez bien voulu m’écrire. Je ne saurais vous exprimer combien je me tiens honoré de voir mon ouvrage traduit dans la langue d’une nation qui éclaire et instruit l’Europe. Je dois tout, moi-même, aux livres français. Ce sont eux qui ont développé dans mon âme les sentimens d’humanité, étouffés par huit années d’une éducation fanatique. Je respectais déjà votre nom, pour les excellens articles que vous avez insérés dans l’ouvrage immortel de l’Encyclopédie ; et ç’a été pour moi la plus agréable surprise, d’apprendre qu’un homme de lettres de votre réputation, daignait traduire mon Traité des Délits. Je vous remercie de tout mon cœur du présent que vous m’avez fait de votre traduction, et de votre attention à satisfaire l’empressement que j’avais de la lire. Je l’ai lue avec un plaisir que je ne puis vous exprimer, et j’ai trouvé que vous avez embelli l’original. Je vous proteste avec la plus grande sincérité, que l’ordre que vous y avez suivi me paraît, à moi-même, plus naturel et préférable au mien, et que je suis fâché que la nouvelle édition italienne soit près d’être achevée ; parce que je m’y serais entièrement ou presque entièrement conformé à votre plan.

Mon ouvrage n’a rien perdu de sa force dans votre traduction, excepté dans les endroits où le caractère essentiel à l’une et l’autre langue a emporté quelque différence entre votre expression et la mienne. La langue italienne a plus de souplesse et de docilité, et peut-être aussi qu’étant moins cultivée dans le genre philosophique, par là même, elle peut adopter des traits que la vôtre refuserait d’employer. Je ne trouve point de solidité à l’objection qu’on vous a faite, que le changement de l’ordre pouvait avoir fait perdre de la force. La force consiste dans le choix des expressions et dans le rapprochement des idées ; et la confusion ne peut que nuire à ces deux effets.

La crainte de blesser l’amour-propre de l’auteur n’a pas dû vous arrêter davantage. Premièrement, parce que, comme vous le dites vous-même avec raison dans votre excellente préface, un livre où l’on plaide la cause de l’humanité, une fois devenu public, appartient au monde et à toutes les nations ; et relativement à moi en particulier, j’aurais fait bien peu de progrès dans la philosophie du cœur, que je mets au-dessus de celle de l’esprit, si je n’avais pas acquis le courage de voir et d’aimer la vérité. J’espère que la cinquième édition qui doit paraître incessamment, sera bientôt épuisée ; et je vous assure que dans la sixième, j’observerai entièrement ou presqu’entièrement l’ordre de votre traduction, qui met dans un plus grand jour les vérités que j’ai tâché de recueillir. Je dis presqu’entièrement, parce que d’après une lecture unique et rapide que j’ai faite jusqu’à ce moment, je ne puis pas me décider avec une entière connaissance de cause sur les détails, comme je le suis déjà sur l’ensemble.

L’impatience que mes amis ont de lire votre traduction, m’a forcé, monsieur, de la laisser sortir de mes mains aussitôt après l’avoir lue, et je suis obligé de remettre à une autre lettre l’explication de quelques endroits que vous avez trouvés obscurs. Mais je dois vous dire que j’ai eu, en écrivant, les exemples de Machiavel, de Galilée et de Giannone devant les yeux. J’ai entendu le bruit des chaînes que secoue la superstition, et les cris du fanatisme étouffant les gémissemens de la vérité. La vue de ce spectacle effrayant m’a déterminé à envelopper quelquefois la lumière de nuages. J’ai voulu défendre l’humanité sans en être le martyr. Cette idée, que je devais être obscur, m’a quelquefois même rendu tel sans nécessité. Ajoutez à cela l’inexpérience et le défaut d’habitude d’écrire, qui sont pardonnables à un auteur qui n’a que vingt-sept ans, et qui n’est entré que depuis cinq années dans la carrière des lettres.

Il me serait impossible de vous peindre, monsieur, la satisfaction avec laquelle je vois l’intérêt que vous prenez à moi, et combien je suis touché des marques d’estime que vous me donnez, et que je ne puis accepter sans en être vain, ni rejeter sans vous faire injure. J’ai reçu avec la même reconnaissance et la même confusion, les choses obligeantes que vous me dites de la part de ces hommes célèbres qui honorent l’humanité, l’Europe et leur nation. D’Alembert, Diderot, Helvétius, Buffon, Hume, noms illustres et qu’on ne peut entendre prononcer sans être ému, vos ouvrages immortels sont ma lecture continuelle, objet de mes occupations pendant les jours, et de mes méditations dans le silence des nuits. Rempli des vérités que vous enseignez, comment aurais-je pu encenser l’erreur adorée, et m’avilir jusqu’à mentir à la postérité ?…

Mon unique occupation est de cultiver en paix la philosophie, et de contenter ainsi trois sentimens très-vifs en moi, l’amour de la réputation littéraire, celui de la liberté, et la compassion pour les malheurs des hommes, esclaves de tant d’erreurs. Je date de cinq ans l’époque de ma conversion à la philosophie, et je la dois à la lecture des Lettres Persanes.

Le second ouvrage qui acheva la révolution dans mon esprit, est celui de M. Helvétius. C’est lui qui m’a poussé avec force dans le chemin de la vérité, et qui a le premier réveillé mon attention sur l’aveuglement et les malheurs de l’humanité. Je dois à la lecture de l’Esprit une grande partie de mes idées…

M. le comte Firmiani nous est revenu à Milan depuis quelques jours, mais il est très-occupé, et je n’ai pas pu le voir encore. Il a protégé mon livre, et c’est à lui que je dois ma tranquillité.

Je vous enverrai incessamment quelques explications des endroits que vous ayez trouvés obscurs, et que je ne prétends pas justifier, parce que je n’ai pas écrit pour n’être pas entendu. Je vous prie instamment de m’envoyer vos observations et celles de vos amis, pour que j’en profite dans une sixième édition. Communiquez-moi sur-tout le résultat de vos conversations sur mon livre avec M. Diderot. Je désire vivement de savoir quelle impression j’ai faite sur cette âme sublime…

J’ai l’honneur d’être, etc.
Beccaria.

DEUXIÈME LETTRE.

À M. BECCARIA.
Paris, septembre 1766.


Monsieur et mon très-cher frère en philosophie, je vous dois depuis long-temps une réponse ; j’avais différé jusqu’à présent, dans l’espérance de vous envoyer, en vous répondant, les observations dont je vous ai parlé sur votre ouvrage ; mais depuis près de trois mois, mes occupations ne m’ont pas permis de me livrer au travail qu’il faut que je fasse pour les recueillir et les mettre en ordre. J’ai fait pour le ministre de nos finances, un grand travail en un gros volume. Depuis ce travail achevé, je suis allé à Lyon, et de là à Genève, chez M. de Voltaire, avec qui nous avons beaucoup parlé des Délits et des Peines, et qui a pour vous la plus grande estime. Me voici enfin de retour à Paris ; et je profiterai du premier moment que j’aurai, pour rassembler mes observations et celles de mes amis, et vous les envoyer. Comme vous me paraissez dans le dessein de suivre, dans votre première édition, l’ordre que j’ai mis dans la traduction, et que cette nouvelle combinaison de toutes les parties de votre ouvrage serait pour vous très-pénible, et vous prendrait un temps que vous pouvez employer plus utilement, je vous enverrai un exemplaire italien de votre dernière édition, disposé selon l’ordre de ma traduction. Vous en ferez l’usage que vous voudrez, mais je dois vous dire que la disposition de notre traduction a été généralement approuvée ici, ainsi que votre indulgence pour ce léger changement.

Vous recevrez de Lyon quelques livres que j’y avais envoyés il y a plus de deux mois et demi, et qu’on a eu la négligence de ne pas faire partir. C’est un exemplaire de l’édition in-4o, sans cartons, du livre de l’Esprit, que M. Helvétius vous prie d’accepter de sa part, et un ouvrage d’un M. Boulanger, mort il y a quelques années, qui a vécu dans notre société, et qui avait une tête systématique, s’il en fut jamais, mais chaude, et des idées très-neuves. Vous devez avoir vu le Despotisme oriental, autre ouvrage de sa façon. Je ne perdrai point l’occasion de vous envoyer, dans la suite, les ouvrages un peu piquans que nous aurons. Nous sommes à Paris sous le glaive d’une inquisition très-sévère pour les livres ; mais tout pénètre et passe à la fin, de sorte qu’on trouve ensuite chez les libraires, mis en vente publiquement, à un prix très-modique, les mêmes livres qu’on a poursuivis avec la plus grande violence ; mais on attend longtemps, ou bien il faut mettre aux livres un prix extravagant. Au reste, que dites-vous de cette sublime politique, dont tout l’objet est de faire qu’un livre se débite un peu plus tard ?…

Savez-vous qu’au moment où je vous écris, il s’est déjà fait sept éditions de ma traduction. Cela même me fait espérer de l’humanité ; car voici comment je raisonne : puisqu’il y a sept éditions, il y a donc au moins sept mille personnes qui lisent ce livre, et croyez que la plus grande partie de ceux qui le lisent en goûtent et en adoptent les principes, parce que, comme vous l’avez fort bien dit, à parler généralement, les tyrans ne lisent point. Voilà donc bien des disciples de la raison qui en feront d’autres, bien des écoles ouvertes, et bien de l’instruction répandue ; et quel obstacle peut tenir contre l’action universelle (et s’exerçant à la fois comme elle s’exercera un jour) de la lumière, de la raison, et de l’opinion publique ? Mon cher ami, c’est sur l’opinion publique qu’il faut compter. Ni M. de Voltaire, ni M. d’Alembert, ni Rousseau, ni vous, ai aucun philosophe, ne produirez sur l’esprit de ceux qui gouvernent, un effet immédiat. Nous agirons sur l’opinion publique ; et l’opinion publique subjuguera enfin les fanatiques et même les tyrans, les uns après les autres.

Je reviens à votre ouvrage : vous avez raison d’attendre mes observations et celles de mes amis, avant de me communiquer les vôtres. Je vous demande encore un peu de temps, et vous serez satisfait. Je pense d’ailleurs que vous aurez des critiques ; il faut qu’elles soient publiques pour en profiter. Certainement, je traduirai votre nouvelle édition ; et cette occupation me sera douce et chère. Vous êtes trop obligeant de m’en montrer quelque reconnaissance. Le plaisir que j’ai eu à vous traduire peut vous en dispenser. Vous m’avez payé avec usure de la peine que je me suis donnée…

Je suis, etc.

Morellet.
FIN.