Des conspirations et de la justice politique/IV

Mélanges politiques et historiquesLévy frères. (p. 142-158).


IV

DES FAITS GÉNÉRAUX


Le 21 novembre 1683, on poursuivait à Londres le procès d’Algernon Sidney, accusé de haute trahison. Jefferies présidait la cour. Un témoin, M. West, compromis lui-même dans le complot de Rye-house, mais qui avait tout révélé, est introduit. Il prête serment, et son interrogatoire commence en ces termes :

M. North au témoin. Racontez, je vous prie, à la cour tout ce que vous savez sur le projet d’une insurrection générale en Angleterre.

Sidney. Le témoin doit dire ce qu’il sait sur mon compte.

Jefferies. Nous veillerons à ce que le témoignage ne soit pas rendu autrement que cela ne se doit.

Sidney. Se peut-il que le témoin soit admis à dire autre chose que ce qui se rapporte à moi et à mon accusation ?

Jefferies. M. Sidney, vous vous souvenez que, lors du jugement du dernier complot papiste, dans les débats élevés au sujet de M. Coleman, de M. Plunket et autres, il fut d’abord rendu un compte général du complot. Je ne doute pas que vous ne vous en souveniez. [1]

A ces mots, Sidney se rassied et se tait.

C’était en effet dans l’odieux procès intenté eu 1678 à des catholiques, sur les absurdes dénonciations de Titus Oates et de quelques autres misérables, qu’avait été introduite cette pratique des faits généraux, instrument d’iniquité que le parti protestant, dans la personne de Sidney, vit alors se retourner contre lui. Et comme la tyrannie s’autorise toujours de la tyrannie, Jefferies s’empressa d’opposer aux réclamations de Sidney un fait que, cinq ans auparavant, Sidney, aveuglé par l’esprit de parti, avait peut-être approuvé. Exemple terrible, entre mille autres, des argumens et des armes que fournissent contre elles-mêmes les factions !


Ce fait se renouvelle de nos jours. Dans le procès qui vient d’avoir lieu au sujet des troubles du mois de juin, l’acte d’accusation, dressé par M. le procureur général a été divisé en deux parties, la première, sous le titre de faits généraux, la seconde sous celui de faits particuliers aux accusés. La procédure a été conduite et les témoignages rendus, du côté des accusés eux-mêmes comme du ministère public, dans le système de l’acte d’accusation.

Avant d’examiner quel était, dans cette occasion, le but réel ou du moins présumable de ce système, et quel en a été le résultat, il est bon de considérer la question en elle-même, indépendamment de toute circonstance.

C’est presque toujours dans des accusations pour fait de complot, et de complots qui n’avaient reçu aucun commencement d’exécution de quelque importance, qu’a eu lieu cette exposition de faits généraux, sans rapport direct et visible avec les accusés. C’est aussi à des époques soit de tyrannie, soit de grande effervescence des partis, que ce système a été pratiqué.

Il est aisé d’en découvrir les raisons.

Dans la plupart des délits, le fait matériel, incriminé par la loi, est constant. Un homme a été tué ; des effets ont été volés. La question est de savoir si le prévenu est bien réellement le meurtrier ou le voleur.

Dans le cas du complot, au contraire, comme dans un grand nombre de délits politiques, et lorsque le crime, loin d’être consommé., n’a pas même reçu un commencement positif d’exécution, il s’agit non-seulement, de savoir quels sont les coupables, mais encore, et d’abord même, s’il y a crime. Le crime, conspiration ou autre, ne s’étant point résumé en un fait complet et certain, les élémens en sont, pour ainsi dire, épars ; ils résident dans une multitude de circonstances plus ou moins indifférentes par elles-mêmes, visites, réunions, paroles, lettres obscures, etc., où le pouvoir qui poursuit est obligé d’aller les chercher. Il faut qu’il rapproche ces circonstances, les compare, les groupe dans une intention commune et vers un but déterminé, qu’il construise enfin le délit qui a été arrêté dans son cours avant de s’être construit lui-même.

Quel est, en pareil cas, le droit des accusés ? C’est évidemment que le délit qui leur est imputé ne soit cherché que là où on les rencontre eux-mêmes ; qu’il ne soit construit qu’avec leurs propres actions, avec des faits qui se rapportent à eux, dans lesquels ils occupent une place. Si, en recueillant les circonstances qui leur sont relatives, où ils figurent en quelque manière, on ne parvient pas à y reconnaître, à en former le crime qu’on leur reproche, qui osera dire qu’ils sont coupables ? qui demandera qu’ils soient condamnés ?

La justice s’y refuse ; mais la politique a d’autres secrets : voici comment elle procède.

Vous croyez que le crime qu’il faut prouver est celui des accusés qui sont sur les bancs. Si c’est autre chose, direz-vous, qu’on amène d’autres accusés. La politique en sait davantage. Elle va oublier les accusés ; elle ne s’occupera point d’eux. C’est le crime en général, et non pas celui de telle ou telle personne, qu’elle veut découvrir et construire ; elle prouvera qu’il y a eu complot, indépendamment de ce qui se rapporte aux hommes qu’elle en accuse ; elle le prouvera par une multitude de circonstances auxquelles ils sont parfaitement étrangers, dont ils n’ont eu nulle connaissance, dans lesquelles leur conduite ne se rencontre ni de près, ni de loin : et quand elle aura réuni tous les élémens de crime qui se peuvent recueillir hors de l’accusation nominative qu’elle a intentée ; quand elle aura interrogé les dispositions publiques, les événemens passés, les paroles ou les actes d’hommes qu’elle ne poursuit point, mais dont les opinions ont quelque analogie avec celles des hommes qu’elle poursuit ; quand, par cet immense et informe travail, elle aura réussi à composer quelque chose qui puisse frapper l’imagination des assistans qui, dans un dédale plein de confusion et d’obscurité, fasse entrevoir le crime, bien que dépourvu de formes individuelles et précises... alors, armée de ce crime, dont elle a puisé partout et de toutes mains les élémens, elle viendra dire : ―― Vous le voyez, le fait est constant ; il y a eu complot, un grand complot ; maintenant, je dis que ces hommes-là en sont coupables. ――

Voilà les faits généraux ; les voilà tels que les a pratiqués la tyrannie, quand, ne pouvant prouver le crime dans les hommes qu’elle redoutait, elle est allée le chercher partout pour y placer ensuite ces hommes. C’est un système qui, à l’occasion d’un fait particulier, jette un grand filet dans la société pour en retirer tous les moyens d’attaque, toutes les armes, toutes les preuves que la société lui pourra fournir. A la faveur de ce système, toutes les passions, toutes les croyances aveugles, toutes les méfiances invétérées des partis, sont évoquées et dirigées sur un seul point, contre quelques individus. La haine et la crainte du papisme possèdent l’Angleterre ; de malheureux catholiques sont accusés de complot. Si l’on se tenait dans le cercle des faits qui leur sont imputés, si les débats et les témoignages se renfermaient dans les charges spéciales dressées contre eux, le complot ne pourrait être construit, la plupart des prévenus seraient reconnus innocens ; mais on lance dans la sphère illimitée des faits généraux ; les allégations les plus vagues, les récits les plus étrangers au procès sont entendus ; des témoins viennent parler des éternels desseins des papistes, de leurs sentimens, de leurs désirs. Le public s’échauffe ; ce n’est plus une poursuite judiciaire qui s’instruit, c’est une question politique qui, s’agite. Dès lors le complot est certain, établi ; et dans cette certitude générale, la conviction particulière de la culpabilité des accusés trouvera facilement sa place. La chance tourne ; le parti de la cour reprend l’offensive ; c’est le républicanisme qui est devenu suspect ; Russell et Sidney sont notés par leur constante opposition ; un complot s’ourdit contre la vie du roi ;... Russell et Sidney, mécontens, ont voulu l’assassinat ; ils l’ont voulu, car ils ont eu des relations avec Rumbald, Sheppard et quelques autres ; ces relations ne donnent pas assez de preuves ; on rentre dans les faits généraux ; ils abondent ; le premier témoin appelé contre Sidney déclare qu’il ne l’a point vu, qu’il n’en a rien entendu dire depuis le moment où, lui West, a eu connaissance de la conspiration. N’importe, qu’il continue ; il a des faits généraux à raconter ; l’impression qu’on en attend sera produite, et quelque chose en retombera sur Sidney, dont il ne sait rien.

Passons à ce qui nous touche.

A quel titre demandait-on au mois de juin dernier le rapport de la loi du 5 février 1817 ? On parlait d’une faction ardente à renverser le trône, d’une conspiration permanente qu’à tout prix il fallait déjouer. Mais ce n’était là que de la politique. Les partis se renvoyaient l’un à l’autre ces épithètes de factieux et de conspirateurs. Il ne s’agissait d’aucun fait particulier, d’aucun individu.

Les partis existent dans le pays comme dans la chambre. Des désordres éclatent. Ils sont le résultat de 1’état général des esprits et des provocations du parti qui alors prenait l’offensive sur tous les points. M. le garde des sceaux s’empare de ces désordres ; il y voit l’ouvrage de la faction qu’il a attaquée, la preuve de la conspiration qu’il a dénoncée ; il affirme que la faction est prise sur le fait, que la conspiration est flagrante et qu’on en tient les fils.

Au milieu des désordres, beaucoup d’individus ont été arrêtés. Malgré les affirmations de la politique, on ne peut les poursuivre vaguement comme factieux ou conspirateurs. Il faut trouver dans les lois pénales un délit qui ressemble à leurs actes, et dans leur conduite des actes qui se rapportent au texte des lois. Après un long examen, la plupart de ces individus n’offrent aucune prise. On les relâche. Onze seulement seront poursuivis. Pour ceux-là même, ce n’est plus de conspiration qu’il s’agit. On ne croit pouvoir leur imputer que le fait de rébellion ou de provocation à la rébellion.

Mais ce fait même de la rébellion a des caractères légaux et déterminés. Il est difficile de les retrouver pleinement dans les faits particuliers recueillis sur le compte des accusés. Quelque soin qu’on apporte à rassembler toutes les circonstances, tous les indices, la rébellion ne se laisse que péniblement construire.

Evidemment les faits généraux sont indispensables. Ils ont été publics. Leur réalité matérielle ne saurait être contestée. On peut, en en parlant, les qualifier comme on voudra ; on n’y sera point astreint à produire des noms propres, à discuter des actes précis, à les conférer avec des articles de loi. On établira, dans le vague de la politique, le fait général de la rébellion, ou tel fait plus grave encore ; et les accusés qui ont été saisis dans le sein même de ce fait ne pourront manquer d’en porter 1’empreinte.

Dès lors reparaissent et les idées, et les allégations, et le langage qui se sont fait entendre dans les débats des chambres. Il est de nouveau question de malveillans, de factieux, de conspirateurs. On parle de menées sourdes, de projets criminels. Pourquoi n’en parlerait-on pas ? On ne sera pas tenu de prouver ses paroles ; ce n’est point une accusation qu’on poursuit ; c’est de l’histoire qu’on raconte, une politique qu’on expose. On est rentré si avant sur le terrain de la politique, on est tellement dominé par les passions ou les habitudes de parti, que, dans l’acte même d’accusation, M. le procureur général qualifie de faction cette minorité de la chambre qui, en défendant la loi du 5 février, n’a fait qu’user du premier et du plus constitutionnel de ses droits, le droit de dire son avis.

Et ne croyez pas que l’acte d’accusation et les discours du ministère public offrent seuls ce caractère. L’affaire toute entière ne tarde pas à le revêtir. Les faits particuliers, les accusés eux-mêmes disparaissent. Les faits généraux et les partis deviennent le véritable, presque le seul objet du débat. Vous n’assistez plus à un procès, mais à une séance de quelque assemblée publique. C’est la conduite du gouvernement qu’on discute. Le président de la cour et l’avocat général parlent pour lui. Un témoin est interpellé sur un fait ; le président dit qu’il sait d’avance quelle sera sa déposition. On réclame le témoignage d’autres députés. L’avocat général s’écrie qu’il va demander qu’on appelle tout le côté droit. La politique a voulu se servir des faits généraux contre les accusés. Les accusés retournent les faits généraux contre la politique. Les accusés seront acquittés. Quant à la politique, on a plaidé pour et contre elle ; mais il n’a pas été prononcé de jugement.

Honneur à l’institution du jury qui, au milieu de cette confusion, dans ce renouvellement de la lutte des partis, a fait prévaloir la voix de la conscience ! La politique, qui avait tout envahi dans le cours des débats, n’est évidemment entrée pour rien dans la déclaration des jurés ; ils ont jugé les accusés sur leurs propres actes, et non sur les faits généraux dans lesquels on avait essayé de les encadrer. Mais il n’en est pas moins certain que, de tous les moyens par lesquels la justice peut être pervertie, l’invention des faits généraux est un des plus dangereux. Elle substitue les considérations vagues aux motifs légaux, les inductions aux preuves. Elle dénature la situation des accusés pour les plonger dans une atmosphère obscure et douteuse, où, de moment en moment, il devient plus difficile de démêler la vérité en ce qui les touche. Elle caractérise enfin cet envahissement de la justice par la politique, symptôme assuré de la présence du despotisme ou de l’approche des révolutions.

Que serait-ce si nous considérions en détail l’influence de cette pratique en matière de complots ? C’est là surtout que, par la nature même du crime, elle est pleine de mensonge et de péril. L’Angleterre m’en a fourni des exemples. J’en pourrais citer beaucoup d’autres, et montrer à quelles iniquités elle a conduit. Je ne m’arrêterai que sur un point : c’est peut-être le plus grave.

Toutes les poursuites judiciaires commencent à raison de certains faits qui leur servent de point de départ. C’est sur ces faits que le magistrat instruit. Il les suit dans leur filiation, recueille ceux qui s’y rattachent, et remonte ainsi des actes qui constituent le crime, et des circonstances qui le prouvent, à son auteur.

Ainsi procède la justice, et telle doit être sa marche, car il lui faut une raison de procéder, et cette raison ne peut être qu’un fait qui constitue ou annonce un délit.

Mais quand la justice se laisse entraîner dans la sphère des faits généraux, voici ce qui arrive.

Qu’entend-on par faits généraux ? Ils comprennent tantôt 1’état du pays, l’ensemble des dispositions publiques à une époque donnée, tantôt une certaine série d’événemens qui ont alarmé le pouvoir ou révélé un grand danger ; ici la conduite et les desseins de tout un parti, ailleurs la tendance de telle ou telle opinion qui compte plus ou moins d’amis et de défenseurs.

Ainsi, en Angleterre, sous Charles II, l’existence des partis catholique et puritain, les craintes qu’inspirait à une portion du peuple le papisme du duc d’York, les vœux qui naissaient de ces craintes, les efforts de l’opposition parlementaire ; en France, sous Henri IV, les méfiances des ligueurs et des protestans, l’influence et les menées des jésuites ; c’étaient là des faits généraux, connus de tous, et objets d’espérance ou d’effroi.


Dans tous les cas, c’est la nature des faits généraux d’embrasser un champ immense, et de contenir dans leur vaste sein une multitude de personnes, d’actes, de sentimens, d’opinions qui s’y rallient par quelque côté, sans qu’on puisse, en aucune façon, les considérer comme solidaires de tout ce qui s’y passe, de tout ce qui en peut sortir.

Quand la politique, alarmée sur telle ou telle classe de faits généraux, demande à la justice d’y entrer pour y chercher des crimes dont elle soupçonne que les élémens y résident, il est impossible que la justice ne rencontre sur ses pas des hommes, des actes qui, absolument étrangers au crime qu’elle cherche, ne le sont point cependant aux faits généraux dans lesquels elle le cherche. Titius Sabinus ne conspirait point contre Tibère ; mais il avait été l’ami de Germanicus ; il vivait au milieu des souvenirs qu’avait laissés sa vie, et des douleurs qu’avait causées sa mort. Quand Tibère redoutant, à tort ou à raison, les complots d’Agrippine et de ses amis, envoya ses agens dans le cercle où ils pouvaient naître, Titius Sabinus se trouva sur leur chemin. Sans contact avec aucune conspiration, aucun projet, Titius Sabinus fut bientôt perdu.


Il n’est pas besoin d’être Tibère pour arriver à de telles iniquités.

Qui ne sait la puissance des préoccupations de l’esprit humain ? Quand une idée le possède, quand il s’acharne à quelque projet, tout s’y rattache, tout en dépend. Le plus faible lien, le rapport le plus éloigné, lui offrent l’apparence d’un incontestable et rigoureux enchaînement. Voilà le pouvoir judiciaire lancé dans un certain ordre de faits qui excitent sa méfiance ; hommes, actions, paroles, tout ce qu’il y apercevra lui sera suspect. A défaut de faits particuliers, ses soupçons seuls lui serviront de point de départ. Le nom d’un individu lui suffira pour qu’il dirige vers lui toutes ses pensées. Je ne suppose aucune intention perverse ; je décris le cours naturel d’un égarement.

Rencontrer un homme dans la sphère où on cherche un crime, et parce qu’on l’y rencontre, être tenté de le poursuivre, entre ces deux faits le passage est court et glissant. Poussée par la politique, la justice l’a souvent franchi. Que fait-elle alors ? elle oublie sa condition ; elle abandonne sa boussole légale ; elle n’instruit plus sur des faits ; elle instruit contre des personnes.

Instruire contre des personnes ! qui s’arrêtera dans cette route ? quel guide y sera fidèle et sûr ? Quand l’hérésie était un crime et l’inquisition un tribunal, c’était ainsi que l’inquisition procédait contre l’hérésie. Sans cesse fouillant dans ce fait général, dès qu’un homme semblait y tenir par quelque fil, elle saisissait cet homme, scrutait sa vie, ses relations, ses discours, ses manuscrits, ses pensées, et lui découvrait bientôt quelque hérésie particulière qui l’envoyait au bûcher. Ainsi procédait le comité de salut public, quand, parmi les suspects, il cherchait des coupables. La politique révolutionnaire avait classé, parqué ses ennemis ; et, au moindre péril, sans aucun fait, sans aucun élément légal de crime, elle envoyait au milieu d’eux sa justice pour y choisir d’après les noms propres, les antécédens, les circonstances du jour, ceux qu’elle jugeait bons à poursuivre. Et qu’on ne répudie point ces souvenirs, qu’on ne se récrie point contre ces exemples. Quiconque, trois ans plus tôt, eût dit à ces hommes qu’ils feraient un jour ce qu’ils ont fait, eût aussi excité leur indignation. Mais il n’est pas donné à notre faible nature d’échapper au fatal pouvoir du mal qu’elle accepte une fois. Quand il s’en est saisi, il la garde, la serre, la pousse, et la contraint à tirer elle-même les conséquences du principe pervers dont elle a subi le joug. Et quoi ? à la moindre apparition de l’esprit révolutionnaire, on nous menace de ses plus furieux excès ; on nous dit que rien n’en peut sauver, ni les intentions, ni le talent, ni le courage ; et on ne veut pas que les symptômes de la justice révolutionnaire nous inspirent les mêmes terreurs ! on ne veut pas que les faits généraux, les poursuites intentées à raison non des actes, mais des personnes, toutes ces pratiques des temps sinistres nous révèlent dès aujourd’hui ce qu’elles portent dans leurs flancs ! Acceptez donc toute l’expérience ; la révolution n’a pas été faite pour donner seulement à quelques-uns le droit de s’armer, contre la liberté, des fureurs de la licence. Nous aussi, nous voulons qu’elle nous dise comment naît la tyrannie, et par quelles portes le pouvoir judiciaire entre dans les voies de l’iniquité.

De toutes ces portes, les faits généraux sont la plus large et celle qui se ferme le plus irrévocablement derrière ceux qui l’ont franchie.

  1. Voyez la collection des State trials de Cobbett, t.9, pag.840. Londres 1811.