Derniers essais de littérature et d’esthétique/L’Unité des Arts

L’unité des arts. Conférence à un Five o’clock.[1]

Samedi dernier, l’après-midi, dans les Salons de Willis, M. Selwyn Image a fait la première de quatre conférences sur l’art moderne, devant un auditoire select et distingué.

Le point principal, sur lequel il s’est étendu, était l’Unité absolue de tous les arts, et dans le but d’exprimer cette idée, il a élaboré une définition assez large pour enfermer le Roi Lear de Shakespeare, la Création de Michel-Ange, le tableau de Paul Véronese représentant Alexandre et Darius, et la description par Gibbon de l’entrée d’Héliogabale dans Rome.

Il a envisagé toutes ces œuvres comme autant d’expressions des idées et des émotions de l’homme au sujet de belles choses, exprimées par des moyens visibles ou auditifs.

Partant de ce point, il a abordé la question du vrai rapport entre la littérature et la peinture, sans jamais perdre de vue le motif principal de son symbole : Credo in unam artem multipartitam, indivisibilem[2], et en insistant sur les ressemblances plus que sur les différences.

Le résultat final auquel il est arrivé fut celui-ci :

Les Impressionnistes, avec leur franche et artistique acceptation de la forme et de la couleur comme choses absolument satisfaisantes par elles-mêmes, ont produit œuvre fort belle, mais la peinture a quelque chose de plus à nous donner que le simple aspect visible des choses.

Les hautes visions spirituelles de William Blake, le merveilleux roman de Dante Gabriel Rossetti, peuvent trouver leur parfaite expression en peinture. Chaque état d’esprit a sa couleur, chaque rêve sa forme.

La principale qualité de la conférence de M. Image est une loyauté absolue, mais ce fut son plus grand défaut pour une certaine partie de l’auditoire.

— La douceur dans la raison, dit quelqu’un, est toujours admirable chez un spectateur, mais de la part d’un guide, nous attendons quelque chose de plus.

— C’est tout simplement un commissaire-priseur qui admirerait toutes les écoles d’art, dit un autre.

Et un troisième soupirait sur ce qu’il appelait « la fatale stérilité de l’esprit critique » et exprimait une crainte tout à fait dépourvue de fondement, que la Century Guild ne devint raisonnable.

Car, avec une courtoisie et une générosité que nous recommandons vivement aux autres conférenciers, M. Image offrit des rafraîchissements à son auditoire après avoir terminé son discours, et il fut extrêmement intéressant d’entendre les différentes opinions exprimées par la Grande École de critique des Five o’clock, qui était largement représentée.

Pour notre compte, nous avons trouvé la conférence de M. Image extrêmement suggestive.

Il était parfois difficile de comprendre en quel sens exact il entendait le mot « littéraire » et nous ne pensons pas qu’un cours de dessin, d’après un moulage en plâtre du Gaulois mourant, put, si peu que ce soit, perfectionner le critique d’art ordinaire.

La véritable unité des arts doit être découverte, non point dans la ressemblance d’un art avec un autre, mais dans le fait que, pour une nature véritablement artistique, tous les arts ont la même chose à dire et tiennent le même langage, au moyen d’idiomes différents.

On aura beau barbouiller un mur de cave, on ne fera jamais comprendre à un homme le mystère des Sibylles de Michel-Ange, et il n’est point nécessaire d’écrire un seul drame en vers blanc pour être en état d’apprécier la beauté d’Hamlet.

Il faut qu’un critique d’art ait un tempérament susceptible de recevoir les impressions de beauté, et une intuition suffisante pour reconnaître un style, quand il le rencontre, et la vérité, lorsqu’elle lui est montrée, mais s’il lui manque ces qualités, il pourra faire de l’aquarelle à tort et à travers, sans arriver à se les donner, car si toutes choses restent cachées au critique incompétent, de même rien ne sera révélé au mauvais peintre.


  1. Pall Mall Gazette, 12 décembre 1887.
  2. Je crois en un seul art en plusieurs parties, indivisible.