Dernier Amour/Quand elle est partie


XV.

QUAND ELLE EST PARTIE.


Se trouver seul, après tant amour, mon amie,
N’est-ce pas le néant ? La mort après la vie ?
Tout finit à l’instant, et dans son triste cours,
Le temps semble arrêter la marche de nos jours.
Quel mystère cruel, amer, inexorable !
L’arrêt qui nous sépare est donc insurmontable !
Un chemin différent nous fut donné par Dieu,
Et l’on ne se revoit que pour se dire adieu.
Le supplice commence alors, car, à chaque heure,
L’œil inquiet voudrait pénétrer la demeure,
Et connaître les pas de l’objet adoré !
Tourment dont notre cœur sans cesse est dévoré.
Et de ce triste soin l’âme tout affaiblie,
Dit : Il ne m’aime plus ! ou bien : Elle m’oublie !
Car le soupçon toujours est le mal des absents :
Se retrouvera-t-on tendres et caressants,
N’a-t-on pas réfléchi ? changé ? sombres idées
Dont les âmes en pleurs sont sans cesse inondées,
Quand on ne se voit plus, que vous blessez le cœur !
On ne voit que tonnerre écrasant le bonheur.
Et pourtant bien des fois déjà l’heure est venue,
Où l’on s’est rencontré dans la longue avenue,
Se hâtant l’un vers l’autre, et toujours plus aimés,
Avec la voix plus douce et des yeux plus charmés.

Il en sera de même encor, je veux le croire,
Demain, et tu seras mon amour et ma gloire.
Quand je te reverrai ! — Les jours passent ainsi,
Dans l’espoir combattu par un amer souci,
Jusqu’à l’heure où vers moi venant, toujours la même,
Tu me dis : M’aimes-tu toujours ? oh ! moi, je t’aime !