Dernier Amour/Pour un jour de naissance


XIII.

POUR UN JOUR DE NAISSANCE.


 Que béni soit trois fois le jour
Où Dieu te créa, mon amour !
Qui t’aurait dit quand le Ciel te fit naître
Dans ta patrie, auprès de les parents ravis
De ta beauté, qu’un jour tu verrais apparaître,
Loin d’eux, et loin de ton pays,
Trop tard, hélas ! celui que Dieu t’avait promis !
Fatalité, destin étrange !
Notre absence a duré bien longtemps, ô mon ange !
Quel long chemin j’ai fait qui m’éloignait de toi,
Et toi, qui l’entraîna si longtemps loin de moi !
Nous nous reconnaissons dans cette sombre vie,
Quand l’astre de mes jours pâlit à son déclin…
Ah ! prends vite un instant ma main,
Sois mon enfant, sois mon amie,
Un seul jour laisse-moi t’appuyer sur mon sein,
Marcher tous deux dans le même chemin !
Regardons la nature ensemble,
Cherchons au ciel le Dieu qui nous rassemble
C’est assez ! sur la terre avant d’aller aux cieux,
Ô mon amour, je t’ai connue,
Et maintenant que je t’ai vue
En les baisant, ferme mes yeux.



Dons ce monde d’ennuis, de regrets et de pleurs,
Je vais menant partout avec moi ta pensée,
Doux fardeau qui me suit comme un bouquet de fleurs
Dont j’aspire en marchant la divine rosée.
Sans ce rêve charmant, clarté de mon destin,
Je tomberais, je crois, fatigué de la vie,
Et je dirais : Assez, mon Dieu, de ce chemin
Où la ronce est partout, le doute amer, l’envie ;
Où l’orage nous suit et frappe à chaque pas
Les fleurs de nos jardins et celles de nos âmes,
Où la mort de ses traits perce jusqu’en nos bras
Tout ce que nous aimons : les enfants et les femmes.
Assez, j’ai trop vécu ! — Mais ton image est là,
Souriante à travers ces voiles et ces ombres,
Et je dis que demain elle me reviendra,
Jeter tous ses rayons dans ces routes si sombres,
Me montrer le ciel bleu sur les arbres fleuris,
Me porter sur son aile en me disant : Courage,
Me répéter ces mots, charme de nos esprits,
Et qu’ainsi je pourrai terminer mon voyage.
Alors, je le poursuis, en cherchant les chemins
Connus de notre amour, et jusqu’aux moindres places
Où je la vis marcher, où je trouvai ses mains
Pour rafraîchir mon front ; où je suivis ses traces,
Et j’attends que le sort, qu’on ne peut arrêter,
La jette dans mes bras pour ne plus l’en ôter.


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