VI.

MIRAGE.


Quand je tiens auprès de moi,
Objet sacré de ma tendresse,
Mes yeux s’ouvrent avec ivresse,
Et restent attachés sur toi !
Mais quand l’heure de ton absence
A sonné ! qu’un sombre silence
M’enveloppe ! alors, sans espoir,
Sentant la nuit qui m’environne,
Et que ton souvenir rayonne,
Je ferme les yeux pour te voir !


Tu demandes des vers ! va, mon âme en est pleine,
Mais laisse à mon bonheur le temps de prendre haleine,

Et de se contempler ! de voir autour de lui
D’où lui vient ce rayon qui tout-à-coup a lui !
Je reste anéanti sans voix et sans parole,
Craignant à chaque instant que l’ange ne s’envole,
Si je viens à parler ! ah ! laisse-moi t’aimer.
Et plus tard, ce bonheur, je pourrai l’exprimer,
Te dire ma surprise et ma reconnaissance,
Te peindre de mon cœur la céleste espérance.
En attendant, je pleure à contempler tes traits
Charmants et radieux du bien que tu me fais ;
Ton accent de bonté réveille dans mon âme
Sous la cendre du temps une joyeuse flamme ;
La nature, éclairée à sa douce clarté,
Rend tout autour de nous le pays enchanté :
Le fleuve a repoussé le brouillard de l’automne,
Et le printemps paraît remettre sa couronne.
Il me semble marcher avec toi dans les airs ;
Que l’écho de ta voix forme de doux concerts !
Le beau temps ! disais-tu, que je me sens heureuse !
Et, pressant dans ma main ta main voluptueuse,
Ce beau temps, mon amour, ne nous y trompons pas,
C’est de mêler nos cœurs, nos regards et nos pas ;
C’est de bénir le sort qui tous deux nous rassemble,
De parler, de sentir et d’écouter ensemble !…
Voilà ce que mes vers te diront mieux un jour,
Quand j’aurai dans mon cœur médité mon amour.