Depuis l’Exil Tome VI Notes Élections sénatoriales de la Seine




J Hetzel (p. 179-180).

NOTE IV.

ÉLECTIONS SÉNATORIALES DE LA SEINE

réunion des électeurs
21 janvier 1876.

m. laurent-pichat, président. — Je mets aux voix la candidature de M. Victor Hugo.

m. l. asseline. — Je demande que le vote ait lieu sans débats pour rendre hommage à l’illustre citoyen. (Assentiment général.)

La candidature de M. Victor Hugo est adoptée par acclamation.

m. victor hugo. — Je ne croyais pas utile de parler ; mais, puisque l’assemblée semble le désirer, je dirai quelques mots, quelques mots seulement, car votre temps est précieux.

Mes concitoyens, le mandat que vous me faites l’honneur de me proposer n’est rien à côté du mandat que je m’impose. (Mouvement.)

Je vais bien au delà.

Les vérités dont la formule a été si fermement établie par notre éloquent président sont les vérités mêmes pour lesquelles je combats depuis trente-six ans. Je les veux, ces vérités absolues, et j’en veux d’autres encore. (Oui ! oui !) Vous le savez, lutter pour la liberté est quelquefois rude, mais toujours doux, et cette lutte pour les choses vraies est un bonheur pour l’homme juste. Je lutterai.

À mon âge, on a beaucoup de passé et peu d’avenir, et il n’est pas difficile à mon passé de répondre de mon avenir.

Je ne doute pas de l’avenir. J’ai foi dans le calme et prospère développement de la république ; je crois profondément au bonheur de ma patrie ; le temps des grandes épreuves est fini, je l’espère. Si pourtant il en était autrement, si de nouvelles commotions nous étaient réservées, si le vent de tempête devait souffler encore, eh bien ! quant à moi, je suis prêt, (Bravos.) Le mandat que je me donne à moi-même est sans limite. Ces vérités suprêmes qui sont plus que la base de la politique, qui sont la base de la conscience humaine, je les défendrai, je ne m’épargnerai pas, soyez tranquilles ! (Applaudissements.)

Je prendrai la parole au sénat, aux assemblées, partout ; je prendrai la parole là où je l’aurai, et, là où je ne l’aurai pas, je la prendrai encore. Je n’ai reculé et je ne reculerai devant aucune des extrémités du devoir, ni devant les barricades, ni devant le tyran ; j’irais… cela va sans dire, et votre émotion me dit que la pensée qui est dans mon cœur est aussi dans le vôtre, et je lis dans vos yeux les paroles que je vais prononcer… — pour la défense du peuple et du droit, j’irais jusqu’à la mort, si nous étions condamnés à combattre, et jusqu’à l’exil si nous étions condamnés à survivre. (Acclamations.)