chez Volland, Gattey, Bailly (p. 123-125).


CHAPITRE XVIII.

Envie, Calomnie.



Un jour que le Génie de la société avait commencé l’une de ces sublimes combinaisons qui entretiennent dans le corps politique la force, le mouvement et la vie, c’était l’émulation, je ne sais quelle furie y vint mêler le plus subtil, le plus violent des poisons. L’œuvre soudain parut troublée, et de ce mélange impur naquit, dit-on, l’envie, la plus triste des passions, la plus froide et la plus active en même tems. Les autres échauffent le cœur de l’homme, celle-là le glace et le tue.

Tel trait de calomnie est plus cruel que le poignard d’un assassin ; et ce trait sans doute est d’autant plus redoutable, qu’il peut être lancé par la main du plus faible comme du plus puissant de vos ennemis. Les lois sont le plus souvent aussi impuissantes pour vous en venger que pour vous en défendre. Il n’est qu’un abri sûr, c’est l’obscurité qui vous cache aux regards de l’envie. Il en est un moins sûr peut-être, mais plus noble, plus digne d’un cœur généreux ; c’est une vertu active qui vous tienne sans cesse sous la garde de l’opinion publique.

Nos institutions politiques et civiles n’auraient-elles gardé tant de ménagemens avec la calomnie, que pour laisser aux hommes vicieux un moyen de plus de la confondre avec cette espèce de censure dont ils ont tant de raisons d’attendre une trop juste sévérité ?