chez Volland, Gattey, Bailly (p. 213-217).


CHAPITRE XLVI.

Maximes trop souvent oubliées.



Ne faites du bien que pour le plaisir d’en faire ; car on le fait mal toutes les fois qu’on ne le fait pas ainsi. Mais à cette condition, soyez sûr de trouver peu d’ingrats, du moins ne daignerez-vous guère vous en plaindre.

Un bienfait reçu est la plus sacrée de toutes les dettes : en ne l’oubliant jamais, vous aurez toujours le désir de l’acquitter ; et l’instant de la reconnaissance, loin de vous paraître un fardeau pénible, sera pour votre cœur un vrai soulagement. Vous n’aimez point à devoir : sentez donc le bonheur de rendre plus que vous ne deviez. Je ne croirai jamais qu’avec ce sentiment l’on puisse être réduit à haïr ses bienfaiteurs.

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Les maladies de l’ame, comme celles du corps, ne sont peut-être jamais plus inquiétantes que lorsqu’elles sont vagues et indécises ; dès qu’on est parvenu à les fixer, on est presque sûr de leur guérison. L’habitude la plus propre à les prévenir est l’heureuse habitude de ne point s’abandonner à ses fantaisies, de ne pas même s’abandonner trop à ses idées, et de compter souvent avec soi-même de ses progrès et de ses pertes, de ses goûts et de ses aversions, de ses peines et de ses plaisirs.

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Gardez-vous, a dit un sage de Perse, gardez-vous d’épuiser jamais la coupe céleste du désir et de l’espérance.

Ne possédez que pour jouir, et jouissez toujours comme si vous ne possédiez point : vos jouissances en seront plus vives ; vos regrets en auront moins d’amertume ; vos souvenirs plus de charme.

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Sans espoir trop ambitieux, tâchez d’augmenter sans cesse vos forces physiques, morales, et même celles d’opinion ; car c’est le seul moyen de les conserver. Faites-en toujours le meilleur usage possible, et pour vous, et pour les autres ; car c’est le moyen le plus naturel de les accroître.

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Je ne sais si dans le monde le métier d’honnête homme est toujours le plus profitable, mais il est très-évidemment le plus facile et le plus sûr. Un fort malhonnête homme, a très-bien dit la Bruyère, n’a jamais assez d’esprit.

Les principes de vertu, a dit un moraliste d’un plus grand caractère, d’un esprit plus vaste et plus profond, « les principes de vertu sont plus étendus que les lumières du génie. La morale est l’esprit des siècles ; les talens sont celui d’un homme en particulier. »


fin.