chez Volland, Gattey, Bailly (p. 10-14).


CHAPITRE IV.

Qu’est-ce que la morale ?



Après avoir vu quels sont les ressorts habituels de nos actions, quels sont aussi les moyens que nous pouvons avoir de les diriger, ne touchons-nous pas à la définition la plus simple de la morale ? C’est la connaissance des moyens qui peuvent nous assurer assez d’empire sur nos facultés pour en faire le meilleur usage possible, c’est la science des habitudes propres à perfectionner notre être, à nous conduire à l’état le plus constamment heureux.

L’autorité des lois est établie sur la puissance du législateur, dont la force en garantit l’exécution. Celle de la religion l’est également sur la puissance infinie de l’Être suprême.

Quelle sera donc l’autorité de la morale ? C’est l’instinct même de la nature qui a dit à l’homme : Voilà ma règle, tu ne peux être heureux qu’à ce prix.

Toute la morale ne serait qu’un seul sentiment, ce serait ce penchant si doux qui nous porte à suivre sans effort toutes les inspirations de la nature, si nos idées et nos préjugés n’avoient pas altéré nos affections naturelles, si ces affections, ou trop exaltées ou trop affaiblies par des habitudes vicieuses, n’avaient pas corrompu à leur tour nos idées et notre jugement.

Aujourd’hui le seul moyen peut-être de rectifier nos idées et nos affections, c’est de tâcher d’abord d’en faire la distinction la plus exacte, pour les observer isolées les unes des autres, et les comparer ensuite de nouveau. Après les avoir dépouillées de leurs rapports factices, nous verrons plus clairement quels sont leurs rapports naturels.

C’est ainsi qu’en chimie l’on parvient à reconnaître les substances principes, en les débarrassant autant qu’il est possible du mélange de toutes parties hétérogènes.

On n’est pas bon pour avoir fait une bonne action ; on n’a pas l’esprit juste pour avoir rencontré une idée vraie ; on n’est pas heureux pour avoir eu quelques jouissances très-vives. Il n’y a qu’une manière d’être habituelle qui puisse être regardée comme un état de la vie digne de fixer nos soins et nos vœux.

Ce sont donc les moyens de nous assurer cet état que la morale doit chercher, en déterminant le choix de nos habitudes, en nous enseignant l’art de les régler ou d’y renoncer, suivant ce qu’exige notre repos ou notre bonheur.