chez Volland, Gattey, Bailly (p. 7-9).


CHAPITRE III.

De l’expérience et de la réflexion.



L’expérience et la réflexion n’ont pas tardé à m’apprendre que telle impression qui m’avait paru infiniment douce, cesse bientôt de l’être, et que souvent même elle est suivie d’impressions pénibles et douloureuses.

L’expérience et la réflexion m’ont encore appris qu’une suite d’impressions heureuses et tranquilles, était préférable à des jouissances plus vives, mais accompagnées de trouble et d’inquiétude ; qu’un de ces états conservait mon être, et que l’autre tendait à le détruire.

L’expérience et la réflexion m’avertissent qu’il est de l’essence de mon être, de suivre et de chercher en toute chose une certaine marche constante et régulière, je ne sais quelle idée d’ordre, dont le sentiment se mêle à tout ce qui fait le charme de la vie, aux attraits touchans de la beauté, à l’admiration qu’inspire le spectacle pompeux de la nature, à l’illusion si ravissante de tous les talens et de tous les arts.

La confusion fatigue notre esprit, l’ordre l’éclaire et l’attatache. Quelque variété d’objets et d’idées qu’on lui présente, s’il peut apercevoir le rapport qui les lie, il en saisit l’ensemble sans peine ; une lumière nouvelle paraît dans ce moment se répandre autour de lui ; elle recule, pour ainsi dire, les bornes de son existence, l’élève et l’embellit.

J’en conclurai qu’il est un ordre qui convient à l’économie de mon être ; et quand je le connaîtrai, je tâcherai de soumettre à cet ordre et mes idées, et mes sensations, et mes habitudes.