De la monarchie selon la Charte/Chapitre II-9

Garnier frères (Œuvres complètes, tome 7p. 202-203).

CHAPITRE IX.
DIVISION DU SECOND MINISTÈRE.

Le plan général ayant avorté, le ministre qui l’avoit conçu, s’il eût été sage, eût donné sa démission, car d’un côté les deux impossibilités de sa position naturelle l’empêchoient, comme je l’ai dit, d’entrer dans le système du gouvernement légitime, et de l’autre il ne pouvoit plus suivre le système révolutionnaire, puisque celui-ci venoit de manquer par la base. Si cette retraite avoit eu lieu, le ministère amélioré aurait pu se soutenir ; il ne se serait pas trouvé engagé dans la fausse position qui devint la cause de ses fausses démarches et précipita sa chute.

Le président du conseil, dégagé du tourbillon qui l’avoit d’abord entraîné, revenoit à des idées plus justes, et désiroit administrer dans le sens royaliste et constitutionnel. À cette fin, il falloit une chambre des députés, et cette chambre fut convoquée. Les électeurs adjoints, les présidents des collèges électoraux furent généralement choisis parmi les hommes attachés à la royauté. Mais précisément ce qu’il y avoit de bon dans ces mesures tendoit à dissoudre l’administration, puisque par là se trouvoit menacé le ministre attaché à la révolution : ce ministre, en s’efforçant même d’entrer dans la chambre des députés, montroit de son côté une ignorance complète de sa position.

Comment un homme étoit-il devenu si aveugle sur son intérêt politique après avoir été d’abord si clairvoyant ? C’est qu’ayant été arrêté dans son premier plan, il ne pouvoit plus empêcher la constitution de marcher, ni l’arbre de produire son fruit ; c’est qu’il se fit peut-être illusion ; qu’il pensa que la chambre des députés entreroit dans le système révolutionnaire. Et d’ailleurs, vain et mobile, ce ministre, dont le nom rappellera éternellement nos malheurs, se croit seul capable de maîtriser les tempêtes, parce qu’il a l’expérience des naufrages, et sa légèreté semble être en raison inverse de la gravité des affaires qu’il a traitées.

Lorsque Cromwell signa la sentence de mort de Charles Ier il barbouilla d’encre le visage de Marten, autre régicide auquel il passoit la plume. C’est une prétention des grands criminels de supporter gaiement les douleurs de la conscience.