De la monarchie selon la Charte/Chapitre II-43

Garnier frères (Œuvres complètes, tome 7p. 238).

CHAPITRE XLIII.
CE QUE L’ON SE PROPOSE EN PERSÉCUTANT LES ROYALISTES.

Cette tactique a pour but de fatiguer les amis du trône, d’enlever à la couronne ses derniers partisans : on espère les jeter dans le désespoir, les pousser à des imprudences dont on profiteroit contre eux et contre la monarchie légitime ; on se flatte du moins qu’ils feront ce qu’ils ont toujours fait et ce qui les a toujours perdus, qu’ils se retireront.

Depuis le commencement de la révolution, tel a été le sort des royalistes : dépouillés d’abord, on n’a cessé depuis de triompher de leur malheur. On prend à tâche de leur répéter qu’ils n’ont rien, qu’ils n’auront rien, qu’ils ne doivent compter sur rien. On leur a rouvert la France ; mais on a écrit pour eux sur la porte, comme sur celle des enfers : « Entre, qui que tu sois, et laisse l’espérance. » On reprend la loi qui les a frappés ; on l’aiguise, on la retourne dans le sein comme un poignard. Offrent-ils ce qui leur reste, leurs bras et leurs services, on les repousse. Le nom de royaliste semble être un brevet d’incapacité, une condamnation aux souffrances et à la misère. Aux partisans du système des intérêts révolutionnaires se joignent les prédicateurs de l’ingratitude. Les royalistes, disent-ils, ne sont pas dangereux ; il est inutile de s’occuper de leur sort. S’il survient un orage, nous les retrouverons. Et vous ne craignez pas de flétrir par des propos inconsidérés, de laisser languir dans l’oppression et la pauvreté ceux dont vous avez une si haute idée ! Quels hommes que ceux-là que vous repoussez dans la fortune et dont vous vous réservez la vertu pour le temps de vos malheurs !

Vous avez raison ! ils ne se lasseront pas ; ils consommeront leur sacrifice : leur patience est inépuisable comme leur amour pour leur roi.