De la monarchie selon la Charte/Chapitre II-18

Garnier frères (Œuvres complètes, tome 7p. 210).

CHAPITRE XVIII.
CONTINUATION DU MÊME SUJET.

Poursuivez, et voyez où vous arrivez avec le système que j’attaque.

On doit s’opposer au rétablissement de la religion, parce que les intérêts révolutionnaires sont contraires à la religion.

On ne doit jamais faire aucune proposition, présenter aucun projet de loi tendant à rétablir les institutions morales et chrétiennes, parce que les rétablir c’est menacer la révolution ; c’est en outre supposer que ces institutions ont été renversées, par conséquent faire un reproche indirect à la révolution qui les a détruites. N’ai-je pas entendu blâmer comme impolitiques les honneurs funèbres rendus à Louis XVI, à Marie-Antoinette , au jeune roi Louis XVII, à Mme Élisabeth ? Si c’est comme cela qu’on sauve la monarchie, je suis étrangement trompé.

Si des choses on passe aux hommes, on trouvera qu’il ne faut rien faire pour ceux qui ont combattu la révolution, de peur d’alarmer les intérêts révolutionnaires ; qu’il faut combler au contraire les amis de la révolution pour les gagner et se les attacher. Je présenterai les détails du tableau quand je peindrai l’état actuel de la France.

Enfin, tous ces discours où l’on retrouve les mots d’honneur, de religion, de royalisme, sont des discours de factieux : parler ainsi, c’est blesser les intérêts révolutionnaires.

Avant la révolution, les prédicateurs, effrayés par l’esprit du siècle, n’osoient presque plus nommer Jésus-Christ : ils tâchoient, par des périphrases, de faire entendre de qui ils vouloient parler.

Aujourd’hui, à cause des intérêts moraux révolutionnaires, évitez toutes les paroles qui pourroient blesser des oreilles délicates ; restitution, par exemple, est un mot si affreux, qu’on doit le bannir, lui et ses dérivés, de la langue françoise. Il y a de bonnes gens qui consentiroient presque à la dotation de l’autel, à condition qu’on donnât, mais non pas qu’on rendît au clergé ce qui reste des biens de l’Église ; car, comme ils le disent très-sensément, il faut maintenir le principe !

Si cela continue, grâce aux intérêts révolutionnaires, dans peu d’années il y aura une foule de mots que l’on n’entendra plus, et l’on sera obligé de les expliquer dans les nouveaux dictionnaires.