De la monarchie selon la Charte/Chapitre I-13

Garnier frères (Œuvres complètes, tome 7p. 171-172).

CHAPITRE XIII.
DE LA CHAMBRE DES PAIRS. PRIVILÈGES NÉCESSAIRES.

Si avant d’avoir reçu de la munificence toute gratuite du roi la haute dignité de la pairie je n’avois pas réclamé pour la chambre des pairs ce que je vais encore demander aujourd’hui, une certaine pudeur m’empécheroit peut-être de parler ; mais mon opinion imprimée[1] ayant devancé des honneurs qui surpassent de beaucoup les très-foibles services que j’ai pu rendre à la cause royale, je puis donc m’expliquer sans détours.

Il manque encore à la chambre des pairs de France, non dans ses intérêts particuliers, mais dans ceux du roi et du peuple, des privilèges, des honneurs et de la fortune.

Néanmoins, dans le rapport que j’eus l’honneur de faire au roi à Gand dans son conseil, en indiquant la nécessité d’instituer l’hérédité de la pairie (tant pour consacrer les principes de la Charte que pour prouver que l’on vouloit sincèrement ce que l’on avoit promis), je ne prétendois pas conseiller de faire à la fois tous les pairs héréditaires. Un certain nombre de pairs, pris parmi les anciens et les nouveaux pairs, m’auroit d’abord paru suffire. Le ministère dont l’ordonnance du 19 août 1815 est l’ouvrage n’a peut-être pas assez vu tout ce que cette ordonnance enlevoit à la couronne. Le roi providence de la France, et qui, comme cette providence, répand les bienfaits à pleines mains, a consenti à une générosité toujours au-dessous de sa munificence : il ne s’est rien réservé de ce qu’il pouvoit donner. Et pourtant quelle source de récompenses est tarie par l’acte ministériel ! Quel noble sujet enlevé à une noble ambition ! Que n’eût point fait un pair à vie pour devenir pair héréditaire, pour constituer dans sa famille une si haute et si importante dignité !

La même ordonnance semble ôter au roi la faculté de faire à l’avenir des pairs à vie ; mais il y a sans doute sur ce point quelque vice de rédaction. La Charte, article 27, dit positivement : « Le roi peut nommer les pairs à vie ou les rendre héréditaires, selon sa volonté. »

  1. Réflexions politiques. Rapport fait au roi à Gand.