De la manière de négocier avec les souverains/XVIII

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Chapitre XVIII
DES TRAITEZ
ET DES
RATIFICATIONS.



Chapitre XVIII. modifier



IL y a pluſieurs ſortes de Traitez entre les Princes & les États Souverains, les principaux ſont ceux de paix, de treve, ou de ſuſpenſions d’armes, d’échange, de ceſſion ou de reſtitution de places ou de pays conteſtez ou conquis, de reglemens, de limites, & de dépendances, de ligues tant offenſives que deffenſives ; de garantie, d’alliance par mariage, de commerce, &c.

Il y a de Traitez qu’on appelle ſecrets, parce que l’execution & la publication en demeure quelque temps ſuſpenduë, il y a auſſi des Traitez publics, auſquels on joint des articles ſecrets.

Il y a des Traitez qu’on appelle Eventuels, parce que leur execution dépend de certains évenemens que l’on juge devoir arriver & ſans leſquels ces Traitez ſont de nul effet.

Lorſque les Miniſtres de deux Puiſſances égales ſignent un Traité, ils en font dreſſer deux copies qu’on appelle un double inſtrument, & chacun d’eux nomme ſon Prince le premier dans celui qu’il garde & y ſigne à la premiere place, afin de ne point préjudicier à leur prétention ſur les rangs lorſqu’il y a quelque concurrence entr’eux.

Les nouveaux Traitez de paix ont preſque toûjours rapport aux précedens qui ont été faits entre les mêmes Puiſſances dont ils confirment certains articles & dérogent aux autres ; ils ſont dreſſez ſur la même formule, & ſont redigez par articles. Il eſt du devoir d’un habile Negociateur d’y faire exprimer bien nettement toutes les conditions qui ſont à l’avantage des droits ou drs prêtentions de ſon Maître, & de me ſe pas contenter qu’il s’y ſoient énoncez en termes generaux & ſujets à diverſes explications ; mais de les faire ſpecifier d’une manière qui ne laiſſe aucun doute, il eſt neceſſaire pour cela qu’il ſache bien la Langue dans laquelle ce Traité eſt écrit, afin de connoître toute l’étenduë que l’on peut donner à la ſignification des termes qu’on y employe, & de choiſir les plus propres & les ples expreſſifs, ſurquoi on peut en faire acroire à un Négociateur novice & ignorant, qui ne ſauroit pas la force des termes, ni l’art d’écrire & de s’énoncer clairement, & c’eſt de cette ignorance de l’une des, parties contractantes & de l’adreſſe de l’autre que naiſſent des difficultez entre les Souverains ſur l’explication des conditions de leurs Traitez, ce qui les jette dans de nouveaux démêlez, & ſert de prétexte de rupture à celui qui veut recommencer la guerre par l’interpretation qu’il donne à ſon avantage aux termes & aux expreſſions obſcures, ambiguës ou équivoques qui ſe trouvent dans quelques articles de leurs Traitez.

Quoique les Miniſtres des Princes & des Etats Souverains traitent en vertu de pleins pouvoirs, cependant ils ne concluent & ne ſignent aucun traité qu’avec la clauſe de la ratification de leurs Maîtres ; cette ratification conſiſte en un écrit ſigné de leur main, & ſcellé de leur ſceau, par lequel ils approuvent tout le contenu du Traité conclu en leur nom par leurs Miniſtres, ce Traité y eſt repeté de mot à mot avant l’acte de la ratification, par lequel ils promettent de l’executer de bonne-foi, & le Miniſtres des differentes parties font enſuite l’échange de ces ratifications dans le temps reglé entr’eux ; quand il y a des Mediateurs, cet échange ſe fait d’ordinaire par leurs mains.

Les Traitez ne ſont publiez qu’après l’échange des ratifications, & ils n’ont leur effet que du jour de la publication, à moins qu’on n’en diſpoſe autrement par une convention particuliere.