De la fréquente Communion.../Partie 1, Chapitre 30

Chez Antoine Vitté (p. 365-368).

Chapitre 30


seconde condition d’un bon directeur, qu’il soit spirituel.

vous desirez outre cela que le directeur soit spirituel ; sans cette condition toute la sagesse du monde n’est que folie, et toute la lumiere de la doctrine n’est qu’un faux brillant qui conduit au precipice : mais aussi cette qualité en enferme tant d’autres ; qu’il n’est peut-estre pas si aisé de la posseder que vous vous l’imaginez : ce que je puis vous faire voir par un discours tiré des enseignemens des peres, si vous tesmoignez le desirer, ou en douter : mais je me contenteray pour cette heure de vous renvoyer au pastoral de S Gregoire Le Grand, et de vous dire qu’un directeur, pour estre spirituel, entre les autres conditions que vous verrez dans ce saint, en doit posseder deux en un degré eminent : la prudence de l’esprit, et cette liberté genereuse, que l’esprit du seigneur inspire à ceux qu’il remplit, ubi spiritus domini ibi libertas, où est l’esprit du seigneur là est la liberté.

Ce sont les deux qualitez que Jesus-Christ a conferées à ses apostres, lors qu’il les a establis pour estre le sel et la lumiere du monde ; afin qu’ainsi que la qualité de lumiere leur donnoit la puissance desclairer les ames, la qualité de sel les rendist fermes et incorruptibles en eux-mesmes, pour empescher la corruption dans les autres.

Par cette prudence de l’esprit, que Saint Paul oppose tousjours à la prudence de la chair, un directeur veritablement spirituel ne jugera point des choses par les jugemens corrompus des hommes ; mais selon l’advis de l’apostre, il jugera des choses spirituelles par des regles spirituelles, (...). Il ne pesera point la bonté ou la malice des actions dans la balance trompeuse de la coustume , comme Saint Augustin parle : mais dans la balance fidelle des enseignemens divins . Il aura tousjours dans l’esprit l’obligation et la necessité de satisfaire à la justice de Dieu, apres avoir violé l’alliance du baptesme. Il taschera, autant qu’il luy est possible, que l’appareil soit proportionné à la playe, et que la penitence esgalle le crime, selon la doctrine des peres et du concile de Trente. Il pensera souvent, qu’il luy a esté ordonné de ne point donner le saint aux chiens, et de ne jetter point les diamans aux pourceaux : c’est à dire, comme Saint Ambroise l’explique, (...), comme le clergé de Rome escrit à Saint Cyprien. Il jugera des arbres plûtost par les fruits, que par les feüilles, selon le precepte de l’evangile : c’est à dire, il examinera la disposition des ames plûtost par les actions que par les paroles. Et enfin, il fera bien entendre aux pecheurs qui se veulent convertir, que ce n’est pas assez de recourir aux prestres, et aux sacremens, comme les pharisiens et les saduceens, qui estoient les plus excellens, et les plus vertueux des juifs, recouroient au baptesme de Saint Jean : mais qu’il faut faire des fruits dignes de penitence , ainsi que le Saint Esprit a dit par la bouche de ce precurseur de Jesus-Christ : c’est à dire, comme l’expliquent les peres, protester par des actions visibles et publiques, qu’on se repent vrayement de sa vie passée : et qu’ainsi que ce n’est pas assez aux pecheurs, pour avoir la remission de leurs pechez, de faire des fruits dignes de penitence, s’ils ne recourent aux prestres pour estre absous de leurs pechez, apres s’y estre bien preparez : de mesme les prestres ne sont jamais bien asseurez, autant qu’on le peut estre en ce monde, de la bonne disposition, et de la penitence interieure de ceux qui viennent à eux, que lors qu’ils voyent les fruits, et les œuvres de leur penitence.

la liberté de l’esprit de Dieu qui accompagnera cette prudence, l’empeschera d’estre esclave d’aucune pretention du monde : elle l’élevera au dessus de toutes les choses de la terre, pour ne s’attacher qu’à celles du ciel. Elle l’exemptera de la servitude des creatures, pour ne servir que Dieu seul. Elle luy fera considerer ce que Saint Chrysostome dit, touchant les apostres, qu’ils ont esté les docteurs de toute la terre, (...). Elle luy representera dans les persecutions qui pourront s’élever contre luy, (...).