De la fréquente Communion.../Partie 1, Chapitre 19

Chez Antoine Vitté (p. 303-307).

Chapitre 19


des deux maximes que cet auteur attribue faussement à Saint Chrysostome, l’une qu’en s’abstenant de communier, on ne doit pas penser porter plus de respect au saint sacrement. L’autre, que le delay ne nous rend pas plus dignes de le recevoir.

mais c’est trop nous arrester à une chose si claire. Il est temps de passer à ces deux points, que vous jugez dignes d’estre remarquez, et qui le sont veritablement ; mais en une maniere bien contraire à l’opinion que vous en avez. Car lors que vous faites dire à Saint Jean Chrysostome : (...) ; ou vous l’entendez simplement de ceux qui s’abstiennent de communier par negligence, et par le peu de soin qu’ils ont des choses divines ; et qui aussi durant le temps qu’ils different leur communion, ne travaillent point à s’y preparer : et alors, cette remarque est tres-vaine, et tres-inutile ; parce que personne ne doute, qu’un homme qui s’esloigne de l’eucharistie par cet esprit de negligence, ou de peu d’estime, ou de vanité, ou de pure crainte, sans humilité, ny aucun amour, ne soit tres-digne de blasme ; puis que c’est en cela, que consiste ce degoust, dont parle Saint Augustin, que cette manne sainte ne peut souffrir : et ainsi tout ce que les peres disent contre cette sorte de personnes est plein de justice, et de verité. Mais si vous l’entendez generallement, (comme la suitte de vostre escrit monstre assez, que vous faites) de tous ceux, qui par quelque motif que ce soit, se separent de l’eucharistie, et quoy qu’ils fassent durant ce temps, pour se preparer à la recevoir avec plus de pureté ; je reserve à vous faire voir en un autre endroict, par le sentiment de l’escriture, des peres, et de l’eglise, la fausseté de cette estrange maxime, dont vous composez l’une de vos regles : et je me contenteray icy de justifier S Jean Chrysostome, et de monstrer, que ces deux points generaux, dont vous le voulez faire auteur, sont contraires à ses sentimens, comme les tenebres le sont à la lumiere.

Ce grand saint est si esloigné de condamner une personne, laquelle se sentant coupable d’avoir foulé tant de fois aux pieds le sang du fils de Dieu par des offenses mortelles, prononce contre elle-mesme l’arrest de sa condamnation, en se jugeant indigne de participer à ses mysteres, et s’en retire pour un temps dans la reconnoissance de cette indignité, afin de se purifier auparavant par l’exercice de cette penitence : il est dis-je si esloigné de trouver cet esloignement mauvais, et ce delay inutile, qui sont les deux points que vous luy attribuez : que suivant la doctrine generalle des autres peres, il juge, que les veritables penitens doivent pratiquer cette humilité, pour r’entrer peu à peu dans la sainteté qu’ils ont perduë, et se nourrir long-temps de la parole de Dieu, avant que se nourrir de son corps.

Pour preuve de ce que je dis, vous n’avez qu’à lire l’homelie de l’enfant prodigue, qu’il propose comme le plus rare exemple de la misericorde de Dieu, et la plus excellente figure de tous les vrays penitens : où, entr’autres choses, pour l’explication de ces paroles ; (...).

C’est ainsi que ce grand personnage, explique la conduite admirable de l’eglise envers tous ceux qui desiroient de se jetter entre les bras du pere celeste, apres avoir prodigué ses thresors divins, en violant par des pechez mortels la saincteté de leur baptesme. C’est l’arrest, que l’eglise leur prononçoit par la voix du diacre, en commandant à tous ceux qui estoient en penitence de sortir dehors . C’est ainsi qu’elle entendoit que l’on s’esprouvast, et que l’on se jugeast soy-mesme, selon le commandement de Saint Paul, pour ne manger point le corps de Jesus-Christ à sa condamnation.

C’est cet esloignement de l’eucharistie, en quoy consiste la plus grande humiliation du pecheur, et par consequent le plus grand honneur qu’il soit capable de rendre à Dieu, puis que Dieu n’est honnoré que par les humbles ; et la plus grande esperance de son restablissement, puis que l’élevation est promise à celuy qui s’humilie.

C’est ce delay procedant d’humilité, et non de deffaut d’amour, qui l’excite davantage par la consideration du bien dont il est privé, à se purifier de toutes ses taches par l’exercice des bonnes œuvres, pour estre digne de r’entrer dans cette adorable participation. Apres cela, continurez-vous d’imposer à Saint Chrysostome ces deux maximes generalles : (...).