De la fréquente Communion.../Partie 1, Chapitre 15

Chez Antoine Vitté (p. 288-292).

Chapitre 15


combien Saint Augustin est contraire aux sentimens de cét auteur.

un homme sçavant, et judicieux m’auroit espargné la peine de répondre à cet article. Car vous venez de citer un passage de Saint Augustin sous le nom de Saint Hilaire ; et icy, comme pour luy rendre autant que vous luy avez osté, vous luy en attribuez un qui ne fut jamais de luy, et que vous mesme avez cité un peu auparavant sous le nom d’un autre auteur. Apprenez donc, je vous prie, puisque vous tesmoignez ne le sçavoir pas, que ce sermon 28 des paroles du seigneur n’est autre chose, que le quatriesme chapitre du livre cinquiesme des sacremens de Saint Ambroise, comme il y a desja long-temps que les docteurs de Louvain l’ont remarqué. Voila la preuve de vostre science : celle de vostre jugement, est d’alleguer encore une fois ce passage, auquel je vous ay desja monstré que vous ne pouviez souscrire, sans souscrire en mesme temps à vostre condamnation.

Il n’est pas neantmoins raisonnable, que vostre erreur nous empesche de declarer sur cette matiere quel a esté le sentiment de ce pere, en qui la nature et la grace semblent avoir conspiré pour en faire la plus grande lumiere qui ait éclairé l’eglise depuis les apostres. Je pense que vous avez encore les yeux esbloüis de l’esclat de ces paroles puissantes, qu’il a prononcées contre vous dans le chapitre precedent : que si vous pensez luy repliquer, il vous fermera la bouche par celles qu’il a escrites en un autre endroit, qui outre leur propre autorité sont encore appuiées de celles de l’eglise, puis qu’elles ont esté jugées dignes de faire partie du divin office. Elles sont prises du sermon deux cent cinquante-deuxiéme ; et vous les trouverez aux leçons de la dedicace ; ce qui m’a donné sujet de les rapporter d’autant plus volontiers, qu’elles ne peuvent pas vous estre inconnuës : lisez-les, je vous prie, sans passion, et jugez si elles se rapportent à vostre doctrine. (...).

Que l’eglise a perdu de ce que le pape ne vous a point appellé à la derniere reveuë du breviaire ! Vous l’eussiez sans doute adverti d’en retrancher des leçons, qui contiennent une si pernicieuse doctrine, et si contraire , selon vostre avis, à l’usage de l’eglise d’apresent. vous luy eussiez remonstré, qu’elles pouvoient donner occasion à quelque temeraire de se retirer de vostre pratique, c’est à dire, de la pratique universelle de l’eglise ; parce que vous croyez que toute l’eglise depend de vous. Et enfin vous donnez sujet de croire, que s’il vous arrive quelque jour de reciter ces leçons, vous ne manquerez pas de faire quelque conjuration pour destourner ce stratageme du diable (comme vous appellez la doctrine qu’elles enseignent) ou que si le nom de Saint Augustin arreste un peu vostre zele, au moins vous formerez en vous-mesme quelque remarque pour servir de contrepoison, et pour empescher que cela ne fasse concevoir à quelque personne simple cette mauvaise pensée, qui ne peut venir du Saint Esprit , de se retirer humblement de l’autel divin, lors qu’elle trouve sa conscience blessée par quelque peché mortel ; et de ne s’en approcher point, avant que de s’estre purifié quelque temps par les prieres, par les jeusnes, et par les aumosnes.