De la Chasse (Trad. Talbot)
Traduction par Eugène Talbot.
De la ChasseHachetteTome 1 (p. 373-375).


CHAPITRE II.


Du chasseur et des différentes espèces de filets.


Et d’abord il convient de se livrer à l’exercice de la chasse au sortir de l’enfance, avant de passer aux autres parties de l’éducation, et aussi en consultant sa fortune : celui qui en a une suffisante les cultivera en raison de leur utilité ; quant à celui qui n’a rien, il pourra toujours montrer du zèle et ne rien omettre de ce qui est en son pouvoir. Or, quels sont les engins nécessaires pour se mettre à l’œuvre ? C’est ce que je vais dire, avec leur application propre, afin que chacun agisse en toute connaissance. Et qu’on ne croie point ces détails sans valeur ; sans eux il n’y a pas de pratique possible.

Il faut qu’un chasseur aux filets aime son art, parle grec, soit âgé d’environ vingt ans, ait le corps souple, robuste, l’âme forte, de manière à surmonter la fatigue et à se plaire à son métier. Les rets, les panneaux et les toiles[1] doivent être de fin lin du Phase[2] ou de Carthage. Les rets ont neuf cordes à trois fils, de neuf brins chacun ; leur grandeur est de cinq empans, avec des mailles larges de deux palmes : les tirants doivent être cordés sans nœuds, pour être plus coulants : les panneaux sont cordelés de douze fils, et les toiles de seize ; la grandeur des panneaux est de deux, quatre, cinq orgyes[3], celle des toiles de dix, vingt, trente ; plus grandes, elles seraient incommodes à la main : panneaux et toiles doivent avoir trente nœuds, et la largeur des mailles est la même que celle des rets. Qu’à l’extrémité des cordes les panneaux aient des nœuds en mamelons, les toiles des anneaux, et que les tirants soient faits de fils retors.

Les fourchettes des rets doivent avoir dix palmes de haut, avec quelques-unes plus petites ; cette inégalité servira, sur les terrains à pente inégale, à maintenir les rets à la même hauteur ; sur les terrains unis, on aura des fourchettes égales.

Pour pouvoir être enlevées facilement, il faut qu’elles soient lisses à leur extrémité. Les fourchettes des panneaux seront hautes du double ; et pour les toiles, de cinq empans de haut, ayant la bifurcation petite et la fente peu profonde : que toutes se fichent aisément et que l’épaisseur soit en raison de la longueur. Les toiles demandent tantôt plus, tantôt moins de fourchettes : moins, si, quand on les lève, elles se tiennent fortement tendues ; plus, si elles sont lâches. En outre il faut avoir, pour placer les rets et les toiles, un sac de cuir de veau, ainsi qu’une serpe pour couper du hois, afin de boucher au besoin les passées.



  1. Nous avons essuyé d’établir une distinction entre les trois mots grecs, qui signifient également filets, ἄρτυς, ἐνοδία, δίκτυα et nous avons évité de les laisser en français sous leur forme grecque comme l’ont fait quelques traducteurs. D’après Pollux, les dictya, que nous appelons toiles, servaient dans les terrains plats ; les enodia, panneaux, étaient tendus dans les routes et dans les passées ; les arktys, rets, étaient des filets d’une plus petite espèce que les deux autres, et ressemblaient, pour la forme, à des réseaux de tête.
  2. Fleuve de la Colchide ancienne, la Mingrélie actuelle, aujourd’hui le Fasche ou Rioni.
  3. L’orgye équivalait à une toise, un peu moins de deux mètres.