De l’influence de la révolution d’Amérique sur l’Europe/Projet de Constitution

Œuvres de CondorcetDidotTome 8 (p. 69-101).
PROJET DE CONSTITUTION.

« Nous, le peuple des États-Unis, dans la vue de former une plus parfaite union, d’établir la justice, d’assurer la tranquillité domestique, de pourvoir à la défense commune, de faire le bien général, et de fixer notre liberté et celle de notre postérité, nous avons ordonné et établi cette constitution pour les États-Unis de l’Amérique.

article premier.

« Section I. Toute l’autorité législative accordée par la présente constitution sera confiée au congrès des États-Unis, qui sera composé d’un sénat et d’une chambre de représentants.

« Section II. La chambre des représentants sera composée de membres élus tous les deux ans par le peuple de chaque État, et les électeurs, dans chaque État, devront avoir les qualités requises pour les électeurs de la branche la plus nombreuse du corps législatif dudit État.

« Personne ne pourra être représentant, qu’il n’ait atteint l’âge de vingt-cinq ans, qu’il n’ait été sept ans citoyen des États-Unis, et qu’il ne soit, au moment de son élection, habitant de l’État pour lequel il sera élu.

« Le nombre des représentants, et la quotité des impôts directs, seront fixés, pour chacun des États qui pourront être compris dans cette union, selon le nombre respectif de leurs habitants, qui sera déterminé en ajoutant au nombre des personnes libres (y compris les engagés à un service pour un certain nombre d’années, et en exceptant les Indiens non taxés), trois cinquièmes des habitants de toutes les autres classes[1]. Ce dénombrement sera fait avant le terme de trois ans, à compter de la première assemblée du congrès, ensuite tous les dix ans, et ce, de la manière qui sera ordonnée par la loi. Il ne pourra y avoir qu’un représentant pour trente mille personnes ; mais chaque État aura au moins un représentant ; et, jusqu’à l’époque dudit dénombrement, l’État de New-Hampshire aura droit d’en élire.......... 3

Celui de Massachusets 
 8
Celui de Rhode-Island 
 1
Celui de Connecticut 
 5
Celui de New-York 
 6
Celui de New-Jersey 
 4
Celui de Pensylvanie 
 8
Celui de Delaware 
 1
Celui de Maryland 
 6
Celui de Virginie 
 10
Celui de la Caroline septentrionale 
 5
Celui de la Caroline méridionale 
 5
Et celui de Géorgie 
 3

« Lorsqu’il viendra à vaquer des places de représentants dans un État, le pouvoir exécutif de cet État donnera des lettres d’élection pour remplir les vacances.

« La chambre des représentants choisira un orateur et ses autres officiers, et aura seule le droit d’impeachment[2].

« Section III. Le sénat des États-Unis sera composé de deux sénateurs de chaque État, élus par le pouvoir législatif dudit État, pour six ans, et chaque sénateur aura une voix.

« Aussitôt qu’ils auront été assemblés en conséquence de la première élection, ils seront divisés, le plus exactement possible, entre trois classes. Les siéges des sénateurs de la première classe deviendront vacants au bout de la seconde année ; ceux de la seconde classe, au bout de la quatrième année, et ceux de la troisième classe, au bout de la sixième ; de sorte qu’un tiers pourra être élu tous les deux ans ; et s’il vient à vaquer des places de sénateurs, par résignation ou autrement, pendant les vacances du pouvoir législatif de chaque État, le pouvoir exécutif de cet État pourra nommer par intérim, jusqu’à la prochaine assemblée du pouvoir législatif, qui alors remplira lesdites vacances.

« Personne ne sera sénateur qu’il n’ait atteint l’âge de trente ans, qu’il n’ait été neuf ans citoyen des États-Unis, et qu’il ne soit, au moment de son élection, habitant de l’État pour lequel il sera élu.

« Le vice-président des États-Unis présidera le sénat, mais il n’y aura pas de voix, à moins que les suffrages n’y fussent divisés également.

« Le sénat élira ses autres officiers, ainsi qu’un président pro tempore, en l’absence du vice-président, ou lorsqu’il remplira l’office du président des États-Unis.

« Le sénat aura seul le pouvoir de juger tous les impeachments. Lorsqu’il s’assemblera à cet effet, les membres ne procéderont qu’après avoir prêté serment, ou fait leur affirmation[3]. Si le président des États-Unis vient à être mis en jugement, le grand juge présidera.

« Nulle personne ne sera condamnée que d’après le vœu des deux tiers des membres présents.

« Le jugement dans le cas d’impeachment ne pourra au plus que déposséder l’accusé de son office, et le déclarer incapable de remplir aucun emploi honorifique, lucratif ou de confiance, sous l’autorité des États-Unis ; mais l’accusé convaincu sera néanmoins sujet à être poursuivi, jugé, condamné et puni selon la loi.

« Section IV. Les temps, lieux et formes des élections des sénateurs ou représentants, seront prescrits dans chaque État par le pouvoir législatif d’icelui ; mais le congrès pourra toujours, par une loi, changer ces règlements ou en faire de nouveaux, excepté qu’il ne pourra changer les lieux d’élection pour les sénateurs.

« Le congrès s’assemblera au moins une fois l’an, et la première séance de la session sera le premier lundi de décembre, à moins que par une loi ce corps ne fixe un autre jour.

« Section V. Chaque chambre sera juge des élections, de leurs procès-verbaux, et des qualités de ses propres membres ; et la majorité dans chacune d’icelles, fixera le Quorum[4], pour vaquer aux affaires ; mais un plus petit nombre pourra s’ajourner de jour en jour, et sera autorisé à forcer les membres absents d’assister aux séances, et ce sous telle forme et sous telle peine qu’il plaira à chaque chambre d’établir.

« Chaque chambre pourra déterminer les règles de ses procédures, punir ceux de ses membres qui seront coupables de conduite irrégulière, et même, avec la concurrence des deux tiers de ses membres, en expulser ceux qui l’auront mérité.

« Chaque chambre tiendra un journal de ses transactions, et le publiera de temps à autre, à l’exception des choses qui, selon son opinion, demanderont de rester secrètes ; et la spécification des suffrages des membres de chaque chambre sur toute motion quelconque pourra être portée sur le journal, à la réquisition d’un cinquième des membres présents.

« Aucune des chambres ne pourra, pendant la session du congrès, s’ajourner sans le consentement de l’autre, pour plus de trois jours, ni s’ajourner dans un autre endroit que celui où siégeront les deux chambres.

« Section VI. Les sénateurs et les représentants recevront pour leurs services des émoluments qui seront fixés par la loi, et payés sur le trésor des États-Unis. Dans tous les cas, excepté ceux de trahison, félonie et perturbation de la paix publique, ils seront privilégiés et exempts de prise de corps, pendant le temps qu’ils assisteront à la session de leur chambre respective, ainsi que pour le temps qu’ils mettront à y aller et à en revenir ; et ils ne pourront être comptables d’aucun discours ou débat dans aucun autre endroit, que dans celle des chambres où ils les auront tenus.

« Aucun sénateur ou représentant ne pourra, pendant le terme pour lequel il aura été élu, être nommé à aucun emploi civil sous l’autorité des États-Unis, qui ait été créé, ou dont les émoluments auraient été augmentés pendant ledit terme ; et aucune personne tenant un emploi sous l’autorité des États-Unis ne pourra être membre d’aucune des chambres, tant qu’elle restera dans cet emploi.

« Section VII. Tous les bills de subsides devront avoir leur initiative dans la chambre des représentants ; mais le sénat pourra proposer des changements, ou y concourir, de même que pour tout autre bill.

« Tout bill qui aura passé dans la chambre des représentants et dans le sénat, devra être présenté au président des États-Unis avant d’avoir force de loi. S’il l’approuve, il le signera ; dans le cas contraire, il le renverra, avec ses objections, à la chambre dans laquelle ce bill aura pris naissance, et cette chambre enregistrera ces objections en entier sur son journal, et procédera à un second examen. Si, après ce second examen, les deux tiers de la chambre agréent le bill, il sera envoyé avec les objections à l’autre chambre, qui l’examinera aussi de nouveau ; et s’il est approuvé par les deux tiers de cette chambre, il aura alors force de loi. Mais dans tous les cas de cette espèce, les voix des deux chambres seront déterminées par oui et non, et les noms des membres qui auront voté pour et contre le bill seront enregistrés dans le journal de chaque chambre respectivement. Tout bill qui ne sera point renvoyé par le président dans le terme de dix jours, non compris les dimanches, après qu’on le lui aura fait passer, aura force de loi, de même que s’il l’avait signé, à moins que le congrès, par son ajournement, n’en prévienne le renvoi ; et dans ce cas, le bill n’aura point force de loi.

« Tout ordre, vote ou résolution, pour lequel la concurrence du sénat et de la chambre des représentants sera nécessaire, excepté cependant sur la question des ajournements, sera communiqué au président des États-Unis, et sera approuvé par lui avant de sortir son effet ; et dans le cas où ledit président ne l’approuverait pas, il faudra, pour l’exécuter, qu’il soit confirmé par le suffrage des deux tiers du sénat et de la chambre des représentants, dans les mêmes formes et limitations prescrites pour un bill.

« Section VIII. Le congrès aura le pouvoir d’imposer et de percevoir toutes taxes, droits, impôts et accises, pour payer les dettes, et pourvoir à la défense et au bien général des États-Unis ; mais lesdits droits, impôts et accises, seront uniformes dans toute l’étendue de la confédération ;

« D’emprunter de l’argent sur le crédit des États-Unis ;

« De régler le commerce avec les nations étrangères, entre les différents États de l’Union, et avec les nations sauvages ;

« D’établir une formule permanente de naturalisation, et des lois uniformes sur les faillites, dans toute l’étendue des États-Unis ;

« De battre monnaie, de fixer la valeur d’icelle et des monnaies étrangères, et de fixer l’étalon des poids et mesures ;

« De pourvoir à ce que l’on punisse ceux qui contreferont les effets publics et la monnaie courante des États-Unis ;

« D’établir des bureaux de postes et des grands chemins ;

« D’encourager les progrès des sciences et des arts utiles, en assurant pour un temps limité, aux auteurs et inventeurs, le droit exclusif de disposer de leurs écrits ou de leurs découvertes respectives ;

« De constituer des tribunaux inférieurs, sous la juridiction du tribunal suprême ;

« De juger et de punir les pirateries et les félonies commises en mer, et les offenses contre le droit des gens ;

« De déclarer la guerre, d’accorder des lettres de marque et de représailles, et d’établir des règlements pour les prises sur terre et sur mer ;

« De lever et d’entretenir des armées ; mais on ne pourra destiner une somme d’argent à cet usage pour plus de deux ans ;

« De former et d’entretenir une marine ;

« De faire des règlements pour le régime et l’administration des forces de terre et de mer ;

« De faire assembler la milice, d’exécuter les lois de l’Union, d’éteindre les insurrections, et de repousser les invasions ;

« De pourvoir à l’organisation, à l’armement et à la discipline de la milice, et à l’administration de la partie de ces milices qui sera employée au service des États-Unis ; réservant aux États respectifs la nomination des officiers, et le pouvoir de dresser la milice à la discipline ordonnée par le congrès ;

« D’exercer un droit de législation exclusif dans tous les cas possibles, sur tout district (n’excédant pas dix milles carrés) qui deviendra, par la cession de quelques États particuliers et le consentement du congrès, la résidence du gouvernement des États-Unis, et d’exercer la même autorité sur toutes les places achetées avec le consentement de la législature de l’État où elles seront situées, à l’effet d’y construire des forts, magasins, arsenaux, chantiers et autres édifices essentiels ;

« Enfin, de porter toutes les lois qui seront nécessaires et propres à mettre à exécution les pouvoirs ci-dessus, et tous autres pouvoirs confiés par cette constitution au gouvernement des États-Unis, ou à aucun de ses départements ou bureaux.

« Section IX. L’émigration ou l’introduction de telles personnes[5] qu’aucun des États actuellement existants jugera à propos d’admettre, ne sera point prohibée par le congrès avant l’an 1808 ; mais il pourra être imposé sur une semblable importation une taxe ou impôt qui n’excédera point dix piastres par personne.

« Le privilége attaché aux lettres d’habeas corpus[6] ne sera point suspendu, excepté dans les cas de rébellion et d’invasion, où la sûreté publique le demandera.

« Il ne sera point passé de bill d’attainder[7], ni de loi ex post facto.

« Il ne sera point imposé de capitation ou autre impôt direct, qu’en proportion du cens ou dénombrement, qui doit être fait comme il a été dit ci-dessus.

« Il ne sera point établi de droits ou de taxes sur les articles exportés d’aucun des États de l’Union. Il ne sera donné de préférence, par aucun règlement de commerce ou de finance, aux ports d’un État sur ceux d’un autre ; les vaisseaux en allant dans un État, ou en en revenant, ne seront point tenus de faire leur rapport, de prendre un congé, ni de payer aucun droit dans un autre.

« Il ne sera tiré d’argent du trésor qu’en conséquence des appropriations ordonnées par la loi, et il sera publié de temps à autre un état et un compte réguliers de recettes et dépenses des fonds publics.

« Il ne sera accordé aucun titre de noblesse par les États-Unis ; et aucune personne ayant un emploi de confiance ou d’honneur sous leur autorité ne pourra, sans le consentement du congrès, accepter aucun présent, émolument ou titre d’aucune espèce quelconque, d’aucun roi, prince ou État étranger.

« Section X. Aucun des États de l’Union ne pourra conclure aucun traité, alliance ou confédération, accorder des lettres de marque et de représailles, battre monnaie, créer des billets de crédit, créer d’autre signe numéraire pour le payement des dettes, que ceux en or et en argent, passer aucun bill d’attainder, aucune loi d’ex post facto, ou aucune loi portant atteinte aux obligations des contrats, ni accorder aucun titre de noblesse.

« Aucun État ne pourra, sans le consentement du congrès, établir aucun impôt ou droit sur les importations ou les exportations, excepté ceux qui seront absolument nécessaires pour exécuter ses lois d’inspection ; et le produit net de tous droits et impôts établis par aucun des États sur les importations et les exportations, devra être versé dans le trésor des États-Unis : enfin, toute loi semblable sera sujette à la révision et à la négative du congrès. Aucun État ne pourra, sans le consentement du congrès, établir aucun droit de tonnage, entretenir des troupes ou des vaisseaux de guerre en temps de paix, conclure aucune convention ou concordat avec un autre État ou avec une puissance étrangère, ou s’engager dans une guerre, à moins qu’il ne soit envahi, ou dans un danger imminent qui n’admette aucun délai.

art ii.

« Section I. Le pouvoir exécutif sera confié au président des États-Unis de l’Amérique. Il conservera son emploi pendant le terme de quatre ans, ainsi que le vice-président, et ils seront tous deux élus de la manière suivante :

« Chaque État nommera, selon la forme prescrite par le pouvoir législatif dudit État, un nombre d’électeurs égal au nombre total de sénateurs et de représentants que l’État aura le droit d’avoir au congrès ; mais aucun sénateur, ni représentant, ni aucune personne ayant un emploi lucratif ou de confiance, sous l’autorité des États-Unis, ne pourra être nommé électeur.

« Les électeurs s’assembleront dans leur État respectif, et nommeront au scrutin deux personnes, l’une desquelles, au moins, devra n’être pas habitante de l’État d’où ils seront eux-mêmes, et ils feront une liste de toutes les personnes élues, et du nombre de voix que chacune aura, laquelle liste ils signeront, certifieront, et feront passer cachetée au président du sénat, à la résidence du gouvernement des États-Unis. Le président du sénat ouvrira, en présence du sénat et de la chambre des représentants, tous les certificats, et les voix seront alors comptées, La personne ayant le plus grand nombre de voix sera président, si ledit nombre forme la majorité du nombre total des électeurs nommés ; et s’il y a plus d’une personne qui ait la majorité, et qui ait un égal nombre de voix, alors la chambre des représentants élira au scrutin l’une d’elles pour président ; si personne n’a de majorité, ladite chambre élira également le président sur les cinq qui auront le plus grand nombre de voix. Mais en choisissant le président, les voix seront prises par États, chaque État n’ayant qu’une voix ; le Quorum n’existera, qu’il n’y ait des membres, au moins des deux tiers des États, et il faudra la majorité de tous les États pour faire un choix. Dans tous les cas, la personne qui, après l’élection du président, aura le plus grand nombre de voix parmi les électeurs, sera nommée vice-président. Mais s’il en reste deux, ou davantage, qui aient un nombre de voix égal, le sénat choisira au scrutin, parmi elles, le vice-président.

« Le congrès déterminera l’époque où l’on choisira les électeurs, et le jour où ceux-ci donneront leur voix, lequel jour sera le même dans toute l’étendue des États-Unis.

« Personne, à moins d’être citoyen né, ou d’avoir été citoyen des États-Unis, au moment où la présente constitution aura été adoptée, ne pourra remplir l’emploi de président : il faudra en outre avoir atteint l’âge de trente-cinq ans, et avoir résidé quatorze années dans les États-Unis.

« Dans le cas où le président serait destitué de son emploi, s’il venait à mourir, à résigner, ou s’il devenait incapable de remplir les devoirs dudit emploi, cet emploi appartiendra au vice-président, et le congrès pourra, par une loi, pourvoir au cas de cassation, mort, résignation ou incapacité de tous deux, en déclarant quel officier, à leur défaut, remplira l’emploi de président, et, en conséquence, cet officier l’exercera jusqu’à ce que ladite incapacité cesse, ou qu’un président soit élu.

« Le président recevra pour ses services, à des époques déterminées, des émoluments qui ne seront ni augmentés, ni diminués, pendant le terme de son exercice, et durant lequel il ne recevra aucuns antres émoluments des États-Unis, ni d’aucun d’eux en particulier.

« Avant d’entrer dans les fonctions de sa charge, il prêtera serment ou fera l’affirmation dans les termes suivants :

« Je jure (ou j’affirme) solennellement de remplir fidèlement la charge de président des États-Unis, et de maintenir, défendre et préserver leur constitution le mieux qu’il me sera possible. »

« Section II. Le président sera commandant en chef de l’armée et de la marine des États-Unis, et de la milice des différents États, lorsqu’elle sera appelée au service des États-Unis ; il pourra demander au principal officier, dans chacun des départements exécutifs, son opinion par écrit sur tout sujet quelconque relatif aux devoirs desdits emplois respectifs. Il aura le pouvoir d’accorder des sur séances et des pardons pour les offenses commises envers les États-Unis, excepté dans les cas d’impeachment.

« Il aura le pouvoir de conclure des traités, d’après le conseil et avec le consentement du sénat, pourvu qu’il ait le suffrage des deux tiers des sénateurs présents. Il nommera, d’après le conseil, et avec le consentement du sénat, les ambassadeurs, les autres ministres publics et les consuls, les juges de la cour supérieure et tous les autres officiers des États-Unis, dont la nomination n’est point fixée par la présente constitution, et qui seront établis par la loi. Mais le congrès pourra, par une loi, confier la nomination de ces officiers subalternes, comme il le jugera à propos, soit au président seul, aux cours de justice, ou aux chefs de départements.

« Le président aura le pouvoir de remplir toutes les places qui viendront à vaquer pendant les vacances du sénat, en accordant des commissions qui expireront à la fin de la session suivante.

« Section III. Il rendra compte de temps en temps au congrès de l’état de l’Union, et lui recommandera de prendre les mesures qu’il croira utiles et nécessaires. Il pourra, dans les occasions extraordinaires, convoquer les deux chambres ou seulement l’une d’elles, et en cas de différend entre elles, relativement à l’époque de leur ajournement, il pourra les ajourner au terme qu’il jugera bon. Il recevra les ambassadeurs et autres ministres publics, veillera à ce que les lois soient fidèlement exécutées, et donnera des commissions à tous les officiers des États-Unis.

« Section IV. Le président, le vice-président, et tous les officiers civils des États-Unis seront destitués de leur emploi, dès le moment qu’on les poursuivra par impeachment et qu’ils seront convaincus de trahison, de corruption, ou autres crimes capitaux.

art iii.

« Section I. Le pouvoir judiciaire des États-Unis sera confié à une cour supérieure, et à autant de cours inférieures que le congrès voudra de temps à autre en ordonner et en établir. Les juges, tant de la cour supérieure que des cours inférieures, conserveront leurs emplois tant qu’ils n’auront point démérité, et recevront, pour leurs services, à des époques fixes, des appointements qui ne diminueront point tant qu’ils resteront en place.

« Section II. Le pouvoir judiciaire s’étendra à tous les cas de la loi et de l’équité qui pourront être liés à cette constitution, aux lois des États-Unis, aux traités conclus ou à ceux qui le seront par la suite sous leur autorité, à tous les cas qui concerneront les ambassadeurs, les autres ministres publics et les consuls, à tous les cas qui ressortiront de la juridiction maritime et de l’amirauté ; à toutes les controverses auxquelles les États-Unis auront part, à toutes les controverses qui auront lieu entre deux ou plus d’États, entre un État et les citoyens d’un autre État, entre les citoyens de différents États, entre ceux du même État réclamant des terres accordées par différents États, et entre un État ouïes citoyens d’icelui, et des États étrangers ou leurs sujets et citoyens.

« La cour supérieure exercera sa juridiction exclusive dans tous les cas qui concerneront les ambassadeurs, d’autres ministres publics ou consuls, et ceux dans lesquels un État sera intéressé. Dans tous les autres cas ci-dessus mentionnés, la cour supérieure exercera sa juridiction sur appel, tant pour le fait que pour la loi, sous telles exceptions et tels règlements que le congrès voudra établir.

« Les procédures criminelles, excepté les cas d’impeachment, se feront par jurés, et lesdites procédures seront instruites dans l’État où les crimes auront été commis ; mais lorsqu’ils n’auront été commis dans aucun État particulier, la procédure sera instruite dans tel lieu ou lieux que le congrès aura désignés par une loi.

« Section III. La trahison envers les États-Unis ne consistera qu’à leur faire la guerre, ou à s’associer à leurs ennemis en leur donnant du secours. Personne ne sera convaincu de haute trahison, que sur le témoignage de deux personnes, ou par confession en cour à huis ouverts.

« Le congrès aura le pouvoir de déclarer la peine de la trahison ; mais aucun bill d’attainder pour trahison n’emportera ni infamie, ni confiscation,

que pour la vie de la personne condamnée.
article iv.

« Section I. Il sera donné dans chaque État une entière foi et crédit aux actes publics, titres et procédures d’aucun autre État. Le congrès pourra, par des lois générales, prescrire la manière dans laquelle lesdits actes, titres et procédures seront légalisés, et les effets d’iceux.

« Section II. Les citoyens de chaque État auront droit à tous les priviléges et immunités des citoyens dans les différents États.

« Une personne accusée dans un État de trahison, de félonie ou d’autre crime, qui échappera à la justice et sera trouvée dans un autre État, sera délivrée à la demande du pouvoir exécutif de l’État d’où elle s’est enfuie, pour être transférée dans l’État qui devra prendre connaissance du crime.

« Toute personne qui, étant engagée en service ou travail dans un État, sous la sanction des lois, s’enfuira dans un autre, ne pourra être, par aucune loi ou règlement de ce dernier État, exemptée dudit service ou travail, mais sera délivrée à la demande de la partie à qui ledit service ou travail sera dû.

« Section III. Le congrès pourra admettre de nouveaux États dans l’Union ; mais aucun nouvel État ne pourra être formé ou établi dans la juridiction d’un autre État, ni aucun État ne pourra être formé par la réunion de deux ou plus d’États, ou de parties d’États, sans le consentement des pouvoirs législatifs des États intéressés, aussi bien que du congrès.

« Le congrès aura le pouvoir de disposer du territoire ou autre propriété appartenant aux États-Unis, et de faire, relativement à iceux, tous les règlements et dispositions nécessaires ; et rien dans cette constitution ne pourra être interprété de manière à porter préjudice aux droits des États-Unis ou d’aucun État en particulier.

« Section IV. Les États-Unis garantiront à chaque État de l’Union la forme de gouvernement républicain, et protégeront chacun d’eux contre toute invasion et toute violence domestique ; mais, quant à celle-ci, pourvu que ce soit à la réquisition du pouvoir législatif ou du pouvoir exécutif, lorsque le pouvoir législatif ne pourra être convoqué.

article v.

« Le congrès, toutes les fois que les deux tiers des deux chambres le jugeront nécessaire, proposera des changements à cette constitution, ou bien, à la réquisition des pouvoirs législatifs des deux tiers des divers États, convoquera une convention à l’effet de proposer des changements, et lesdits changements, dans l’un et l’autre cas, seront valides à tous égards et dans tous les points, comme faisant partie de la constitution, dès qu’ils seront ratifiés par les pouvoirs législatifs des trois quarts des différents États, ou par des conventions dans les trois quarts d’iceux, selon que l’une ou l’autre forme de ratification sera proposée par le congrès ; bien entendu qu’aucun changement, fait avant l’année 1808, ne porte atteinte en aucune manière aux première et quatrième clauses de la neuvième section du premier article, et qu’aucun État ne puisse être, sans son propre consentement, privé de son suffrage contingent dans le sénat.

article vi.

« Toutes dettes et tous engagements contractés avant l’adoption de cette constitution, seront aussi valides pour les États-Unis, en vertu de cette constitution, qu’en vertu de la confédération.

« Cette constitution, et les lois des États-Unis qui seront portées en exécution d’icelle, et tous les traités conclus ou à conclure sous l’autorité des États-Unis, seront la loi suprême dans toute l’étendue de l’Union, et les juges, dans chaque État, seront tenus d’y obéir, nonobstant toutes choses à ce contraires dans la constitution ou les lois d’aucun État particulier.

« Les sénateurs et représentants ci-dessus mentionnés, et les membres des pouvoirs législatifs des différents États, et tous les officiers des pouvoirs exécutif et judiciaire, tant des États-Unis que des différents États, seront tenus, sous serment ou affirmation, de maintenir cette constitution ; mais aucune preuve de religion ne sera requise pour remplir aucun office ou emploi public sous l’autorité des États-Unis.

article vii.

« La ratification des conventions de neuf États sera suffisante pour l’établissement de cette constitution, parmi les États qui la ratifieront ainsi.

« Fait eu convention, j3ar le consentement unanime des Étals présents, le dix-septième jour de septembre, l’an de J.-C. 1787, et de l’indépendance des États-Unis de l’Amérique, le douzième : en témoignage de quoi nous avons signé nos noms.

« George Washington, président de la Convention, et député de Virginie. »

DÉPUTÉS :

INew-Hampshire.

Massachusets…

connecticut… Pour New-York.

New-Jersey.

Pensylvanie.

John Langdon. Nicolas Gilman.. Nathaniel Gorliam. Ru (us King. VV. Samuel Johnson. Roger Sberman. Alexander Hamilton. William Livingston. David Brearly. William Paterson. Jonathan Dayton. Benjamin Franklin. Thomas Miffliu. Robert Morris. George Clymer. Thomas Fitzsimons Jared Ingersol. James Wilson. Gouverneur Moiiis.

I George Read. Gunning Redford junior.

Delaware l John Dickinson.

Richard Bassett. Jacob Broom.

!’James Mac-Henry.

Daniel de Saint-Thomas Jenifer Daniel CarroU. John Blair,

James Madisson junior. William Blount. R. Dobbs, Spaight. Hugh Wilbamson. John Rutledge. Charles Cotesworth Pinckney. Charles Pinckney. Pierce Butler. William Few. Abraham Baldwin.

Virginie

Caroline septen trionale…,

Caroline méri

DIONALE,…

Géorgie.

« Attesté par moi William Jackson, secrélftin

En Convention, 17 septembre 1787.

ETANT PRESENTS

« Les Étals de New-Hamsplùre, Massachuscts, Connecticul [iM. Hainilum pour Nav-York), iMciV-Jersey, PensjWanie, Delaware, Marjlaïul, firs^inie, Caroline septentrionale, Caroline méridionale et Géorgie ;

« Il a été arrêté :

« Que la constitution précédente soit mise sous les yeux des États-Unis assemblés en congrès, et que c’est l’opinion de cette convention qu’elle soit ensuite soumise à une convention de délégués, élus dans chaque État par le peuple d’icelui, à la recommandation du pouvoir législatif, pour en recevoir l’accession et la ratification ; et que chaque convention qui accédera à ladite constitution et la ratifiera, en donne avis aux États-Unis assemblés en congrès.

« Arrêté, que c’est l’opinion de cette convention, qu’aussitôt que les conventions de neuf États auront ratifié cette constitution, les États-Unis assemblés en congrès fixent le jour auquel les électeurs devront être nommés par les États qui auront ratifié ladite constitution, et celui auquel les électeurs devront s’assembler pour élire le président, et le lieu et endroit pour commencer les transactions ordonnées par cette constitution ; qu’après la fixation desdits jours, les électeurs soient nommés, et les sénateurs et représentants élus ; que les électeurs s’assemblent au jour fixé pour l’élection du président, et transmettent leurs nominations certifiées, signées, scellées et adressées, conformément à la teneur de cette constitution, au secrétaire des États-Unis assemblés en congrès ; que les sénateurs et représentants se rassemblent au lieu assigné ; que les sénateurs nomment un président du sénat, au seul effet de recevoir, ouvrir et compter les nominations pour la présidence ; et qu’après que le président sera élu, le congrès, avec ledit président, procède sans délai à l’exécution de cette constitution.

« Par ordre unanime de la Convention,
Signé : George Washington, président.
William Jackson, secrétaire. »

La convention n’a pas compté, et la lettre du président l’annonce clairement, que sa constitution fédérative aurait la pleine et entière approbation de chaque État. Je pense, au contraire, que chacun fera des objections utiles. Le sujet de mon ouvrage exige que je fasse connaître mon sentiment, et je tâcherai de le présenter avec le plus de brièveté possible.

La première constitution fédérative, intitulée Acte de la confédération, est conçue de manière que toute société d’hommes sensés et vertueux pourrait s’honorer de l’avoir mise au jour. Le peu de défauts qu’elle contient est l’effet d’une précaution louable ; et, d’ailleurs, elle est facile à corriger. Il me semble qu’on aurait pu la conserver comme un monument respectable, comme la base fondamentale de notre union, en y joignant ce qui lui manque pour la porter au degré de perfection auquel il est possible d’atteindre. La constitution proposée la néglige absolument ; en sorte que quiconque ne la connaît pas, pourrait s’en forme l’une idée tout à fait opposée à la vérité.

Dans la première constitution, le pouvoir du congrès n’est ni assez étendu dans certains cas, ni assez exprime dans d’autres.

La constitution qu’on propose lui fait excéder, en différentes circonstances, les bornes d’un gouvernement purement fédératif. La première concentre dans un seul corps les affaires législatives et exécutives ; celle-ci va jusqu’à diviser en plusieurs branches le seul corps législatif Pour corriger et perfectionner, autant qu’il est possible, la première constitution, il suffirait de changer l’article VIII, comme le congrès le proposa le 18 avril 1783, de séparer les pouvoirs législatif et exécutif, et d’accorder au congrès le droit de lever des sommes d’argent, de régler le commerce, d’empêcher qu’aucun État de l’Union ne batte monnaie, ou ne donne une valeur égale à du papier, ou à toute autre espèce de monnaie fictive, et de statuer quelle sera la pluralité requise des États, en sorte que les absents ne puissent influer sur les délibérations.

Les corrections et additions nécessaires, pour rendre cette première constitution aussi parfaite qu’elle en était susceptible, se trouvent dans la seconde, mais avec plusieurs autres, auxquelles j’espère que mes concitoyens feront l’attention qu’elles méritent.

Article Ier. § ier. Toute l’autorité législative sera confiée au congrès des États-Unis, qui sera composé d’un sénat et d’une chambre de représentants. Lors même qu’on admettrait l’utilité de la division du pouvoir législatif dans la constitution d’un seul État, il ne s’ensuivrait pas que la même chose dût avoir lieu dans une constitution fédérative. La lettre dont je viens de parler tâche de justifier cette complication, sur ce que, dit-elle, il n’est pas convenable de confier tant de pouvoir à un seul corps. Il serait aussi difficile de prouver que la complication du système formerait une digue suffisante, qu’il est aisé de démontrer que le pouvoir législatif nécessaire peut résider, sans aucun danger, dans une seule chambre. Cette crainte, qui peut séduire lorsqu’il s’agit d’un véritable corps législatif, ne peut sérieusement être alléguée ici, 1° parce que le pouvoir d’un congrès fédératif est de sa nature beaucoup plus limité que celui d’un corps législatif ; ce qui rend le danger moins grand ; 2° parce que la réunion de toutes les parties de ce congrès est plus facile ; qu’il forme un corps bien plus séparé des citoyens ; ce qui rend le remède moins efficace.

Le lecteur découvrira sans peine, ici comme ailleurs, différentes raisons non exprimées ou simplement indiquées, dont la discussion allongerait trop ce supplément.

§ 2. La chambre des représentants sera composée de membres élus par le peuple des différents États.

Dans la plupart des États, le peuple, persuadé que la portion la plus nombreuse des habitants d’un État ne peut connaître assez bien quels sont les sujets les plus dignes de remplir certains emplois dans la république, en a prudemment abandonné le choix à ses représentants. Le même peuple ne s’imaginera pas, sans doute, pouvoir faire un meilleur choix, lorsqu’il s’agit de personnes qui doivent administrer les affaires de l’Union, et traiter avec les puissances étrangères. De plus, on ne conçoit pas pourquoi ce doit être au congrès de prescrire la manière d’élire. Chaque État doit remettre à la confédération ce pouvoir qui serait capable de nuire à ses alliés, s’il agissait séparément ; mais il est impossible que la manière d’élire dans un État puisse concerner aucun autre. Enfin, l’uniformité sur ce point serait absurde, puisque l’expérience prouve que, dans quelques États de médiocre étendue, le peuple est propre à faire certaines élections, que dans d’autres il se croit obligé de confier à des représentants. La loi de la confédération pourrait seulement exclure certaines conditions d’élection, telles que l’élection d’une famille à perpétuité, d’un député à vie, etc., puisqu’un État peut exiger d’un autre, sans nuire à son indépendance, de proscrire tout ce qui pourrait être contraire à la liberté commune.

§ 3. Le sénat des États-Unis sera composé de deux sénateurs de chaque État, élus par le pouvoir législatif dudit État pour six ans, et chaque sénateur aura une voix. Ici naissent plusieurs observations : 1° le terme de six ans est trop long, puisque c’est un fait constant que trois années d’absence suffisent pour aliéner en grande partie la confiance du peuple, inconvénient très-considérable dans nos gouvernements ; 2° il n’existe pas une seule raison plausible pour appuyer la différence entre l’élection des sénateurs et celle des représentants. Toutes complications de système, toutes distinctions sont mauvaises de leur nature, et ne peuvent être justifiées que par la nécessité. L’autre distinction entre le sénat et la chambre des représentants, à l’égard de l’influence des différents États, est une source de discorde. On a déjà vu que le nombre des représentants doit être proportionné au nombre d’habitants, et que chaque représentant doit avoir une voix comme chaque sénateur. Examinons le motif sur lequel on fonde l’égalité dans un cas, et la différence dans l’autre.

Plusieurs sont d’avis que l’influence d’un État dans les affaires de l’Union doit être en proportion des contributions qu’on y paye ; d’autres pensent qu’on doit préférer l’égalité parfaite, sans égard à sa grandeur, non plus qu’à sa population. Jusqu’à présent, tous les États ont eu chacun une voix, et la constitution qui vient d’être proposée suit le même principe relativement au sénat, en adoptant l’autre pour la chambre des représentants. L’influence de la Virginie, comparée avec celle de Rhode-Island et de Delaware, sera donc comme dix à un dans la chambre des représentants, et sera parfaitement égale dans le sénat ; et, comme les résolutions de l’un de ces corps doivent être soumises à l’approbation de l’autre, il n’est pas vraisemblable qu’un tel expédient produise l’effet qu’on en espère : si les États moins grands se croient lésés par une résolution des représentants, ils la rejetteront dans le sénat.

On a tort de se flatter de pouvoir concilier des principes opposés. De tels expédients serviront peut-être quelquefois comme remèdes momentanés, jamais ils ne formeront la hase d’un édifice bien solide. Il faut donc se déterminer, soit pour un parti, soit pour l’autre. Les principes doivent être fixes et certains, et tout doit tendre à les soutenir. Il serait à désirer que les États fussent égaux, ou que l’inégalité fût légère ; mais puisqu’il n’en est pas ainsi, du moins faut-il faire en sorte de diminuer les inconvénients, au lieu de les accroître. La question est certainement difficile à résoudre. La force des arguments qu’on fit valoir pour et contre dans le congrès, en 1777, laissa dans l’indécision les esprits sages et non prévenus. Le besoin de l’unanimité porta ces grands hommes à se réunir en faveur de l’égalité des voix, et la convention vient d’adopter cet expédient, dont je crains les conséquences. Quiconque trouverait la vraie solution, et la présenterait d’une manière claire et décisive, rendrait un grand service à l’Amérique, et peut-être même à l’Europe, où les progrès considérables de la philosophie donnent lieu d’espérer de voir un jour s’établir une confédération, qui pourrait diminuer infiniment les maux de l’humanité.

§ 6. Les sénateurs et les représentants recevront pour leurs services des émoluments qui seront fixés par la loi, et payés sur le trésor des États-Unis. Les lois de l’Union sont faites par le congrès. J’espère qu’on ne lui permettra jamais de fixer son propre salaire. Il en pourrait résulter un abus dangereux pour l’avenir, et trop de zèle produirait peut-être, quant à présent, l’effet contraire, c’est-à-dire, un trop grand désintéressement ; deux extrêmes qu’on doit également éviter. Il peut aussi y avoir de l’inconvénient à laisser chaque État maître de ce payement ; mais si l’on veut l’uniformité, il faut faire régler la valeur du salaire par une convention, et non par le congrès lui-même.

§ 9. Le privilége attaché aux lettres d’habeas corpus ne sera point suspendu, excepté dans les cas de rébellion et d’invasion où la sûreté publique le demandera. La déclaration des droits, dans tous les États, porte qu’on ne doit jamais suspendre ce privilége. Si l’on a jugé convenable d’en faire mention dans la constitution fédérative, on n’aurait dû en parler que pour démontrer de plus en plus combien la sûreté des citoyens est intéressée à ce qu’il soit toujours regardé comme sacré. Durant la révolution, il y eut une époque (c’était vers la fin de 1776), où l’instabilité des gouvernements et plusieurs autres circonstances en demandaient la suspension ; mais elle ne fut point accordée, malgré l’état singulièrement critique où nous étions, et cela par des causes qui ne pourront plus exister. Il n’est jamais ni bien embarrassant, ni bien dangereux d’être obligé d’instruire régulièrement le procès d’un citoyen qu’on arrête, de lui donner des juges, et le moyen de se défendre aussitôt qu’il est arrêté.

Il ne sera point établi de droits ou de taxes sur les articles exportés d’aucun des États de l’Union. Il est juste que le congrès n’ait pas un tel pouvoir, mais il ne doit pas avoir le droit d’en défendre l’exercice à un État qui jugerait à propos de le faire, parce que le préjudice que causerait un tel règlement serait à la charge de l’État seul dans lequel il existerait. Par la même raison, il serait déplacé que l’Union partageât le produit d’une telle imposition, comme on le propose dans le § 10.

Il ne sera tiré d’argent du trésor qu’en conséquence des appropriations ordonnées par la loi, et il sera publié, de temps à autre, un état et un compte régulier de recettes et dépenses des fonds publics. Un temps indéfini pour rendre compte peut produire les effets les plus funestes. Il est nécessaire d’informer le peuple de l’état des finances à des époques fixes et sans un long intervalle. D’année en année l’intervalle ne serait point trop court : il ne serait pas non plus assez long pour qu’il fût impossible à la nation de vérifier les faits, et de s’assurer de la bonne conduite de ses administrateurs. Si l’on accorde au congrès la liberté de rendre compte quand il lui plaira, comme le marque l’expression vague de temps à autre, et d’établir et de percevoir des impôts chaque fois qu’il le jugera convenable, autant vaudrait lui accorder un pouvoir illimité, puisque rien ne sera capable de résister à qui pourra disposer des richesses des États.

Quant à l’article II, qui regarde entièrement l’élection, les fonctions, les émoluments, etc., du président du congrès, il faut observer, 1° la manière d’élire ce président, qui tend à faire préférer le sujet qui fera le plus de bruit à celui qui aura le plus de mérite ; et l’on sait que le vrai mérite est en général moins connu que le faux brillant et la charlatanerie ; 2° le pouvoir qu’on lui accorde de commander en personne les troupes de terre et de mer, tandis qu’on devrait lui confier seulement le choix des commandants, et lui défendre de commander en personne ; 3° le pouvoir exécutif qu’on attribue à lui seul sans être assisté d’aucun conseil : chose inouïe, dangereuse pour le bien public, et que n’ambitionnera jamais un président sage et judicieux, puisque, devant répondre de ses opérations, il courrait beaucoup de risques, si, dans les affaires difficiles et délicates, il était privé de la ressource d’un conseil, dont l’opinion, devenue son garant, servirait à justifier sa conduite ; 4° la faculté de le continuer tant qu’on voudrait : ce qui serait d’un fort mauvais exemple, fût-il question du plus grand homme que la nature puisse produire. Il vaudrait mieux renoncer à l’avantage d’avoir un tel prodige à la tête de la confédération, que d’accoutumer le peuple à voir toujours dans cette place le même individu. Un pas de plus, bientôt on aurait un roi de Pologne, avec le danger terrible de le voir se changer un jour en un stathouder héréditaire.

Art. III, § 2. Le moyen qu’on propose pour décider les différends entre deux ou plusieurs États, est capable de faire naître une cabale systématique, très-funeste par ses effets, tandis que la méthode qui existe déjà dans l’acte de la confédération est la meilleure possible. (Voyez les notes de la deuxième partie des Recherches sur les États-Unis, page 255.) Quant au droit de juger les causes entre les citoyens de différents États, de même qu’entre un citoyen de l’Union et un étranger, il faut le laisser aux tribunaux de l’État, dans lequel il est le plus facile de vérifier les faits, et ne pas l’attribuer aux tribunaux de l’Union, comme on le propose dans ce paragraphe. Il paraît aussi, d’après le même endroit, que les jurés peuvent être exclus des causes civiles ; négligence importante qu’il est essentiel de corriger.

On ne voit point la raison de cette proportion arithmétique, suivant laquelle on fixe l’âge pour remplir les différentes places[8]. Cette précaution déplacée, injurieuse à la jeunesse, est diamétralement opposée à notre expérience. Combien ne pourrait-on pas compter déjeunes gens dont la conduite exemplaire dément ces soupçons ! Je me contenterai de citer, parmi les anciens, Scipion l’Africain, qui, dès l’âge de vingt-deux ans, étonna le monde par sa vertu, sa sagesse et sa modération, aussi bien que par son courage et son habileté dans l’art de commander.

On a vu dernièrement, dans la chambre des communes de la Grande-Bretagne, un jeune homme de vingt-deux ans se montrer tout d’un coup supérieur à un père, dont la réputation a été trop brillante pour qu’il soit besoin de parler de ses talents, et on le voit maintenant conduire les affaires de ce royaume avec des applaudissements auxquels l’envie même a été forcée de céder.

La conduite d’un jeune héros qui, à dix-neuf ans au

  1. On entend ici les esclaves ; l’horreur que les rédacteurs de ce projet ont pour un état si contraire au droit naturel, les a empêchés de faire usage même du mot. C’est ce qui se verra encore plus bas dans le même acte.
  2. On appelle impeachment l’accusation d’un crime d’État.
  3. Ce mot veut dire en anglais déclaration pure et simple. Il est particulier aux quakers, à qui leur religion défend le serment.
  4. On entend par Quorum le nombre d’individus nécessaire pour agir.
  5. Ceci se rapporte aux nègres d’Afrique.
  6. Ordre écrit qu’un homme mis en prison a droit d’exiger du magistrat, pour être mené devant lui, et lui faire examiner le sujet de sa détention, en sorte que si le magistrat ne le trouve pas suffisant, il est obligé de lui faire rendre la liberté, autrement il serait responsable des suites.
  7. Condamnation émanée de la puissance législatrice, en vertu d’un jugement qui, en Angleterre, est rendu par la chambre des pairs. En Amérique, le bill d’attainder ne pourrait avoir lieu sans ériger un tribunal extraordinaire pour juger le crime.
  8. La constitution fédérative proposée exige vingt-cinq ans pour être représentant, trente pour être sénateur, et trente-cinq pour être président.