De l’Organisation du suffrage universel/04

De l’Organisation du suffrage universel
Revue des Deux Mondes4e période, tome 132 (p. 760-781).
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DE L'ORGANISATION
DU
SUFFRAGE UNIVERSEL

IV.[1]
LA REPRÉSENTATION PROPORTIONNELLE DES OPINIONS

Si le suffrage à plusieurs degrés et le vote plural n’étaient encore que des combinaisons, la représentation proportionnelle est plus et mieux : presque un système. Ce n’est plus une « combinaison », car elle n’a pas, comme les deux « combinaisons » du suffrage à plusieurs degrés et du vote plural, un but prochain, immédiat, égoïste ; elle n’est ni un coup de partie ni une manœuvre de parti : elle vise à laisser le moins possible à l’habileté de chefs sans scrupules, à laisser peu au hasard, à ne laisser rien à l’arbitraire. C’est un « système », car elle s’inspire de motifs plus hauts et plus larges ; elle cherche sincèrement la justice, et ceux qui vont la prêchant par le monde sont, pour la plupart, de fort honnêtes gens qui veulent de tout cœur servir l’intérêt général.

Ou du moins, c’est « presque » un système, car elle est plus mathématique que politique ; et organique, elle ne l’est point du tout. Le suffrage à plusieurs degrés, le vote plural n’étaient que de l’arithmétique élémentaire : voici, avec la représentation proportionnelle, de l’arithmétique transcendante. On ne demandait aux autres qu’une martingale sûre : de celle-ci on attend le vrai absolu, démontré dans toute la rigueur des règles. — Et, sans doute, ce ne sont plus des joueurs penchés sur un échiquier ; mais ce sont des savans penchés sur des équations et qui, peut-être, oublient trois choses : la première, c’est qu’on n’enferme pas la vie en des parenthèses algébriques ; la deuxième : que l’État est fait pour les individus, certainement, mais certainement aussi pour lui-même, puisqu’ils passent et qu’il demeure, puisqu’ils ne sont que particuliers et actuels, tandis qu’il est commun et perpétuel ; la troisième, enfin : que la principale et nécessaire qualité d’un régime, fût-il ce qu’il y a de plus représentatif et surtout s’il l’est, ce n’est pas d’être mathématiquement exact, mais bien d’être politiquement maniable et, tout en permettant à chaque citoyen de se faire entendre, de permettre au gouvernement de gouverner.


I. — LA REPRÉSENTATION PROPORTIONNELLE DANS SON FONDEMENT

La représentation proportionnelle, — on doit lui rendre, tout d’abord, cet hommage, — a pour objet la vérité et la justice. Elle est issue, par réaction, de l’injustice et de la fausseté du système de la majorité pure et simple. Eh quoi ! la moitié des voix, plus une, donne tout ; et la moitié moins une n’est rien ! C’est-à-dire, au point de vue parlementaire, que la moitié des électeurs, plus un, est représentée, et que la moitié, moins un, ne l’est pas. Et encore, s’il n’y allait que d’une « représentation » de forme en quelque sorte, honorifique et comme décorative ! Mais il y va de la législation tout entière, que font les représentans (de la moitié des électeurs, plus un, et à laquelle les représentans de la moitié, moins un, n’ont point de part ou n’ont point la part qu’ils y devraient avoir. Or, comme, dans l’Etat moderne, la loi étant maîtresse, qui fait la loi est le maître, il en résulte que la moitié des électeurs plus un commande par ses représentans ; que l’autre moitié n’a qu’à obéir ; et que, faite sans la minorité, la loi est bientôt faite contre elle : excessive, la puissance légale de la majorité est vite devenue oppressive.

Ainsi, la moitié des Français, plus un, vit seule de la vie civique ; le reste est comme s’il n’était pas, est, en fait, frappé de mort civique : la moitié, plus un, est libre et, si l’on veut. « souveraine » ; l’autre moitié est serve, attachée à l’urne, comme jadis à la glèbe. La moitié du pays est en mainmorte, personnes et biens, et la majorité traite comme une chose, comme sa chose, de par le droit du plus fort et le titre seigneurial du nombre, la minorité qui souvent, pourtant, est presque son égale en nombre.

Et notez qu’avec ce prétendu système de la majorité pure et simple, c’est là le moindre mal, qu’il n’y ait que la moitié, plus un, des électeurs représentés ; que la législation soit l’œuvre exclusive des représentans de la moitié, plus un ; que la moitié, plus un, des citoyens détienne tout le pouvoir et que seulement la moitié, plus un, vive toute la vie de la nation. Le mal pourrait être plus grand : et ce serait que la majorité, dans les corps élus, ne fût qu’une majorité apparente, ne correspondît pas à la majorité réelle du « corps » électoral. Ce serait que, d’erreur en erreur et de déformation en déformation, on en vînt à ce que la majorité du Parlement ne représentât en vérité qu’une minorité d’électeurs.

Mais que dit-on : le plus grand mal serait qu’on en arrivât à ce point ? Il y a longtemps que nous y sommes. La Chambre de 1889, celle de 1885 et déjà celle de 1881 — pour ne pas retourner plus haut ni descendre plus bas — ne représentaient sûrement qu’une minorité ; et même une minorité assez faible, si l’on ajoute, comme on le doit, aux électeurs battus dans le scrutin et par conséquent non représentés, les abstentionnistes de toute espèce, volontaires ou involontaires, dont le nombre, toujours croissant, est successivement monté au quart, au tiers, et jusqu’à la moitié du nombre des inscrits. De telle façon qu’en y regardant bien, cette majorité de bric-à-brac, qui s’étale à la Chambre, n’a pas de majorité derrière elle ; c’est la façade en toile peinte d’une maison de théâtre ; c’est non pas l’image, mais le mirage d’un pays qui n’existe pas. Il s’ensuit naturellement que la législation, quoique élaborée suivant l’ordre par la majorité parlementaire, est, au total, faite sans la majorité du pays et parfois contre elle ; que, bien que ce soit la majorité du Parlement, ce n’en est pas moins la minorité du pays qui détient tout le pouvoir ; et que, bien que ce soit encore dans le Parlement la majorité, c’est dans le pays une minorité qui accapare, absorbe et brûle toute la vie de la nation, puisque, on ne sait à cause de quel phénomène de grossissement, on s’y laisse prendre et l’on ne s’aperçoit pas que cette majorité d’élus ne représente qu’une minorité d’électeurs.

Et le résultat ? En premier lieu, c’est que, sous un pareil régime, l’acte, le fait contredit sans cesse le principe. Et l’on ne parle pas même du principe abstrait et inflexiblement logique en vertu duquel la loi, dans les démocraties, devrait être l’œuvre de tous ou des représentans de tous, mais du principe accommodé aux choses et assoupli par la pratique, aux termes duquel la loi devrait être l’œuvre de la majorité des citoyens, ou des représentons de leur majorité. Cela, c’est le principe, et l’acte, le fait est en contradiction de chaque heure avec lui, si bien que le régime actuel n’est que trompe-l’œil et fiction. Le résultat, en second lieu, c’est que, le fait ou l’acte étant en contradiction avec le principe, le pays est en opposition avec le parlement, et les soi-disant représentans avec ceux qu’on dit représentés ; — d’où notre extrême indifférence en matière de politique, et ce grand vide autour des Chambres.

Encore ne s’en tient-on peut-être à l’indifférence et ne se borne-t-on à faire le vide autour des Chambres que parce que, chez nous, l’opposition entre le pays et le parlement n’a pas d’autre moyen de s’exprimer ; on veut dire : d’autre moyen légal, pacifique, non révolutionnaire. Mais tout près de nous, en Suisse, où le même procédé électoral engendre les mêmes abus, le référendum et l’initiative populaire fournissent ce moyen que nous n’avons pas : l’opposition entre le parlement et le pays s’y accuse donc et s’affirme de vote en vote, elle est criante et criée, à chaque plébiscite, par les milliers de voix qui défont ce qu’avaient fait quelques voix dans les Chambres. Et l’on peut ensuite admirer, pour peu que l’on en garde l’envie, avec quelle fidélité ceci représente cela, en attendant que cela démente et désavoue ceci !

C’est, en définitive, sur ces griefs, dûment fondés et établis, que s’appuient les amis de la représentation proportionnelle, et elle en a dans tous les partis, le système barbare de la moitié plus un frappant aveuglément, et tour à tour, tous les partis. Si tel est ce système — et il faut reconnaître qu’il est tel, en effet — il est faux et injuste, disent-ils, faux et injuste autant de fois que la moitié des électeurs plus un a de représentans en trop et que l’autre moitié a de représentans en moins. Privilégier, combler de la sorte une moitié et sacrifier l’autre, est-ce de bonne politique ? Tout remettre à une moitié, rien à l’autre, est-ce de bonne arithmétique ? Est-ce une proportion exacte et loyale ?

Et ils continuent : mais si cette proportion est mauvaise, et si cette arithmétique n’est pas vraie, et si cette politique n’est pas juste, il doit y avoir, cependant, une politique plus juste, qui sera d’une arithmétique plus vraie, prouvée par une proportion plus exacte, et donnant une répartition plus satisfaisante de la représentation et du pouvoir. On voit comment, partant de la fausseté et de l’injustice du système de la moitié plus un, beaucoup de ceux qui souffrent de cette répartition menteuse, ont été amenés à chercher, dans les calculs ingénieux de la représentation proportionnelle, la justice et la vérité ; comme si de faire, aux élections, de bonne arithmétique, ce serait de toute nécessité, sans méprise possible, par une loi aussi fatale que les lois mathématiques elles-mêmes, faire de bonne politique.


II. — LA REPRÉSENTATION PROPORTIONNELLE DANS SON FONCTIONNEMENT

La représentation proportionnelle repose, au fond, sur ce principe : pour faire de bonne politique, faire d’abord de bonne arithmétique ; avec son corollaire naturel : meilleure sera l’arithmétique, meilleure aussi la politique. La politique est mauvaise aujourd’hui, parce que l’arithmétique du suffrage est mauvaise ; parce que de très grosses minorités et parfois la majorité même du pays ne sont point représentées au parlement ou ne le sont que d’une manière tout à fait défectueuse. La politique sera bonne quand l’arithmétique sera bonne, quand tout groupe d’électeurs de quelque importance numérique sera représenté, et le sera en raison directe de cette importance. Déterminer arithmétiquement le rapport de la force numérique à la puissance politique, restaurer la proportion entre représentans et représentés : voilà la fin et de là le nom de la représentation proportionnelle.

On dit que tout groupe d’électeurs « de quelque importance numérique » a le droit d’être représenté, et de l’être en raison de cette importance. La première chose à faire est, par suite, de définir ce que l’on entend par ces mots : tout groupe de quelque importance, et l’importance des groupes, on ne peut pas la fixer arbitrairement ou empiriquement, puisque la représentation proportionnelle se propose, entre autres corrections et améliorations, d’éliminer de l’élection l’empirisme et l’arbitraire. Et comme c’est la première chose à faire, comme il faut la faire mathématiquement, elle met tout de suite dans le cas de procéder à une première opération, laquelle donnera la mesure, le mètre électoral, l’unité de représentation. Mais si c’est sûrement la première opération à faire que de trouver le mètre électoral et si les premiers partisans de la représentation proportionnelle l’ont bien compris dès le début, il y a plusieurs moyens d’y procéder, et — de ce qu’il y a divers moyens — un premier motif pour qu’il y ait divers systèmes de représentation proportionnelle.


Vote limité et vote cumulatif.

Nous ne voulons plus parler que pour mémoire du vote limite et du vote cumulatif, qui ne se rattachent à la représentation proportionnelle qu’en filiation illégitime. Le vote limité consiste, on se le rappelle, en ce que, dans une circonscription où il y a, par exemple, quatre députés à élire, chaque électeur ne puisse voter que pour trois, ce qui doit avoir pour effet d’attribuer le quatrième siège à la minorité. Le vote cumulatif poursuit le même but, mais par le procédé contraire. Il consiste en ce que, dans une circonscription qui élit quatre députés, chaque électeur puisse porter sur son bulletin le nom d’un seul candidat autant de fois qu’il y a de sièges à pourvoir, soit quatre fois, ce qui peut encore avoir pour effet de réserver à la minorité le quatrième siège. Mais cet effet n’est nullement certain ; et, par le vote cumulatif, la minorité n’est nullement certaine d’obtenir toute sa part, ni même, par le vote limité, si la majorité manœuvre habilement, d’obtenir une part de la représentation.

Le vote limité, comme le vote cumulatif, est, du reste, tout empirique et arbitraire ; on cela, ni en rien, il n’est scientifique ou mathématique : il peut dans des circonstances favorables, si la majorité s’endort, si la minorité est bien disciplinée, laisser une part à cette dernière, mais une part que le hasard taille à son gré, tantôt trop grande, tantôt trop petite, jamais ou très rarement proportionnelle. Ni vote cumulatif ni vote limité ne sont, à vrai dire, des systèmes de représentation proportionnelle et, s’ils peuvent être, ils ne sont pas toujours et infailliblement des procédés de représentation de la minorité ; or il ne suffit pas, pour la vérité et pour la justice, que la minorité soit représentée, il faut qu’elle le soit proportionnellement, « de façon qu’une majorité d’électeurs ait une majorité de représentans, qu’une minorité d’électeurs ait une minorité de représentans et que, homme pour homme, la minorité soit représentée aussi complètement que la majorité. »

Une qualité incontestable qui, malgré leurs imperfections et à cause peut-être de ces imperfections mêmes, reste cependant au vote limité et au vote cumulatif, c’est d’être relativement faciles à expliquer et à appliquer. A mesure que se développeront des systèmes plus perfectionnés de représentation proportionnelle, plus clairement il apparaîtra que tous ces systèmes auront beau être presque parfaits, mathématiquement et comme abstractions, force et vertu positives leur manqueront pourtant, s’il leur manque l’indispensable qualité d’être d’une explication et d’une application faciles.

Des différens systèmes où le rapport de la puissance politique à la force numérique des partis est déterminé arithmétiquement et qui tendent, non seulement à procurer une représentation de la minorité variable et aléatoire, mais à assurer, dans toutes les conjonctures et toutes les hypothèses, une représentation vraiment proportionnelle ; de ces différens systèmes, sinon le plus facile, le moins difficile est celui dont fit l’essai pratique, il y a juste quarante ans, le ministre danois Andrœ, et qu’exposa théoriquement, peu de temps après, avec la vive approbation de John Stuart Mil !, le publiciste anglais Thomas Hare.


2o Quotient et liste de préférence.

Réduit à sa plus simple expression, il se compose de deux élémens essentiels : le quotient et la liste de préférence ; aussi l’appelle-t-on encore, suivant le point de vue d’où on l’examine, tantôt système du quotient et tantôt système de la liste de préférence. Système du quotient, car il fixe la valeur du mètre électoral, l’unité de représentation, au moyen d’une division : on divise le nombre des électeurs inscrits, ou, mieux, le nombre des votans, par le nombre des sièges à pourvoir ; le quotient donne le chiffre d’élection, ou chiffre requis pour être élu. Soit une circonscription où l’on compte 20 000 votans et qui nomme dix députés : on divise 20 000 par dix, et le quotient, 2 000, est le chiffre d’élection ; sera proclamé député de la circonscription quiconque aura réuni 2 000 voix. Ce chiffre de 2 000 est, ici, le mètre électoral, l’unité de représentation, la preuve indéniable de l’importance du groupe de citoyens qui veulent avoir tel citoyen pour leur représentant. Il marque nettement le rapport de la puissance politique à la force numérique, rapport qui est, ici, de 1 à 2 000 : un député pour 2 000 électeurs. Et, si l’on ne craint pas de citer une fois de plus la phrase tant de fois citée de Mirabeau, que « les assemblées sont pour la nation ce qu’est une carte réduite pour son étendue physique », c’est, ici, une carte à l’échelle de un deux-millième.

Veut-on voir combien ce système s’écarte de la majorité pure et simple ? Prenez la même circonscription, avec les 20 000 votans élisant leurs dix députés au scrutin de liste ordinaire. Un seul électeur, en plus de la moitié, pourra enlever les dix sièges, un seul en moins les fera perdre ; 10 001 électeurs auront, alors, dix représentans, et 9 999 n’en auront aucun. Ou bien encore, prenez, au scrutin uninominal, la même circonscription, subdivisée en 40 collèges. Dans chacun d’eux, 1 000 électeurs, plus un, auront le député, 999 n’en auront pas, et il peut se faire que, dans tous les collèges, ces 999 électeurs annulés partagent les mêmes idées, et que, pour la circonscription en son ensemble, une minorité qui, dans le pays, est, à quelques voix près, égale à la majorité, soit totalement éliminée de la représentation nationale ; l’accident seul en décidera, agent aveugle et sourd de justice ou d’injustice.

La représentation proportionnelle, tout au rebours, demande au chiffre même de se faire un agent de justice, et de justice consciente. Et le système irait tout droit si les 20 000 électeurs consentaient toujours à se former en dix groupes de 2000. Mais il arrivera que l’un ou plusieurs des candidats réuniront plus de 2 000 voix, plus que le quotient, et que d’autres en auront sensiblement moins de 2 000, moins que le chiffre d’élection. Supposons que, sur les dix sièges, six ou sept soient tout de suite et de plein droit attribués respectivement par 3000, 2 800, 2 700, 2 500, 2 300, 2 200, 2 100 voix. Trois sièges demeurent en suspens, les candidats ayant respectivement 1 000, 800 et 600 voix. Les sept premiers élus dépassent de 1000, de 800, de 700, de 300, de 300, de 200 et de 400 voix le quotient électoral ; ce sont, en tout, 3 600 voix perdues, si ce ne sont pas 3600 électeurs non représentés. Que ces 3 600 voix perdues ou en surcroît s’ajoutent aux 2400 voix trop faibles et inefficaces des trois candidats malheureux, qu’elles se répartissent sur eux, qu’ils se les repassent ou qu’on les leur repasse de l’un à l’autre ; et, à en croire du moins Thomas Hare et Andræ, les dix sièges seront pourvus, et le quotient sera respecté, et tous les votans seront représentés, et tous le seront proportionnellement, et ce sera de bonne arithmétique ; en fin de compte, de bonne politique.

C’est ainsi, et pour cette raison, que ce qu’on appelle le système du quotient entraîne ce que l’on appelle la liste de préférence. Dans cette circonscription, où il y a à élire dix députés, chaque électeur ne peut voter que pour un candidat, mais, afin que son bulletin conserve toute son efficacité, il faut que sa voix puisse éventuellement se reporter d’un candidat qui n’en a plus besoin sur un candidat qui, faute d’elle, est menacé de rester en détresse, ou généralement d’un candidat préféré sur un candidat agréé. C’est le vote de préférence pour tel candidat, avec vote subsidiaire pour tel autre.

De tous les candidats, c’est B que je préfère, je l’inscris donc en tête de ma liste, mais C ne me déplairait pas et je me rallierais au besoin à D ; je les inscris donc deuxième et troisième. Si ma voix arrive à « mon homme », à B, après qu’il a déjà atteint le quotient de 2000, et si, conséquemment, elle ne peut lui servir, elle sera comptée à C ; si C lui-même a déjà atteint le quotient, D en profitera ; si elle tombe à terre, elle rebondira et ne sera jamais perdue. Il est possible que, par ce procédé, ma voix ne soit pas comptée à qui j’aurais le mieux aimé qu’elle allât, mais je n’en suis pas moins sûr d’être représenté selon mon goût et même selon ma préférence, puisque c’est seulement dans le cas où le candidat que je préfère serait déjà élu que mon vote se rabattrait sur mon deuxième candidat, et seulement dans le cas où le deuxième aussi serait élu, de celui-ci sur le troisième. Mais le scrutin vient d’être clos : le dépouillement va commencer. On extrait de l’urne les bulletins et on les classe par paquets : dans un premier paquet, ceux qui ne portent qu’un nom ; dans un deuxième paquet, ceux qui portent deux noms ; dans un troisième, les bulletins à trois noms ; ainsi de suite. C’est l’ordre logique, et l’ordre des préférences est sauvegardé. Nous faut-il insister encore ? et ne sait-on pas assez maintenant en quoi consiste, sur quoi repose, ce qu’est et ce que vaut le système d’Andræ et de Thomas Hare ?

Il porte, il est assis sur ces deux points : le quotient, le chiffre d’élection : pour être élu, le candidat doit avoir un chiffre de suffrages égal au quotient de la division du nombre des votans par le nombre des sièges à pourvoir ; et la liste de préférence : tout électeur peut inscrire sur son bulletin dix noms quand il y a dix sièges à pourvoir : une voix ne compte qu’à un candidat, mais elle compte toujours à un candidat, toujours au goût de l’électeur, en ce sens que, le quotient une fois atteint par le premier de la liste, les voix de supplément profitent au second et l’aident à se faire élire à son tour ; de même, du deuxième au troisième et jusqu’au dernier de la liste.

Ce n’est pas le scrutin de liste, puisque chaque électeur ne vote valablement que pour un seul candidat, mais c’est un scrutin uninominal dans un scrutin de liste, puisqu’il y a dix sièges à attribuer et que chaque électeur peut inscrire, selon l’ordre où il désire aider à l’élection de l’un d’eux, les noms de dix candidats. Ce système admet et réclame soit la division du pays en circonscriptions dont chacune nomme plusieurs députés (et plutôt en un petit nombre de circonscriptions très vastes dont chacune doit élire un certain nombre de députés) soit la réunion du pays tout entier en une circonscription unique, dans le louable dessein de favoriser l’entrée au parlement d’hommes d’une réputation nationale qui n’auraient nulle part d’attaches plus étroites et que ce manque de racines en un coin de terre et de liens autour d’un clocher empêcheraient de réussir dans telle ou telle circonscription locale.

Que le transfert ou le report des voix d’un candidat sur l’autre ait lieu, d’ailleurs, au gré de l’électeur, comme le voulaient Andraæ et Hare, ou bien au gré du candidat, s’il avait déclaré d’avance qui il entend faire bénéficier des suffrages qu’il aurait en trop ; quel que soit celui de ces procédés de transfert des voix que l’on choisisse, le vote, dans le système du quotient et de la liste de préférence, est individuel et personnel : il est un classement, un rangement de personnes. On ne soutiendrait pas, évidemment, que les partis n’y sont pour rien ni que l’élection n’a aucune couleur politique ; mais c’est la personne qui passe devant ; le parti ne passe qu’avec la personne, et c’est du goût ou de l’estime pour les personnes que dépend surtout la représentation des partis.

Dans ce système, sur le bulletin, le parti n’est pas exprimé, il est sous-entendu ; si la représentation est proportionnelle, elle l’est par rapport aux sympathies pour les personnes, plutôt que par rapport aux partis en tant que tels. Et c’est afin de parvenir à une représentation vraiment proportionnelle des partis, sans toutefois supprimer ce qu’il doit y avoir de « personnel » dans l’élection, que l’on a imaginé un autre système, plus difficile, on ne le dissimule guère, à appliquer ou même à expliquer, et dont le nom seul a l’on ne sait quoi qui n’attire pas : le système de la concurrence des listes avec double voie simultané.


Concurrence des listes et double vote simultané.

D’abord, la concurrence des listes. Le principe en est celui-ci : chaque parti peut présenter une liste de candidats ; chaque liste a autant d’élus qu’elle atteint de fois le quotient. Les listes doivent être déposées dans un délai donné avant le jour de l’élection. Elles portent, chacune, un nombre de candidats égal ou inférieur au nombre de sièges en jeu. Le scrutin clos, on commence par procéder ainsi que dans le système de Thomas Hare : on cherche le quotient, le mètre électoral, en divisant le chiffre total des votans par le chiffre des sièges. Soient 100 000 votans et dix sièges : le quotient de 100 000 divisé par dix est de 10000. Cela fait, il faut déterminer combien de sièges reviennent à chaque liste. On divise alors le nombre total de voix que chacune d’elles a obtenues par le quotient ou chiffre d’élection. Deuxième opération. Soient quatre listes ayant l’une 40 000. l’autre 30 000, l’autre 20 000, l’autre 10 000. Elles devront avoir l’une quatre sièges, l’autre trois, l’autre deux et la dernière un siège.

Ensuite, le double vote simultané. La proportion est, de la sorte, réglée entre les listes, dont chacune a sa part. Il s’agit maintenant de décider à quels candidats de chaque liste seront nominativement attribués les sièges qui reviennent au parti. Dans le système d’Andræ et de Hare, l’ordre des noms sur la liste faisait tout : était élu quiconque atteignait le quotient, le premier élu étant le candidat qui figurait seul ou le premier sur le plus grand nombre de bulletins. Dans le système de la concurrence, pour la répartition des sièges entre les candidats de chaque liste, l’ordre d’inscription ne fait rien : sont élus ceux qui, sur chaque liste, ont recueilli le plus grand nombre de suffrages : les quatre candidats qui ont obtenu le plus de voix, si le parti a droit à quatre sièges ; celui qui a obtenu le plus de voix si le parti n’a droit qu’à un siège seulement.

Dans ce système, donc, l’électeur, en votant, vote, à la fois et d’un coup, pour une liste à qui sa voix sera comptée quand on répartira les sièges entre les listes, et pour un, deux ou plusieurs candidats, à qui sa voix sera comptée quand on répartira les sièges entre les candidats portés sur chaque liste. Il exprime en même temps et ses préférences de parti, puisqu’il donne sa voix à telle liste, et ses préférences personnelles, puisqu’il donne sa voix à tels et tels candidats de la liste, sans être forcé de la donner à tous ; puisqu’il peut même, comme disent les Belges et les Genevois, panacher, ou voter pour un ou plusieurs candidats qui ne sont pas de sa liste, ou qui ne sont d’aucune liste, sans craindre de nuire à son parti dans la répartition des sièges, le vote de parti étant, quoique simultané, distinct, en ce procédé, du vote personnel. C’est, à la fois et d’un coup, le vote de parti et le vote personnel : c’est « le double vote simultané » dans « la concurrence des listes ».


4o Diviseur commun. Chiffre répartiteur.

Mais il est possible et il est fréquent que la somme des voix obtenues ne soit pas exactement divisible par le quotient ou chiffre d’élection, qu’il y ait un excédent et qu’un ou plusieurs sièges demeurent non pourvus. À qui et comment les donner ? Au bénéfice de l’âge ? au sort ? au parti le plus favorisé ? au parti le moins favorisé ? à la liste qui a le plus fort total ? à celle qui a le plus fort reste ? Ce sont là des expédiens qui s’éloignent fort de la justice et de la vérité rêvées ; qui font, au dernier pas, retomber dans le relatif, dans le contingent, dans l’empirisme, dans l’arbitraire que l’on fuyait, et dont certains ne constituent guère moins qu’une contradiction avec le principe même de la représentation proportionnelle. Il doit donc y avoir une vérité plus vraie, une justice plus juste, un procédé plus mathématique que le procédé du quotient, qui permette ou de faire disparaître l’excédent ou de l’abaisser au minimum. Oui, a répondu M. d’Hondt, un professeur de l’université de Gand, il existe, en effet, ce procédé plus mathématique : au lieu du simple quotient, cherchons le commun diviseur.

Et il a cherché le commun diviseur. Soit, disait-il, une élection pour trois députés avec trois listes qui recueillent l’une 1550 l’autre 750, la troisième 700 voix (en tout 3 000). Si l’on s’en tient au système du quotient, la première liste n’aura qu’un député, parce que le quotient 1 000 n’est contenu qu’une fois dans 1 550, et chacune des deux autres en aura un, parce que 750 et 700, bien qu’inférieurs au quotient 1000, sont supérieurs à 550, fraction qui reste à la première liste. Vainement elle aura réuni un nombre de voix plus que double ; il ne lui servira de rien ; en fait, son représentant sera élu, avec 1550 voix, mais les députés de la deuxième et de la troisième liste le seront, eux aussi, l’un par 750, l’autre par 700 voix. 1 000 n’est donc plus que le quotient théorique : le quotient réel et effectif est seulement de 750 pour le deuxième siège et de 700 pour le troisième.

Eh bien, au lieu de ces mesures diverses, de ce chiffre d’élection trop élastique, de ce mètre électoral qui s’allonge et se raccourcit, ce qu’il faut trouver, c’est une commune mesure, un chiffre répartiteur invariable, un mètre électoral fixe comme le mètre de longueur, et qui soit le même pour toutes les listes et tous les sièges, pour tous les candidats et tous les partis. Encore plus, toujours plus de vérité et de justice ! encore et toujours plus d’arithmétique ! Ce mètre électoral d’un inaltérable métal, cette mesure unique et égale pour tous, on les déterminera en divisant le nombre de voix qu’ont respectivement obtenu les différentes listes par 1, 2, 3, 4 et ainsi de suite ; en comparant les quotiens donnés et en les rangeant selon l’ordre de leur importance. Le quotient qui occupe le rang correspondant au nombre des sièges est le chiffre diviseur ou répartiteur.

Reprenons nos trois listes de 1550, 750 et 700 voix. Les quotiens seront :

en divisant par 1 = 1 550, 750, 700 ;
en divisant par 2 = 775, 375, 350.

Il y a trois sièges à pourvoir : les quotiens rangés selon l’ordre de leur importance, 1550, 775, 750, c’est le troisième ou 750, qui sera le chiffre répartiteur ; 750 est contenu deux fois dans 1550 : la première liste aura donc deux représentans ; une fois dans 750 : le deuxième parti aura le troisième siège ; quant à la troisième liste, qui n’atteint pas le chiffre répartiteur, elle sera exclue de la répartition. De même pour cinq sièges, sept sièges, dix sièges, etc.

Trouver le diviseur commun et s’en servir comme de chiffre répartiteur, tel est le fond du système de M. d’Hondt, le plus parfait ou le plus voisin de la perfection mathématique de tous les systèmes connus de représentation proportionnelle, — et l’on sait si nous en manquons ! et si, depuis un demi-siècle qu’il en fut question pour la première fois, la naturelle curiosité de l’esprit humain s’y est donné libre carrière, toute fantaisie débridée, en prenant à son aise, avec ce grand problème de la politique, ni plus ni moins qu’avec de petits jeux de société !

Tous ces systèmes de représentation proportionnelle, nous les avons ramenés à trois : 1° système d’And ne et de Thomas Hare, quotient et liste de préférence ; 2° système de la concurrence des listes et double vote simultané ; 3° enfin, système de M. d’Hondt, diviseur commun. Mais, à vrai dire, ce ne sont pas des systèmes, ce sont des catégories ou des types de systèmes. Chacun d’eux a ses variantes, comme une planète, ses satellites. Et nous n’avons même pas mentionné Condorcet et « la simple pluralité » avec ou sans minimum, ni Borda et le système du vote gradué ou des suffrages décroissais, ni l’amendement que voulaient y apporter les Francfortois Burnitz et Warentropp, ni la liste unique avec quotient unique d’Emile de Girardin, ni la liste unique avec quotient unique et report des voix de M. Campagnole, ni M. S. de la Chapelle et le système de la liste fractionnaire, ni M. Pernolet et le quotient d’élimination, ni tant d’autres, et encore tant d’autres ! La représentation proportionnelle a ce malheur qu’on ne peut traiter d’elle et être clair sans renoncer à être complet, ni traiter d’elle et être complet sans cesser d’être clair. Ah non ! ce ne sont pas les systèmes qui manquent ! loin de là ; il y en a trop, pour qu’il y en ait un bon ! Et l’on dirait que leurs auteurs ont pris plaisir à se réfuter mutuellement !

Tel proportionnaliste convaincu, membre actif d’une société de propagande, rejette la liste unique, repousse la liste fractionnaire, écarte la liste de préférence, n’est qu’à demi satisfait du quotient avec transfert des voix, préférerait le chiffre répartiteur, mais en y adjoignant un quotient d’élimination, en les mêlant ensemble et en amendant la mixture. Le plus parfait de ces systèmes, on ne craint pas de le répéter, ou le plus voisin de la perfection mathématique, celui de M. d’Hondt, celui-là même ne trouve pas grâce, non pas devant les adversaires, mais devant les amis zélés de la représentation proportionnelle. Il est en butte aux attaques ou aux critiques : et de ceux qui le proclament « savant », mais démontrent qu’il n’est point, pour cela, infaillible ; et de ceux qui, lui reprochant d’exiger tant de divisions successives, tant de quotiens alignés par rang de taille, le jugent plus savant qu’il ne conviendrait : — « Pourquoi courir après le diviseur commun lorsqu’il suffit d’une règle de trois ? » — et de ceux, enfin, qui ne le jugent pas assez savant et travaillent à le rendre plus arithmétique, plus géométrique et plus algébrique encore ! Mais, savant, trop savant, ou pas assez savant, quotient ou chiffre répartiteur, commun diviseur ou règle de trois, ce sont bien des affaires pour le suffrage universel !

Et c’est très vraisemblablement parce que ce sont trop d’affaires pour lui, que la représentation proportionnelle n’a pas, malgré tout ce qu’on voudra prétendre, poussé, après cinquante ans de prédication et de discussion, de plus profondes racines dans le champ, si souvent retourné, de la législation électorale.

On nous cite victorieusement les school-boards d’Angleterre, le Danemark, le Portugal, l’Espagne, quelques cantons suisses, certains Etals de l’Union américaine, Buenos-Ayres et le Brésil. Mais l’élection aux school-boards est-elle donc une élection politique ? En Danemark, la représentation proportionnelle s’applique bien aux élections politiques, mais, sans donner d’autres raisons, tirées de la nature et de la position réciproque des partis, le système d’Andræ n’y est en vigueur que pour la nomination des membres de la Chambre haute par des électeurs du second degré dont la moitié est elle-même élue par des électeurs censitaires. En Portugal, l’expérience du vote limité s’est bornée, pour la seconde Chambre, à 21 collèges électoraux sur 100 ; en Espagne, y compris Cuba et Puerto-Rico, 369 collèges élisent 445 députés, c’est-à-dire que le vote limité ne fonctionne que dans un petit nombre de circonscriptions. Les cantons suisses sont placés dans des conditions toutes spéciales et ne sauraient prêter argument pour des pays qui ne sont pas la Suisse, puisque les élections politiques elles-mêmes y ont toujours quelque chose de local et presque de communal.

Dans les États ou territoires de l’Union américaine, Pensylvanie, New-York, Illinois, Californie, Virginie occidentale, Utah, Missouri, quoique l’on ait admis, pour les élections politiques, ici le vote limité et là le vote cumulatif, on les a pratiqués surtout ou pour des élections municipales ou pour la formation de bureaux électoraux, ou pour l’élection des juges, ou pour celle des conseils d’assistance publique, ou pour celle des conseils des sociétés par actions. — Buonos-Ayres ! ajoute-t-on, et le Brésil ! Mais le Brésil réaliserait-il l’idéal de la paix et de la stabilité dans le régime représentatif ? et doit-on offrir Buenos-Ayres en modèle à toutes les républiques parlementaires ?

Puis, que cite-t-on encore ? L’île de Malte ! le cap de Bonne-Espérance ! la Nouvelle-Galles du Sud ! Mais on ne cite pas un exemple topique et décisif d’un grand État européen. En revanche, on citerait l’exemple topique en sens contraire de deux grands États, au moins, qui ayant fait l’essai, aux élections politiques, du vote limité, bâtard de la représentation proportionnelle, l’ont abandonné assez vite, ou ne l’ont gardé, l’un, l’Angleterre, que pour l’élection administrative des conseils d’école, l’autre, l’Italie, que pour les élections municipales.

D’où vient cette froideur envers la représentation proportionnelle ? Si c’est la vérité et la justice, d’où vient que les hommes et les peuples, dont on a dit qu’ils ont soif de justice, d’où vient qu’ils ne courent pas, qu’ils ne se ruent pas de leur puissant élan vers elle ? C’est, sans nul doute, qu’on ne lui a pas su donner une expression frappante, saisissante ou tout bonnement intelligible pour les masses que l’Etat moderne met en action et qui, à leur tour, l’actionnent.

Que voulez-vous que dise à la moyenne des électeurs le système de « la concurrence des listes avec double vote simultané » ? Et le diviseur commun, à des gens qui ne comptent que péniblement sur leurs doigts et parmi lesquels il en est et il en sera longtemps encore beaucoup qui ne savent ni lire ni écrire ? C’est pour eux comme un grand cliquetis de mots inconnus dans une épaisse nuit : ils n’y voient et n’y entendent goutte ! Ce sont pour eux termes de sorcellerie et lettres aussi hermétiques que les cinq syllabes d’abracadabra ! — Mais, réplique-t-on, il n’est pas nécessaire que les électeurs comprennent : aux électeurs on ne demandera rien de plus ou peu de chose de plus qu’à présent ; et des scrutateurs seuls on attend davantage, peu de chose aussi : une règle de trois ou quelques pauvres divisions ! Mais où prend-on les scrutateurs, si ce n’est entre les électeurs ? et songe-t-on à recruter un corps de scrutateurs professionnels ?

On rédigera, comme on l’a déjà fait, un catéchisme « de la vraie représentation » en soixante et une questions et réponses. Mais ceux qui l’auront rédigé seront les seuls à l’avoir lu et, en tout cas, à l’avoir appris. Est-ce donc un adversaire, ou n’est-ce pas encore un ami et même un apôtre de la représentation proportionnelle qui s’écriait ironiquement : « Je voudrais voir l’effet sur nos paysans de la formule de M. d’Hondt ! » Et il avait raison ; mais il ferait beau voir l’effet de sa formule, à lui, et de toutes les autres, on ne dit pas sur des paysans, mais sur des électeurs plus instruits que les paysans, et justement sur cette classe d’électeurs où d’habitude sont pris les scrutateurs, à la campagne du reste, ou dans les villes !

Trop de systèmes et pas un bon ; trop de formules et pas une brève, nette, incisive et impérative ; des théorèmes, des démonstrations, des divisions de divisions, et comme de l’extrait concentré, de la quintessence d’arithmétique. Justice et vérité se perdent sous cette enveloppe de mystère. Mais supposez un coup de lumière ; supposez éclairci ce qui ne l’est pas, découvert le système qu’on cherche et trouvée la formule que l’on réclame ; supposez que ce qui nous semble, pour l’instant, impossible soit devenu possible et même facile ; que la représentation proportionnelle s’explique et s’applique aisément — toutes les objections qui se dressent contre elle n’en seront pas ruinées ; il n’y aura de détruite que la première, celle qui se l’onde sur la diversité des systèmes et l’obscurité des formules ; — et c’est, à notre avis, la moins forte de toutes.


III. — LA REPRÉSENTATION PROPORTIONNELLE DANS SES EFFETS

Supposez donc que la représentation proportionnelle est établie et qu’elle fonctionne à souhait. Les électeurs émettent en pleine conscience de leurs droits un double vote simultané ; les scrutateurs se font un jeu de déterminer le diviseur commun. Ou bien, pour ne pas hasarder une hypothèse aussi hardie et ne pas croire trop légèrement à un progrès qui tiendrait du miracle, contentons-nous d’admettre que les citoyens les plus teintés de mathématiques se dévouent à ces calculs électoraux ; que les autres adoptent par routine le double vote simultané, comme ils avaient, par routine, adopté le vote pur et simple ; et qu’ainsi, tous faisant à peu près ce qu’il faut, la représentation proportionnelle marche du mieux que puissent aller les institutions politiques : à peu près bien. Ce ne sera pas assez qu’elle fonctionne pour qu’on la juge, car on ne juge pas une machine rien que sur la régularité de sa marche, mais aussi et principalement sur la qualité de son travail — laquelle se voit au produit. Cette machine perfectionnée de la représentation proportionnelle pourra marcher, on l’accorde ; mais comme travail, comme produit, que rendra-t-elle ?

Ceux qui l’ont construite et montée nous promettent plusieurs avantages, dont le plus général et le plus précieux serait plus de justice et de vérité dans le régime représentatif ; plus de sincérité, de bonne foi et de bon sens encore. On ne verrait plus, nous affirment-ils, de ces alliances qui confondent la raison, de ces coalitions immorales où les extrêmes se touchent et où les contraires se marient, pressés par la nécessité de former, à tout prix, une majorité, puisque la majorité seule existe et qu’être en minorité d’une voix, c’est ne pas être. Avec la représentation proportionnelle, les minorités existeraient ; être en minorité d’une voix n’empêcherait pourtant pas d’être et chaque minorité, pouvant rester elle-même, ne s’irait point noyer dans une minorité plus importante, mais opposée et en quelques points ennemie, pour former avec elle une majorité hybride, sans cohésion et sans dignité. Le système actuel de la majorité brutale coûte aux minorités ou l’honneur ou la vie ; la représentation proportionnelle leur laisserait la vie et l’honneur. Ainsi parlent les partisans du système nouveau, et en cela déjà ils exagèrent peut-être non la gravité de notre mal, mais le mérite de leur remède. Que ces coalitions paradoxales, avec la représentation proportionnelle, soient moins nécessaires, et, partant, qu’elles soient plus rares, on ne songe pas à le contester. Mais qu’elles disparaissent tout à fait, ne serait-ce pas espérer au-delà des espérances permises, puisque les minorités, pour être représentées, doivent atteindre un certain chiffre et que, pour atteindre ce chiffre, il faut à quelques-unes d’entre elles s’entendre, transiger et fusionner ensemble ?

De même pour la seconde promesse des partisans de la représentation proportionnelle. Ils nous disent qu’une fois leur système accepté, comme tous les électeurs ou presque tous, tous ceux qui appartiennent à un parti classé, seraient, à tout événement, sûrs d’être représentés, il n’y aurait plus d’excuse aux abstentions et que, partant, le nombre en diminuerait naturellement. Cela encore peut être regardé comme possible dans une certaine mesure, en tant, précisément, que la complication de la formule n’effraierait pas les électeurs et ne se changerait pas elle-même en une cause d’abstention.

En outre, — et c’est la troisième promesse de la représentation proportionnelle — parce que, dans le système grossier et oppressif de la majorité, ce sont les plus calmes, les plus réfléchis qui s’abstiennent et parce que, dans le système qui lui serait substitué, ils n’auraient plus de motifs de s’abstenir, la politique y prendrait des allures modérées et le courant s’en rectifierait ; elle ne connaîtrait plus ni bouleversemens, ni reviremens subits, ni affolemens de boussole, ni brusques changemens de route.

Voilà ce que nous promettent les amis de la représentation proportionnelle et peut-être s’avancent-ils un peu trop ; peut-être, encore une fois, en faut-il rabattre. Ce serait une vérité et une justice plus grandes qu’aujourd’hui ; mais ce ne serait que plus de vérité et plus de justice, non pas toute la justice et toute la vérité, puisque pour une voix de moins que le quotient, des fractions considérables d’électeurs pourraient n’être pas représentées. Et, quand même tous ces avantages : moins de coalitions, moins d’abstentions, moins de surprises et comme d’explosions dans la politique, la représentation proportionnelle nous les assurerait tout entiers, il y aurait des vices ou des infirmités du système actuel qu’elle ne guérirait pas et d’autres qu’elle empirerait.

Elle ne supprimerait ni ne diminuerait la corruption électorale ; elle ne mettrait pas obstacle, par elle-même, aux ingérences abusives de l’administration ; elle ne purifierait pas les élections, n’en expulserait pas ou n’y neutraliserait pas ces élémens de perturbation qui les faussent. Si le système adopté était celui de la concurrence des listes, à cause de la rigoureuse discipline que les partis devraient observer et de l’obligation de déposer à l’avance une liste officielle de candidats, elle accroîtrait la puissance des comités : les politiciens demeureraient nos rois. Et, par-dessus le reste, que d’occasions d’erreurs, si ce n’était de fraude, en cette interminable série d’opérations !

Au résumé, deux des inconvéniens du système actuel, la corruption mutuelle de l’électeur par l’élu et de l’élu par l’électeur, d’une part, et, d’autre part, la pression administrative, la représentation proportionnelle ne nous en délivrerait pas ; mais par contre, elle nous livrerait, plus encore que nous ne le sommes, au caprice des comités, leur donnât-on une forme ou une apparence légale, et elle ouvrirait à l’erreur, à la fraude, autant d’accès qu’elle comporterait de calculs et de manutentions de bulletins.

Toutefois, ce ne sont encore, contre la représentation proportionnelle, que des argumens médiocres. Elle ne nous délivrerait pas des maux qui, depuis l’origine, s’attachent au suffrage universel : mais, cette incapacité, est-ce exclusivement la sienne, et qui ? et quel système nous en délivrera ? Faites la balance de ses avantages probables et de ses inconvéniens probables : et vous pourrez trouver que, jusqu’ici, il y a compensation. Mais seulement jusqu’ici, car il y a, contre la représentation proportionnelle, telle que la présentent ses adeptes, des argumens de grand poids, suivant nous, et qui paraissent décisifs. Je dis : telle qu’ils nous la présentent. Leur construction, en effet, est patiemment édifiée-et, au-dessus de terre, bien jointe et de lignes harmonieuses. Mais le point faible est en terre, dans les substructions.

Ces architectes politiques ont le défaut de tous les architectes : ils oublient des choses essentielles, et au moins trois choses. L’une, comme on l’indiquait en posant la question, c’est que la première qualité d’un régime, quel qu’il soit, est de permettre au gouvernement de gouverner. Dans le régime parlementaire, déjà, la tâche n’est pas si commode ! Mais combien moins elle le serait, si, ce régime restant ce qu’il est, on décidait d’y introduire la représentation proportionnelle ! Les Chambres actuelles usent bien des mois et bien des ministères à dégager d’elles-mêmes une majorité, et quand elles y sont parvenues, un tour de main suffit à tout démolir. Et pourtant, actuellement, pour chaque siège attribué, il y a une ou plusieurs minorités non représentées, et absentes des Chambres.

Que serait-ce, lorsque, toutes les minorités ayant, dans les Chambres, des représentans, les unes plus et les autres moins, il n’y aurait plus, en dernière analyse, que des minorités juxtaposées, la plus nombreuse ne l’emportant pas assez pour former même le noyau solide ou le pivot résistant d’une majorité ! Le gouvernement s’épuiserait à pétrir et à malaxer ces pâtes molles, que mineraient et désagrégeraient toujours des fermens de dissociation. Que se vante-t-on d’avoir empêché les coalitions immorales ! On n’aurait fait que de les déplacer. Ce ne seraient plus les partis qui les négocieraient et les noueraient entre groupes électoraux, mais ce serait le gouvernement, entre groupes parlementaires ; — disons-le, ce serait le gouvernement qui se ferait le grand maquignon, l’agent commissionné de l’immoralité politique.

Et non seulement il ferait cela, mais il n’aurait ni le temps ni le pouvoir de faire autre chose. Il serait à jamais condamné à ce stérile effort de l’art pour l’art : faire une majorité pour la faire, mais non pour s’en servir ; puisque, dès qu’il voudrait s’en servir, il la déferait. Si peu accusées, si peu stables, si mal ébauchées et si chancelantes que soient dans le Parlement les majorités actuelles, quand il s’en rencontre, elles sont fermes de matière et de dessin comme un marbre de Michel-Ange, à côté de celles qu’on extrairait, si l’on pouvait les en extraire, des multiples minorités dont se composeraient les Chambres avec la représentation proportionnelle. Dieu nous garde, s’il n’est pire tyrannie que l’anarchie, de verser, de la tyrannie de la majorité, dans l’anarchie des minorités ! Là est le péril, et c’est ce qui fait que, sauf peut-être une ou deux exceptions, la représentation proportionnelle n’a fait aucune recrue parmi les hommes d’État contemporains, parmi ceux qui, au gouvernement, ont, plus que le souci de se maintenir, l’ambition de diriger.

Oserait-on répondre qu’il n’importe, et que tout est bien, si toutes les minorités sont représentées et le sont en proportion de leur force numérique ? Ce serait se tromper étrangement sur ce qu’est dans l’Etat moderne le régime représentatif. Il n’est pas seulement le régime représentatif, mais le régime parlementaire. Il n’a pas pour fin unique la représentation, et même ce n’est pas tout son objet, ou ce ne sont pas ses seuls objets que la représentation et la législation. Le régime parlementaire a dans l’Etat moderne une triple fin : la représentation, la législation et le gouvernement. Ne retenir que la représentation, c’est oublier la seconde des choses qu’oublient les partisans de la représentation proportionnelle, à savoir que l’Etat n’est pas fait uniquement pour les individus.

Dire que tout sera bien dans ce régime lorsque tous les partis y seront proportionnellement représentés, c’est ne considérer l’Etat que du point de vue de l’individu. C’est une conception incomplète et en quelque sorte unilatérale. Pour que ce fût assez que le régime donnât une meilleure représentation, il faudrait que les attributions des Chambres fussent de beaucoup réduites, qu’elles ne fussent plus ou fussent peu législatives et que l’on prît en dehors d’elles le point d’appui, la base du gouvernement. S’il en était ainsi, l’idéal pourrait être dès lors une représentation mathématiquement juste.

Et néanmoins, même s’il en était ainsi, la représentation proportionnelle, telle qu’on nous la présente, satisferait-elle à cet idéal ? Qu’est-elle donc ? Il faut lui restituer son titre tout au long. Elle est, et elle n’est que la représentation proportionnelle des opinions. Des opinions, c’est-à-dire de ce qu’il y a de plus mobile, de plus fuyant, de plus insaisissable, de plus irréductible à un petit nombre de catégories, de ce qui peut le moins être fixé, inventorié, coté et classé. La représentation proportionnelle des opinions ! Mais s’imagine-t-on, en vérité, que tous les citoyens aient une opinion ? Croire que tout le monde a, en politique, une opinion arrêtée et immuable, une règle de conduite politique dont nulle circonstance ni nulle aventure ne le fait départir, n’est-ce pas une idée de politicien ?

Ces milliers et ces milliers de citoyens qui n’ont pas d’opinion, ou qui changent d’opinion, qui tantôt votent blanc, tantôt votent noir et tantôt ne votent point, qui émigrent d’un parti dans l’autre ; ceux qui forment cet élément neutre qui est l’immense majorité de toute nation, la représentation proportionnelle les néglige délibérément, mais ils s’en vengent en la rendant impraticable. Par eux les suffrages s’éparpilleraient et les opinions crouleraient de toutes parts, s’échapperaient des quelques cadres où l’on aurait la prétention de les contenir. Mais enfin, soit ; on enfermerait toutes les opinions, et même toutes les fantaisies en ces quelques cadres ; on donnerait de la représentation une formule mathématique ; est-ce que dans ces cadres et dans cette formule on aurait enfermé la vie ?

Nous ne disons pas encore la vie nationale, la nation vivante, mais la vie de chacun de nous, l’individu vivant. L’opinion politique, est-ce tout l’homme ? Non, certes, lorsque l’on aurait enfermé toutes les opinions dans ces formules mathématiques, on n’y aurait pas enfermé tout l’homme et toute la vie. C’est la troisième chose oubliée par les amis de la représentation proportionnelle. Le régime qu’ils nous offrent ne refléterait qu’une face, ne serait représentatif que par rapport à une partie de la vie et de l’homme. Ces formules mathématiques n’embrasseraient et n’épouseraient jamais toutes les formes vivantes. Numériques ou mathématiques, elles ne seraient pas organiques ; elles ne seraient que numériquement proportionnelles et ne le seraient pas organiquement. Et, à tout prendre, si ce n’est pas un abus de langage, d’employer dans ce sens le verbe « organiser », ce qu’organiserait la représentation proportionnelle ainsi entendue, ce n’est pas le corps électoral ; ce n’est pas le suffrage universel : ce n’est que le dépouillement du scrutin. Elle ne ferait pas des groupes d’hommes et des groupemens de forces ; elle ne ferait que des paquets de bulletins.

Or, ce qu’il faut organiser, et, cette fois, dans la plénitude du sens, c’est le corps électoral lui-même, c’est le suffrage universel en soi. Il faut l’organiser pour le bien de l’individu et poulie bien de l’État, en vue de cette triple fin : la représentation, la législation, le gouvernement ; de manière que le gouvernement soit le plus stable, la législation la plus éclairée, la représentation la plus fidèle qu’il est possible — fidèle et compréhensive : qu’elle enferme le plus possible de l’homme et de la vie, qu’elle soit proportionnelle non seulement aux opinions qui ne sont de nous qu’une minime partie, mais à tout ce qui est, en nous, humanité, vie et force sociale.

Généralement, à la représentation proportionnelle des opinions, c’est la représentation des intérêts que l’on oppose ou que l’on préfère ; et il n’est pas niable que l’intérêt soit plus tangible, moins versatile, plus saisissable que l’opinion, et que l’intérêt meuve bien des hommes que l’opinion n’émeut pas. Mais ce n’est encore qu’une partie de nous-mêmes ; un régime représentatif fondé exclusivement sur l’opinion serait exclusivement politique ; exclusivement fondé sur l’intérêt, il serait exclusivement économique, tandis que la représentation, dans l’État moderne, doit être tout ensemble politique et économique ; d’où il suit que, s’il se peut, elle doit être fondée tout ensemble sur l’opinion et l’intérêt, être proportionnelle tout ensemble aux opinions et aux intérêts, et, ainsi, contenir davantage de l’homme, de la vie, de la nation et de la société.

Et généralement aussi, l’on distingue deux phases dans l’histoire du régime représentatif : l’ancienne, presque partout entrée dans le passé, où c’était le groupe qui était représenté, comme les comtés et les bourgs d’Angleterre, ou les villes de l’Empire, ou les États chez nous ; l’autre, nous y sommes à présent, où, comme en France, depuis la Révolution, c’est l’individu, qui est représenté, lui seul, abstrait de tout ce qui l’entoure et jeté, en quelque sorte, hors de sa propre vie. Mais ne peut-on pas concevoir une troisième phrase, définitive ou plus durable, où l’individu compterait et où le groupe compterait, où serait représenté l’individu dans le groupe ? Et, si l’on peut concevoir un pareil régime, est-il impossible de le réaliser ?

Nous ne croyons ni que ce soit impossible ni que ce soit au-dessus de ce que l’on peut raisonnablement entreprendre, et dès aujourd’hui pour demain. Nous savons ce qu’il faut chercher et où il faut chercher : la vie dans la vie et l’organisation du suffrage dans la nation organisée. Lorsque la représentation nationale reproduira la vie de la nation et les différens facteurs de cette vie proportionnellement à ce qu’ils y sont et à ce qu’ils y font, — elle sera vérité et justice — non point peut-être vérité jet justice mathématiques, vérité absolue et absolue justice, mais vérité et justice politiques — et d’une institution politique, il serait décevant d’attendre de l’absolu. Comment donc la représentation nationale peut être moulée et modelée sur la vie nationale, c’est ce que nous allons maintenant essayer de montrer.

Ici est close la première partie de ces études, partie critique et négative. Passant en revue l’un après l’autre expédiens, combinaisons et systèmes, nous espérons avoir fait voir qu’aucune de ces prétendues solutions n’était la vraie solution, si l’on s’y tenait étroitement et si d’abord on ne la vivifiait point par un principe. Mais ce principe, nous espérons aussi l’avoir fait au moins entrevoir : il ne s’agit plus que d’en suivre le développement pratique, étant observé que, chemin faisant, on ne s’interdit pas de reprendre en tel ou tel des expédiens, des combinaisons ou des systèmes, improductifs sans ce germe de vie, ce qu’avec lui on en pourrait féconder et utiliser.

Notre première conclusion est celle-ci : il n’y a, à la crise de l’Etat moderne, d’autre solution que de substituer au suffrage universel inorganique le suffrage universel organisé. Et la question est désormais : d’après quoi, pratiquement et légalement, sera organisé le suffrage universel à substituer au suffrage inorganique ? D’après quoi, et sur quoi organiser le suffrage universel — afin que, si la démocratie est une mer montante, comme le disent ses poètes lyriques (car elle en a) ce soit une mer qui n’ait que des marées et qui n’ait pas ou n’ait que peu de tempêtes ? — afin que, si, comme nous le disons, la nation est un être vivant, que la représentation doit reproduire en abrégé, les élections, loin de tout secouer et ébranler en de fiévreux accès, ne soient, à intervalles égaux, que comme le souffle paisible et sain, comme la respiration normale du pays ?


CHARLES BENOIST.

  1. Voyez la Revue des 1er juillet, 15 août et 13 octobre.